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26/01/2023 | FRANCE | N°20/00587

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 26 janvier 2023, 20/00587


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 26 JANVIER 2023

(n°2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00587 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJGF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Décembre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° F18/00063





APPELANTE



SA [Localité 5] AIR TRAITEUR 'OAT'

prise en la perso

nne de son Président du Conseil d'Administration, domiciliés es-qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toqu...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 26 JANVIER 2023

(n°2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00587 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJGF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 30 Décembre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de VILLENEUVE SAINT GEORGES - RG n° F18/00063

APPELANTE

SA [Localité 5] AIR TRAITEUR 'OAT'

prise en la personne de son Président du Conseil d'Administration, domiciliés es-qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

INTIMEE

Madame [O] [F]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Bintou DIARRA, avocat au barreau de l'ESSONNE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 6 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Figen HOKE, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Après une première embauche comme agent de production dans le cadre d'un contrat initiative emploi pour la période courant du 7 août 2014 au 6 août 2016, Mme [O] [F] a été engagée par la société [Localité 5] air traiteur (ci-après la société OAT), en qualité d'agent de production par contrat à durée indéterminée du 1er décembre 2016 avec reprise d'ancienneté au 7 août 2014 pour une durée mensuelle de travail de 151,67 heures moyennant une rémunération qui s'élevait dans le dernier état de la relation contractuelle à la somme de 1 489,90 euros.

La société OAT exerce son activité sur la plate-forme aéroportuaire de Paris-[Localité 5], essentiellement sur la zone de sûreté à accès réglementé (ZSAR), accessible pour les salariés munis d'une habilitation appelée titre de circulation aéroportuaire (TCA) dont la délivrance relève de l'administration préfectorale, par l'intermédiaire de la société Aéroport de [Localité 6], les formulaires de demande étant pré-remplis et contrôlés par le service de sûreté de la société OAT avant d'être déposés au bureau des badges de la société Aéroports de [Localité 6].

Mme [F] a été victime d'un accident du travail le 22 mai 2017 et a présenté des arrêts de travail jusqu'au 13 juin 2017. Pendant la période de suspension du contrat de travail, son TCA (badge) qui lui permettait l'accès à la zone de sûreté à accès réglementé dans laquelle elle travaillait est arrivé à expiration. Elle n'a jamais pu bénéficier du renouvellement de son titre et les parties se sont mutuellement rejeté la responsabilité de cette situation.

Mme [F] a bénéficié de congés payés du 13 juillet au 12 août 2017. Par courrier recommandé du 7 novembre 2017, la société OAT lui a adressé un courrier de mise en demeure de justifier de son absence depuis le 12 août 2017. Elle n'a pas repris son activité et n'a pas été rémunérée depuis cette date.

Le 17 janvier 2018, Mme [F] a pris acte de la rupture de son contrat de travail reprochant à l'employeur de ne plus lui fournir de travail.

La société OAT emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale du personnel de la restauration publique du 1er juillet 1970.

Sollicitant la requalification de la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges le 20 février 2018 afin d'obtenir des rappels de salaires pour la période courant du 12 août 2017 au 17 janvier 2018 et des indemnités de rupture.

Par jugement du 30 décembre 2019 auquel la cour renvoie pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales, le conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges, section commerce, statuant en formation de départage, a :

- dit que la prise d'acte de rupture du contrat de travail produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- condamné la société OAT à payer à Mme [F] les sommes suivantes :

* 2 979,80 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 979,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 297,98 euros au titre des congés payés afférents,

* 1 334,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

* 7 747,48 euros à titre de rappel de salaire pour la période du 12 août 2017 au 17 janvier 2018,

* 774,75 euros au titre des congés payés afférents,

- ordonné à la société OAT de remettre à Mme [F] un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision,

- fixé la moyenne mensuelle brute des trois derniers mois de travail à la somme de 1 489,90 euros et rappelé que les charges sociales devront être déduites pour le recouvrement des créances salariales,

- condamné la société OAT à verser à Mme [F] une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire,

- condamné la société OAT aux dépens.

La société OAT a régulièrement relevé appel du jugement le 16 janvier 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 décembre 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société OAT prie la cour de :

- infirmer le jugement,

- dire que la prise d'acte produit les effets d'une démission,

- débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes,

- condamner Mme [F] à lui rembourser la somme nette de 16'756,42 euros versée au titre de l'exécution provisoire du jugement,

- condamner Mme [F] à lui payer une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la condamner aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions n°4, transmises par voie électronique le 13 septembre 2022, auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens, Mme [F] prie la cour de':

- confirmer le jugement sur les chefs de condamnations relatifs':

* au rappel de salaires pour la période du 12 août 2017 au 17 janvier 2018

* à l'indemnité compensatrice de préavis et congés payés afférents,

* à l'indemnité de licenciement,

- infirmer le jugement pour le surplus et condamner la société OAT à lui verser les sommes suivantes :

* 5 959,60 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

* 3 000 euros de dommages-intérêts pour préjudice moral et financier,

* 1 803,05 euros à titre d'indemnité de congés payés,

- condamner la société OAT aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 21 septembre 2022.

MOTIVATION':

Sur les effets de la prise d'acte :

Lorsqu'un salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, cette rupture produit les effets, soit d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse si les manquements invoqués empêchaient la poursuite du contrat de travail, soit, dans le cas contraire, d'une démission. La charge de la preuve des faits qu'il allègue à l'encontre de l'employeur à l'appui de sa prise d'acte pèse sur le salarié.

L'écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture du contrat de travail ne fixe pas les limites du litige.

Mme [F] sur qui repose la charge de la preuve soutient que la prise d'acte doit produire les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et reproche à l'employeur les manquements suivants :

- un manquement aux obligations de bonne foi et de loyauté,

- la non fourniture de travail et le non paiement des salaires,

- le refus d'établir une attestation de salaire conforme.

La société OAT soutient que la prise d'acte de rupture du contrat de travail doit produire les effets d'une démission dès lors qu'aucun manquement ne peut lui être reproché dans la mesure où :

- il n'existait aucun obstacle à l'exécution du contrat de travail dès lors que Mme [F] s'acquittait des formalités mises à sa charge permettant le renouvellement de son badge,

- à supposer qu'il ait existé, cet obstacle n'était pas imputable à l'employeur,

- elle n'a pas manqué à son obligation de bonne foi et de loyauté puisqu'elle n'a aucune maîtrise ni des règles relatives à l'attribution, l'utilisation et le renouvellement des habilitations aéroportuaires ni du traitement des dossiers afférents qui incombent à l'administration et Mme [F] n'apporte pas la preuve qu'elle a accompli les diligences nécessaires pour obtenir le renouvellement de son badge dans le délai de trois mois avant l'échéance de son titre de circulation comme le prévoit la réglementation, l'employeur pour sa part lui ayant rappelé la nécessité de produire un dossier complet comprenant notamment un extrait de casier judiciaire,

- Mme [F] ne peut davantage soutenir que la société OAT a manqué à son obligation de lui fournir du travail et de lui payer ses salaires puisque l'absence de fourniture de travail est directement imputable à la salariée qui ne disposait pas du badge contractuellement nécessaire pour l'exécution de la prestation de travail et ne se maintenait donc pas à sa disposition, étant observé qu'elle n'avait aucune possibilité de confier à Mme [F] un travail dans une zone n'exigeant pas la possession du badge puisque la zone publique ne contient que des parkings, le bureau du directeur d'établissement, du secrétariat et des quais de livraison.

Sur le manquement à l'obligation d'exécuter le contrat de travail de bonne foi et loyalement :

Mme [F] soutient que dès le mois de mars 2017, trois mois avant l'échéance, elle a rempli sa demande de renouvellement de badge, qu'elle a de nouveau complété son dossier et l'a renvoyé par mail du 14 juin 2017 à son employeur. Elle ajoute qu'à son retour de congés, n'ayant aucune nouvelle de l'employeur et n'ayant pas reçu de planning, elle a appelé la société OAT qui lui a indiqué n'avoir pas toujours pas reçu le badge et lui a dit d'attendre. Elle explique qu'elle a reçu un courrier le 23 août 2017 l'informant pour la première fois qu'elle devait fournir un extrait de casier judiciaire émanant de son pays d'origine et traduit en français au motif qu'il s'agissait d'une demande prévue par l'article 11. 1. 3 du règlement européen 2015/199. Elle soutient qu'en réalité la société OAT n'a jamais transmis sa demnande et que l'extrait de casier judiciaire sollicité n'était pas utile puisque l'article 11.1.3 du règlement européen 2015/1998 repris par l'arrêté du 11 septembre 2013 relatif aux mesures de sûreté de l'aviation civile ne concerne que les salariés assurant la sûreté des vols. Elle reproche encore à la société OAT de ne pas lui avoir fourni de badge provisoire alors qu'elle avait travaillé trois semaines du 3 au 27 juin 2017 avec un tel document. Elle ajoute qu' ayant reçu le casier judiciaire, elle a appelé son employeur au début du mois de novembre pour l'informer de l'envoi du document et le mettre en demeure de lui payer ses salaires puisque la situation n'était pas de son fait. L'employeur lui a alors adressé une mise en demeure de justifier de son absence depuis le 12 août 2017 et Mme [F] fait valoir qu'il est de mauvaise foi puisqu'il savait parfaitement que son absence était due au problème de badge et qu'en réalité il entendait faire échec à sa reprise du travail. Enfin, elle fait valoir qu'alors que l'employeur a reçu le 9 novembre le courrier par lequel elle lui adressait le document demandé il lui a pourtant fait parvenir par courrier du 5 décembre un nouveau dossier de demande de badge à renvoyer pour le 11 décembre.

Au vu des pièces produites, les échanges écrits entre les parties se résument ainsi :

- par mail du 14 juin 2017 Mme [F] a adressé à la société OAT des documents constitués par son badge arrivant à expiration le 3 juin 2017, un justificatif de domicile et une pièce d'identité,

- par courrier recommandé du 17 août 2017, l'employeur a demandé à Mme [F] de lui transmettre un extrait de son casier judiciaire traduit en français en invoquant l'article 11. 1. 3 du règlement européen 2015/1998,

- par courrier recommandé du 7 novembre 2017, l'employeur a adressé à la salariée un courrier de mise en demeure lui demandant de justifier des raisons de son absence depuis le 12 août 2017 ou de se présenter sur son lieu de travail,

- par courrier recommandé réceptionné le 8 novembre 2017, Mme [F] a écrit à l'employeur en lui indiquant qu'elle lui transmet l'extrait de casier judiciaire sollicité, délivré avec retard par les autorités tunisiennes,

- par courrier recommandé reçu le 17 novembre 2017, Mme [F] a contesté être en absence injustifiée,

- par courrier du 5 décembre 2017 adressé le 6, réceptionné le 9, l'employeur lui a adressé un nouveau dossier de demande de badges à lui renvoyer au plus tard le 11 décembre,

- par courrier du 19 décembre 2017 l'employeur lui a rappellé la nécessité de lui renvoyer le dossier complété

- par courrier du 27 décembre 2017 Mme [F] a répondu qu'elle avait déjà transmis un dossier complet depuis plusieurs mois.

La cour observe que contrairement à ses allégations, Mme [F] ne justifie pas avoir adressé à l'employeur le dossier de demande de badge en mars 2017 aucun élément n'étant produit sur ce point. Toutefois, il ressort du mail du 15 mai 2017 transmis par M. [M], responsable sûreté, à plusieurs personnes de la société Servair dont la société OAT est une filiale et communiqué par l'employeur que plusieurs dossiers de demandes de badges n'ont pas été traités dont celui de Mme [F] au motif de l'absence d'attestation de formation conforme, ce qui implique que le dossier de demande de renouvellement de badges de Mme [F] a effectivement été transmis à une date antérieure.

Il ressort ensuite du mail de M. [M] ayant pour objet le dossier badge de Mme [W] transmis le 8 août 2018 à différentes personnes dont la qualité n'est pas connue que ce dossier lui a été retourné « déclaré litigieux » sur le fondement de l'article 11. 1. 3 du règlement communautaire 2015/1998, à la suite d'une évolution de la règlementation s'agissant d'une demande concernant une personne domiciliée ou ayant résidé hors de France au cours des cinq dernières années et impliquan désormais la fournbiture d'un extrait du casier judiciaire.

L'employeur fournit en outre un mail du 19 avril 2017 émanant de Mme [D] [U] d'Aéroports de [Localité 6] adressé au bureau d'accueil badges, intitulé 'procédure complémentaire concernant les demandes de badges'dont il ressort que la préfecture du Val-de-Marne exige le respect de différents points de procédure (écrire lisiblement, en lettres majuscules, au stylo noir, procéder à la désignation d'un représentant sur le territoire national, joindre l'acceptation de ce représentant) et également : « lors d'une demande concernant une personne domiciliée ayant résidée hors France au cours des cinq dernières années, il est demandé un extrait de casier judiciaire du ou des pays de résidence traduite en français par une autorité compétente (consulat ambassade) (article 11. 1. 3 règlement européen 2015/1998.' L'employeur fournit enfin un document intitulé procédure complémentaire concernant les demandes d'habilitation établi le 19 avril 2017 et reproduisant ces exigences ainsi qu'un exemplaire de demande de titre de circulation aéroportuaire DCA en zone ZSAR, reproduisant cette exigence.

Il ressort de ces éléments que dès le 19 avril 2017 Aéroports de [Localité 6] était informé des nouvelles exigences de la préfecture concernant la délivrance des badges avec la communication d'un extrait de casier judiciaire pour les personnes dans la situation de Mme [F] mais que l'employeur a attendu le 17 août 2017, près de quatre mois plus tard, pour solliciter cette pièce auprès de sa salariée puisque sa demande du mois de juin 2017 ne faisait pas état de la nécessité de transmettre ce document. De son côté, Mme [F] justifie avoir transmis le document sollicité par courrier recommandé réceptionné le 8 novembre 2017 et l'employeur reconnait dans se écritures l'avoir reçu.

La cour considère en conséquence que l'employeur ne peut imputer à Mme [F] le retard pris dans l'instruction de son dossier de demande de badges ni considérer qu'elle était en absence injustifiée depuis le 12 août 2017, alors qu'il est à l'origine du retard pris dans le traitement du dossier et qu'il a fait preuve de déloyauté dans l'exécution du contrat de travail en suspendant depuis cette date le versement de sa rémunération alors même qu'il ne lui avait pas encore adressé la demande de régularisation de son dossier.

Sur l'absence de fourniture de travail et de rémunération':

La cour considère que l'absence de fourniture de rémunération à compter du 12 août 2017, date de retour de congé de Mme [F] de la part de l'employeur est fautive étant rappelé qu'il a attendu quatre mois pour solliciter de la salariée la nouvelle pièce exigée par la préfecture, et qu'elle n'était donc pas en absence injustifiée ainsi que le démontrent les échanges de courriers et de couriels au sujet du badge.

Sur le refus d'établir une attestation de salaire conforme':

Mme [F] reproche à l'employeur de n'avoir pas délivré une attestation de salaire conforme à la CPAM lui permettant d'être indemnisée pendant la période où elle était en mi-temps thérapeutique du 13 juin au 30 août 2017, l'attestation n'ayant été finalement établie qu'en mars 2018 après la saisine du conseil de prud'hommes. Elle justifie par la communication d'un mail de la CPAM en date du 19 décembre 2017 que l'employeur n'avait pas fourni à cet organisme l'attestation de salaire rectifiée qui lui était demandé que cette attestation n'était toujours pas produite le 25 janvier 2018 ainsi que cela ressort du mail de la CPAM en date du 25 janvier 2018 de sorte qu'elle n'a pas perçu les indemnités correspondant à son mi-temps thérapeutique pour le mois d'août.

L'employeur est resté taisant sur cette situation.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que Mme [F] rapporte la preuve de manquements de l'employeur de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail de sorte que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse :

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, le jugement est confirmé en ce qu'il a :

- condamné la société OAT à payer à Mme [F] la somme de 2 979,80 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 297,98 euros au titre des congés payés afférents, dont les montants ont été calculés conformément aux dispositions légales sans subir de critiques de l'employeur,

- condamné la société OAT à payer à Mme [F] la somme de 1 334,70 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement calculée conformément aux dispositions légales et contractuelles et non critiquée par l'employeur.

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Mme [F] justifiant d'une ancienneté remontant au 7 août 2014 bénéficiait lors de la rupture du contrat de travail d'une ancienneté de trois années complètes de sorte que en application de l'article L. 1235'3 du code du travail dans sa version en vigueur au moment du licenciement, elle est fondée à percevoir à ce titre une indemnité comprise entre trois et quatre mois de salaire brut. Eu égard à son ancienneté dans l'entreprise, au montant de sa rémunération, à son âge au moment du licenciement (née en 1988), aux circonstances de la rupture, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure au licenciement (inscription sur la liste des demandeurs d'emploi à compter du 11 mars 2018), la cour condamne la société OAT à lui verser la somme de 4 500 euros suffisant à réparer son préjudice à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur la demande de rappel de salaire :

La cour retient au vu de ce qui précède que l'employeur à qui le retard pris dans la transmission d'un dossier complet de demande de badge est imputable ne pouvait valablement considérer que Mme [F] était en absence injustifiée et se dispenser du paiement de son salaire de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a condamné la société OAT à verser à celle-ci la somme de 7 747,48 euros à titre de rappel de salaires pour la période courant du 12 août 2017 au 17 janvier 2018 outre 774,75 euros au titre des congés payés afférents.

Sur les dommages intérêts en réparation du préjudice moral et financier :

Mme [F] ne justifiant pas d'un préjudice distinct de celui qui a été indemnisé au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse est déboutée de cette demande. Le jugement et confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de congés payés :

Mme [F] soutient qu'elle a acquis 26,23 jours de congés payés au 17 janvier 2018 de sorte que son indemnité à la rupture du contrat de travail s'élève à 1 803,05 euros. La société OAT conclut au débouté en faisant valoir qu'elle a été remplie de ses droits.

La cour relève que l'attestation pour Pôle emploi établie le 2 février 2018 mentionne le versement d'une indemnité compensatrice de congés payés de 767,08 euro correspondant selon les mentions des bulletins de salaire à 11,22 jours de congés payés non pris. S'agissant de la période postérieure au mois d'août 2017, dès lors que les rappels de salaire ordonnés par la cour sont accompagnés des congés payés afférents, aucun solde de congés payés ne reste dû de sorte que la demande est rejetée.

Sur l'application d'office de l'article L. 1235'4 du code du travail :

Eu égard à la solution du litige, la cour fait d'office application de l'article L 1235-4 du code du travail et condamne la société OAT à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [F] depuis son licenciement dans la limite de deux mois.

Sur les autres demandes :

La société OAT, partie perdante, est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et doit indemniser Mme [F] à hauteur de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 au titre des frais exposés par elle tant en première instance que devant la cour et non compris dans les dépens. Le jugement est infirmé de ce chef et la société OAT est déboutée de sa propre demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe

CONFIRME le jugement sauf du chef des condamnations prononcées au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

STATUANT à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société [Localité 5] air traiteur à verser à Mme [O] [F] la somme de 4 500 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

ORDONNE à la société [Localité 5] air traiteur de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [O] [F] depuis son licenciement dans la limite de deux mois,

DÉBOUTE Mme [O] [F] de sa demande présentée au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés et de sa demande de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral et financier,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société [Localité 5] air traiteur,

CONDAMNE la société [Localité 5] air traiteur aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Mme [O] [F] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/00587
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;20.00587 ?
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