RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 20 Janvier 2023
(n° , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/04505 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B5MFA
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 26 Janvier 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/03226
APPELANTE
Société [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par M. [S] [O] [T] en vertu d'un pouvoir spécial
INTIMEE
CPAM 94 - VAL DE MARNE
Division du contentieux
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Florence KATO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901 substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
M. Raoul CARBONARO, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 09 décembre 2022 et prorogé au 20 janvier 2023,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Raoul CARBONARO, Président de chambre pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre, régulièrement emêché et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la société [5] (la société) d'un jugement rendu le 26 janvier 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à Caisse Primaire d'Assurance Maladie du Val-de-Marne (la caisse).
FAITS, PROCEDURE, PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
[P] [R], salarié de la société en qualité de jockey, a déclaré avoir été victime d'un accident le 20 août 2007 pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnel par la caisse le 19 octobre 2007 après un refus de prise en charge intervenu le 13 septembre 2007.
Le 5 septembre 2011, la société a saisi la commission de recours amiable (CRA) en contestation de l'opposabilité à son égard de cette prise en charge en évoquant le non respect du principe du contradictoire, avant de porter le litige le 6 juillet 2017 devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, sur rejet implicite.
Le tribunal, par jugement en date du 26 janvier 2018, a dit le recours de la société irrecevable pour cause de prescription.
Pour statuer ainsi, le tribunal a observé que la société a déclaré que c'était à la lecture de son compte employeur qu'elle a constaté que des prestations relatives à l'accident en cause lui avaient été imputées et qu'elle avait donc contesté l'opposabilité de la prise en charge de cet accident au titre professionnel dont elle n'avait jamais eu connaissance auparavant. Ensuite le tribunal a constaté que le compte employeur a été édité le 11 septembre 2008 et a retenu qu'il en résultait que c'était donc au plus tard le 11 septembre 2008 que la société avait été informée de la prise en charge contestée et qu'elle aurait dû saisir la juridiction au plus tard le 6 juillet 2017 en application de l'article 2224 du code civil.
La société a interjeté appel le 3 avril 2018 de ce jugement qui lui avait été notifié à une date qui ne ressort pas des pièces du dossier.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son représentant, la société demande à la cour de :
- La recevoir en son appel et le déclarer bien fondé ;
- Infirmer le jugement rendu par le tribunal de Paris le 26 janvier 2018 en toutes ses dispositions ;
Et statuant à nouveau,
- Déclarer recevable et non prescrite sa saisine du tribunal de première instance en vue de se voir déclarer inopposable la prise en charge de l'accident de son salarié ;
- Renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire afin qu'elle soit jugée sur le fond ;
- Débouter la caisse de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle.
La société fait valoir pour l'essentiel que :
- Par lettre du 13 septembre 2007, la caisse l'a informée de son refus de prise en charge de l'accident ;
- Elle a constaté l'imputation de frais en relation avec cet accident sur son compte employeur 2007 ;
- La date à laquelle elle a eu connaissance du compte employeur n'est pas établie et ne peut être assimilée à celle de l'édition du document ;
- La caisse ne rapporte pas la preuve de la réception par l'employeur de ce document à une date certaine, de sorte que le délai de prescription n'a jamais commencé à courir ;
- Elle a régulièrement saisi la CRA le 5 septembre 2011 ;
- L'interruption de la prescription n'est en aucun cas fonction du caractère obligatoire de la saisine d'un organisme ;
- Toute demande en justice interrompt la prescription, et une décision de la CRA est assimilée à une décision de justice ;
- La saisine de la CRA, conformément aux dispositions de l'article 2224 du code civil, interrompt le délai de prescription ;
- Elle a saisi le tribunal le 4 juillet 2017 sur rejet implicite.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son avocat, la caisse demande à la cour de :
- Confirmer en toutes ses dispositions le jugement déféré ;
Et ce faisant,
- Débouter la société de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
- Condamner la société à payer à la caisse la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La caisse fait valoir en substance que :
- La saisine de la CRA n'est pas interruptive de prescription dès lors qu'elle n'était pas un préalable obligatoire à l'époque des faits ;
- La société a nécessairement eu connaissance de la prise en charge de l'accident à la réception de son compte employeur 2007, lequel a été établi le 11 septembre 2008 ;
- La société était donc nécessairement informée au plus tard le 11 septembre 2008 de la prise en charge par la caisse de l'accident du travail en cause ;
- La société n'a saisi le tribunal que le 6 juillet 2017, de sorte qu'elle était prescrite en son action.
Pour un exposé complet des moyens et arguments des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 28 octobre 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE,
Sur la prescription
Il résulte des dispositions combinées des articles 2224 du code civil, R. 142-18 et R. 441-14 du code de la sécurité sociale, le deuxième dans sa rédaction antérieure au décret n° 2018-928 du 29 octobre 2018 et le dernier dans sa rédaction antérieure au décret n°2009-938 du 29 juillet 2009, applicables au litige, que ni l'indépendance des rapports entre, d'une part, la caisse et la victime et d'autre part, la caisse et l'employeur, ni le particularisme du recours ouvert à l'employeur pour contester la décision d'une caisse primaire de reconnaître le caractère professionnel d'un accident, d'une maladie ou d'une rechute ne justifient que ce recours ne puisse constituer une action en justice et que, dès lors, il ne soit pas soumis à un délai de prescription.
Il y a lieu, en conséquence, de considérer qu'en l'absence de texte spécifique, l'action de l'employeur aux fins d'inopposabilité de la décision de la caisse de reconnaissance du caractère professionnel de l'accident, de la maladie ou de la rechute est au nombre des actions qui se prescrivent par cinq ans en application de l'article 2224 du code civil.
La prescription quinquennale de droit commun court à compter du jour où l'employeur a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ses droits, étant précisé que c'est à celui qui se prévaut de la prescription extinctive d'en caractériser l'existence.
Il convient donc de déterminer à compter de quel jour la société a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action aux fins d'inopposabilité.
En l'espèce, la décision de refus de prise en charge n'a pas été notifiée à la société mais à l'assuré (pièce n°2 de la société), de sorte que ce refus n'a aucun effet sur ce litige.
Ensuite, la caisse n'établit pas avoir notifié la décision de prise en charge de l'accident à la société. La date de réception du compte employeur 2007, qui ne saurait se confondre avec la date de son émission, n'est pas davantage établie.
Les seules dates certaines sont celles de la saisine de la CRA par la société, à savoir le 5 septembre 2011 et de la saisine du tribunal, à savoir le 6 juillet 2017.
Il s'ensuit que les pièces versées au dossier permettent d'établir que la société a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action aux fins d'inopposabilité à compter au plus tard du 5 septembre 2011, date de la lettre de saisine de la CRA (pièce n°4 de la société).
Contrairement à ce qu'ont pu développer les parties dans leurs écritures et à l'audience, le débat ne porte pas en l'espèce sur le caractère interruptif ou non d'une saisine ou d'une décision de la CRA, aucune date certaine n'ayant fait courir le délai de prescription avant cette saisine, mais sur la connaissance des faits permettant d'exercer une action par le titulaire d'un droit.
La saisine de la commission de recours amiable à l'encontre de la décision de prise en charge de l'accident exprime clairement que la société avait connaissance des faits qui lui permettaient d'exercer son action et de faire valoir ses droits à compter de la date de cette saisine.
Peu important le caractère juridique de cette saisine, les développements des parties sur ce point étant sans emport, elle a eu pour effet in jure de faire courir le délai de prescription de l'action en justice de la société qui a exprimé ainsi sa connaissance exacte des faits lui permettant d'exercer son action en inopposabilité.
Ainsi, à compter du 5 septembre 2011, date de la saisine de la commission de recours amiable, la prescription quinquennale de droit commun a commencé à courir pour expirer le 5 septembre 2016.
Dans ces conditions, la société qui a saisi le tribunal le 6 juillet 2017 était alors prescrite en son action.
Le jugement doit être confirmé par substitution de motifs.
La société sera condamnée aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros au profit de la caisse sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement déféré ;
CONDAMNE la société [5] à payer à la CPAM du Val-de-Marne la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la société [5] aux dépens d'appel.
La greffière Pour le président empêché