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26/01/2023 | FRANCE | N°22/12314

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 26 janvier 2023, 22/12314


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 26 JANVIER 2023



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12314 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCGH



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Juin 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/53195





APPELANTE



Mme [M] [T] [K]



[Adresse 2]

[Localité 1] - BELGIQ

UE



Représentée et assistée par Me Raphaëlle TARDIF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2610







INTIMEE



S.C.I. TOURVILLE RCS de PARIS n°851458612, prise en la personne de ses repré...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 26 JANVIER 2023

(n° , 7 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12314 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCGH

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Juin 2022 -Président du TJ de PARIS - RG n° 22/53195

APPELANTE

Mme [M] [T] [K]

[Adresse 2]

[Localité 1] - BELGIQUE

Représentée et assistée par Me Raphaëlle TARDIF, avocat au barreau de PARIS, toque : C2610

INTIMEE

S.C.I. TOURVILLE RCS de PARIS n°851458612, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Antoine BEAUQUIER de l'ASSOCIATION BOKEN, avocat au barreau de PARIS, toque : R191

Assistée à l'audience par Me Emanuel DE DINECHIN, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Décembre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Mme [T] [K] est propriétaire du lot n° 20 au sein de l'immeuble situé [Adresse 3] à [Localité 4], comprenant une chambre n°10 située au 6ème étage.

La société Tourville est propriétaire des lots n° 24 et 60 au sein du même immeuble, comprenant un appartement situé au 5ème étage et deux chambres n°9 et 11, situées au 6ème étage, de part et d'autre de la chambre n°10 de Mme [T] [K].

Soutenant que sa chambre n° 10 a été annexée par le propriétaire des chambres n° 9 et 11, par acte du 23 mars 2022 Mme [T] [K] a assigné la société Tourville devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :

' condamner la défenderesse à lui communiquer les devis, factures des travaux réalisés par ses soins dans les chambres de service n°9 et 11 depuis l'été 2019 et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

' la condamner à procéder aux travaux de remise en état de la chambre n°10, et plus précisément à procéder à la dépose du mur réduisant sa chambre de service à un cagibi, à la reconstruction des murs séparatifs entre les chambres 9,10 et 11 et à la peinture de la chambre 10, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir, l'astreinte devant être liquidée par le juge des référés ;

' condamner la défenderesse à lui verser la somme de 45.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, le coût du constat d'huissier réalisé le 26 janvier 2021 en sus, soit 380 euros ;

' la condamner au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' juger que les frais d'exécution forcée seront à la charge exclusive de la société Tourville ;

A titre subsidiaire :

' condamner la défenderesse à lui communiquer les devis, factures des travaux réalisés par ses soins dans les chambres de services n°9 et 1 1 depuis l'été 2019 et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

' surseoir à statuer sur le surplus des demandes et avant dire droit :

' ordonner, si besoin avec le concours de la force publique, la constatation par huissier de justice de l'état des chambres 9, 10, et 11, les décrire, les mesurer, décrire leur accès et dire si des travaux ont été réalisés et si possible les dater ;

' renvoyer cette affaire à une prochaine audience.

Par ordonnance contradictoire du 15 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes, condamné Mme [T] [K] à verser à la société Tourville la somme de 1.500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens de l'instance.

Par déclaration du 30 juin 2022, Mme [T] [K] a relevé appel de cette décision.

Par dernières conclusions remises et notifiées le 28 novembre 2022, elle demande à la cour, au visa des 834 et suivants du code de procédure civile, 144 et suivants du code de procédure civile, 544 et suivants du code civil, de :

- la juger recevable et bien fondée ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur l'ensemble des demandes présentées par Mme [T] [K] et l'en a déboutée, et en ce qu'elle a condamné celle-ci au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- la confirmer pour le surplus,

Statuant à nouveau :

- condamner la société Tourville à lui communiquer les devis, factures des travaux réalisés par ses soins dans les chambres de service n°9 et 11 depuis l'été 2019 et ce sous astreinte de 500 € par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner la société Tourville à procéder aux travaux de remise en état à l'identique de la chambre de service n°10 lui appartenant dont elle sera tenue de déguerpir, à savoir, en l'état de la connaissance des travaux effectués, notamment la dépose des murs érigés dans la chambre de service n°10 au milieu et ceux jouxtant les chambres 9 et 11, et la reconstruction des murs séparatifs des chambres n°9, 10 et 11 conformément aux règles de l'art et aux limites de propriété de ces chambres de service relevées par le Cabinet Daniel Legrand en 1991, la peinture du plafond et des murs de la chambre de service n°10 et la remise en état de la fenêtre de toit conformément aux règles de l'art et ce sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé le délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- se réserver le pouvoir de statuer sur la liquidation de ces astreintes ;

- condamner la société Tourville à lui verser la somme de 45.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices, le coût des constats d'huissier réalisés les 26 janvier 2021, 23 juin 2022 et 21 novembre 2022 ainsi que des interventions du géomètre-expert en sus, soit 2.760 euros ;

- condamner la société Tourville à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance qui comprendront ceux de la première instance ainsi que ceux de l'appel ;

- rappeler que les frais d'exécution forcée seront à la charge exclusive de la société Tourville ;

A titre subsidiaire,

- condamner la société Tourville, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé un délai de 15 jours à compter de la signification de la décision à intervenir à communiquer les devis, factures des travaux réalisés par ses soins dans les chambres de services n°9, 10 et 11 ;

- désigner un expert judiciaire qu'il plaira à la cour avec pour mission de :

' se rendre sur place au [Adresse 3] [Localité 4], bâtiment sur cour au 6ème étage dans les chambres de service n°9, 10 et 11 après y avoir régulièrement convoqué les parties et leurs conseils ;

' se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utiles à l'accomplissement de sa mission, entendre les parties et leurs conseils ainsi que tout sachant si nécessaire ;

' visiter les lieux, les décrire, les mesurer, examiner les travaux qui ont été réalisés dans la chambre de service n°10 et si possible les dater et déterminer le maître d'ouvrage de ces travaux ;

' dire si les murs séparatifs des chambres n°9, 10 et 11 ont été récemment modifiés s'ils sont conformes aux règles de l'art et aux limites de propriété de ces chambres de service relevées par le Cabinet Daniel Legrand en 1991 ;

' dire si la fenêtre de toit de la chambre de service n°10 a été récemment modifiée et si les travaux ont été réalisés conformément aux règles de l'art ;

' indiquer les travaux éventuellement nécessaires à la remise en état de la chambre de service n°10 ;

' évaluer leur coût ;

' établir un pré-rapport qui sera soumis à chacune des parties en leur impartissant un délai pour présenter leurs dires et y répondre ;

' de dire que l'expert commis établira un rapport définitif, le déposera au greffe et le remettra à chacune des parties, dans les conditions prévues par les articles 263 et suivants du code de procédure civile, dans les deux mois où il aura été saisi de sa mission ;

' fixer la provision à consigner au greffe, à titre d'avance sur les honoraires de l'expert, dans le délai qui sera imparti par l'ordonnance à intervenir ;

- en tout état de cause, débouter la société Tourville de toutes ses demandes, fins et prétentions.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 28 novembre 2022, la société Tourville demande à la cour de :

- déclarer irrecevables les prétentions nouvelles de Mme [T] [K] ;

- confirmer l'ordonnance rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 15 juin 2022 sauf en ce qu'elle a rejeté sa demande reconventionnelle ;

La réformant de ce chef,

- recevoir son appel incident portant sur les dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner Mme [T] [K] à lui verser la somme de 2.500 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner Mme [T] [K] à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des référés peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En l'espèce, l'appelante se prévaut d'un trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte à son droit de propriété par l'annexion par l'intimée d'une partie de la superficie de sa chambre n°10.

Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'empiétement sur la propriété d'autrui caractérise incontestablement un trouble manifestement illicite, dès lors qu'il se trouve établi avec l'évidence requise en référé.

A titre liminaire, il doit être relevé, en réponse à la fin de non-recevoir soulevée par la société intimée, que les demandes formées en appel par Mme [T] [K] sont très similaires à celles qu'elle avait formées en première instance, la demande de remise en état ayant été simplement précisée dans sa description et la demande subsidiaire d'expertise ayant été substituée à la demande initiale d'une mesure de constatation, elle aussi formée à titre subsidiaire. Toutes ces demandes tendent aux mêmes fins : faire cesser le trouble manifestement illicite résultant de l'atteinte portée à son droit de propriété et ordonner une mesure d'instruction si la juridiction saisie s'estime insuffisamment éclairée sur les modalités de la remise en état nécessaire à la cessation du trouble. La divergence entre les demandes résulte de l'évolution du litige en ce qu'après la production de certificats de mesurage de ses deux chambre par l'intimée, l'appelante a poursuivi ses investigations en faisant réaliser un sondage destructif dans sa chambre n°10, afin de parfaire la preuve de la réalité et de l'ampleur de l'annexion qu'elle dénonce.

Les demandes formées en appel par Mme [T] [K] sont donc parfaitement recevables en application des dispositions des articles 564 à 566 du code de procédure civile.

Sur le fond du référé, Mme [T] [K] établit d'abord qu'elle est bien propriétaire de la chambre de service n°10 située au 6ème étage de l'immeuble, entre les chambres n° 9 et 11 appartenant à la société Tourville, en produisant notamment :

- son acte de propriété notarié du 18 février 2005, aux termes duquel son lot n° 20 est décrit comme comprenant une chambre au sixième étage sur cour portant le numéro 10,

- un acte notarié en date du 17 décembre 1948, aux termes duquel la chambre de service n°10 a été distraite du lot n°26 pour être rattachée au lot n°20,

- la fiche de l'immeuble établie par le service de la publicité foncière, qui confirme que la chambre de service n°10 est incluse dans le lot n°20.

Pour établir la réalité et l'ampleur de l'annexion de sa chambre n°10, Mme [T] [K] produit plusieurs éléments :

- son titre de propriété, duquel il résulte que la chambre de service n°10 a une superficie de 7,084 m² selon le mesurage effectué en octobre 2004 par la société DCML ;

- un procès-verbal de constat d'huissier réalisé le 26 janvier 2021, duquel il ressort que la chambre n°10 constitue une pièce aveugle entièrement murée d'environ 2 m² ;

- un second constat d'huissier effectué le 23 juin 2022, venant compléter le précédent, comportant des mesures précises de la chambre n°10 : 1,29 mètres pour le mur gauche, 1,88 mètres pour le mur face, 1,27 mètres pour le mur droit ;

- une analyse de surface opérée le 6 juillet 2022 par un géomètre-expert, lequel a mesuré la superficie de la chambre n°10 (2,35 m²) et a superposé le plan issu de son mesurage sur le plan de copropriété établi en janvier 1991 par la cabinet Daniel Legrand géomètre-expert, cette superposition révélant une perte de surface de près de 5 m² ;

- le témoignage très circonstancié de Mme [P], qui a résidé dans la chambre située en face de la chambre n° 9 de la société Tourville, duquel il ressort que ladite société a réalisé en 2019 des travaux importants qui se sont déroulés sur plusieurs mois, le témoin ayant notamment constaté depuis une fenêtre donnant sur la cage d'escalier "que les murs séparatifs des chambres du 6ème étage n'existent plus ; "que la chambre enclavée qu'on m'a toujours dit appartenir à Mme [K] a disparu au profit d'un seul espace" ; "Exactement, les trois pièces sont maintenant d'un seul tenant, avec un mur en retour du sol au plafond au niveau de la porte d'entrée de la chambre appartenant à Mme [K]", ce dont le témoin a déduit que Mme [K] avait vendu sa chambre au "monsieur" effectuant les travaux dans la chambre 9 ;

- un procès-verbal de constat du 21 novembre 2022 établi après qu'une ouverture ait été pratiqué à travers le mur situé face à la porte d'entrée de la chambre n°10, qui a révélé que des travaux récents avaient été réalisés derrière ce mur : des couches récentes d'enduit et de peinture ainsi qu'une plinthe sont présents, les murs situés sur les côtés à droite et à gauche sont très récents, en placoplâtre recouvert de carton ;

- les constatations opérées par un plombier intervenu pour une recherche de fuite au 5ème étage de l'immeuble, qui a constaté la présence dans la chambre 9 d'une douche à l'italienne située à droite de l'entrée, soit sur le côté gauche de la chambre 10.

Il ressort de l'ensemble de ces constatations que la chambre 10 a subi un empiétement à l'occasion des travaux réalisés en 2019 par le propriétaire des chambres 9 et 11, à savoir la SCI Tourville.

Les pièces produites par cette dernière, à savoir un constat d'huissier de justice réalisé le 14 juin 2021 et des certificats de mesurage des deux chambres 9 et 11 établis par une société de diagnostic, ne sont pas de nature à contredire les constatations particulièrement étayées de l'appelante telles que précédemment décrites, dès lors que :

- l'huissier de justice n'a été mandaté que pour constater depuis le couloir extérieur que les deux chambres 9 et 11 ne communiqueraient pas entre elles, la porte de la chambre 11 étant condamnée depuis le couloir (et donc seulement accessible depuis l'appartement du 5ème étage) tandis que la chambre 9 reste elle accessible depuis le couloir. Or, ces constatations n'apportent aucune indication sur la configuration intérieure des chambres 9 et 11, étant observé que l'empiétement a pu être opéré à partir de la chambre 9 ou à partir de la chambre 11 sans pour autant faire communiquer ces deux chambres entre elles ;

- les mesurages aboutissent à des surfaces certes identiques à celles figurant sur les titres de propriété de la société Tourville, ce dont il résulterait qu'aucun agrandissement n'a été opéré, mais leur valeur probante est insuffisante, ces mesures n'ayant pas été prises par un géomètre- expert qui, à l'instar de celui commis par Mme [K], n'a pas transposé la configuration actuelle des lots sur le plan de copropriété antérieur aux travaux ;

- il n'est produit par la société Tourville aucune pièce justificative de l'aménagement intérieur des ses chambres ni des travaux qu'elle a effectués en 2019, dont elle ne conteste pas le principe.

La preuve se trouve ainsi suffisamment rapportée par l'appelante, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une expertise, de ce que la société Tourville a empiété sur la surface de sa chambre n°10, ce qui constitue à l'évidence un trouble manifestement illicite, lequel ne peut être réparé que par la remise de la chambre dans son état antérieur, dont les modalités sont correctement définies par l'appelante et qu'il convient de reprendre au dispositif ci-après. Le prononcé d'une astreinte est nécessaire compte tenu de la contestation opposée par la société intimée malgré la preuve amplement faite par l'appelante, astreinte qu'il n'y a pas lieu de se réserver.

Le préjudice de jouissance de Mme [T] [K] n'est pas contestable, étant caractérisé par l'atteinte qui a été portée à son droit de propriété par la société Tourville, sa chambre de service ayant été amputée d'une surface de 5 m² et devenue aveugle, ce qui la prive totalement de son usage. Cette situation l'a contrainte en outre à mener des investigations longues et coûteuses aux fins de se voir judiciairement rétablie dans ses droits. Une indemnité de 15.000 euros lui sera allouée à titre provisionnel, sur le fondement de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, cette indemnité incluant le coût des constats d'huissier réalisés les 26 janvier 2021, 23 juin 2022 et 21 novembre 2022 ainsi que des interventions du géomètre-expert .

Il sera également fait droit à sa demande de communication des devis et factures des travaux effectués en 2019 par la société Tourville, Mme [K] ayant un intérêt légitime à connaître la nature et l'ampleur des travaux qui ont affecté son bien.

L'ordonnance entreprise sera donc infirmée et partie perdante, la société Tourville sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d'appel et à payer à Mme [T] [K] la somme de 5.000 euros au titre de ses frais irrépétibles exposés pour les besoins des deux instances.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevables les demandes formées en appel par Mme [T] [K],

Infirme l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,

Condamne la société Tourville à communiquer à Mme [T] [K], dans le mois de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte de 200 euros par jour de retard courant pendant quatre mois, les devis et factures des travaux qui ont été réalisés dans les chambres de services n° 9, 10 et 11 depuis 2019 ;

Condamne la société Tourville à remettre la chambre de service n°10 dans son état antérieur aux travaux réalisés, dans le respect des règles de l'art, en procédant notamment à la dépose de tous les murs érigés dans la dite chambre, à la reconstruction des murs séparatifs des chambres n°9, 10 et 11 conformément aux limites de propriété telles que relevées par le Cabinet Daniel Legrand en 1991, à la peinture du plafond et des murs de la chambre de service n°10 et à la remise en état de la fenêtre de toit, cela dans les trois mois de la signification du présent arrêt et passé ce délai sous astreinte provisoire de 400 euros par jour de retard courant pendant quatre mois ;

Dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte,

Condamne la société Tourville à payer à Mme [T] [K] la somme de 15.000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

Condamne la société Tourville aux entiers dépens de première instance et d'appel,

La condamne à payer à Mme [T] [K] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d'appel,

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/12314
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;22.12314 ?
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