RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 20 JANVIER 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/04985 et RG 19/03019 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5ONM
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Février 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17-02245
APPELANTE
URSSAF ILE DE FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 9]
[Localité 3]
représentée par M. [W] [Z] en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
SAS [7] venant aux droits de la société [6]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Amina KHAOUA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0029
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 09 décembre 2022 et prorogé au 20 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur les appels interjetés par l'Urssaf Ile de France (l'Urssaf), de jugements rendus les 23 février 2018 et 18 décembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la société SAS [6] aux droits de laquelle vient la société SAS [7] (la société).
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Les faits de la cause ayant été correctement rapportés par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que la société [6] a fait l'objet d'un contrôle de législations au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 31décembre 2014, entraînant un redressement d'un montant global en cotisations et contributions de 19 162 euros, notifié par une lettre d'observations du 10 mai 2016 confirmé à l'issue de la période contradictoire ; que par mise en demeure du 26 octobre 2016, l'Urssaf a réclamé paiement à la société de ladite somme, outre de celle de 2 987 euros de majorations de retard ; qu'après vaine saisine de la commission de recours amiable en contestation des chefs de redressement n°1 à 4, la société a porté le 5 mai 2017 le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris.
Par un premier jugement du 23 janvier 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a ordonné la réouverture des débats s'agissant des chefs de redressement n°1 et 2, annulé le chef de redressement n°3 « prise en charge de dépenses personnelles d'un salarié » et validé le chef de redressement n°4 « avantage en nature véhicule» et condamné la société à payer à l'Urssaf la somme de 657 euros à ce titre.
L'Urssaf a interjeté appel le 12 avril 2018 de ce jugement qui lui avait été notifié le 12 mars 2018. Cet appel a été enregistré sous le n° 18/04985.
Par un second jugement du 18 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a confirmé le chef de redressement n°1 « frais professionnels non justifiés : principes généraux » et condamné la société à payer à l'Urssaf les cotisations et majorations afférentes, et a annulé le chef de redressement n°2 « avantage en nature logement à [Localité 5]».
L'Urssaf a interjeté appel le 1er mars 2019 de ce jugement qui lui avait été notifié le 29 janvier 2019. Cet appel a été enregistré sous le n° 19/03019.
A l'audience du 20 novembre 2019, l'instance n° 19/03019 a été jointe par mention au dossier à celle enregistrée sous le n° 18/04985.
A la suite de l'audience du 1er mars 2022, à laquelle l'affaire a été plaidée, la cour a ordonné la réouverture des débats en invitant les parties à présenter leurs observations sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel principal (et également incident) du jugement du 18 décembre 2018. L'affaire a été retenue à l'audience du 25 octobre 2022.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son représentant, l'Urssaf demande à la cour de :
- déclarer ses appels valables et réguliers en la forme,
- procéder à la mise en cause par l'Urssaf Ile de France de la société [7], venant aux droits de la société [6] consécutivement à la transmission universelle de patrimoine opérée le 26 février 2019,
- confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 18 décembre 2018 en ce qu'il a validé le chef de redressement n°1 de la lettre d'observations du 10 mai 2016 s'agissant de frais de transport et condamné la société au paiement des cotisations afférentes,
- confirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 23 février 2018 en ce qu'il a validé le chef de redressement n°4 de la lettre d'observations du 10 mai 2016 « avantages en nature véhicule » et condamné la société au paiement des cotisations y afférentes,
- réformer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 23 février 2018 en ce qu'il a annulé le chef de redressement n°3 de la lettre d'observations du 10 mai 2016 s'agissant de la « prise en charge des dépenses personnelles du salarié »,
- réformer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 18 décembre 2018 en qu'il annulé le chef de redressement n°2 de la lettre d'observations du 10 mai 2016 s'agissant d'un « avantage en nature »
Et statuant à nouveau
- confirmer le redressement opéré par l'Urssaf au titre :
- d'une part, du chef de redressement n°3 « prise en charge de dépenses personnelles du salarié »,
- d'autre part du chef de redressement n°2 « avantage en nature logement »,
- condamner la société [7], venant aux droits de la société [6] au paiement de la somme de
- 1 056 euros au titre du chef de redressement n°3 « prise en charge de dépenses personnelles du salarié »,
- 6 313 euros au titre du chef de redressement n°2 « avantage en nature logement »,
- condamner la société [7], venant aux droits de la société [6] au paiement des majorations de retard provisoires afférentes aux chefs de redressement n°1, n°2, n°3 et 4, soit la somme de 2 987 euros
- condamner la société [7], venant aux droits de la société [6] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouter la société [7], venant aux droits de la société [6] de toutes ses demandes contraires.
Par conclusions écrites soutenues oralement à l'audience par son conseil, la société [7] demande à la cour de :
Vu le jugement du 23 février 2023 :
- infirmer cette décision en ce qu'elle a dit que le véhicule scooter constituait un avantage en nature,
Statuant à nouveau :
- rejeter le redressement ayant trait à la mise à disposition au bénéfice d'un salarié de ce scooter, dans la totalité de ses montants,
- confirmer pour le surplus,
Vu le jugement rendu le 18 décembre 2018,
- infirmer cette décision en ce qu'elle a confirmé la décision de la commission de recours amiable s'agissant du chef de redressement n°1 de la lettre d'observations du 10 mai 2016,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la prise en charge des frais de transport entre [Localité 5] et [Localité 4] de M. [N] a un caractère professionnel et ouvre droit aux exonérations de cotisations sociales,
- confirmer pour le surplus,
- condamner l'Urssaf à payer à la société [7] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Oralement, la société indique qu'elle s'associe au moyen soutenu par l'Urssaf s'agissant de la fin de non recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel à l'encontre du jugement du 18 décembre 2018 en raison de sa tardiveté.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties déposées à l'audience pour un plus ample exposé des moyens développés et soutenus à l'audience.
SUR CE, LA COUR
1. Sur l'irrecevabilité de l'appel formé contre le jugement du 18 décembre 2018
La cour relève que par jugement du 18 décembre 2018, le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris a :
- débouté la société [6] de sa demande formulée au titre du chef de redressement n°1 (frais de transports lieu de travail/domicile de M. [N]) et la condamné à payer les cotisations afférentes, outre majorations et/ou pénalités encourues,
- annulé le chef de redressement n°2 (avantage en nature « logement à [Localité 5] ») et débouté l'Urssaf Ile de France de ses demandes sur ce sujet,
- infirmé la décision prononcée le 6 mars 2017 par la commission de recours amiable de l'Urssaf Ile de France concernant le chef de redressement n°2,
Il n'est pas contesté par l'Urssaf que cette décision lui a été notifiée le 29 janvier 2019.
Il résulte des dispositions combinées des articles 538, 528 et 932 du code de procédure civile que les parties peuvent interjeter appel dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, l'appel devant être porté devant le greffe de la cour.
Selon les dispositions du deuxième alinéa de l'article 641du code de procédure civile,
« Lorsqu'un délai est exprimé en mois ou en années, ce délai expire le jour du dernier mois ou de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'acte, de l'événement, de la décision ou de la notification qui fait courir le délai. A défaut d'un quantième identique, le délai expire le dernier jour du mois. »
En application de ce dernier texte, le délai dont disposait l'organisme de sécurité sociale pour faire appel expirait le 28 février 2019 et l'appel formé le 1er mars 2019 est donc tardif.
Pour contester cette irrecevabilité de l'appel, l'Urssaf invoque le caractère indivisible du recours de la société [6], soutient que le premier juge n'a jamais statué sur la demande reconventionnelle en paiement des majorations de retard. Elle fait valoir que l'effet dévolutif de l'appel interjeté sur le jugement mixte du 23 février 2018 tant sur la demande principale (contestation d'une mise en demeure) que sur la demande incidente de l'Urssaf autorise la cour à statuer sur l'ensemble des demandes qu'elle forme à hauteur d'appel.
La cour constate que le jugement mixte du 23 février 2018, dont l'appel par l'organisme de sécurité est recevable, n'a pas statué sur les demandes relatives aux chefs n°1 et 2 de redressement puisque le premier juge a réouvert les débats sur ces deux points. Dès lors que la réouverture des débats est une mesure d'administration judiciaire, non susceptible d'appel, l'Urssaf ne peut soutenir que l'effet dévolutif de son appel formé à l'encontre de cette décision aurait eu pour conséquence de saisir la cour des demandes relatives à ces chefs de redressement n°1 et n°2.
La cour constate que seul le jugement du 18 décembre 2018 a statué au fond les demandes relatives aux chefs de redressement n°1 et n°2 du redressement litigieux et que l'irrecevabilité de l'appel contre cette décision a pour conséquence que les dispositions de cette décision ont autorité de chose jugée.
Dès lors, sont seuls en débats devant la cour les chefs de redressement n°3 et n°4 du redressement notifié par la lettre d'observations du 10 mai 2016, sur lesquels le premier juge a statué par jugement mixte du 23 février 2018.
2. Sur le chef de redressement n°3 « Prise en charge de dépenses personnelles du salarié »
Il ressort de la lettre d'observations du 16 mai 2016 que l'organisme de sécurité sociale a relevé que la société avait pris en charge entre le 8 septembre 2014 et le 31 décembre 2014 pour un montant total de 2 871 euros les loyers d'un logement mis à disposition de l'un de ses salariés. L'inspecteur du recouvrement a considéré que cette prise en charge par l'employeur de dépenses personnelles du salarié s'assimilait à un avantage attribué à l'occasion du contrat de travail et devait à ce titre être réintégrée dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.
La société fait valoir que le salarié qui a bénéficié de ce logement est domicilié à proximité de [Localité 4], qu'il a effectué une mission pour le compte de l'employeur à [Localité 5] et que la décision de louer un appartement pour l'héberger à proximité de son lieu de travail pendant la durée de cette mission est apparu opportune ce d'autant plus que le montant versé pour le loyer est inférieur au montant des indemnités journalières prévue par l'arrêté du 20 décembre 2022 s'agissant des indemnités de logement.
Tant dans la réponse aux observations que la société avait formulé auprès de l'inspecteur du recouvrement que dans celle de la commission de recours amiable, il est souligné que les pièces produites par la société, c'est à dire le courrier du GIE Agirc Arroc du 2 septembre 2014 retenant la proposition de l'intervention de l'employeur et la 15ème page du mémoire technique remis au même GIE faisant état de l'intervention dudit salarié ne sont pas de nature à établir la mission confiée au salarié.
A hauteur de Cour, la société produit une facture de la société [8], supposée établir la mission « SAGE » confiée au salarié. Mais la cour constate que si cette facture indique effectivement le nom du salarié, elle concerne la période du 8 avril 2013 au 31 juillet 2013 qui ne correspond pas à celle concernée par le redressement.
En tout état cause, aucun de ses trois documents, ni leur examen conjoint n'établit l'existence d'une mission nécessitant une présence du salarié à [Localité 5] entre le 8 septembre 2014 et le 31 décembre 2014, précision faite que ce type de mission relève en principe des dispositions du contrat de travail.
Dès lors, la société échoue à démontrer que les sommes versées dans le cadre d'un contrat de bail constituent des frais professionnels et le redressement de ce chef doit être maintenu.
La décision du premier juge sur ce point sera infirmée.
3. Sur le chef de redressement n°4 « Avantage en nature : Principe et évaluation »
Il ressort de la lettre d'observations du 16 mai 2016 que l'organisme de sécurité sociale a relevé que la société mettait à la disposition de son mandataire social un scooter et qu'en l'absence de justificatif établissant que ce véhicule était destiné uniquement à un usage professionnel et de la preuve de la restitution du véhicule durant les repos hebdomadaires et les congés, le véhicule devait être considéré comme étant mis à la disposition permanente du mandataire social et constituait de ce fait un avantage en nature, dont la valeur devait être réintégrée dans l'assiette des cotisations et contributions sociales.
Pour contester ce redressement, la société affirme que le véhicule en question n'est utilisé qu'à [Localité 5] par son mandataire social et d'autres salariés. Il produit à cet égard la carte grise du véhicule automobile de son mandataire social qui est domicilié à [Localité 4] et deux attestations de salariés qui indiquent qu'ils utilisent le scooter de la société pour se rendre à des rendez-vous avec des clients à [Localité 5].
Toutefois, le fait que ce véhicule soit utilisé à des fins professionnelles n'est pas exclusif du fait qu'il soit utilisé, hors les périodes travaillées, par le mandataire social ou des salariés à des fins personnelles. Or, la société ne rapporte pas la preuve d'un usage exclusivement professionnel du véhicule qu'elle met à disposition de ses salariés lorsqu'ils travaillent à [Localité 5] et dans sa région.
Le chef de redressement doit donc être maintenu et la décision du premier juge confirmé sur ce point, précision faite qu'il sera ajouté que l'employeur est tenu des majorations de retard quant à ce chef de redressement.
4 . Sur l'article 700 du code de procédure civile
Il n'apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles qu'elle a exposés.
5. Sur les dépens
La société [7], succombant en cette instance, devra en supporter les dépens engagés depuis le 1er janvier 2019.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DÉCLARE irrecevable car tardif l'appel de l'Urssaf contre le jugement n°17-02245 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 18 décembre 2018,
CONSTATE que les chefs de dispositif de ce jugement n°17-02245 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 18 décembre 2018 ont autorité de chose jugée,
DÉCLARE recevable l'appel de l'Urssaf formé contre le jugement mixte n°17-02245 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 23 février 2018,
CONFIRME le jugement mixte n°17-02245 du tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris du 23 février 2018 en ce qu'il a :
- validé le point n°4 relatif à l'avantage en nature « véhicule » de la lettre d'observations du 16 mai 2016,
- condamné la société [7], venant aux droits de la société [6] à payer à l'Urssaf de l'Ile de France la somme de 657 euros au titre du chef de redressement n°4,
Y ajoutant ;
CONDAMNE la société [7], venant aux droits de la société [6], à payer les majorations de retard provisoires afférentes au chef de redressement n°4,
INFIRME pour le surplus,
Et statuant à nouveau ;
CONFIRME le chef de redressement n°3 « Prise en charge de dépenses personnelles du salarié » de la lettre d'observations du 10 mai 2016,
CONDAMNE la société [7], venant aux droits de la société [6] à payer à l'Urssaf la somme de 1 056 euros au titre du chef de redressement n°3 « Prise en charge de dépenses personnelles du salarié » de la lettre d'observations du 10 mai 2016, outre les majorations de retard,
Y ajoutant ;
DÉBOUTE les parties de toutes leurs autres demandes,
DÉBOUTE les parties de leur demande respective au titre des frais irrépétibles,
CONDAMNE la société [7], venant aux droits de la société [6] aux dépens.
La greffière La présidente