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23/01/2023 | FRANCE | N°20/10384

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 23 janvier 2023, 20/10384


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 23 JANVIER 2023



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10384 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDQH



Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/00018





APPELANTE



Madame [E] [O]

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 4]



ReprésentÃ

©e par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Représentée parMe Julien KOZLOWSKI ,Avocat des HAUTS DE SEINE







INTIME



LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRA...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 23 JANVIER 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/10384 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCDQH

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS RG n° 18/00018

APPELANTE

Madame [E] [O]

Domicilié [Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334

Représentée parMe Julien KOZLOWSKI ,Avocat des HAUTS DE SEINE

INTIME

LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE Le Directeur Régional des Finances Publiques d'Ile de France et du département de [Localité 5] qui élit domicile

en ses bureaux du Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Guillaume MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON ROSSENTHAL, Présidente

Monsieur Jacques LE VAILLANT, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS, Président, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCEDURE

Les sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cimofat sont les sociétés de participations animatrices du groupe [O], et regroupent les participations de chaque secteur d'activité, dont les enseignes sont Auchan, Leroy Merlin, Décathlon, Boulanger, 3 Suisses, Saint-Maclou, Norauto, Kiabi, etc.

Les parts de ces sociétés de participations sont détenues par les quelques 650 membres de la famille [O], soit directement, soit par l'intermédiaire de sociétés civiles. Ces associés, personnes physiques et sociétés civiles interposées, sont regroupés au sein de l'association familiale [O] (AFM).

En vertu du pacte de famille liant les actionnaires, et de la règle dite « Tous dans tout », les titres d'une des sociétés en commandite par actions ne peuvent être cédés séparément des titres des autres sociétés, et tous sont réunis à cet effet en une action ou titre AFM, sorte d'action groupée ou de panier de valeurs.

Les actions des sociétés en commandite sont cessibles entre les membres de la famille [O] lors d'une bourse interne organisée le 1er juillet de chaque année, au prix établi par un collège d'experts.

Si un déséquilibre apparaît entre l'offre et la demande par excès d'offres de vente, à concurrence de 1 % de la valeur de l'ensemble des titres, les experts sont de nouveau saisis pour déterminer, le cas échéant, un autre prix.

Une caisse de rachat, qui est une réserve financière, assure en cas de déséquilibre le payement des offres de vente dans la limite de 2 % du capital des sociétés de participations. Au-delà, le marché est fermé.

Ainsi, le règlement intérieur de l'association familiale [O] expose en son article 2.1 :

« Le marché des titres de l'AFM est un marché fermé, intuitu personae. [...] le volume des ordres de ventes ne peut dépasser le volume des ordres d'achats, complété par les possibilités de réduction de capital de l'AFM que permettent ses réserves financières non investies dans les entreprises et constituées à cet effet (caisse de rachat). Au-delà de la caisse de rachat, [...] le marché se ferme. »

A l'article 2.1.3, au paragraphe Utilisation de la caisse de rachat, il est stipulé :

« Si l'excédent de vendeurs sur acheteurs est inférieur à 1 % de la valeur de l'association : la caisse de rachat répond à son objectif de permettre la liberté des actionnaires et chacun est servi suivant sa demande.

« Si l'excédent de vendeurs sur acheteurs est supérieur à 1 % de la valeur de l'association, un processus de 'retour aux experts' est déclenché. Les experts modifient ou confirment alors la valeur. Une fois la nouvelle valeur définie, les vendeurs et acheteurs confirment leurs ordres.

« Si après confirmation des ordres,

« ' l'excédent de vendeurs sur acheteurs est inférieur à 2 % de la valeur de l'association, les ordres de vente sont exécutés,

« ' l'excédent de vendeurs sur acheteurs est supérieur à 2 % de la valeur de l'association, les ordres de vente sont servis jusqu'à 2 % en fonction du pourcentage de propriété de chaque vendeur et du poids relatif de leurs ordres de vente,

« ' au-delà des 2 % que constitue la caisse de rachat, les ordres de vente non servis sont annulés. »

Selon le paragraphe 2.2 La valeur du titre AFM « Tous dans tout », il est précisé aux 2.2.1 et 2.2.2 :

« La valeur de l'AFM résulte de l'évaluation de chacune des entreprises de l'AFM. Ces évaluations sont déterminées par un collège d'experts indépendants. Elles s'imposent à l'ensemble des transactions entre actionnaires, et entre l'AFM et les actionnaires salariés des entreprises.

« Un cours de base est établi par un collège d'experts désignés par le conseil de gérance [...] Cette valeur tient compte de tous les éléments connus, à la date d'expertise, de l'évolution des entreprises, de leur position concurrentielle, de la trésorerie nette de l'AFM et de l'évolution du marché des capitaux. Ce cours est déterminé pour un faible volume de transactions. »

Entre 2006 et 2012, les transactions se sont établies entre 0,17 % et 0,59 % du capital de ces sociétés, et portaient en 2012 sur 0,43 % de ce capital.

Au 1er janvier 2012, Madame [E] [O] détenait, en pleine propriété et en usufruit, des participations minoritaires dans les sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cimofat, ainsi que la pleine propriété, l'usufruit ou la nue-propriété de parts de la société civile Philupo, laquelle détenait 6 092 848 actions non cotées des trois sociétés en commandite par actions précitées. Cela étant, elle détenait 4 % du capital des sociétés de tête du groupe [O].

Les paragraphes 1 et 2 de l'article 12 des statuts de la société en commandite par actions Valorest stipulent :

« La société a un caractère exclusivement familial et regroupe les descendants de Mr et Mme [G] [T] ou des sociétés familiales composées exclusivement entre des descendants de Mr et Mme [G] [T]. Elle a donc un caractère intuitu personae et entend agréer au préalable tout nouvel actionnaire commanditaire, sur décision de la gérance. [...] le conseil de gérance admet de nouveaux actionnaires commanditaires et agrée les souscriptions nouvelles des anciens actionnaires commanditaires.

L'admission d'actionnaires commanditaires nouveaux intervient par voie soit de virement d'actions anciennes cédées par les anciens titulaires, soit de souscriptions d'actions nouvelles. Le droit de souscription ne pourra être exercé qu'une fois par an le 1er juillet de chaque année, sauf dérogation accordée par la gérance. »

L'article 17 spécifie :

« Toutes cessions et transmissions d'actions ou de droits sur les actions même par voie d'apport, entre vifs, volontaires ou forcées, à titre gratuit ou onéreux, même à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ou entre actionnaires commanditaires, doivent être préalablement autorisées par le conseil de gérance [...] Les transmissions à titre onéreux ne peuvent être effectuées qu'une fois par an sauf dérogation décidée par la gérance. »

Le paragraphe 6 de l'article 8 des statuts de la société civile Philupo stipule que :

« À raison du caractère strictement familial de la société [...], en aucun cas, une part d'intérêt ne pourra être détenue directement ou indirectement par une personne ne descendant pas en ligne directe de M. et Mme [G] [T]. La présence des conjoints parmi les associés, tant en propriété qu'en usufruit, devra respecter les clauses d'agrément pouvant exister dans les statuts des sociétés dans lesquelles la présente société civile détient des participations. »

Le paragraphe 4 de l'article 9 ajoute que « les parts d'intérêt sont librement cédées à des descendants en ligne directe. Toute autre cession de parts qu'elle soit à un tiers ou à un associé, est soumise à l'agrément de tous les associés et en conformité à l'article 8, alinéa 6 ci-dessus ».

Le 21 décembre 2015, l'administration fiscale proposait de rectifier la valeur des parts sociales déclarées par la contribuable pour l'impôt de solidarité sur la fortune et la contribution exceptionnelle sur la fortune dus en 2012.

S'agissant des titres des sociétés en commandite par actions, le service procédait par comparaison avec les cessions de ces mêmes actions intervenues lors de la bourse interne de la famille [O] du 1er juillet 2011, et parvenait au résultat suivant :

S.C.A

Valeurs unitaires en 2012

Écart

Valeur déclarée

Valeur rectifiée

Insuffisance

Valorest

29,87 euros

37,38 euros

7,51 euros

Acanthe

48,40 euros

60,22 euros

11,82 euros

Cimofat

22,43 euros

27,60 euros

5,17 euros

Sur cette base, l'administration formait un rappel pour un montant total de 141 378 euros, comprenant 35 234 euros de droits au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune et 87 304 euros au titre de la contribution exceptionnelle sur la fortune, et 18 840 euros d'intérêts de retard.

À la suite des observations d'[E] [O] présentées le 1er février 2016, les rectifications étaient intégralement maintenues suivant réponse du 15 mars 2016.

Le supplément d'imposition était mis en recouvrement le 24 novembre 2016, et la réclamation élevée à son encontre par la contribuable le 28 décembre 2016 était rejetée par l'administration fiscale le 20 octobre 2017.

Par acte d'huissier de justice en date du 14 décembre 2017 placé le 2 janvier 2018, Madame [E] [O] a fait assigner l'administration fiscale devant le tribunal de grande instance de Paris en décharge des impositions contestées.

Vu le jugement prononcé le 29 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris qui a statué comme suit :

- Dit la procédure de contrôle régulière ;

- Infirme partiellement la décision de rejet de l'administration fiscale du 20 octobre 2017 ;

- Dit que la valeur des titres de la société civile Philupo doit résulter de l'application d'une décote de 25 % à la valeur mathématique ;

- Invite l'administration fiscale à calculer de nouveau l'impôt de solidarité sur la fortune et la contribution exceptionnelle sur la fortune dus par [E] [O] au 1er janvier 2012 ;

- Prononce la décharge des impositions mises à la charge d'[E] [O] dans cette mesure ;

- Rejette le surplus des demandes formées par [E] [O] ;

- Rappelle l'exécution provisoire de droit ;

- Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Laisse à chacune des parties la charge de ses dépens.

Vu l'appel déclaré le 22 juillet 2020 par Madame [E] [O],

Vu l'ordonnance du conseiller de la mise en état du 27 septembre 2021 qui a rejeté la demande de sursis à statuer ,

Vu les dernières conclusions signifiées le 8 octobre 2021 par Madame [E] [O],

Vu les dernières conclusions signifiées le 16 novembre 2021 par le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 5],

Madame [E] [O] demande à la cour de statuer comme suit :

Recevoir l'appelante en ses demandes, fins et conclusions et les dire bien-fondés.

Infirmer le jugement entrepris,

Y faisant droit,

- Dire et juger :

A- Sur les sociétés en commandite par actions

1. Sur la pertinence des termes de comparaison

- Le prix des transactions intervenant sur la bourse annuelle d'échange, qui est déterminé par un collège d'experts, d'après des directives d'évaluation fixées par les dirigeants des SCA, ne constitue pas un prix de marché. Un prix fixé à dires d'expert, qui n'est pas librement négociable, n'exprime pas un prix de marché au motif que des transactions sont réalisées au prix fixé par les experts.

- Ce prix, qui correspond en l'espèce à la valeur mathématique des actions des SCA, n'est détachable ni du cadre conventionnel dans lequel ces transactions interviennent, ni de la garantie limitée de liquidité à laquelle est associé le prix fixé à dire d'experts.

- Des titres, qui en vertu du règlement de cette bourse annuelle, peuvent être cédés au prix fixé par les experts et bénéficier d'une garantie collective de liquidité limitée à 2 % de la valeur des sociétés en cause, n'ont pas les mêmes caractéristiques que les titres ne bénéficiant pas de ces garanties de prix et de liquidité.

- Le prix fixé à dires d'expert n'est donc pas transposable aux actions qui ne sont pas confrontées au même risque de liquidité, élément essentiel de la valorisation d'une action non cotée.

- Il ne suffit pas de se référer à la vente de quelques milliers de titres intervenue sur la bourse intrafamiliale au prix fixé à dires d'expert,

- et ce d'autant moins lorsque, comme en l'espèce, les termes de comparaison cités par l'administration ne portent manifestement pas sur un volume de titres comparables à ceux en litige et sont donc insusceptibles d'établir la justification du rehaussement de valeur.

En l'absence de référence, dans la proposition de rectification, à des comparables intrinsèquement similaires, il doit être jugé que l'administration ne rapporte pas la preuve qui lui incombe de l'insuffisance de valorisation qu'elle reproche au contribuable, en contrariété avec les dispositions de l'article L. 17 2ème alinéa du livre des procédures fiscales.

2. Sur le bien-fondé d'une décote par rapport au « cours » fixé par les experts

- Risque de liquidité :

L'existence de la bourse d'échange intrafamiliale atténue la contrainte de liquidité pour environ 2 à 2,5 % de l'ensemble des titres des SCA conformément à l'objectif recherché, mais au-delà de ce pourcentage, le risque de liquidité, c'est-à-dire le risque de ne pas pouvoir vendre et l'incertitude sur les délais de réalisation ne sont pas contestables.

En l'espèce, le pourcentage d'actions détenues par les appelants et les SC dont ils sont associés (4,08 %) excédait très largement le volume annuel des ventes sur la bourse interfamiliale (plus de 8 fois) ainsi que la limite d'intervention de la caisse de rachat.

L'administration ne peut prétendre en conséquence que les 6 132 186 actions AFM en litige ne présentaient aucun risque de liquidité.

L'administration ne peut davantage soutenir que les titres étaient assurés de pouvoir être vendus au prix de transaction fixé par les experts dès lors que la mise en vente des seuls titres détenus par le contribuable et la société civile PHILUPO aurait entrainé la suspension de la bourse intrafamiliale et le processus de révision du prix prévu par le règlement de la bourse interne.

- Limites à la libre cession :

Il doit être également tenu compte du fait que la bourse d'échange n'ouvre qu'un seul jour par an, que les titres des SCA ne peuvent être vendus distinctement l'un de l'autre et que la cession des actions est soumise à agrément, ce qui constitue indéniablement une contrainte mise à la libre cessibilité justifiant en tout état de cause l'application à minima d'une décote de 15 %.

- Le contribuable justifie par ailleurs que le prix de cession fixé par le collège d'experts n'intègre aucune décote qui ferait double emploi avec celle qu'il défend.

- Enfin, l'administration ne démontre pas en quoi la stabilité de l'actionnariat, qui bénéficie aux sociétés opérationnelles, viendrait compenser le fait que les actionnaires des SCA ne peuvent pas vendre librement leurs actions.

En conséquence, la décote appliquée par le contribuable est justifiée dans son principe et son montant.

En tout état de cause, l'administration, qui se limite à contester le principe de l'application de toute décote, sans défendre un montant de décote qu'elle estimerait plus adapté aux titres en cause, n'établit pas que les valeurs des SCA ont été sous-évaluées pour l'application des dispositions des articles 885 S et 666 du code général des impôts.

3. Sur le recours à une expertise judiciaire

Compte-tenu :

- De la technicité du litige qui excède très largement la seule connaissance des principes juridiques

- Des divergences d'appréciation entre plusieurs juges du fond

- De l'absence de précédent portant sur la cession d'un bloc de titres AFM aussi important

- Des enjeux financiers

- Du nombre de dossiers concernés (65)

Il est dans l'intérêt du litige, en application des dispositions des articles 143,144 et 263 du code de procédure civile, d'ordonner une expertise aux fins de dire si la décote d'illiquidité appliquée par le contribuable est justifiée dans son principe et son montant.

Il est également dans l'intérêt d'une bonne justice de ne pas empêcher un justiciable de se défendre utilement en permettant l'intervention d'un tiers indépendant, qui soit un professionnel de la matière et dont l'avis aura une incidence déterminante sur la solution que doit adopter la cour.

B- Sur la SC PHILUPO

- L'administration ne peut pas soutenir, pour la première fois en appel, que la décote de holding de 25% tiendrait compte du caractère minoritaire de la participation, dès lors qu'elle a justifié l'adoption de ce pourcentage à la prise en compte de l'incidence de la valeur de rendement dans la formule majoritaire (3VP+0VP)/4 = 25% de décote.

Cette prise de position lui est opposable en application de l'article L 80 B, 1° du livre des procédures fiscales.

- Le caractère minoritaire des titres implique :

' Soit d'appliquer une décote de 25 % à la formule majoritaire (3VM+1VP)/4

' Soit, a minima, d'appliquer la formule minoritaire (2VM+VP)/3 dès lors que l'administration, qui supporte la charge de la preuve conformément au 2ème alinéa de l'article L. 17 du livre des procédures fiscales, n'établit pas la preuve d'une sous-évaluation à hauteur des montants correspondant à cette formule de valorisation (2VM+1VP)/3 qu'elle a elle-même considéré comme étant justifiée.

- En tout état de cause, si la cour devait juger que la valeur des parts en litige devait être déterminée selon la seule valeur mathématique comme le défend l'administration, la décote de holding doit être majorée d'une décote de minorité de 15%.

En conséquence, il est demandé à la cour :

- D'infirmer le jugement ;

- De prononcer la décharge des impositions ;

- A titre subsidiaire, de désigner un expert judiciaire aux fins de se prononcer sur le bien-fondé de la décote d'illiquidité ;

- De condamner l'administration à payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- De condamner l'administration fiscale aux dépens d'instance, dont le montant pourra être recouvré par Maitre Bellichach, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et du département de [Localité 5] demande à la cour de : statuer comme suit

- Confirmer le jugement entrepris ;

- Débouter Mme [E] [O] de toutes ses demandes fins et prétentions ;

- Rejeter la demande d'expertise ;

- La condamner aux entiers dépens d'appel et de première instance ;

- Rejeter sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamner Mme [E] [O] au paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE, LA COUR

a) Sur la valeur des parts des sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe et Cimofat

Mme [E] [O] fait valoir, s'agissant des SCA, que les termes de comparaison choisis par l'administration à l'appui de son redressement ne sont pas pertinents au motif que les transactions citées par elle ne portent pas sur des volumes de titres comparables à ceux du litige. Elle ajoute que l'administration ne rapporte pas la preuve que les titres en litige étaient susceptibles d'être cédés sur la bourse d'échange dans les mêmes conditions et délais que les transactions citées à l'appui du redressement.

Mme [O] fait valoir que le risque de liquidité est important dès lors que les actions en litige représentaient à elles-seules 23 % du nombre maximum de titres éligibles à la bourse intrafamiliales. Elle ajoute que les actions en litige n'étaient pas assurées de pouvoir être vendues au prix des transactions réalisées sur la bourse d'échange au motif que ce prix était révisable en cas de mise en vente de ces titres.

Mme [O] sollicite une décote de 15 % au motif que la libre cessibilité des titres est restreinte tant par les clauses statutaires que par le pacte de famille. Elle ajoute que cette décote est justifiée en raison du désavantage subi, l'actionnaire ne pouvant librement céder ses titres au moment et à l'acquéreur de son choix, ni même arbitrer entre les actions des différentes SCA.

L'administration fiscale fait valoir, qu'étant en présence de cessions réalisées sur un marché réel sans soupçon de prix de convenance, elle a valablement eu recours à la méthode par comparaison pour valoriser les titres des SCA Acanthe, Valorest et Cimofat,

afin d'approcher au mieux la valeur du marché. Elle ajoute que les termes de comparaison

sont adaptés au motif qu'ils concernent des cessions antérieures, proches du fait générateur

et portant sur des paquets de titres emportant des droits de même nature.

L'administration fiscale réplique que la réserve financière de 2 %, garantie par la Caisse de Rachat, est suffisante pour assurer la liquidité des titres de SCA. Elle ajoute que le prix de la bourse interne retenu répond à l'exigence de la cour de cassation, laquelle exige une

appréciation concrète de la situation du marché. Au surplus, le droit de retrait permet une

liquidité supplémentaire.

Selon l'administration fiscale, il n'y a pas lieu d'appliquer une décote, la valeur des actions des SCA ayant valablement été estimés par comparaison.

Ceci étant exposé, Mme [O] ne soutient plus que la valeur des SCA doit être déterminée sur la base d'une méthode multicritère mais que le prix de transaction fixé par

le collège d'experts doit être ajusté par une décote d'illiquidité afin de prendre en compte

les caractéristiques des titres faisant l'objet du litige. Elle renonce en conséquence à défendre l'irrégularité pour défaut de motivation suffisante des rehaussements de la valeur

des SCA.

Selon l'article 885 D du code général des impôts, dans sa version applicable au litige :

'L'impôt de solidarité sur la fortune est assis et les bases d'imposition déclarées selon les

mêmes règles et sous les mêmes sanctions que les droits de mutation par décès sous réserve des dispositions particulières du présent chapitre.'

L'article 885 S du même code ajoute que « la valeur des biens est déterminée suivant les règles en vigueur en matière de droits de mutation par décès. »

L'article 666 de ce code indique que « les droits proportionnels ou progressifs d'enregistrement et la taxe proportionnelle de publicité foncière sont assis sur les valeurs

».

L'article 758 ajoutant que « pour les transmissions à titre gratuit des biens meubles, autres que les valeurs mobilières cotées et les créances à terme, la valeur servant de base à l'impôt est déterminée par la déclaration détaillée et estimative des parties, sans distraction des charges, sauf ce qui est dit aux articles 764, 767 à 770 et 773 à 776 bis. »

Si aucun prix n'est connu, la valeur de titres non cotés en bourse doit être mesurée, pour déterminer l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune, en tenant compte de tous les éléments d'une façon aussi proche que possible de celle qu'aurait entraîné le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel à la date du fait générateur de l'impôt.

Dans la présente espèce, les sociétés en commandite ont un caractère familial, les cessions

d'actions s'effectuent lors d'une bourse annuelle, le 1er juillet, à laquelle intervient une caisse de rachat dans la limite de 2 % du capital des sociétés, etant précisé qu'au-delà de ce pourcentage, les cessions doivent intervenir au profit d'acheteurs définis par l'article 12 des statuts. Le prix en est fixé par un collège d'experts, quels que soient la forme de la mutation et le nombre d'actions objet de celle-ci, et les contraintes spécifiques qui leur sont attachées font partie des éléments d'appréciation pris en considération par les experts. Le prix se rapproche le plus possible de celui qu'aurait entraîné, dans un marché réel, le jeu normal de l'offre et de la demande. La valeur ainsi fixée a été reprise par l'administration fiscale comme critère de comparaison.

Mme [O] est ainsi mal fondée à soutenir que la valorisation retenue par la bourse interne ne pourrait pas être adoptée alors qu'elle a pris en compte les cessions de titres SCA intervenues le 1 er juillet de l'année précédente. Les termes de comparaison ont dés lors été adaptés puisqu'ils ont porté sur des cessions de titres affectés des mêmes risques de liquidité et de limites à la libre cession mis en avant par l'appelante. La bourse

interne constitue un marché réel et le prix déterminé par les experts correspond à celui du

marché réel, même si le jeu de l'offre et de la demande est restreint.

Sans nécessité d'ordonner une expertise, la demande de décote sollicitée par l'appelante doit être rejetée puisque ces éléments ont déjà été pris en compte dans l'évaluation retenue par la bourse interne .

Le jugement déféré doit être confirmé de ce chef.

B) Sur la valeur des parts de la SC Philupo

Mme [O] fait valoir que les parts de la société en litige ont un caractère minoritaire, lequel résulte du nombre de titres détenus en pleine-propriété et en usufruit par le contribuable. Elle soutient que la SC Philupo doit être valorisée en appliquant la valeur multicritère. Elle ajoute que la formule qu'elle a appliquée, par l'adoption d'un coefficient de pondération de 75 % et d'un taux de capitalisation de 2 % des résultats, accorde une valeur prépondérante à la valeur patrimoniale, mais qu'exprimant toujours la

valeur d'une part majoritaire, il convient de lui appliquer une décote de 25 % afin deprendre en compte le caractère minoritaire des titres en litige. Au surplus, elle soutient , au visa de l'article L. 80 B, I° du Livre des procédures fiscales, que l'administration ne peut prétendre à ce que la décote de 25 % vise à aligner l'ensemble des détentions sur un profil minoritaire au motif que sa prise de position, exprimée dans tous les dossiers et selon laquelle le pourcentage de 25 % revenait à attribuer une valeur de productivité nulle à la formule majoritaire, lui est opposable.

Elle ajoute que le caractère minoritaire des participations peut également être pris en compte en retenant la formule de pondération minoritaire (2VM+1VP)/3, dans laquelle M

devra correspondre à la valeur mathématique déterminée par le contribuable afin de prendre en compte les contraintes de liquidités des titres et des actifs sous-jacents.

En cas de retenue de la seule approche patrimoniale par la cour, elle sollicite l'application

d'une décote de minorité de 15 %.

L'administration fiscale fait valoir que la valeur mathématique des titres de la société civile Philupo doit être calculée en retenant la valeur vénale réelle des titres des

SCA qu'elle détient. Elle soutient qu'aucune décote afférente aux participations de la SC

Les Etangs n'est pas justifiée, lesdites participations dans les SCA ne souffrant d'aucune

illiquidité spécifique. Elle ajoute que le recours à la seule valeur mathématique avec décote

est adaptée, permettant une appréciation concrète de la spécificité des titres à évaluer.

Au surplus, elle soutient que le cumul opéré par Mme [O] d'une combinaison de valeurs intégrant une première décote interne sur la valeur mathématique, à laquelle s'ajoute une importante décote finale de 30 %, aboutit à une dépréciation sans rapport avec les sujétions attachées à la détention des titres des SCA via une société civile intermédiaire et ne correspond donc pas à la valeur vénale réelle. Elle ajoute que la décote uniforme qu'elle applique correspond à la réalité des contraintes et avantages que connaissent les membres de l'Association familiales [O]. Elle soutient que ses conclusions devant le tribunal de grande instance ne constituent pas une prise de position formelle, au sens de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, au motif qu'elles n'ont pas été exprimées antérieurement à la date d'expiration du délai de déclaration dont disposait le contribuable.

Au surplus, la garantie de l'article précité n'est pas applicable, Mme [O] ne s'étant pas conformée à la solution admise par l'administration lors de sa prise de position.

Ceci étant exposé :

a) Sur la prise de position formelle de l'administration

Il résulte des dispositions de l'article L80 A du livre des procédures fiscales que :

'Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause derehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le

redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle

est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration.(..)'

La garantie prévue au premier alinéa de l'article L.80A est applicable :

1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation

de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle

est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi.(...)'

Dans la présente espèce l'appelante expose que, contrairement à ses conclusions de première instance, l'administration fiscale, en cause d'appel, accepte une décote de 25%

visant à aligner l'ensemble des détention sur un profil minoritaire.

Ce moyen est inopérant puisque la prise de position formelle de l'administration doit avoir été exprimée antérieurement à la date d'expiration du délai de déclaration et ne peut aucunement s'appliquer aux conclusions de l'administration prises dans le cadre d'une procédure contentieuse.

b) Sur le fond

Ceci étant exposé, l'article 885 G du code général des impôts dispose que :

« les biens ou droits grevés d'un usufruit, d'un droit d'habitation ou d'un droit d'usage accordé à titre personnel sont compris dans le patrimoine de l'usufruitier ou du titulaire du

droit pour leur valeur en pleine propriété. »

Mme [E] [O] détient la pleine propriété de 3 459 parts , l'usufruit 2 337 parts et la nue propriété de 10 885 parts de la société civile Philupo, société civile non soumise à l'impôt sur les sociétés .

Le redressement a été opéré en tenant compte de la seule valeur mathématique de

la société civile, à laquelle a été appliquée une décote de 15% pour non-liquidité des titres.

L'administration fiscale accepte désormais l'application d'une décote de 25 % sur la seule

valeur mathématique .

La SC Philupo est une société civile familiale dont l'actif est constitué par des participations minoritaires dans les 3 sociétés en commandite par actions Valorest, Acanthe

et Cofimat.

La formule [(2VM +1 VP/3] avec application d'une décote de 25% proposée par l'appelante selon laquelle VM correspond à la valeur mathèmatique des SCA et VP porte

sur sa valeur de productivité doit être écartée dés lors que les sociétés civiles ont une productivité faible ayant pour objet la perception des dividendes . De plus, ainsi que celà

a été ci dessus rappelé, la valeur mathématique correspond à la valorisation faite par les

experts de la bourse interne qui intègre déjà les paramètres tenant au fonctionnement du

pacte familial et aux contraintes et limitations des conditions de vente. L'application de

ce calcul multi-critères avec décote conduit à tenir compte à deux reprises desdites contraintes et conduit à sous évaluer la valeur des participations avec une minoration de

l'ordre de 50% .

Il convient dès lors de retenir la valeur mathèmatique proposée par l'administration fiscale [(3VM +VP/4] qui tient uniquement compte de la valeur des titres

des SCA détenus par la SC Philupo avec application d'une décote de 25% qui permet d'harmoniser les diverses détentions sur un profil minoritaire au sein des sociétés civiles.

Il se déduit de ce qui précède que le jugement déféré doit être confirmé en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne la détermination de la valeur des parts de la société civile.

C) Sur l'article 700 du code de procédure civile;

La cour n'estime pas devoir entrer en voie de condamnation de ce chef

PAR CES MOTIFS :

La cour,

CONFIRME le jugement déféré sauf concernant la valeur des parts de la SC Philupo qui devra être calculée selon la formule suivante: (3VM +1VP) /4 -25%

REJETTE toutes autres demandes ;

CONDAMNE Mme [E] [O] aux dépens

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

S.MOLLÉ E.LOOS


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 20/10384
Date de la décision : 23/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-23;20.10384 ?
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