Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 23 JANVIER 2023
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10608 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCEBW
Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Février 2020 -TJ de PARIS - RG n° 16/05899
APPELANTE
Madame [N] [D]
Domicilié [Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, Me Julien KOZLOWSKI Avocat des HAUTS DE SEINE)
INTIME
LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du département de [Localité 3]
En ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien 1,
Pôle Juridictionnel Judiciaire,
situés [Adresse 1])
[Localité 3]
Représenté par Me Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Les sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cimofat sont les sociétés de participations animatrices du groupe [D], et regroupent les participations de chaque secteur d'activité, dont les enseignes sont Auchan, Leroy Merlin, Décathlon, Boulanger, Saint-Maclou, Norauto, etc.
Les parts de ces sociétés de participations sont détenues par les quelques 650 membres de la famille [D], soit directement, soit par l'intermédiaire de sociétés civiles. Ces associés, personnes physiques et sociétés civiles interposées, sont regroupés au sein de l'association familiale [D] (AFM).
En vertu du pacte de famille liant les actionnaires, et de la règle dite « Tous dans tout », les titres d'une des sociétés en commandite par actions ne peuvent être cédés séparément des titres des autres sociétés, et tous sont réunis à cet effet en une action ou titre AFM, sorte d'action groupée ou de panier de valeurs.
Les actions des sociétés en commandite sont cessibles entre les membres de la famille [D] lors d'une bourse interne organisée le 1er juillet de chaque année, au prix établi par un collège d'experts.
Si un déséquilibre apparaît entre l'offre et la demande par excès d'offres de vente, à concurrence de 1 % de la valeur de l'ensemble des titres, les experts sont de nouveau saisis pour déterminer, le cas échéant, un autre prix.
Une caisse de rachat, qui est une réserve financière, assure en cas de déséquilibre le payement des offres de vente dans la limite de 2 % du capital des sociétés de participations. Au-delà, le marché est fermé.
Ainsi, le règlement intérieur de l'association familiale [D] expose en son article 2.1 :
« Le marché des titres de l'AFM est un marché fermé, intuitu personae. [...] le volume des ordres de ventes ne peut dépasser le volume des ordres d'achats, complété par les possibilités de réduction de capital de l'AFM que permettent ses réserves financières non investies dans les entreprises et constituées à cet effet (caisse de rachat). Au-delà de la caisse de rachat, [...] le marché se ferme. »
A l'article 2.1.3, au paragraphe Utilisation de la caisse de rachat, il est stipulé :
« Si l'excédent de vendeurs sur acheteurs est inférieur à 1 % de la valeur de l'association : la caisse de rachat répond à son objectif de permettre la liberté des actionnaires et chacun est servi suivant sa demande.
« Si l'excédent de vendeurs sur acheteurs est supérieur à 1 % de la valeur de l'association, un processus de 'retour aux experts' est déclenché. Les experts modifient ou confirment alors la valeur. Une fois la nouvelle valeur définie, les vendeurs et acheteurs confirment leurs ordres.
« Si après confirmation des ordres,
« ' l'excédent de vendeurs sur acheteurs est inférieur à 2 % de la valeur de l'association, les ordres de vente sont exécutés,
« ' l'excédent de vendeurs sur acheteurs est supérieur à 2 % de la valeur de l'association, les ordres de vente sont servis jusqu'à 2 % en fonction du pourcentage de propriété de chaque vendeur et du poids relatif de leurs ordres de vente,
« ' au-delà des 2 % que constitue la caisse de rachat, les ordres de vente non servis sont annulés. »
Selon le paragraphe 2.2 La valeur du titre AFM « Tous dans tout », il est précisé aux 2.2.1 et 2.2.2 :
« La valeur de l'AFM résulte de l'évaluation de chacune des entreprises de l'AFM. Ces évaluations sont déterminées par un collège d'experts indépendants. Elles s'imposent à l'ensemble des transactions entre actionnaires, et entre l'AFM et les actionnaires salariés des entreprises.
« Un cours de base est établi par un collège d'experts désignés par le conseil de gérance [...] Cette valeur tient compte de tous les éléments connus, à la date d'expertise, de l'évolution des entreprises, de leur position concurrentielle, de la trésorerie nette de l'AFM et de l'évolution du marché des capitaux. Ce cours est déterminé pour un faible volume de transactions. »
Entre 2006 et 2012, les transactions se sont établies entre 0,17 % et 0,59 % du capital de ces sociétés, et portaient en 2012 sur 0,43 % de ce capital.
Aux 1ers janvier 2010, 2011 et 2012, Madame [N] [D] détenait en pleine propriété ou en usufruit, des participations minoritaires dans les sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cimofat, ainsi que des parts des sociétés civiles Celamax, Licene, [G], [J] et [L] dont l'actif était principalement composé des titres des trois sociétés en commandite par actions précitées. Cela étant, elle détenait 0,74 % du capital des sociétés de tête de groupe [D].
L'article 12 des statuts de la société en commandite par actions Valorest stipulent :
« La société a un caractère exclusivement familial et regroupe les descendants de Mr et Mme [B] [V] ou des sociétés familiales composées exclusivement entre des descendants de Mr et Mme [B] [V]. Elle a donc un caractère intuitu personae et entend agréer au préalable tout nouvel actionnaire commanditaire, sur décision de la gérance. [...] le conseil de gérance admet de nouveaux actionnaires commanditaires et agrée les souscriptions nouvelles des anciens actionnaires commanditaires.
L'admission d'actionnaires commanditaires nouveaux intervient par voie soit de virement d'actions anciennes cédées par les anciens titulaires, soit de souscriptions d'actions nouvelles. Le droit de souscription ne pourra être exercé qu'une fois par an le 1er juillet de chaque année, sauf dérogation accordée par la gérance. »
L'article 17 spécifie :
« Toutes cessions et transmissions d'actions ou de droits sur les actions même par voie d'apport, entre vifs, volontaires ou forcées, à titre gratuit ou onéreux, même à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ou entre actionnaires commanditaires, doivent être préalablement autorisées par le conseil de gérance [...] Les transmissions à titre onéreux ne peuvent être effectuées qu'une fois par an sauf dérogation décidée par la gérance. »
Le paragraphe 6 de l'article 8 des statuts de la société civile Philupo stipule que :
« À raison du caractère strictement familial de la société [...], en aucun cas, une part d'intérêt ne pourra être détenue directement ou indirectement par une personne ne descendant pas en ligne directe de M. et Mme [B] [V]. La présence des conjoints parmi les associés, tant en propriété qu'en usufruit, devra respecter les clauses d'agrément pouvant exister dans les statuts des sociétés dans lesquelles la présente société civile détient des participations. »
Le paragraphe 4 de l'article 9 ajoute que « les parts d'intérêt sont librement cédées à des descendants en ligne directe. Toute autre cession de parts qu'elle soit à un tiers ou à un associé, est soumise à l'agrément de tous les associés et en conformité à l'article 8, alinéa 6 ci-dessus ».
Le 20 février 2013, l'administration fiscale proposait de rectifier la valeur des parts sociales déclarées par la contribuable pour l'impôt de solidarité sur la fortune dû en 2010, 2011 et 2012.
S'agissant des titres des sociétés en commandite par actions, le service procédait par comparaison avec les cessions antérieures de ces mêmes actions intervenues dans la bourse interne de la famille [D] :
Valeurs unitaires
Année 2010
Année 2011
Valeur déclarée
Valeur rectifiée
Valeur déclarée
Valeur rectifiée
Valorest
24,68 euros
30,74 euros
26,43 euros
33,67 euros
Acanthe
40,76 euros
50,06 euros
42,73 euros
54,19 euros
Cimofat
18,62 euros
23,22 euros
19,55 euros
25,03 euros
S'agissant des titres des sociétés civiles, le service procédait par revalorisation de l'actif net avec application d'une décote de 15 % :
Valeurs globales
Année 2010
Année 2011
Valeur déclarée
Valeur rectifiée
Valeur déclarée
Valeur rectifiée
Celamax
2 677 307 euros
5 022 977 euros
2 916 934 euros
5 558 936 euros
Licene
61 105 euros
195 470 euros
88 603 euros
276 879 euros
[G]
62 105 euros
195 468 euros
88 594 euros
276 878 euros
[J]
62 105 euros
195 470 euros
88 603 euros
276 879 euros
[L]
123 962 euros
390 156 euros
176 834 euros
552 650 euros
À la suite des observations des contribuables du 20 février 2013, les rectifications étaient partiellement maintenues suivant réponse du 27 avril 2015.
Le supplément d'imposition était mis en recouvrement le 17 août 2015 pour un montant total de 509 758 euros, comprenant 474 036 euros de droits et 35 722 euros d'intérêts moratoires.
La réclamation élevée le 10 septembre 2015 par la contribuable était partiellement accueillie par l'administration fiscale le 4 février 2016, l'administration prononçant un dégrèvement partiel de la contribution exceptionnelle sur la fortune pour un montant de 7 123 euros, et ramenant ainsi les droits à 502 635 euros, dont 466 997 euros de droits et 35 638 euros d'intérêts moratoires.
Par acte d'huissier de justice en date du 25 mars 2016 placé le 4 avril 2016, Madame [N] [D] a fait assigner l'administration fiscale devant le tribunal judiciaire de Paris en décharge des impositions contestées.
* * *
Vu le jugement prononcé le 25 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a statué comme suit :
- Dit la procédure de contrôle régulière ;
- Infirme partiellement la décision d'acceptation partielle de l'administration fiscale du 4 février 2016 ;
- Dit que la valeur des titres des sociétés civiles Celamax, Licene, lneira, [J] et [L] doit résulter de l'application d'une décote de 25 % à la valeur mathématique ;
- Invite l'administration fiscale à calculer de nouveau l'impôt de solidarité sur la fortune dû par [N] [D] aux 1ers janvier 2010, 2011 et 2012,
- Prononce la décharge des impositions mises à la charge d'[N] [D] dans cette mesure ;
- Rejette le surplus des demandes formées par [N] [D] ;
- Rappelle l'exécution provisoire de droit ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne l'administration fiscale aux dépens.
Vu l'appel déclaré le 23 juillet 2020 par Madame [N] [D],
Vu les dernières conclusions signifiées le 8 octobre 2021 par Madame [N] [D],
Vu les dernières conclusions signifiées le 23 novembre 2021 par le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 3],
Madame [N] [D] demande à la cour de statuer comme suit :
Recevoir l'appelante en ses demandes, fins et conclusions et les dire bien-fondés.
Infirmer le jugement entrepris,
Y faisant droit
- Dire et juger :
A- Sur les sociétés en commandite par actions
1. Sur la pertinence des termes de comparaison
En l'absence de référence, dans la proposition de rectification, à des ventes portant sur un volume de titres comparable à celui en litige, l'administration ne saurait être regardée comme rapportant la preuve que les titres en litige étaient susceptibles d'être cédés sur la bourse d'échange, dans les mêmes conditions et délais que les transactions citées à l'appui du redressement.
2. Sur le bien-fondé d'une décote par rapport au « cours » fixé par les experts
Une décote de 15 % est justifiée en raison du fait que la bourse d'échange intrafamiliale n'ouvre qu'un seul jour par an, que les titres des SCA ne peuvent être vendus distinctement l'un de l'autre et que la cession des actions est soumise à agrément, limitant ainsi la libre cessibilité des titres en cause.
L'administration, qui se limite à contester le principe de l'application de toute décote, sans défendre un montant de décote qu'elle estimerait plus adapté aux titres en cause, n'établit pas que les valeurs des SCA ont été sous-évaluées pour l'application des dispositions des articles 885 S et 666 du code général des impôts.
3. Sur le recours à une expertise judiciaire
Compte-tenu :
- De la technicité du litige qui excède très largement la seule connaissance des principes juridiques
- Des divergences d'appréciation entre plusieurs juges du fond
- De l'absence de précédent portant sur la cession d'un bloc de titres AFM aussi important
- Des enjeux financiers
- Du nombre de dossiers concernés (65)
Il est dans l'intérêt du litige, en application des dispositions des articles 143, 144 et 263 du code de procédure civile, d'ordonner une expertise aux fins de dire si la décote d'illiquidité appliquée par le contribuable est justifiée dans son principe et son montant.
Il est également dans l'intérêt d'une bonne justice de ne pas empêcher un justiciable de se défendre utilement en permettant l'intervention d'un tiers indépendant, qui soit un professionnel de la matière et dont l'avis aura une incidence déterminante sur la solution que doit adopter la cour.
B- Sur la SC Celamax et les autres sociétés civiles
La formule de pondération doit exprimer les caractéristiques des titres en cause, ce qui implique d'appliquer une décote de 10 % à la formule majoritaire (3VM+1VP)/4.
En conséquence, il est demandé à la cour :
- D'infirmer le jugement ;
- De prononcer la décharge des impositions ;
- A titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire aux fins de se prononcer sur le bien-fondé de la décote d'illiquidité ;
- De condamner l'administration à payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- De condamner l'administration fiscale aux dépens d'instance, dont le montant pourra être recouvré par Maitre Bellichach, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 3] demande à la cour de statuer comme suit :
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Débouter Mme [N] [D] de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
- Rejeter la demande d'expertise ;
- Condamner Mme [N] [D] en tous les dépens de première instance et d'appel ;
- Condamner Mme [N] [D] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
a) Sur la valeur des parts des sociétés en commandite par actions Valorest,
Acanthe et Cimofat
Mme[N] [U] valoir, s'agissant des SCA, que les termes de comparaison choisis par l'administration à l'appui de son redressement ne sont pas pertinents au motif que les transactions citées par elle ne portent pas sur des volumes de titres comparables à ceux du litige. Elle ajoute que l'administration ne rapporte pas la preuve que les titres en litige étaient susceptibles d'être cédés sur la bourse d'échange dans les mêmes conditions et délais que les transactions citées à l'appui du redressement.
Mme [D] fait valoir que le risque de liquidité est important dès lors que les actions en litige représentaient à elles-seules 23 % du nombre maximum de titres éligibles à la bourse intrafamiliales. Elle ajoute que les actions en litige n'étaient pas assurées de pouvoir être vendues au prix des transactions réalisées sur la bourse d'échange au motif que ce prix était révisable en cas de mise en vente de ces titres.
Mme [D] sollicite une décote de 15 % au motif que la libre cessibilité des titres est restreinte tant par les clauses statutaires que par le pacte de famille. Elle ajoute que cette décote est justifiée en raison du désavantage subi, l'actionnaire ne pouvant librement céder ses titres au moment et à l'acquéreur de son choix, ni même arbitrer entre les actions des différentes SCA.
L'administration fiscale fait valoir, qu'étant en présence de cessions réalisées sur un marché réel sans soupçon de prix de convenance, elle a valablement eu recours à la méthode par comparaison pour valoriser les titres des SCA Acanthe, Valorest et Cimofat, afin d'approcher au mieux la valeur du marché. Elle ajoute que les termes de comparaison sont adaptés au motif qu'ils concernent des cessions antérieures, proches du fait générateur et portant sur des paquets de titres emportant des droits de même nature.
L'administration fiscale réplique que la réserve financière de 2 %, garantie par la Caisse de
Rachat, est suffisante pour assurer la liquidité des titres de SCA. Elle ajoute que le prix de
la bourse interne retenu répond à l'exigence de la cour de cassation, laquelle exige une appréciation concrète de la situation du marché. Au surplus, le droit de retrait permet une
liquidité supplémentaire.
Selon l'administration fiscale , il n'y a pas lieu d'appliquer une décote, la valeur des actions
des SCA ayant valablement été estimés par comparaison.
Ceci étant exposé, Mme [D] ne soutient plus que la valeur des SCA doit être déterminée sur la base d'une méthode multicritères mais que le prix de transaction fixé par
le collège d'experts doit être ajusté par une décote d'illiquidité afin de prendre en compte
les caractéristiques des titres faisant l'objet du litige. Elle renonce en conséquence à défendre l'irrégularité pour défaut de motivation suffisante des rehaussements de la valeur
des SCA.
Selon l'article 885 D du code général des impôts, dans sa version applicable au litige :
'L'impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d'imposition déclarées selon les mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve
des dispositions particulières du présent chapitre.'
L'article 885 S du même code ajoute que « la valeur des biens est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès. »
L'article 666 de ce code indique que « les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs
».
L'article 758 ajoutant que « pour les transmissions à titre gratuit des biens meubles, autres que les valeurs mobilières cotées et les créances à terme, la valeur servantde base à l'impôt est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties, sans distraction des charges, sauf ce qui est dit aux articles 764, 767 à 770 et 773 à 776 bis. »
Si aucun prix n'est connu, la valeur de titres non cotés en bourse doit être mesurée, pour déterminer l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, en tenant compte de tous les éléments d'une façon aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel à la date du fait générateur de l'impôt.
Dans la présente espèce, les sociétés en commandite ont un caractère familial, les cessions
d'actions s'effectuent lors d'une bourse annuelle, le 1er juillet, à laquelle intervient une caisse de rachat dans la limite de 2 % du capital des sociétés, étant précisé qu'au-delà de ce
pourcentage, les cessions doivent intervenir au profit d'acheteurs définis par l'article 12 des statuts. Le prix en est fixé par un collège d'experts, quels que soient la forme de la mutation
et le nombre d'actions objet de celle-ci, et les contraintes spécifiques qui leur sont attachées
font partie des éléments d'appréciation pris en considération par les experts. Le prix se rapproche le plus possible de celui qu'aurait entraîné, dans un marché réel, le jeu normal
de l'offre et de la demande. La valeur ainsi fixée a été reprise par l'administration fiscale
comme critère de comparaison.
Mme [D] est ainsi mal fondée à soutenir que la valorisation retenue par la bourse interne ne pourrait pas être adoptée alors qu'elle a pris en compte les cessions de titres SCA intervenues le 1er juillet de l'année précedente. Les termes de comparaison ontdés lors été adaptés puisqu'ils ont porté sur des cessions de titres affectés des mêmes risques de liquidité et de limites à la libre cession mis en avant par l'appelante. La bourse interne constitue un marché réel et le prix déterminé par les experts correspond à celui du marché réel , même si le jeu de l'offre et de la demande est restreint.
Sans nécessité d'ordonner une expertise, la demande de décote sollicitée par l'appelante doit être rejetée puisque ces éléments ont déjà été pris en compte dans l'évaluation retenue par la bourse interne .
Le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.
B) Sur la valeur des parts des sociétés civiles Celamax, Licene, [G], [J] et [L]
Mme [D] fait valoir que les parts des sociétés en litige ont un caractère minoritaire, lequel résulte du nombre de titres détenus en pleine-propriété et en usufruit par le contribuable. Elle soutient que les sociétés civiles doivent être valorisées en appliquant la valeur multicritère. Elle ajoute que la formule qu'elle a appliquée, par l'adoption
d'un coefficient de pondération de 75 % et d'un taux de capitalisation de 2 % des résultats,
accorde une valeur prépondérante à la valeur patrimoniale, mais qu'exprimant toujours la valeur d'une part majoritaire, il convient de lui appliquer une décote de 25 % afin de prendre en compte le caractère minoritaire des titres en litige. Au surplus, elle soutient, au
visa de l'article L. 80 B, I° du Livre des procédures fiscales, que l'administration
ne peut prétendre à ce que la décote de 25 % vise à aligner l'ensemble des détentions sur
un profil minoritaire au motif que sa prise de position, exprimée dans tous les dossiers et
selon laquelle le pourcentage de 25 % revenait à attribuer une valeur de productivité nulle
à la formule majoritaire, lui est opposable.
Elle ajoute que le caractère minoritaire des participations peut également être pris en
compte en retenant la formule de pondération minoritaire (2VM+1VP)/3, dans laquelle M
devra correspondre à la valeur mathématique déterminée par le contribuable afin de prendre
en compte les contraintes de liquidités des titres et des actifs sous-jacents.
En cas de retenue de la seule approche patrimoniale par la cour, elle sollicite l'application
d'une décote de minorité de 15 %.
L'administration fiscale fait valoir que la valeur mathématique des titres des sociétés civiles doit être calculée en retenant la valeur vénale réelle des titres des SCA qu'elle détient. Elle soutient qu'une décote afférente aux participations des sociétés civiles n'est pas justifiée, lesdites participations dans les SCA ne souffrant d'aucune illiquidité spécifique. Elle ajoute que le recours à la seule valeur mathématique avec décote est adaptée, permettant une appréciation concrète de la spécificité des titres à évaluer.
Au surplus, elle soutient que le cumul opéré par Mme [D] d'une combinaison de valeurs intégrant une première décote interne sur la valeur mathématique, à laquelle s'ajoute une importante décote finale de 30 %, aboutit à une dépréciation sans rapport avec les sujétions attachées à la détention des titres des SCA via une société civile intermédiaire et ne correspond donc pas à la valeur vénale réelle. Elle ajoute que la décote uniforme qu'elle
applique correspond à la réalité des contraintes et avantages que connaissent les membres de l'Association familiales [D]. Elle soutient que ses conclusions devant le tribunal de grande instance ne constituent pas une prise de position formelle, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, au motif qu'elles n'ont pas été exprimées antérieurement à la date d'expiration du délai de déclaration dont disposait le contribuable.
Au surplus, la garantie de l'article précité n'est pas applicable, Mme [D] ne s'étant pas
conformée à la solution admise par l'administration lors de sa prise de position.
Ceci étant exposé :
a) Sur la prise de position formelle de l'administration
Il résulte des dispositions de l'article L80 A du livre des procédures fiscales que :
'Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle
est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.(..)'
La garantie prévue au premier alinéa de l'article L.80A est applicable :
1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation
de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle
est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.(...)'
Dans la présente espèce l'appelante expose que, contrairement à ses conclusions de première instance, l'administration fiscale, en cause d'appel, accepte une décote de 25%
visant à aligner l'ensemble des détention sur un profil minoritaire.
Ce moyen est inopérant puisque la prise de position formelle de l'administration doit avoir été exprimée antérieurement à la date d'expiration du délai de déclaration et ne peut aucunement s'appliquer aux conclusions de l'administration prises dans le cadre d'une procédure contentieuse.
b) Sur le fond
Ceci étant exposé, l'article 885 G du code général des impôts dispose que :
« les biens ou droits grevés d'un usufruit, d'un droit d'habitation ou d'un droit d'usage accordé à titre personnel sont compris dans le patrimoine de l'usufruitier ou du titulaire du
droit pour leur valeur en pleine propriété. »
Mme [N] [D] détient l'usufruit des 20 000 parts de la société civile Celamax, dont la nue- propriété est répartie entre quatre détenteurs minoritaires. Les sociétés Licene, [G], [J] et [L] sont des sociétés civiles non soumises à l'impôt sur les sociétés, dont le capital est divisé en 3 000 parts sociales . Mme [N] [D] détient dans ehaoune desdites sociétés deux parts en pleine propriété et l 501 parts en usufruit .
Le redressement a été opéré en tenant compte de la seule valeur mathématique de
la société civile, à laquelle a été appliquée une décote de 15% pour non-liquidité des titres.
L'administration fiscale accepte désormais l'application d'une décote de 25 % sur la seule
valeur mathématique .
L'actif des sociétés civiles est constitué par des participations minoritaires dans les 3 sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cofimat.
La formule [(2VM +1 VP/3] avec application d'une décote de 25% proposée par
l'appelante selon laquelle VM correspond à la valeur mathèmatique des SCA et VP porte
sur sa valeur de productivité doit être écartée dés lors que les sociétés civiles ont une productivité faible ayant pour objet la perception des dividendes . De plus , ainsi que celà
a été ci dessus rappelé, la valeur mathématique correspond à la valorisation faite par les experts de la bourse interne qui intègre déjà les paramètres tenant au fonctionnement du pacte familial et aux contraintes et limitations des conditions de vente. L'application de ce calcul multi-critères avec décote conduit à tenir compte à deux reprises desdites contraintes et conduit à sous- évaluer la valeur des participations avec une minoration de
l'ordre de 50% .
Il convient dès lors de retenir la valeur mathèmatique proposée par l'administration fiscale [(3VM +VP/4] qui tient uniquement compte de la valeur des titresdes SCA détenus par les sociétés civiles avec application d'une décote de 25% qui permet d'harmoniser les diverses détentions sur un profil minoritaire au sein des sociétés civiles.
Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la détermination de la valeur des parts des sociétés civiles.
C) Sur l'article 700 du code de procédure civile;
La cour n'estime pas devoir entrer en voie de condamnation de ce chef
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré sauf concernant la valeur des parts des sociétés civiles qui devra être calculée selon la formule suivante: (3VM +1VP) /4 -25%
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE Mme [N] [D] aux dépens
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S.MOLLÉ E.LOOS