Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 10
ARRÊT DU 23 JANVIER 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10387 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDQP
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 16/08483
APPELANT
Monsieur [D] [K]
Domicilié [Adresse 3]
[Localité 1] / BELGIQUE
Représenté par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334, Me Julien KOZLOWSKI , Avocat des HAUTS DE FRANCE
INTIME
LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE
Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du département de [Localité 5] qui élit domicile
en ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien
1, Pôle Juridictionnel Judiciaire,
situés [Adresse 2])
[Localité 5]
Représenté par Me Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 07 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Edouard LOOS, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Edouard LOOS, Président
Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente
Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCEDURE
Les sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cimofat sont les holdings animatrices du groupe [K], et regroupent les participations de chaque secteur d'activité, dont les marques sont Auchan, Leroy Merlin, Décathlon, Boulanger, Saint-Maclou, Norauto etc., par sociétés interposées.
Les parts de ces sociétés holdings sont détenues par les 650 membres de la famille [K], soit directement, soit par l'intermédiaire de sociétés civiles interposées, ces associés étant regroupés au sein de l'association familiale [K], dite « AFM ».
Ces titres, réunis en une part d'AFM englobant indivisément les parts des trois sociétés holdings, sont cessibles entre les membres de la famille [K] une fois l'année sur une bourse interne organisée chaque 1er juillet, au prix établi par un collège d'experts.
Si un déséquilibre se fait jour entre l'offre et la demande par excès d'offres de vente, à concurrence d'1% de l'ensemble de ces titres, les experts sont de nouveau saisis pour déterminer, le cas échéant, un autre prix.
Une caisse de rachat, qui est une réserve financière, assure le paiement des offres de vente dans la proportion de 2% du capital des sociétés holdings, en cas de déséquilibre. Au-delà, le marché est fermé.
M. [N] [K] détenait la pleine propriété et l'usufruit de 340 actions AFM, ainsi que l'usufruit de parts de la société civile [N] [K], laquelle détenait 7 578 978 actions des société en commandites par actions. Il détenait ainsi 5% du capital des sociétés en commandite par actions.
Par proposition de rectification du 13 juin 2013, l'administration fiscale avait remis en cause les valeurs déclarées pour l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune et de la contribution exceptionnelle sur la fortune due pour les années 2010 à 2012.
M. [N] [K] avait contesté ces rehaussements par courrier du 19 juillet 2013.
M. [N] [K] est décédé le [Date décès 4] 2013.
Ces impositions ont été mises en recouvrement le 31 juillet 2015 à la charge exclusive de M. [D] [K], et la réclamation élevée à leur encontre par ce dernier le 16 octobre 2015 a été rejetée le 18 mars 2016 par l'administration fiscale.
Par acte d'huissier de justice en date du 13 mai 2016, Monsieur [D] [K] a fait assigner l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Paris.
L'administration fiscale a prononcé le 21 décembre 2016 un dégrèvement du
747 074 euros, le montant des droits en litige s'élevant à la somme de 149 416 euros, soit la quote-part d'impôt de solidarité sur la fortune de M. [N] [K], correspondant à la quote-part successorale de M. [D] [K].
Vu le jugement prononcé le 22 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a statué comme suit :
- Dit la procédure de contrôle régulière ;
- Infirme partiellement la décision de rejet de l'administration fiscale du 15 mars 2016 ;
- Dit que la valeur des titres de la société civile [N] [K] doit résulter de l'application de la décote de 25% à la valeur mathématique ;
- Invite l'administration fiscale à calculer de nouveau l'impôt de solidarité sur la fortune et la contribution exceptionnelle sur la fortune dus par M. [D] [K] ;
- Prononce la décharge des impositions mises à la charge de M. [D] [K] dans cette mesure ;
- Rejette le surplus des demandes ;
- Rappelle l'exécution provisoire de droit ;
- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamne l'administration fiscale aux dépens.
Vu l'appel déclaré le 22 juillet 2020 par M. [D] [K] ,
Vu les dernières conclusions signifiées le 8 octobre 2021 par Monsieur [D] [K],
Vu les dernières conclusions signifiées le 23 novembre 2021 par le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 5],
Monsieur [D] [K] demande à la cour de statuer comme suit:
- Recevoir l'appelant en ses demandes, fins et conclusions et les dire bien-fondés.
- Infirmer le jugement entrepris,
Y faisant droit :
- Dire et juger :
A- Sur les sociétés en commandite par actions
1. Sur la pertinence des termes de comparaison
- Le prix des transactions intervenant sur la bourse annuelle d'échange, qui est déterminé par un collège d'experts, d'après des directives d'évaluation fixées par les dirigeants des SCA, ne constitue pas un prix de marché. Un prix fixé à dires d'expert, qui n'est pas librement négociable, n'exprime pas un prix de marché au motif que des transactions sont réalisées au prix fixé par les experts.
- Ce prix, qui correspond en l'espèce à la valeur mathématique des actions des SCA, n'est détachable ni du cadre conventionnel dans lequel ces transactions interviennent, ni de la garantie limitée de liquidité à laquelle est associé le prix fixé à dire d'experts.
- Des titres, qui en vertu du règlement de cette bourse annuelle, peuvent être cédés au prix fixé par les experts et bénéficier d'une garantie collective de liquidité limitée à 2 % de la valeur des sociétés en cause, n'ont pas les mêmes caractéristiques que les titres ne bénéficiant pas de ces garanties de prix et de liquidité.
- Le prix fixé à dires d'expert n'est donc pas transposable aux actions qui ne sont pas confrontées au même risque de liquidité, élément essentiel de la valorisation d'une action non cotée.
- Il ne suffit pas de se référer à la vente de quelques milliers de titres intervenue sur la bourse intrafamiliale au prix fixé à dires d'expert,
- et ce d'autant moins lorsque, comme en l'espèce, les termes de comparaison cités par l'administration ne portent manifestement pas sur un volume de titres comparables à ceux en litige et sont donc insusceptibles d'établir la justification du rehaussement de valeur.
En l'absence de référence, dans la proposition de rectification, à des comparables intrinsèquement similaires, il doit être jugé que l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'insuffisance de valorisation qu'elle reproche au contribuable, en contrariété avec les dispositions de l'article L. 17 2ème alinéa du livre des procédures fiscales.
2. Sur le bien-fondé d'une décote par rapport au « cours » fixé par les experts
- Risque de liquidité :
L'existence de la bourse d'échange intrafamiliale atténue la contrainte de liquidité pour environ 2 à 2,5 % de l'ensemble des titres des SCA conformément à l'objectif recherché, mais au-delà de ce pourcentage, le risque de liquidité, c'est-à-dire le risque de ne pas pouvoir vendre et l'incertitude sur les délais de réalisation ne sont pas contestables.
En l'espèce, le pourcentage d'actions détenues par les appelants et les SC dont ils sont associés (5 %) excédait très largement le volume annuel des ventes sur la bourse interfamiliale (plus de 10 fois) ainsi que la limite d'intervention de la caisse de rachat.
L'administration ne peut prétendre en conséquence que les 7 579 318 actions AFM en litige ne présentaient aucun risque de liquidité.
L'administration ne peut davantage soutenir que les titres étaient assurés de pouvoir être vendus au prix de transaction fixé par les experts dès lors que la mise en vente des seuls titres détenus par le contribuable et la société civile [N] [K] aurait entrainé la suspension de la bourse intrafamiliale et le processus de révision du prix prévu par le règlement de la bourse interne.
- Limites à la libre cession :
Il doit être également tenu compte du fait que la bourse d'échange n'ouvre qu'un seul jour par an, que les titres des SCA ne peuvent être vendus distinctement l'un de l'autre et que la cession des actions est soumise à agrément, ce qui constitue indéniablement une contrainte mise à la libre cessibilité justifiant en tout état de cause l'application a minima d'une décote de 15 %.
- Le contribuable justifie par ailleurs que le prix de cession fixé par le collège d'experts n'intègre aucune décote qui ferait double emploi avec celle qu'il défend.
- Enfin, l'administration ne démontre pas en quoi la stabilité de l'actionnariat, qui bénéficie aux sociétés opérationnelles, viendrait compenser le fait que les actionnaires des SCA ne peuvent pas vendre librement leurs actions.
En conséquence, la décote appliquée par le contribuable est justifiée dans son principe et son montant.
En tout état de cause, l'administration, qui se limite à contester le principe de l'application de toute décote, sans défendre un montant de décote qu'elle estimerait plus adapté aux titres en cause, n'établit pas que les valeurs des SCA ont été sous-évaluées pour l'application des dispositions des articles 885 S et 666 du code général des impôts.
3. Sur le recours à une expertise judiciaire
Compte-tenu :
- De la technicité du litige qui excède très largement la seule connaissance des principes juridiques
- Des divergences d'appréciation entre plusieurs juges du fond
- De l'absence de précédent portant sur la cession d'un bloc de titres AFM aussi important
- Des enjeux financiers
- Du nombre de dossiers concernés (65)
Il est dans l'intérêt du litige, en application des dispositions des articles 143, 144 et 263 du code de procédure civile, d'ordonner une expertise aux fins de dire si la décote d'illiquidité appliquée par le contribuable est justifiée dans son principe et son montant.
Il est également dans l'intérêt d'une bonne justice de ne pas empêcher un justiciable de se défendre utilement en permettant l'intervention d'un tiers indépendant, qui soit un professionnel de la matière et dont l'avis aura une incidence déterminante sur la solution que doit adopter la cour.
B- Sur la SC [N] [K]
- L'administration ne peut pas soutenir, pour la première fois en appel, que la décote de holding de 25% tiendrait compte du caractère minoritaire de la participation, dès lors qu'elle a justifié l'adoption de ce pourcentage à la prise en compte de l'incidence de la valeur de rendement dans la formule majoritaire (3VP+0VP)/4 = 25% de décote.
Cette prise de position lui est opposable en application de l'article L 80 B, 1° du livre des procédures fiscales.
- Le caractère minoritaire des titres implique :
Soit d'appliquer une décote de 25 % à la formule majoritaire (3VM+1VP)/4
Soit, a minima, d'appliquer la formule minoritaire (2VM+VP)/3 dès lors que l'administration, qui supporte la charge de la preuve conformément au 2ème alinéa de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, n'établit pas la preuve d'une sous-évaluation à hauteur des montants correspondant à cette formule de valorisation (2VM+1VP)/3 qu'elle a elle-même considéré comme étant justifiée.
- En tout état de cause, si la cour devait juger que la valeur des parts en litige devait être déterminée selon la seule valeur mathématique comme le défend l'administration, la décote de holding doit être majorée d'une décote de minorité de 15%.
En conséquence, il est demandé à la cour :
- D'infirmer le jugement ;
- De prononcer la décharge des impositions ;
- A titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire aux fins de se prononcer sur le bien-fondé de la décote d'illiquidité ;
- De condamner l'administration à payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- De condamner l'administration fiscale aux dépens d'instance, dont le montant pourra être recouvré par Maitre Bellichach, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 5] demande à la cour de statuer comme suit :
- Confirmer le jugement entrepris ;
- Débouter M. [D] [K] de toutes ses demandes fins et prétentions ;
- Rejeter la demande d'expertise ;
- Condamner M. [D] [K] en tous les dépens de première instance et d'appel ;
- Condamner M. [D] [K] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
SUR CE, LA COUR
a) Sur la valeur des parts des sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cimofat
M. [D] [K] fait valoir, s'agissant des SCA, que les termes de comparaison
choisis par l'administration à l'appui de son redressement ne sont pas pertinents au motif que les transactions citées par elle ne portent pas sur des volumes de titres comparables à ceux du litige. Il ajoute que l'administration ne rapporte pas la preuve que les titres en litige étaient susceptibles d'être cédés sur la bourse d'échange dans les mêmes conditions et délais que les transactions citées à l'appui du redressement.
M. [K] fait valoir que le risque de liquidité est important dès lors que les actions en litige représentaient à elles-seules 23 % du nombre maximum de titres éligibles à la bourse intrafamiliales. Il ajoute que les actions en litige n'étaient pas assurées de pouvoir être vendues au prix des transactions réalisées sur la bourse d'échange au motif que ce prix était révisable en cas de mise en vente de ces titres.
M. [K] sollicite une décote de 15 % au motif que la libre cessibilité des titres est restreinte tant par les clauses statutaires que par le pacte de famille. Il ajoute que cette décote est justifiée en raison du désavantage subi, l'actionnaire ne pouvant librement céder ses titres au moment et à l'acquéreur de son choix, ni même arbitrer entre les actions des différentes SCA.
L'administration fiscale fait valoir, qu'étant en présence de cessions réalisées sur un marché réel sans soupçon de prix de convenance, elle a valablement eu recours à la méthode par comparaison pour valoriser les titres des SCA Acanthe, Valorest et Cimofat, afin d'approcher au mieux la valeur du marché. Elle ajoute que les termes de comparaison sont adaptés au motif qu'ils concernent des cessions antérieures, proches du fait générateur et portant sur des paquets de titres emportant des droits de même nature.
L'administration fiscale réplique que la réserve financière de 2 %, garantie par la Caisse de
Rachat, est suffisante pour assurer la liquidité des titres de SCA. Elle ajoute que le prix de
la bourse interne retenu répond à l'exigence de la cour de cassation, laquelle exige une appréciation concrète de la situation du marché. Au surplus, le droit de retrait permet une
liquidité supplémentaire.
Selon l'administration fiscale , il n'y a pas lieu d'appliquer une décote, la valeur des actions
des SCA ayant valablement été estimés par comparaison.
Ceci étant exposé, M. [K] ne soutient plus que la valeur des SCA doit être déterminée sur la base d'une méthode multicritères mais que le prix de transaction fixé par le collège d'experts doit être ajusté par une décote d'illiquidité afin de prendre en compte les caractéristiques des titres faisant l'objet du litige. Il renonce en conséquence à défendre l'irrégularité pour défaut de motivation suffisante des rehaussements de la valeur des SCA.
Selon l'article 885 D du code général des impôts, dans sa version applicable au litige :
'L'impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d'imposition déclarées selon les
mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve
des dispositions particulières du présent chapitre.'
L'article 885 S du même code ajoute que « la valeur des biens est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès. »
L'article 666 de ce code indique que « les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs
».L'article 758 ajoutant que « pour les transmissions à titre gratuit des biens meubles, autres que les valeurs mobilières cotées et les créances à terme, la valeur servant
de base à l'impôt est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties, sans
distraction des charges, sauf ce qui est dit aux articles 764, 767 à 770 et 773 à 776 bis. »
Si aucun prix n'est connu, la valeur de titres non cotés en bourse doit être mesurée, pour déterminer l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, en tenant compte de tous les éléments d'une façon aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le
jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel à la date du fait générateur de l'impôt.
Dans la présente espèce, les sociétés en commandite ont un caractère familial, les cessions
d'actions s'effectuent lors d'une bourse annuelle, le 1er juillet, à laquelle intervient une caisse de rachat dans la limite de 2 % du capital des sociétés, étant précisé qu'au-delà de ce
pourcentage, les cessions doivent intervenir au profit d'acheteurs définis par l'article 12 des
statuts. Le prix en est fixé par un collège d'experts, quels que soient la forme de la mutation
et le nombre d'actions objet de celle-ci, et les contraintes spécifiques qui leur sont attachées
font partie des éléments d'appréciation pris en considération par les experts. Le prix se rapproche le plus possible de celui qu'aurait entraîné, dans un marché réel, le jeu normal de l'offre et de la demande. La valeur ainsi fixée a été reprise par l'administration fiscale comme critère de comparaison.
M. [K] est ainsi mal fondé à soutenir que la valorisation retenue par la bourse interne ne pourrait pas être adoptée alors qu'elle a pris en compte les cessions de titres SCA intervenues le 1er juillet de l'année précédente. Les termes de comparaison ont dés lors été adaptés puisqu'ils ont porté sur des cessions de titres affectés des mêmes risques de liquidité et de limites à la libre cession mis en avant par l'appelant. La bourse interne constitue un marché réel et le prix déterminé par les experts correspond à celui du marché réel , même si le jeu de l'offre et de la demande est restreint.
Sans nécessité d'ordonner une expertise, la demande de décote sollicitée par l'appelante doit être rejetée puisque ces éléments ont déjà été pris en compte dans l'évaluation retenue par la bourse interne .
Le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.
B) Sur la valeur des parts de la société civile [N] [K] .
M. [K] fait valoir que les parts de la société en litige ont un caractère minoritaire, lequel résulte du nombre de titres détenus en pleine-propriété et en usufruit par le contribuable. Il soutient que la société civile doit être valorisées en appliquant la valeur multicritère. Il expose que la formule qu' il a appliqué, par l'adoption d'un coefficient de pondération de 75 % et d'un taux de capitalisation de 2 % des résultats, accorde une valeur prépondérante à la valeur patrimoniale, mais qu'exprimant toujours la valeur d'une part majoritaire, il convient de lui appliquer une décote de 25 % afin de prendre en compte le caractère minoritaire des titres en litige. Au surplus, il soutient, au visa de l'article L. 80 B, I° du Livre des procédures fiscales, que l'administration ne peut prétendre à ce que la décote de 25 % vise à aligner l'ensemble des détentions sur un profil minoritaire au motif que sa prise de position, exprimée dans tous les dossiers et selon laquelle le pourcentage de 25 % revenait à attribuer une valeur de productivité nulle à la formule majoritaire, lui est opposable.
Il ajoute que le caractère minoritaire des participations peut également être pris en compte en retenant la formule de pondération minoritaire (2VM+1VP)/3, dans laquelle M devra correspondre à la valeur mathématique déterminée par le contribuable afin de prendreen compte les contraintes de liquidités des titres et des actifs sous-jacents.
En cas de retenue de la seule approche patrimoniale par la cour, elle sollicite l'application
d'une décote de minorité de 15 %.
L'administration fiscale fait valoir que la valeur mathématique des titres des sociétés civiles doit être calculée en retenant la valeur vénale réelle des titres des SCA qu'elle détient. Elle soutient qu'une décote afférente aux participations des sociétés civiles n'est pas justifiée, lesdites participations dans les SCA ne souffrant d'aucune illiquidité spécifique. Elle ajoute que le recours à la seule valeur mathématique avec décote est adaptée, permettant une appréciation concrète de la spécificité des titres à évaluer.
Au surplus, elle soutient que le cumul opéré par M. [K] d'une combinaison de valeurs intégrant une première décote interne sur la valeur mathématique, à laquelle s'ajoute une importante décote finale de 30 %, aboutit à une dépréciation sans rapport avec les sujétions attachées à la détention des titres des SCA via une société civile intermédiaire et ne correspond donc pas à la valeur vénale réelle. Elle ajoute que la décote uniforme qu'elle applique correspond à la réalité des contraintes et avantages que connaissent les membres de l'Association familiale [K]. Elle soutient que ses conclusions devant le tribunal de grande instance ne constituent pas une prise de position formelle, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, au motif qu'elles n'ont pas été exprimées antérieurement à la date d'expiration du délai de déclaration dont disposait le contribuable.
Au surplus, la garantie de l'article précité n'est pas applicable, M. [K] ne s'étant pas
conformé à la solution admise par l'administration lors de sa prise de position.
Ceci étant exposé :
a) Sur la prise de position formelle de l'administration
Il résulte des dispositions de l'article L80 A du livre des procédures fiscales que :
'Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle
est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.(..)'
La garantie prévue au premier alinéa de l'article L.80A est applicable :
1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation
de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle
est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.(...)'
Dans la présente espèce l'appelante expose que, contrairement à ses conclusions de première instance, l'administration fiscale, en cause d'appel, accepte une décote de 25%
visant à aligner l'ensemble des détentions sur un profil minoritaire.
Ce moyen est inopérant puisque la prise de position formelle de l'administration doit avoir été exprimée antérieurement à la date d'expiration du délai de déclaration et ne peut aucunement s'appliquer aux conclusions de l'administration prises dans le cadre d'une procédure contentieuse.
b) Sur le fond
Ceci étant exposé, l'article 885 G du code général des impôts dispose que :
« les biens ou droits grevés d'un usufruit, d'un droit d'habitation ou d'un droit d'usage accordé à titre personnel sont compris dans le patrimoine de l'usufruitier ou du titulaire du
droit pour leur valeur en pleine propriété. »
La SCI [N] [K] est divisée en 755 658 parts dont M. [N] [K] détenait aux 1er janvier 2010 et 2011 314 976 parts en usufruit et au 1er janvier 2012 274 476 parts en usufruit.
Le redressement a été opéré en tenant compte de la seule valeur mathématique de
la société civile, à laquelle a été appliquée une décote de 15% pour non-liquidité des titres.
L'administration fiscale accepte désormais l'application d'une décote de 25 % sur la seule
valeur mathématique .
L'actif de la société civile est constitué par des participations minoritaires dans les 3 sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cofimat.
La formule [(2VM +1 VP/3] avec application d'une décote de 25% proposée par l'appelante selon laquelle VM correspond à la valeur mathèmatique des SCA et VP porte sur sa valeur de productivité doit être écartée dés lors que la société civile a une productivité faible ayant pour objet la perception des dividendes . De plus, ainsi que celà a été ci dessus rappelé, la valeur mathématique correspond à la valorisation faite par les experts de la bourse interne qui intègre déjà les paramètres tenant au fonctionnement du pacte familial et aux contraintes et limitations des conditions de vente. L'application de ce calcul multi-critères avec décote conduit à tenir compte à deux reprises desdites contraintes et conduit à sous- évaluer la valeur des participations avec une minoration del'ordre de 50% .
Il convient dès lors de retenir la valeur mathématique proposée par l'administration fiscale (3VM +VP) /4 qui tient uniquement compte de la valeur des titres des SCA détenus par la société civilesavec application d'une décote de 25% qui permet d'harmoniser les diverses détentions sur un profil minoritaire au sein des sociétés civiles.
Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions sauf concernant la détermination des parts de la société civile.
C) Sur l'article 700 du code de procédure civile;
La cour n'estime pas devoir entrer en voie de condamnation de ce chef
PAR CES MOTIFS :
La cour,
CONFIRME le jugement déféré sauf concernant la valeur des parts de la société civile qui devra être calculée selon la formule suivante: (3VM +1VP) /4 -25%
REJETTE toutes autres demandes ;
CONDAMNE M. [D] [K] aux dépens.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
S.MOLLÉ E.LOOS