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25/01/2023 | FRANCE | N°20/05416

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 25 janvier 2023, 20/05416


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 25 JANVIER 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05416 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIA6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F17/02159



APPELANT



Monsieur [G] [M] exerçant sous l'enseigne MARWANE COIFFURE

[Ad

resse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Daniel KNINSKI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 64



INTIME



Monsieur [U] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]
...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 25 JANVIER 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05416 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCIA6

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - RG n° F17/02159

APPELANT

Monsieur [G] [M] exerçant sous l'enseigne MARWANE COIFFURE

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Daniel KNINSKI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 64

INTIME

Monsieur [U] [W]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Nicolas PEYRÉ, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 188

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Florence MARQUES, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYEN DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée déterminée en date du 18 novembre 2015, M. [U] [W] a été engagé par M. [G] [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure jusqu'au 18 février 2016, en qualité de coiffeur, moyennant une rémunération mensuelle de 480 euros nets.

Par la suite, un nouveau contrat de travail à durée déterminée a été régularisé entre les parties sur la période allant du 19 février 2016 au 31 janvier 2017.

A compter du 01 février 2017, M. [W] a été engagé suivant contrat à durée indéterminée pour les mêmes fonctions, avec reprise d'ancienneté au 18 novembre 2015.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du commerce de la coiffure et des professions connexes (IDCC 2596). L'entreprise employait moins de 11 salariés.

M. [W] a fait l'objet, après convocation en date du 08 juin 2017 et entretien préalable fixé au 17 juin 2017, d'un licenciement pour faute grave le 22 juin 2017, pour 'abandon de poste' et 'absences sans motif'.

M. [W] a saisi le conseil de prud'hommes de Bobigny, le 17 juillet 2017, aux fins d'obtenir ' une indemnité de requalification', de voir juger que le licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse et condamner la société Marwane Coiffure à lui verser diverses sommes dont un rappel de salaire.

Par jugement en date du 02 mars 2020 le conseil de prud'hommes de Bobigny a notamment :

- dit que la moyenne des salaires de M. [M] est de 617,31 euros,

- condamné M. [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure à payer à M. [W] les sommes suivantes :

* 16.507,96 euros à titre de rappel de salaire du 18 novembre 2015 au 22 juin 2017 inclus,

* 1.650,79 à titre de congés payés afférents au rappel de salaire du 18 novembre 2015 au 22 juin 2017 inclus,

* 3.703,86 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 617,31 euros à titre d'indemnité de requalification de CDD en CDI,

* 617,31 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

* 617,31 euros à titre d'indemnité de préavis,

* 61,73 euros à titre de congés payés afférents au préavis,

* 195,48 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 1.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné à M. [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure à remettre à M. [W] les documents sociaux conformes à la présente décision de justice sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du 15ème jour de la notification de la décision, astreinte limitée à 60 jours,

- débouté M. [W] du surplus de ses demandes,

- condamné M. [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure aux dépens.

Par déclaration au greffe en date du 04 août 2020, M. [M], exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure, a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 09 novembre 2020, M. [M], exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure demande à la Cour de :

- infirmer le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur [G] [M], exerçant sous l'enseigne MARWANE COIFFURE, à verser à Monsieur [U] [W] les sommes suivantes :

* 16.507,96 € : Rappel de salaire du 18 novembre 2015 au 22 juin 2017 inclus,

* 1.650,79 € : Congés payés y afférents,

* 3.703,86 € : Indemnité pour travail dissimulé,

* 617,31 € : Indemnité de requalification de CDD en CDI,

* 617,31 € : Dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

* 617,31 € : Indemnité de préavis,

* 61,73 € : Congés payés y afférents,

* 195,48 € : Indemnité légale de licenciement,

* 1.000,00 € : Article 700 du Code de Procédure Civile,

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné l'appelant à remettre à Monsieur [W] les documents sociaux conformes au jugement rendu sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 15 ème jour de la notification de la décision,

- infirmer le jugement rendu en ce qu'il a condamné l'appelant aux dépens,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a fixé la rémunération moyenne mensuelle brute de Monsieur [W] à la somme de 617,31 €,

- confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Monsieur [W] de sa demande de versement de la somme de 1.486,15 € à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

Statuant à nouveau :

- débouter Monsieur [W] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, comme étant mal fondées,

- condamner Monsieur [W] à verser à Monsieur [G] [M], exerçant sous l'enseigne MARWANE COIFFURE la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,

- le condamner aux entiers dépens, et notamment aux frais de signification de la déclaration pour un montant de 118,19 €.

Par ses uniques conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 04 février 2021, M. [W] demande à la Cour de :

- confirmer le Jugement déféré en ce qu'il a requalifié les contrats à durée déterminée successifs ou renouvelés en contrat à durée indéterminée, dit et jugé qu'il y avait une situation de travail dissimulé, dit et jugé le licenciement abusif, ordonné la remise des documents sociaux conformes sous astreinte et condamné Monsieur [M] [G] exerçant sous l'enseigne MARWANE COIFFURE au paiement des sommes suivantes assorties de l'intérêt au taux légal :

* 16.507,96 € bruts à titre de rappel de salaires pour la période courant du 18 novembre 2015 au 22 juin 2017 inclus,

* 1.650,79 € au titre des congés payés afférents,

- infirmer partiellement le Jugement déféré en ce qu'il a fixé la moyenne des salaires à 617,31 € et a retenu cette base pour déterminer le montant de l'indemnité de requalification, de l'indemnité pour travail dissimulé, de l'indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l'indemnité de licenciement et des dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail et s'agissant de l'indemnité pour licenciement irrégulier,

- requalifier les contrats à durée déterminée successifs ou renouvelés en contrat à durée indéterminée

- dire et juger le licenciement irrégulier et abusif

- en conséquence, condamner Monsieur [M] [G] exerçant sous l'enseigne MARWANE COIFFURE à payer les sommes suivantes assorties de l'intérêt au taux légal :

* 1.486,15 € à titre d'indemnité de requalification,

* 16.507,96 € à titre de rappel de salaires pour la période courant du 18 novembre 2015

au 22 juin 2017 inclus,

* 1.650,79 € au titre des congés payés afférents,

* 8.916,90 € à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

* 1.486,15 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 148,61 € au titre de congés payés afférents,

* 495,38 € à titre d'indemnité de licenciement,

* 1.486,15 € à titre d'indemnité pour licenciement irrégulier,

* 8.916,90 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- ordonner la remise des bulletins de salaire de novembre 2015 à juillet 2017 inclus, d'un

certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi conformes à la décision à intervenir sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document et se réserver le droit de liquider ladite astreinte,

- condamner Monsieur [M] [G] exerçant sous l'enseigne MARWANE

COIFFURE au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 06 septembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un exposé complet du litige.

MOTIFS DE LA DECISION :

1-Sur la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

Selon l'article L.1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise.

L'article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des contrats spéciaux prévus à l'article L.1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire et seulement dans les cinq cas qu'il énumère, parmi lesquels figurent le remplacement d'un salarié (1°), l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise (2°) et les emplois saisonniers ou pour lesquels, dans certains secteurs d'activité définis par décret ou par convention ou accord collectif étendu, il est d'usage de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l'activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (3°).

En cas de litige sur le motif de recours énoncé dans le contrat à durée déterminée, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité de ce motif.

Il résulte de l'article L.1245-1 du code du travail qu'est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des principe précités.

L'employeur soutient que le salarié n'avait pas saisi initialement le CPH d'une demande de requalification de ses CDD en CDI , celle-ci apparaissant pour la première fois dans ses écritures devant le bureau de jugement, si bien que le CPH n'étant pas saisi de cette demande ( fin du principe de l'unicité d'instance), ne pouvait statuer ultra petita et allouer une indemnité de requalification.

Le salarié indique qu'il a, à l'occasion de sa requête initiale, demandé une 'indemnité de requalification' et a demandé la requalification des CDD en CDI dans ses conclusions devant le bureau de jugement, si bien que les dispositions de l'article 70 du code de procédure civile s'appliquent.

La cour constate effectivement que la demande dont il s'agit se rattache au sens de l'article 70 du code de procédure civile à la prétention initiale tendant à obtenir une indemnité de requalification par un lien suffisant, elle en est même la condition nécessaire.

Dès lors elle est recevable.

Au fond, il ne peut qu'être constaté qu'aucun des contrats à durée déterminée ne mentionne le motif de recours à un tel contrat .

Ainsi , les contrats signés les 18 novembre 2015 et 19 février 2016 doivent être requalifiés en contrat à durée indeteminée à effet du 18 novembre 2015.

Le jugement est complété en ce sens.

2-Sur la demande de rappels de salaires et de congés payés afférents à compter du 18 novembre 2015

Pour réclamer un rappel de salaire, M. [U] [W] soutient qu'il a été embauché et a travaillé à temps complet mais que son employeur ne l'a rémunéré que sur une base de 63 ou 64 heures mensuellement.

L'employeur s'oppose à la demande , soutenant que le contrat a été conclu à temps partiel, que la jurisprudence applicable aux heures supplémentaires est transposable à toute demande de rappel de salaire et que le seul détail des sommes demandées dans les écriture du salarié ne constitue pas un 'décompte détaillé' au sens de la jurisprudence. L'employeur souligne que durant la relation contractuelle, M. [W] n'a jamais contesté sa rémunération.

La cour constate que la demande du salarié s'analyse en réalité en une demande de qualification de son contrat de travail en contrat à temps complet alors que l'employeur soutient qu'il s'agit bien d'un contrat à temps partiel.

En application de l'article L 3123-6 du code du travail, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit comporter, notamment, mention de la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, les cas dans lesquels une modification éventuelle peut intervenir, ainsi que la nature de cette modification, les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiquées par écrit au salarié, les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat.

L'absence de mention de la répartition de la durée du travail fait présumer que l'emploi est à temps complet et il incombe à l'employeur qui conteste cette présomption de rapporter la preuve que le salarié n'était pas placé dans l'impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu'il n'avait pas à se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En l'espèce, l'examen des contrats de travail litigieux révèle que la durée du travail n'est pas indiquée, comme n'est pas précisée la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine et les semaines du mois . Il est également contaté que les contrats précisent que ' M. [W] devra être impérativement présent dès l'ouverture du salon et jusqu'à la fermeture' . Les horaires en vigueur au jour de la signature sont précisés comme suit; ' 11h-14h puis 16h-20 heures du mardi au samedi selon l'occupation du salon'.

Ainsi, non seulement le salarié ne pouvait pas prévoir à quel rythme il devait travailler et devait se tenir constamment à la disposition de l'employeur.

En conséquence, il y a lieu de juger que le contrat requalifié à durée indeteminée à effet du 18 novembre 2015, comme il a été dit plus haut, est à temps complet.

La cour s'approprie le calcul du salarié.

Il est ainsi dû au salarié un rappel de salaire de 16.507,96 euros,

outre une somme de 1.650, 79 euros au titre de congés payés afférents.

Le jugement est confirmé sur ce point.

3-Sur l'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée

En application de l'article L 1245-2 du code du travail, il est dû au salarié une somme de 1.486,15 euros de ce chef.

Le jugement est infirmé sur le quantum.

4-Sur la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au cas d'espèce, l'élément intentionnel n'est pas douteux, l'employeur ayant sciemment minimisé le nombre d'heures effectuées sur les bulletins de salaires.

L'employeur est condamné à payer à M. [U] [W] la somme de 8.916,90 euros de ce chef .

Le jugement est infirmé sur le quantum.

5-Sur le licenciement pour faute grave

L'article L.1231-1 du code du travail dispose que le contrat à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié. Aux termes de l'article L.1232-1 du même code, le licenciement par l'employeur pour motif personnel est justifié par une cause réelle et sérieuse.

Il résulte par ailleurs des dispositions combinées des articles L 1232-1, L 1232-6, L 1234-1 et L 1235-1 du code du travail que devant le juge, saisi d'un litige dont la lettre de licenciement fixe les limites, il incombe à l'employeur qui a licencié un salarié pour faute grave, d'une part d'établir l'exactitude des faits imputés à celui-ci dans la lettre, d'autre part de démontrer que ces faits constituent une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien de ce salarié dans l'entreprise.

En l'espèce, aux termes de la lettre de rupture du 22 juin 2017, il est reproché au salarié :

-un abandon de poste à son initiative

-une absence injustifiée depuis le 1er juin 2017

-la non présentation d'un justificatif médical ou la présentation d'un arrêt maladie,

-l'absence de courrier informant des motifs de son absence.

Aux termes de ses écritures, l'employeur indique que le salarié a été absent du 12 au 15 mai 2017, sans raison ni justificatif et que son comportement s'est dégradé lorsque des explications lui ont été demandées. Le salarié a ensuite été absent à compter du 1 er juin 2017.

Le salarié indique qu'il a demandé la régularisation de sa situation et qu'ensuite, il s'est vu interdire l'accès au salon de coiffure et a reçu une convocation pour un entretien préalable. Il conteste ainsi l'abandon de poste qui lui est reproché.

La cour constate que seule l'absence de M. [U] [W] à compter du 1er juin 2017 est visée dans la lettre de licenciement et que si 4 griefs sont reprochés, il s'agit en réalité d'un seul reproche, à savoir l'absence injustifiée du salarié ( abandon de poste) à compter du 1er juin 2017.

L'employeur ne justifie pas qu'il a mis son salarié en demeure de justifier de ses absences ou de reprendre le travail alors que de son côté le salarié affirme que son employeur lui a purement et simplement interdit de se présenter à son travail.

L'employeur échoue en conséquence à rapporter la preuve de ce que le salarié est à l'initiative de son absence. Le doute profitant au salarié, la cour confirme le jugement en ce qu'il a dit sans cause réelle le licenciement de M. [U] [W].

6- Sur les conséquences financières du licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salaire mensuel de référence à retenir est de 1486,15 euros

6-1- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents

Le salariée peut prétendre à un mois de préavis.

Il lui est dû de ce chef la somme de 1.486,15 euros, outre la somme de 148,61 euros pour les congés payés afférents.

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-2-Sur l'indemnité légale de licenciement

Il est dû de ce chef au salarié la somme de 495,38 euros

Le jugement est infirmé de ce chef.

6-3-Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Le salarié avait moins de deux ans d'ancienneté au jour du licenciement.

En application de l'article L 1235-5, dans sa version applicable au litige, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.

En considération notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée àM. [U] [W] de son âge au jour de son licenciement (24 ans), de son ancienneté à cette même date ( 20 mois ), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels que ces éléments résultent des pièces et des explications fournies à la cour, il y a lieu de lui allouer la somme de 1.486,15 euros (un mois de salaire) à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Le jugement est infirmé de ce chef.

7-Sur la demande d'indemnité pour irrégularité de la procédure

Il résulte de la combinaison des articles L. 1235-2 et L. 1235-5 que le salarié de moins de deux ans d'ancienneté travaillant dans une entreprise de moins de onze salariés peut cumuler en cas d'absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et une indemnité pour procédure irrégulière.

Aux termes de l'article L. 1232-2 du code du travail la convocation à l'entretien préalable à un éventuel licenciement ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation.

Le salarié devant disposer d'un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense, la lettre de remise de la convocation ne compte pas dans le délai, pas plus que le dimanche qui est un jour non ouvrable.

Si la lettre de convocation est datée du 8 juin 2017 pour le 17 juin 2017. Il n'est pas justifié de la date de présentation de la lettre recommandée. Ainsi l'employeur ne justifie pas avoir respecté ledit délai.

Néanmoins, le salarié s'est présenté à l'entretien et en l'absence d'éléments plus précis sur le préjudice, celui-ci sera exactement réparé par l'allocation de la somme de 300 euros.

M. [G] [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure est condamné à payer au salarié cette somme.

8- Sur la remise des documents de fin de contrat.

Il convient d'ordonner la remise des bulletins de paie et d'un certificat de travail et d'une attetation Pôle Emploi conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans qu'il ne soit nécessaire de prononcer une astreinte.

9-Sur les demandes accessoires

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, M. [G] [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure est condamnée aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit du salarié aisni qu'il sera dit au dispositif.

La SOCIETE est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Dit la demande de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée recevable,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a dit sans cause réelle et sérieuse le licenciement de M. [W], a admis l'existence d'un travail dissimulé, sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile et en ce qu'il condamné M. [G] [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure à payer à M. [U] [W] les sommes suivantes :

-16.507,96 euros pour rappel de salaire sur la période du 18 novembre 2015 au 22 juin 2017, outre la somme de 1.650,79 euros au titre des congés payés afférents,

L'infirme pour le surplus,

Compléte le jugement comme suit :

Requalifie les contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à compter du 18 novembre 2015,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Requalifie le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein,

Condamne M. [G] [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure à payer à M. [U] [W] les sommes suivantes :

- 1.486,15 euros à titre d'indemnité de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée,

- 8.916,90 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,

- 1.486,15 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre celle de 148,61 euros pour les congés payés afférents,

- 495,38 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 1.486,15 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 300 euros au titre de l'indemnité pour irrégularité de la procédure,

ORDONNE à M. [G] [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure de remettre à M. [U] [W] un certificat de travail, une attestation destinée au Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans un délai de15 jours à compter de sa signification,

Condamne M. [G] [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure à payer àM. [U] [W] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute M. [G] [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne M. [G] [M] exerçant sous l'enseigne Marwane Coiffure aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05416
Date de la décision : 25/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-25;20.05416 ?
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