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26/01/2023 | FRANCE | N°20/08397

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 26 janvier 2023, 20/08397


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 26 JANVIER 2023



(n° 2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08397 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZP7



Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F 19/00353





APPELANTE



Madame [O] [B] [J]

[Adress

e 1]

[Localité 4]



Représentée par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau d'ESSONNE



INTIMEE



S.A.S.U. ATALIAN PROPRETE ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 5]



Représentée p...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 26 JANVIER 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/08397 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCZP7

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LONGJUMEAU - RG n° F 19/00353

APPELANTE

Madame [O] [B] [J]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Philippe RENAUD, avocat au barreau d'ESSONNE

INTIMEE

S.A.S.U. ATALIAN PROPRETE ILE DE FRANCE

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Séverine HOUARD-BREDON, avocat au barreau de PARIS, toque : E0327

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-José BOU, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Mme [O] [B] [J] a été engagée par la société TFN propreté Ile-de-France, devenue par la suite Atalian propreté Ile-de-France, ci-après la société, par contrat de travail à durée déterminée à temps partiel de 7h50 par semaine, soit 32h50 par mois, du 2 mai 2016 au 30 juin 2016 en qualité d'agent de service niveau AS échelon 1 catégorie A .

Le contrat de travail comporte une clause ainsi rédigée : "en raison de la mobilité qu'impose la profession, l'agence se réserve le droit de modifier, sous réserve de respecter un délai de prévenance de 7 jours, le lieu de travail du salarié. Ainsi, il est expressément convenu que la société pourra affecter le salarié sur tout autre chantier situé dans le même département, dans un département limitrophe ou [Localité 5]. Le salarié s'engager à accepter ces modifications ; à défaut, son refus pourra être considéré comme un motif de rupture du présent contrat."

Selon son contrat, Mme [B] [J] a été initialement affectée sur le site de l'entreprise Mazak à [Localité 6] (91 140) pour y travailler chaque matin de 7 heures à 8 heures 30.

La relation de travail s'est poursuivie au-delà du terme prévu de sorte que le contrat est devenu à durée indéterminée.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des entreprises de propreté.

Au printemps 2017, Mme [B] [J] a été avertie du changement de son lieu d'affectation vers la ville de [Localité 3].

Par lettre du 14 avril 2017, elle a sollicité un poste plus proche de son domicile situé à [Localité 4], invoquant un trajet trop long pour 1h30 de travail.

Par lettre du 16 juin 2017, la société lui a indiqué que sa prestation s'effectuerait au sein de la société Natureo à [Localité 3] (91160) à partir du 1er juillet 2017.

Puis par courrier du 27 novembre 2017, elle lui a demandé le justificatif de la prolongation de son titre de séjour au motif que celui en sa possession expirait le 31 décembre 2015.

Mme [B] [J] a répondu, aux termes d'un courrier du 5 juin 2018, que le justificatif sollicité n'était pas nécessaire et réclamé un rappel de salaires à compter d'avril 2017, disant ne pas avoir été rémunérée depuis cette époque sauf partiellement en juin 2017.

Le 8 janvier 2019, la société a notifié une mise en demeure à Mme [B] [J] afin qu'elle justifie ses absences à son poste depuis le 20 avril 2017. Le 15 janvier 2019, une deuxième mise en demeure lui a été notifiée pour le même motif.

Par lettre du 29 janvier 2019, Mme [B] [J] répondu en sollicitant de nouveau un rappel de salaires et en confirmant qu'elle se tenait à la disposition de son employeur pour exécuter ses tâches dans le département de l'Essonne, sur une commune proche de son domicile.

Mme [B] [J] a été convoquée par lettre du 29 janvier 2019 à un entretien préalable fixé au 6 février 2019 puis licenciée pour faute grave aux termes d'une lettre du 13 février suivant.

Contestant son licenciement et sollicitant notamment un rappel de salaire, Mme [B] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Longjumeau qui, par jugement du 4 novembre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- condamné la société à verser à Mme [B] [J] les sommes suivantes :

* 328,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 32,90 au titre des congés payés afférents,

* 173,55 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les intérêts légaux courront à compter du prononcé de la décision ;

- dit n'y avoir lieu à prononcer une exécution provisoire autre que celle de droit ;

- ordonné à la société de remettre à Mme [B] [J] un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi conforme au jugement dans le mois suivant sa notification ;

- débouté Mme [B] [J] du reste de ses demandes ;

- condamné la société aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels de l'instance ainsi que ceux d'exécution forcée par toute voie légale de la décision.

Par déclaration transmise le 8 décembre 2010, Mme [B] [J] a relevé appel de ce jugement dont elle a reçu notification le 12 novembre 2020.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 février 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, Mme [B] [J] demande à la cour de :

- la recevoir en son appel, l'y déclarer bien fondée ;

- réformer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de rappels de salaire et de dommages et intérêts ;

et statuant à nouveau,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes avec intérêts légaux sur les condamnations à intervenir à compter de la saisine et capitalisation des intérêts échus conformément à l'article 1343-2 du code civil :

* 6 739,94 euros au titre des rappels de salaire,

* 673,99 euros au titre des congés payés y afférents,

* 657,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 65,78 euros au titre des congés payés y afférents,

* 173,55 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 4 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner la remise de bulletins de paie, d'une attestation Pôle emploi, et d'un certificat de travail conformes à l'arrêt à intervenir dans les 8 jours de sa notification, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document concerné ;

- condamner la société à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et en tous les dépens de première instance et d'appel.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 18 mai 2021 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [B] [J] des demandes suivantes :

- 2 552,58 euros au titre des salaires dus pour la période du 20 avril 2017 au 31 décembre 2017 ;

- 255,25 euros au titre des congés payés y afférents ;

- 3 701,60 euros au titre des salaires dus pour la période du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2018 ;

- 370,16 euros au titre des congés payés afférents ;

- 485,76 euros au titre des salaires dus pour la période du 1er janvier 2019 au 13 février 2019 ;

- 48,57 euros au titre des congés payés afférents ;

- 4 000 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

infirmer le jugement en ce qu'il a :

- requalifié le licenciement pour faute grave en un licenciement pour cause réelle et sérieuse ;

- l'a condamnée à verser à Mme [B] [J] les sommes suivantes :

* 328,90 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 32,90 au titre des congés payés y afférents,

* 173,55 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que les intérêts légaux courront à compter du prononcé de la décision ;

- lui a ordonnée de remettre à Mme [B] [J] un certificat de travail ainsi qu'une attestation Pôle emploi conformes au jugement dans le mois suivant sa notification ;

- l'a condamnée aux entiers dépens de l'instance, y compris ceux afférents aux actes et procédures éventuels de l'instance ainsi que ceux d'exécution forcée ;

statuant à nouveau :

- débouter Mme [B] [J] de l'intégralité de ses demandes ;

- condamner Mme [B] [J] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- mettre les entiers dépens à la charge de Mme [B] [J].

L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 octobre 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la rupture du contrat de travail

Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement du 13 février 2019 fixant les limites du litige est ainsi rédigée :

" [...] Comme vous le savez, suite à la demande expresse de notre Client sur le site YAMAZAKI MAZAK sur lequel vous étiez affectée, le 16 juin 2017, nous vous avons fait part de votre changement d'affectation sur le site NATUREO, à compter du 1er juillet 2017, aux mêmes conditions d'emploi.

Or, vous ne vous êtes jamais présentée sur votre nouveau lieu de travail, et ce sans nous en avoir informé au préalable, ni ne nous avoir adressé le moindre justificatif depuis lors.

Or, nous vous rappelons que le lieu de travail ne constitue pas un changement d'un élément essentiel de votre contrat de travail, mais s'analyse en un simple changement de vos conditions de travail, qui relève du pouvoir de direction de l'employeur.

Par courrier recommandé du 08 janvier 2019, nous vous mettions donc en demeure de justifier de votre absence.

Or, ce courrier est resté sans réponse de votre part.

Par courrier recommandé du 15 janvier 2019, nous vous mettions alors, une nouvelle fois, en demeure de justifier votre absence continue depuis le 20 avril 2017.

A ce jour, vous êtes toujours absente de votre poste de travail et ne nous avez fourni aucun justificatif, et ce malgré nos courriers de mise en demeure successifs.

Devant ce manque total d'information, nous ne pouvons que prendre acte de votre refus de rejoindre votre poste de travail et attribuons à vos absences, qui perturbent gravement la bonne marche de l'entreprise, un caractère délibéré.

Nous ne pouvons tolérer un tel comportement qui s'oppose au devoir de présence sur votre lieu de travail inscrit au règlement intérieur de notre société.

Votre attitude est inacceptable et contrevient gravement à vos obligations contractuelles.

Par conséquent et compte tenu de ce qui précède, nous vous notifions, par la présente, votre licenciement pour faute grave.

Vous cesserez donc de faire partie des effectifs de notre Société, à la date d'envoi du présent courrier. Votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement [...] "

Mme [B] [J] invoque une dénaturation du contrat de travail, arguant que le site Mazak de [Localité 6] très proche de son domicile constituait la condition essentielle de son embauche et que s'agissant d'un contrat à durée déterminée à temps partiel portant sur un horaire aussi court, il ne peut lui être opposé ni la clause de mobilité figurant abusivement dans son contrat, ni même un principe de mobilité. Elle en déduit que le site de travail de [Localité 6] ne pouvait être modifié sans son accord exprès et écrit, ajoutant que la convention collective applicable impose des normes particulières en matière de contrats à temps partiel et exclut les clauses de mobilité.

Elle soutient que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse, invoquant la prescription du fait qui lui est reproché et niant sa faute puisqu'elle conteste devoir travailler à [Localité 3] outre qu'elle observe que l'employeur n'a vu un motif de rupture dans son comportement qu'au moment où elle a revendiqué ses salaires.

La société rétorque que Mme [B] [J] ne s'est pas présentée à son poste de travail depuis le 20 avril 2017 malgré les mises en demeure des 8 et 15 janvier 2019 et en dépit de l'information écrite sur son affectation donnée le 16 juin 2017 pour le 1er juillet suivant. Elle soutient que des absences prolongées, non autorisées et injustifiées d'un salarié relèvent d'une faute grave. Elle fait valoir que Mme [B] [J] ne peut invoquer la prescription, son absence injustifiée s'étant perpétuée. Elle fait aussi valoir que la mobilité géographique est inhérente au poste occupé, que les parties n'ont pas contractualisé le lieu de travail et que l'affectation sur le site de [Localité 3] ne constituait qu'un changement d'affectation conforme à la clause de mobilité. Elle prétend que le temps de trajet depuis le domicile de la salariée impliquait 10 minutes de plus en transport en commun et était équivalent en voiture.

***

La faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise. La charge de la preuve repose sur l'employeur qui l'invoque.

Mme [B] [J] a été licenciée pour absence injustifiée à son poste de travail en dépit de mises en demeure et refus de rejoindre celui-ci.

La salariée a été informée officiellement de son affectation sur le site Natureo de [Localité 3] à compter du 1er juillet 2017 par lettre du 16 juin 2017, étant observé que cette lettre ne mentionne pas qu'il s'agit d'une affectation provisoire mais qu'elle prend effet le 1er juillet 2017, sans préciser de terme. Comme l'indique l'appelante, elle ne s'est jamais présentée sur son nouveau lieu de travail. Elle n'a pas justifié des raisons de son absence sauf avoir invoqué un défaut d'affectation valable contractuellement depuis avril 2017 dans sa lettre du 5 juin 2018 et en faisant valoir qu'elle se tenait à disposition pour exécuter toute tâche dans le département de l'Essonne mais dans une commune proche de son domicile aux termes de ce courrier et de celui du 29 janvier 2019. Dans sa dernière lettre, elle a contesté son absence à son poste depuis le 20 avril 2017, disant qu'aucun planning ne lui avait été fourni, ni indication sur les tâches qu'elle devait effectuer, alors qu'elle s'était tenue à la disposition de son employeur pour travailler dans le cadre du contrat conclu.

La mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d'information à moins qu'il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu. En l'absence d'une telle clause, le changement de localisation intervenu dans le même secteur géographique constitue un simple changement des conditions de travail et non une modification du contrat de travail. La bonne foi étant présumée, il incombe au salarié de démontrer que la décision de modification des conditions de travail a été prise pour des raisons étrangères à l'intérêt de l'entreprise ou a été mise en oeuvre dans des conditions exclusives de la bonne foi contractuelle.

En l'occurrence, le lieu de travail de Mme [B] [J] n'a pas été contractualisé par une clause prévoyant de manière claire et précise que le travail s'exécute exclusivement en un lieu déterminé. En effet, la seule mention du lieu de travail dans le contrat n'est pas suffisante. L'appelante peut d'autant moins se prévaloir d'une contractualisation que le contrat comporte la clause selon laquelle 'en raison de la mobilité qu'impose la profession, l'agence se réserve le droit de modifier, sous réserve de respecter un délai de prévenance de 7 jours, le lieu de travail du salarié. Ainsi, il est expressément convenu que la société pourra affecter le salarié sur tout autre chantier situé dans le même département, dans un département limitrophe ou [Localité 5]'. La circonstance que le contrat ait initialement été conclu pour une durée déterminée et soit un contrat à temps partiel portant sur un horaire de 7 heures à 8h30 du lundi au vendredi ne permet pas non plus d'en déduire que le lieu de travail a été contractualisé, ni que la clause précitée serait abusive ou ne pourrait par principe être opposée à la salariée. Par ailleurs, la convention collective applicable prévoit seulement que le contrat de travail à temps partiel doit reprendre les mentions prévues à l'article 4.1.3, soit notamment le site de travail et/ou la répartition géographique des chantiers attribués, et n'interdit pas une telle clause.

Or, le transfert du lieu de travail de [Localité 6] (91) à [Localité 3] (91) est intervenu dans le même secteur géographique de sorte qu'il constitue un simple changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur. De plus ce transfert est conforme à la clause précitée en ce qu'il s'agit de l'affectation sur un site se trouvant dans le même département. Enfin, Mme [B] [J] ne justifie pas que le changement de ses conditions de travail et la mise en oeuvre de cette clause sont abusives ou auraient porté atteinte à sa vie personnelle et familiale en la bouleversant du fait notamment d'un allongement très important de son temps de trajet qui n'est prouvé par aucun élément.

Ainsi, Mme [B] [J] invoque à tort que son changement de lieu de travail impliquait son accord exprès de sorte que l'absence injustifiée au poste sur lequel elle a été affectée est constituée.

Selon l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.

Ces dispositions ne font pas obstacle à la prise en considération d'un fait antérieur à deux mois dans la mesure où le comportement du salarié s'est poursuivi ou réitéré dans ce délai.

En l'espèce, dès lors que l'absence injustifiée reprochée à la salariée s'est perpétuée et a persisté en dépit des mises en demeure des 8 et 15 janvier 2019, la prescription du fait fautif ne peut être opposée par Mme [B] [J].

Mais la cour considère que la faute commise ne suffit pas à rendre impossible le maintien de la salariée dans l'entreprise dès lors que l'absence injustifiée a duré de nombreux mois sans susciter de réaction de l'employeur, autre que le défaut de paiement du salaire, jusqu'au début du mois de janvier 2019. Cependant, cette longue absence non justifiée qui a persisté en dépit des deux mises en demeure caractérise une cause réelle et sérieuse de licenciement, le jugement étant confirmé en ce sens.

Sur les conséquences du licenciement pour cause réelle et sérieuse

Mme [B] [J] réclame une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire, soit 657,80 euros, outre 65,78 euros au titre des congés payés afférents, une indemnité légale de licenciement de 173,55 euros et une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 4 000 euros, estimant que ces indemnités doivent être calculées sur la base d'une ancienneté totale.

La société s'oppose aux demandes au motif de la faute grave. A titre subsidiaire, elle fait valoir que Mme [B] [J] a cessé de se présenter à son poste le 20 avril 2017 si bien qu'elle ne peut revendiquer une ancienneté de 2 ans et 9 mois et ne peut prétendre qu'à une indemnité de licenciement de 75,65 euros. Elle se prévaut d'une jurisprudence selon laquelle le refus du salarié d'exécuter sa clause de mobilité le rend responsable de l'inexécution du préavis et le prive de l'indemnité compensatrice de préavis. Elle invoque que la durée du préavis fixée par la convention collective pour l'agent de propreté justifiant d'une ancienneté de six mois à deux ans est d'un mois.

***

Le licenciement étant fondé sur une cause réelle et sérieuse, le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] [J] de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Aux termes de l'article L. 1234-1 du code du travail, lorsque le licenciement n'est pas motivé par une faute grave, le salarié a droit :

1° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus inférieure à six mois, à un préavis dont la durée est déterminée par la loi, la convention ou l'accord collectif de travail ou, à défaut, par les usages pratiqués dans la localité et la profession ;

2° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus comprise entre six mois et moins de deux ans, à un préavis d'un mois ;

° S'il justifie chez le même employeur d'une ancienneté de services continus d'au moins deux ans, à un préavis de deux mois.

Toutefois, les dispositions des 2° et 3° ne sont applicables que si la loi, la convention ou l'accord collectif de travail, le contrat de travail ou les usages ne prévoient pas un préavis ou une condition d'ancienneté de services plus favorable pour le salarié.

Mme [B] [J] a été mise dans l'impossibilité d'exécuter son préavis par la décision de son employeur de la licencier pour faute grave qui n'est pas justifiée. Par suite, elle est fondée à réclamer une indemnité compensatrice du préavis auquel elle avait droit dont elle a été privée du fait de la société.

En application de l'article 4.11.2 de la convention collective applicable, le préavis dû pour un agent de propreté est de 1 mois pour une ancienneté de 6 mois à 2 ans et de 2 mois pour plus de 2 ans d'ancienneté.

L'ancienneté est celle de services continus chez un même employeur sauf stipulations conventionnelles plus favorables et s'apprécie à la date du licenciement.

Il sera tenu compte du temps écoulé depuis l'engagement de la salariée, le 2 mai 2016, jusqu'à la date de son licenciement, le 13 février 2019, sans qu'il y ait lieu de décompter son absence injustifiée, le contrat n'ayant pas été suspendu durant cette période, étant observé par ailleurs que la convention collective applicable n'exclut pas pour la détermination de l'ancienneté les périodes de suspension. Mme [B] [J] disposant d'une ancienneté de plus de deux ans, elle est fondée à prétendre à une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur la base de la rémunération qu'elle aurait perçue si elle avait travaillé, soit la somme de 657,80 euros, et celle de 65,78 euros au titre de l'indemnité compensatrice des congés payés afférents, le jugement étant de ces chefs infirmés.

L'article L.1234-9 du code du travail dispose :

Le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.

En application de l'article R. 1234-2 1°) du code du travail, l'indemnité légale de licenciement est d'un quart de mois de salaire par année d'ancienneté.

Les parties s'accordent sur le salaire mensuel brut à prendre en considération, soit 328,90 euros. Il sera tenu compte d'une ancienneté de 2 ans et 9 mois comme s'en prévaut l'appelante. La somme de 173,55 euros telle que détaillée en son calcul dans les écritures de cette dernière lui sera allouée, le jugement étant sur ce point confirmé.

Sur le rappel de salaire

Soutenant que son lieu de travail ne pouvait être modifié sans son accord exprès, qu'elle s'est toujours tenue à disposition et que passé l'été 2017, à son retour de congé, son employeur ne lui a proposé aucun poste, Mme [B] [J] estime que son salaire lui est dû pour la totalité de la période non travaillée, du mois d'août 2017 jusqu'à son licenciement. Elle réclame un rappel de salaire de 6 739,94 euros outre les congés payés afférents pour la période du 20 avril 2017 au 13 février 2019.

La société réplique avoir fourni à sa salariée un travail conforme aux stipulations contractuelles. Elle affirme qu'elle ne s'est pas présentée à son poste de travail à compter du 20 avril 2017 alors qu'elle était valablement affectée sur le site Mazak à [Localité 6] puis, à compter du 1er juillet 2017, sur le site Natureo à [Localité 3]. Elle en déduit que le salaire étant la contrepartie du travail effectif, les retenues de salaire sont justifiées.

***

Les bulletins de salaire de Mme [B] [J] la mentionnent en absence non motivée du 20 avril 2017 jusqu'au 13 février 2019, sauf du 1er au 20 juin 2017, et ne font état d'aucun salaire payé sur cette période sauf partiellement en juin 2017.

Comme indiqué ci-dessus, Mme [B] [J] a été clairement informée de son affectation sur le site Natureo de [Localité 3] à compter du 1er juillet 2017 par la lettre du 16 juin 2017 et ne s'y est jamais présentée. S'agissant d'un changement des conditions de travail relevant du pouvoir de direction de l'employeur, conforme à la clause figurant dans le contrat de travail, le défaut d'exécution de la prestation de travail due par la salariée est dénué de motif légitime et justifie que l'employeur n'ait pas payé le salaire correspondant du 1er juillet 2017 jusqu'au jour de notification du licenciement, le 13 février 2019.

Pour la période du 20 avril au 30 juin 2017, la cour note qu'à réception de ses bulletins de paie mentionnant son absence injustifiée et ne comportant pas de salaire sauf pour 20 jours en juin 2017, Mme [B] [J] ne justifie pas avoir protesté, ni exigé la fourniture d'un emploi. Ce n'est qu'en juillet 2018 qu'elle a fait valoir que tout poste de travail lui était refusé depuis avril 2017 et réclamé un rappel de salaire. La circonstance qu'au printemps 2017, la société ait verbalement informé la salariée de son changement de site vers [Localité 3] sans que l'échéance de ce changement présenté alors soit justifiée et que Mme [B] [J] ait répondu qu'elle souhaitait un poste plus proche de son domicile ne permet pas d'en déduire que l'employeur a cessé de lui fournir du travail à compter du 20 avril 2017, celui-ci affirmant que la salariée a continué à être affectée à [Localité 6] jusqu'à la prise d'effet de sa nouvelle affectation sur le site de [Localité 3] le 1er juillet 2017. A supposer que cette affectation ait commencé dès le 20 avril 2017, Mme [B] [J] devait s'y conformer pour les raisons précitées, outre qu'elle n'invoque pas un non respect du délai de prévenance. Aucun salaire n'est dû non plus pour cette période.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [B] [J] de ses demandes de rappel de salaire et d'indemnité compensatrice des congés payés afférents.

Sur les intérêts au taux légal et leur capitalisation

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le bureau de conciliation, la capitalisation des intérêts étant ordonnée conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du même code. Le jugement est infirmé en ce sens.

Sur la remise des documents

Il sera ordonné à la société de remettre à la salariée une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision dans le délai d'un mois à compter de sa notification, sans qu'il y ait lieu à prononcer une astreinte.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement sera confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile. La société, qui succombe pour partie devant la cour, sera condamnée aux dépens d'appel et à payer une somme supplémentaire de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés pour la procédure d'appel, la société étant déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe :

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en celles relatives au montant de l'indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents, aux intérêts légaux portant sur les créances salariales, à la capitalisation des intérêts et à la remise des documents ,

Statuant à nouveau dans la limite des chefs infirmés et ajoutant :

CONDAMNE la société Atalian propreté Ile-de-France à payer à Mme [O] [B] [J] les sommes de :

- 657,80 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 65,78 euros euros à titre d'indemnité compensatrice des congés payés afférents ;

DIT que cette condamnation et celle portant sur l'indemnité légale de licenciement emportent intérêts au taux légal à compter de la réception par la société Atalian propreté Ile-de-France de sa convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 5 juin 2019 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;

ORDONNE à la société Atalian propreté Ile-de-France de remettre à Mme [O] [B] [J] une attestation Pôle emploi, un certificat de travail et un bulletin de salaire conformes à la présente décision dans le délai d'un mois à compter de sa notification ;

CONDAMNE la société Atalian propreté Ile-de-France à payer à Mme [O] [B] [J] la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

DÉBOUTE les parties de toute autre demande ;

CONDAMNE la société Atalian propreté Ile-de-France aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/08397
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;20.08397 ?
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