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19/01/2023 | FRANCE | N°21/02681

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 19 janvier 2023, 21/02681


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 19 JANVIER 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02681

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDC4W



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2020 -TJ de PARIS - RG n° 15/16411



APPELANTE



Madame [B] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 9]

Représentée par Me

Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

assistée par Me Stéphanie BUREL, avocat au barreau de PARIS





INTIMES



Société XL INSURANCE COMPANY...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 19 JANVIER 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/02681

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDC4W

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Février 2020 -TJ de PARIS - RG n° 15/16411

APPELANTE

Madame [B] [U]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

née le [Date naissance 4] 1971 à [Localité 9]

Représentée par Me Caroline HATET-SAUVAL de la SCP NABOUDET - HATET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0046

assistée par Me Stéphanie BUREL, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

Société XL INSURANCE COMPANY SE venant aux droits d'AXA CORPORATE SOLUTIONS ASSURANCES

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée par Me Aurélie VIMONT, avocat au barreau de PARIS

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

n'a pas constitué avocat

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DES [Localité 10]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

n'a pas constitué avocat

MUTUELLE NATIONALE DES HOSPITALIERS - MNH

[Adresse 5]

[Adresse 5]

n'a pas constitué avocat

PARTIE INTERVENANTE

ASSISTANCE PUBLIQUE - HOPITAUX DE [Localité 8]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Dominique MINIER de la SELARL MINIER MAUGENDRE ET ASSOCIEES, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

assistée par Me Ophélie BLONDEL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Françoise Gilly-Escoffier, présidente de chambre, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 3 juillet 1995 au Sénégal, Mme [B] [U] a été victime d'un accident de la circulation au cours d'une excursion organisée par la société Fram Voyage, assurée auprès de la société Axa Global Risk devenue la société Axa Corporate Solutions (la société Axa).

Le 3 février 1998, un procès-verbal de transaction est intervenu entre la société Axa et Mme [U] afin d'indemniser les préjudices de celle-ci.

Mme [U] ayant invoqué une aggravation de son état de santé, le président du tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé, a, par ordonnance du 29 octobre 2007, confié une expertise médicale au Docteur [I] qui a établi son rapport le 24 avril 2008, et par ordonnance du 18 mai 2009, alloué à Mme [U] une provision de 55 000 euros à valoir sur son indemnisation.

Par exploit du 26 octobre 2015, Mme [U] a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris la société XL Insurance Compagny SE (la société XL) venant aux droits de la société Axa ainsi que la caisse primaire d'assurance maladie des [Localité 10] (la CPAM des [Localité 10]) pour obtenir l'indemnisation de son préjudice.

Par ordonnance du 20 février 2017, le juge de la mise en état a ordonné une expertise médicale en aggravation confiée au Docteur [I], et a alloué à Mme [U] une provision complémentaire d'un montant de 80 000 euros.

L'expert a établi son rapport le 5 novembre 2018.

Par jugement du 7 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- révoqué l'ordonnance de clôture en date du 26 novembre 2019,

- déclaré recevables les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de [Localité 8] (la CPAM de [Localité 8]) signifiées le 13 décembre 2019,

- déclaré l'instruction close,

- dit que le droit à indemnisation de Mme [U] des suites de l'accident de la circulation survenu le 3 juillet 1995 est entier,

- condamné la société Axa à payer à Mme [U] les sommes suivantes, en deniers ou quittance, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, en réparation des préjudices suivants :

- 6 466,38 euros au titre des dépenses de santé actuelles

- 2 930 euros au titre des frais divers

- 202,11 au titre des frais de logement adapté

- 13 582,06 euros au titre des frais de véhicule adapté

- 26 852,57 euros au titre de l'assistance par tierce personne avant consolidation

- 67 552,23 euros au titre de l'assistance par tierce personne après consolidation

- 237 294,91 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs

- 100 000 euros au titre de l'incidence professionnelle

- 1 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire

- 9 000 euros au titre des souffrances endurées

- 61 600 euros au titre du déficit fonctionnel permanent

- 5 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- rejeté les demandes de Mme [U] au titre du préjudice d'agrément et du préjudice d'établissement,

- condamné la société Axa à payer à la CPAM de [Localité 8] la somme de 600 713 euros au titre de ses débours définitifs, cette somme avec intérêts à compter de la première demande,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la société Axa à payer à la CPAM de [Localité 8] la somme de 1 080 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- déclaré le jugement commun à la CPAM de [Localité 8] et à la CPAM des [Localité 10],

- condamné la société Axa aux dépens qui comprendront les frais d'expertise judiciaire,

- condamné la société Axa à payer à Mme [U] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- condamné la société Axa à payer à la CPAM de [Localité 8] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

- dit que Maître Stéphane Fertier et Maître Rémy Le Bonnois, pourrons, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement.

Par déclaration du 12 février 2021, Mme [U] a interjeté appel de cette décision et demande sa réformation quant à l'indemnisation des postes suivants : pertes de gains professionnels actuels et futurs, incidence professionnelle, tierce personne, déficits fonctionnels temporaire et permanent.

L'Assistance publique - Hôpitaux de [Localité 8] (l'AP-HP) a été assignée en intervention forcée devant la cour par la société XL.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions de Mme [U], notifiées le 7 octobre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu les dispositions de la loi du 5 juillet 1985,

Vu les dispositions de la loi du 21 décembre 2006,

- juger Mme [U] recevable et bien fondée en son appel, ses demandes, fins et conclusions,

- infirmer le jugement entrepris des chefs relatifs aux pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, tierce personne, et déficit fonctionnel, et statuant à nouveau,

- condamner la société XL à verser à Mme [U] les sommes suivantes aux titres suivants :

- perte de gains actuelle : Mémoire

- tierce personne temporaire résultant de la 1ère aggravation : 73 386 euros

- tierce personne définitive : 176 592,96 euros

- incidence professionnelle : 100 000 euros

- perte de gains professionnels futurs :

- sur la perte de traitements : 346 875,86 euros

- sur la perte sur droits à la retraite : 407 446,50 euros

- subsidiairement sur la perte de droits à la retraite : 191 424,05 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 23 987,60 euros

- déficit fonctionnel permanent de 40% dont 22% en aggravation : 77 800 euros

- article 700 du code de procédure civile : 3 500 euros

- débouter la société XL de ses demandes,

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus,

- condamner la société XL aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Caroline Hatet, avocat aux offres de droit, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

Si la cour devait annuler le jugement entrepris,

Vu l'accord des parties quant à la fixation des indemnités à hauteur de celles retenues par le tribunal s'agissant des postes de préjudice sur lesquels il n'a pas été interjeté appel principal ou incident,

- condamner la société XL à verser à Mme [U] les sommes suivantes aux titres suivants :

- frais divers : 2 930 euros

- tierce personne temporaire résultant de la 1ère aggravation : 73 386 euros

- dépenses de santé futures : 6 466,38 euros

- véhicule aménagé : 13 582,06 euros

- aménagement du logement : 202,11 euros

- tierce personne définitive : 176 592,96 euros

- incidence professionnelle : 100 000 euros

- perte de gains professionnels futurs :

- sur la perte de traitements : 346 875,86 euros

- sur la perte sur droits à la retraite : 407 446,50 euros

- subsidiairement sur la perte de droits à la retraite : 191 424,05 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 23 987,60 euros

- souffrances endurées de 3/7 résultant de la 1ère aggravation : 6 000 euros

- souffrances endurées de 2/7 résultant de la 2ème aggravation : 3 000 euros

- déficit fonctionnel permanent de 40% dont 22% en aggravation : 77 800 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros

- article 700 du code de procédure civile : 3 500 euros

A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait annuler le jugement entrepris,

- dépenses de santé actuelles : Mémoire

- frais divers : 2 930 euros

- perte de gains actuelle : Mémoire

- tierce personne temporaire résultant de la 1ère aggravation : 73 386 euros,

- dépenses de santé futures : 9 113,97 euros

- véhicule aménagé : 13 582,06 euros

- aménagement du logement : 202,11 euros

- tierce personne définitive : 176 592,96 euros

- incidence professionnelle : 100 000 euros

- perte de gains professionnels futurs :

- perte de traitements : 346 875,86 euros

- perte sur droits à la retraite : 191 424,05 euros

- subsidiairement sur la perte de droits à la retraite : 191 424,05 euros,

- déficit fonctionnel temporaire : 23 987,60 euros

- souffrances endurées de 3/7 résultant de la 1ère aggravation : 8 000 euros

- souffrances endurées de 2/7 résultant de la 2ème aggravation : 4 000 euros

- déficit fonctionnel permanent de 40% dont 22% en aggravation : 77 800 euros

- préjudice d'agrément : 5 000 euros

- préjudice sexuel : 15 000 euros

- préjudice d'établissement : 10 000 euros

- article 700 du code de procédure civile : 3 500 euros,

- débouter la société XL de ses demandes,

- condamner la société XL aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, dont distraction au profit de Maître Caroline Hatet, avocat aux offres de droit, par application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- rendre le jugement à intervenir commun à la CPAM des [Localité 10], à la CPAM de [Localité 8], à la MNH et à l'APHP.

Vu les conclusions de la société XL, notifiées le 26 octobre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

- recevoir la société XL en son appel incident et l'y déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement rendu le 7 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris en ce qui concerne les postes pertes de gains professionnels actuels, pertes de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, tierce personne, déficit fonctionnel permanent,

Et statuant de nouveau,

- fixer les préjudices de Mme [U] à la suite de ses deux aggravations résultant des rapports d'expertise du Docteur [I] de 2008 et 2018 comme suit :

- tierce personne avant seconde consolidation : 23 496 euros

- tierce personne après consolidation : 66 909,44 euros

- perte de gains professionnels futurs : 119 984,80 euros, à titre subsidiaire : 240 407,43 euros

- incidence professionnelle : 20 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 46 000 euros,

- confirmer le jugement en ce qu'il a alloué 1 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

- fixer le recours subrogatoire de l'AP-HP comme suit :

- perte de gains professionnels actuels : 4 483,43 euros

- perte de gains professionnels futurs : 437,84 euros

- dépenses de santé actuelles : 175,33 euros

- charges patronales : 1 672,89 euros

A titre infiniment subsidiaire et dans l'hypothèse où la cour devait annuler le jugement présentement querellé,

- fixer, en deniers ou quittance, le préjudice de Mme [U] de la façon suivante, sous réserve de la créance définitive des tiers payeurs et avant déduction des provisions versées (55 000 euros)

- dépenses de santé actuelles : Néant

- frais divers : 2 930 euros

- aménagement du logement : 202,11 euros

- perte de gains professionnels actuels : Néant

- tierce personne avant consolidation : 23 496 euros

- tierce personne après consolidation : 67 441,92 euros

- dépenses de santé futures : 6 466,38 euros

- aménagement du véhicule : 13 582,06 euros

- perte de gains professionnels futurs : 121 920,25 euros, à titre subsidiaire : 244 278,36 euros

- incidence professionnelle : 20 000 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 1 000 euros

- souffrances endurées : 9 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 46 000 euros

- préjudice d'agrément : débouté

- préjudice sexuel : 5 000 euros

- préjudice d'établissement : débouté,

- fixer le recours subrogatoire de l'AP-HP comme suit :

- perte de gains professionnels actuels : 4 483,43 euros

- perte de gains professionnels futurs : 437,84 euros

- dépenses de santé actuelles : 175,33 euros

- charges patronales : 1 672,89 euros,

En tout état de cause,

- réduire à de plus juste proportions les sommes qui pourraient être allouées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tout succombant aux entiers dépens lesquels seront directement recouvrés par la SCP Grappotte Benetreau dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de l'AP-HP, notifiées le 4 février 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'article 41 de la loi n°86-33 du 9 janvier 1986,

Vu les articles 29, 30 et 32 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985,

Vu l'article 3 de l'ordonnance n°59-76 du 7 janvier 1959,

- constater la nullité du jugement rendu le 7 février 2020 par le tribunal judiciaire de Paris pour absence de mise en cause de l'AP-HP, tiers payeur,

- condamner la société XL à payer à l'AP-HP la somme totale de 6 769,49 euros décomposée comme suit :

- traitements jusqu'à la date de consolidation (PGPA) de la première aggravation : 3 086,88 euros

- charges patronales jusqu'à la date de consolidation de la première aggravation : 1 078,67 euros

- traitements entre la date de consolidation de la première aggravation et la seconde aggravation (PGPF) : 437,84 euros

- charges patronales entre la date de consolidation de la première aggravation et la seconde aggravation : 133,04 euros

- dépenses de santé actuelles consécutives à la seconde aggravation : 175,33 euros

- traitements jusqu'à la date de consolidation de la seconde aggravation (PGPA) : 1 396,55 euros

- charges patronales jusqu'à la date de consolidation de la seconde aggravation : 461,18 euros,

- dire que toute provision allouée à la victime s'imputera sur les postes de préjudice non soumis au recours des organismes sociaux

- condamner la société XL à payer à l'AP-HP la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me Minier, Avocat au Barreau de la Seine Saint Denis, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La CPAM de [Localité 8], la société Mutuelle nationale des hospitaliers (la société MNH), ainsi que la CPAM des [Localité 10], auxquelles la déclaration d'appel a été signifiée, par actes d'huissier de justice en date du 14 avril 2021 pour les deux premières, et du 15 avril 2021 pour la troisième et délivrés à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de nullité du jugement

L'AP-HP demande à la cour de prononcer la nullité du jugement sur le fondement de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 applicable à la date du jugement, en indiquant qu'elle n'a pas été appelée en déclaration de jugement commun alors qu'en sa qualité de tiers payeur ayant pris en charge les frais de santé et traitement de l'un de ses agents elle avait une créance à faire valoir.

Mme [U] et la société XL n'ont pas formulé d'observations sur ce point.

Sur ce, selon l'article 3 de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes 'Lorsque la victime ou ses ayants droit engagent une action contre le tiers responsable, ils doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci à peine de nullité du jugement fixant l'indemnité. A défaut de cette indication, la nullité du jugement sur le fond pourra être demandée par toute personne intéressée pendant deux ans à compter de la date à partir de laquelle ledit jugement est devenu définitif...'.

Il est précisé par l'article 7 de cette ordonnance 'Les dispositions de la présente ordonnance sont applicables aux recours exercés par :

1° Les collectivités locales ;

2° Les établissements publics à caractère administratif ;

3° La caisse des dépôts et consignations agissant tant pour son propre compte, que comme gérante du fonds spécial de retraite des ouvriers des établissements industriels de l'Etat et comme gérante de la caisse nationale des retraites des agents des collectivités locales'.

Il est constant que Mme [U] à la date de l'accident était infirmière titulaire auprès de l'AP-HP, qui a pris en charge diverses prestations et disposait en vertu de l'article 1 du texte susvisé d'un recours subrogatoire contre le tiers responsable.

L'AP-HP n'ayant pas été appelée en déclaration de jugement commun lors de l'instance engagée devant le tribunal judiciaire de Paris ayant donné lieu au jugement du 7 février 2020, il convient, de prononcer la nullité de ce jugement.

En application de l'article 562 du code de procédure civile la cour est saisie de l'entier litige.

Sur le préjudice corporel

Dans son rapport d'expertise en date du 24 avril 2008, le Docteur [I] a précisé que depuis la précédente consolidation, fixée au 28 mars 1997 par les experts amiables [W] et [N], étaient apparus une aggravation des troubles sphinctériens urinaires à type de fuite urinaire lors des efforts et de la toux notamment à compter de la fin de l'année 2005, un syndrome dépressif lié à la pathologie douloureuse chronique et une accentuation des phénomènes douloureux séquellaires tant au niveau du rachis dorso-lombaire qu'au niveau de la racine du membre supérieur gauche à compter du 15 novembre 2001.

Il a conclu son rapport ainsi qu'il suit :

- incapacité temporaire totale du 28 octobre 2005 au 27 novembre 2005, le 5 janvier 2006, le 21 novembre 2006, le 27 novembre 2006 et le 15 janvier 2007

- consolidation des nouvelles lésions au 15 janvier 2007

- taux d'incapacité fonctionnelle de 15 % à intégrer dans une IPP globale qui reprendrait l'ancien taux d'IPP de 35 %. L'IPP de 30 % retenue en 97 correspond à un taux d'IPP de 20 % actuels selon le Barème droit commun concours médical,

- il convient de prévoir la poursuite d'un traitement antidouleur, la poursuite d'un traitement antidépresseur et de séances de psychothérapie ainsi que la poursuite de la surveillance urinaire avec éventuel traitement des troubles urinaires et éventuelles rééducation péritonéales

- la blessée n'a pas perdu son autonomie personnelle ; elle a cependant des difficultés à assumer un certain nombre d'actes de la vie quotidienne comme le port de charges lourdes, les activités qui nécessitent une station debout prolongée ou une station assise prolongée ; de ce fait on retient que l'intéressé doit pouvoir bénéficier d'une aide ménagère deux heures par semaine

- la victime n'est pas dans l'impossibilité de poursuivre l'exercice de l'activité professionnelle qu'il est la sienne. Cependant compte tenu de l'accentuation des phénomènes douloureux, des troubles sphinctériens, de la gêne à la station debout prolongée ou à la station assise prolongée et du type de travail qui est le sien il s'avère que l'intéressé pourrait utilement bénéficier d'une activité professionnelle à mi-temps comme le proposait le certificat d'aptitude signé par le médecin du travail dès l'année 2003.

- il n'y a pas lieu de prévoir d'aménagement du domicile ni d'appareillage particulier. L'installation de barres d'appui notamment dans la salle de bains pourrait être une sécurité permettant à l'intéressée de mieux se tenir et d'éviter tout risque de chute qui pourrait être préjudiciable à son rachis et au matériel qui est encore en place,

- les souffrances endurées peuvent être fixées à 3/7

- il n'y a pas de préjudice esthétique

- il est allégué un retentissement du syndrome dépressif et des traitements sur la libido mais la vie sexuelle est encore possible ; les fonctions de reproduction ne sont pas altérées

- on retient un préjudice d'agrément qui est identique cependant à ce qui avait été déjà relevé lors de l'expertise précédente de 1997.

Dans son rapport en date du 5 novembre 2018 cet expert a estimé que Mme [U] a présenté depuis le précédent examen et à partir du 1er février 2016 une aggravation des troubles sphinctériens avec aggravation des troubles urinaires et apparition de troubles ano-rectaux, un retentissement psychologique dont une part est en relation avec cette aggravation des complications sphinctériennes et des douleurs chroniques, des difficultés cognitives qui sont à mettre en relation avec les difficultés psychiques ; l'intervention pour by-pass gastrique n'est pas imputable à l'accident du 5 juillet 1995.

Cet expert a précisé qu'il n'y a pas eu d'arrêt de travail délivré pour l'aggravation des troubles urinaires et du retentissement psychique, qu'un mi-temps aurait été justifié par les séquelles de l'accident, déjà évoqué dans le rapport d'expertise de 2008, mais que Mme [U] ne l'aurait fait valoir qu'en 2016 soit huit ans plus tard.

Le Docteur [I] a conclu son second rapport ainsi qu'il suit :

- consolidation au 14 décembre 2017

- nouvelles souffrances endurées de 2/7

- absence de préjudice esthétique temporaire et de préjudice esthétique permanent

- les gênes occasionnées par l'accentuation des troubles sphinctériens n'ont pas généré de nouveaux besoins en aide humaine

- dépenses de santé : Mme [U] est régulièrement suivi par le médecin urologue et par ceux qui la suivaient auparavant du fait des séquelles déjà identifiées ; il y a lieu de prendre en compte le matériel nécessaire au sondage urinaire soit lingettes, kits d'auto sondage avec sondes, désinfectants et gants à usage unique

- déficit fonctionnel permanent en relation avec les séquelles aggravées de 7 % ; le taux de déficit fonctionnel global actuel de la victime, tout élément confondu est de 40 % selon le Barème droit commun concours médical

- un véhicule avec boîte automatique serait d'une utilité certaine compte tenu des réactions de trépidation épileptique torride du pied gauche qui gêne les man'uvres de débrayage.

Ces rapports constituent sous les précisions qui suivent, une base valable d'évaluation des préjudices corporels aggravés subis à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 4] 1971, de son activité d'infirmière titulaire auprès de l'AP-HP, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du palais du 15 septembre 2020 taux d'intérêts 0 % dont l'application est sollicitée par la victime et qui est le plus approprié en l'espèce pour s'appuyer sur les données démographiques et économiques les plus pertinentes.

Il convient de liquider distinctement le préjudice corporel résultant de l'aggravation consolidée le 15 janvier 2007 et le préjudice corporel résultant de l'aggravation consolidée le 14 décembre 2017.

Sur le préjudice corporel aggravé consolidé le 15 janvier 2007

' Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par le Docteur [W], médecin conseil, dont la présence est mentionnée par l'expert [I] dans son premier rapport, soit la somme non contestée de 650 euros au vu des factures produites.

- Assistance temporaire par tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

L'expert a estimé que l'état de Mme [U] a nécessité une aide ménagère à hauteur de 2 heures par semaine.

Mme [U] estime que ce volume horaire est insuffisant au regard de l'importance de ses séquelles, notamment pour s'occuper de son enfant né en 2005 ; elle sollicite en outre une indemnisation sur la base d'un tarif horaire de 18 euros et d'années entières de 400 jours.

La société XL estime que Mme [U] n'est fondée à solliciter ni une aide plus importante que celle retenue par l'expert ni l'application d'un tarif prestataire sur une année de 400 jours alors notamment qu'elle n'a pas eu recours à un prestataire et que faire droit à sa demande réaliserait à son profit un enrichissement sans cause ; elle offre d'indemniser ce poste selon un taux horaire de 14 euros.

Sur ce, eu égard aux séquelles dont reste atteinte Mme [U], qui nécessitent qu'elle soit aidée pour le port de charges lourdes et grosses taches ménagères, le volume d'aide par tierce personne tel qu'il a été fixé par l'expert doit être entériné, étant précisé que Mme [U] n'a pas produit de documents médicaux contraires pertinents.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 19,50 euros sur une année de 365 jours.

L'indemnité de tierce personne s'établit ainsi qu'il suit :

- 1 888 jours / 7 jours x 2 heures x 19,50 euros = 10 518,86 euros.

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Mme [U] ne forme aucune demande en paiement au titre de ce poste de préjudice.

L'AP-HP sollicite le remboursement des traitements bruts versés à Mme [U] soit la somme au total de 3 086,88 euros.

La société XL ne formule pas d'observation particulière sur la demande de l'AP-HP.

Sur ce, il ressort du rapport d'expertise que Mme [U] n'a pas pu travailler du 28 octobre 2005 au 27 novembre 2005, le 5 janvier 2006, le 21 novembre 2006, le 27 novembre 2006 et le 15 janvier 2007 ; il est constant que l'AP-HP a maintenu le traitement brut de Mme [U] ; au vu du décompte de créance de celle-ci, la somme totale de 3 086,88 euros revient à l'AP-HP.

' Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Assistance permanente par tierce personne

Ce poste vise à indemniser, postérieurement à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

L'expert a précisé que Mme [U] présentait des difficultés à assumer un certain nombre d'actes de la vie quotidienne comme le port de charges lourdes, les activités qui nécessitent une station debout prolongée ou une station assise prolongée ; de ce fait on retient que l'intéressé doit pouvoir bénéficier d'une aide ménagère deux heures par semaine.

Mme [U] sollicite une indemnisation sur la base de 2 heures par semaine jusqu'au 31 janvier 2016 inclus et d'un tarif horaire de 20 euros, le tout sur des années de 57 semaines lorsqu'il s'agit d'années entières.

La société XL estime que Mme [U] n'est pas fondée à solliciter l'application d'un tarif prestataire alors qu'elle ne justifie pas avoir eu recours à un prestataire.

Sur ce, le besoin d'aide de Mme [U], entre la première consolidation de son état de santé, intervenue le 15 janvier 2007 jusqu'à l'apparition des troubles constitutifs de la seconde aggravation de son état de santé, soit le 1er février 2016, sera indemnisé, eu égard à la nature de son handicap, sur la base d'un tarif horaire de 20 euros et d'une année de 365 jours.

L'indemnité est la suivante :

3 304 jours / 7 jours x 2 heures x 20 euros = 18 880 euros.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Mme [U] ne sollicite pas d'indemnité au titre de ce poste de préjudice.

L'AP-HP demande à la cour de lui allouer une somme de 437,24 euros correspondant aux traitements, primes de services et cotisations salariales versées à Mme [U] du 19 au 20 septembre 2015 et 28 novembre au 2 décembre 2015.

Sur ce, compte tenu des arrêts de travail prescrits à Mme [U] du 19 septembre 2015 au 20 septembre 2015 et du 28 novembre 2015 au 2 décembre 2015 et de l'état des dépenses salariales communiqué par l'AP-HP, il est établi que celle-ci a versé pendant ces périodes, des traitements bruts, intégrant les primes de 380,71 euros.

Aucune prestation n'a été versée par un autre tiers payeur.

La somme de 380,71 euros doit ainsi être allouée à l'AP-HP.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

L'expert a retenu que les séquelles résultant de la première aggravation ont consisté en une aggravation des troubles sphinctériens urinaires à type de fuite urinaire lors des efforts et de la toux, un syndrome dépressif lié à la pathologie douloureuse chronique et une accentuation des phénomènes douloureux séquellaires tant au niveau du rachis dorso-lombaire qu'au niveau de la racine du membre supérieur gauche.

Il a précisé que si la victime n'était pas dans l'impossibilité de poursuivre l'exercice de son activité professionnelle elle pourrait utilement bénéficier d'une activité professionnelle à mi-temps comme le proposait le certificat d'aptitude signé par le médecin du travail dès l'année 2003.

Mme [U] sollicite l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs qu'à partir du 1er septembre 2016, date à laquelle elle indique avoir effectivement exercé son activité professionnelle à temps partiel, alors que la seconde aggravation de son état de santé est apparue le 1er février 2016.

Elle demande au titre de l'incidence professionnelle résultant des deux aggravations une indemnité globale de 100 000 euros pour compenser la pénibilité accrue, la dévalorisation sur le marché du travail et la nécessité dans laquelle elle s'est trouvée de solliciter un temps partiel.

La société XL conteste que Mme [U] ait subi une dévalorisation sur le marché du travail, alors qu'elle ne démontre pas que son handicap a constitué un frein dans le déroulement de sa carrière puisqu'elle a repris des études d'infirmière après l'accident, qu'elle les a réussies et a travaillé à temps plein de 2000 à 2016 ; elle offre une indemnité de 20 000 euros au titre des deux aggravations pour compenser la pénibilité accrue.

Sur ce, l'incidence professionnelle résultant de la première aggravation doit être appréciée sur la période échue jusqu'à l'apparition de la seconde aggravation, soit le 1er février 2016 ; les bulletins de salaire communiqués confirment que Mme [U] avait repris un exercice professionnel à temps plein avant l'aggravation de son état de santé ; il ressort des constatations de l'expert que les séquelles liées à la première aggravation ont occasionné à Mme [U] une pénibilité accrue dans l'exercice de son métier ; en revanche il n'est pas établi, alors qu'elle a conservé son emploi, qu'elle a été dévalorisée sur le marché du travail ; la pénibilité accrue doit être indemnisée eu égard à l'âge de Mme [U] à la date de la consolidation, soit 35 ans, à hauteur de la somme de 15 000 euros.

Aucune prestation de nature à s'imputer sur cette indemnité n'a été versée à Mme [U].

- Frais de logement adapté

Ce poste comprend les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap après la consolidation. Il inclut non seulement l'aménagement du domicile préexistant mais éventuellement le surcoût financier engendré, soit par l'acquisition d'un domicile mieux adapté, soit par la location d'un logement plus grand. Il intègre les frais nécessaires pour que la victime handicapée puisse disposer d'un autre lieu de vie extérieur à son logement habituel de type foyer ou maison médicalisée. Il comprend aussi les frais de déménagement et d'emménagement.

L'expert a indiqué dans son rapport que 'L'installation de barres d'appui notamment dans la salle de bains pourrait être une sécurité permettant à l'intéressée de mieux se tenir et d'éviter tout risque de chute qui pourrait être préjudiciable à son rachis et au matériel qui est encore en place'.

Les parties s'accordent pour indemniser les frais d'adaptation du logement à hauteur de la somme de 202,11 euros.

' Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

En l'espèce Mme [U] demande d'indemniser ce poste de préjudice en tenant compte d'une part, d'un déficit fonctionnel temporaire total du 28 octobre 2005 au 27 novembre 2005, le 5 janvier 2006, le 21 novembre 2006, le 27 novembre 2006 et le 15 janvier 2007 et d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de 35 % postérieurement jusqu'à l'apparition de la seconde aggravation et d'autre part d'un taux de 28 euros par jour.

La société XL répond que l'expert n'a retenu de déficit fonctionnel temporaire partiel que pour la période proche de la survenance de l'accident, soit du 5 février 1996 au 4 mai 1996 et estime en conséquence que la demande de Mme [U] n'est pas fondée.

Sur ce, l'expert a précisé que 'l'ITT initiale reste la même du 03/07/1995 au 04/02/1996. On y rajoutera des périodes d'ITT supplémentaires du 27/10 au 27/11/1995, le 05/01/2006 , du 21/11/2006 au 27/11/2006, le 15/01/2007. On retiendra une période de d'ITP de 50 % comme précédemment retenu du 05/02/1995 au 04/05/1996, correspondant à la période de travail à mi-temps'.

Par ailleurs l'expert a admis un déficit fonctionnel permanent en aggravation de 15 % ce qui induit que Mme [U] a souffert, ainsi qu'elle le soutient, d'un déficit fonctionnel temporaire partiel de la consolidation de la première aggravation, jusqu'à l'apparition de la seconde aggravation ; ce déficit fonctionnel temporaire partiel sera examiné avec la seconde aggravation.

Le déficit fonctionnel temporaire doit être réparé sur la base de 28 euros par jour, ainsi que le demande Mme [U], ce qui représente l'indemnité suivante :

- 28 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total du 5 janvier 2006

- 196 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total du 21 novembre 2006 au 27 novembre 2006

- 28 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total du 15 janvier 2007

- total : 252 euros.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi

que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation

En l'espèce, il convient de prendre en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison des troubles sphinctériens urinaires, du syndrome dépressif et des examens et soins ; évalué à 3/7 par l'expert, ce chef de préjudice justifie l'octroi d'une indemnité de 6 000 euros.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par une aggravation des troubles sphinctériens urinaires à type de fuite urinaire lors des efforts et de la toux notamment à compter de la fin de l'année 2005, un syndrome dépressif lié à la pathologie douloureuse chronique et une accentuation des phénomènes douloureux séquellaires tant au niveau du rachis dorso-lombaire qu'au niveau de la racine du membre supérieur gauche à compter du 15 novembre 2001.

L'expert a fixé le 'taux d'incapacité fonctionnelle de 15 % à intégrer dans une IPP globale qui reprendrait l'ancien taux d'IPP de 35 %. L'IPP de 30 % retenue en 97 correspond à un taux d'IPP de 20 % actuels selon le Barème droit commun concours médical'.

La cour ne pouvant modifier le taux initial du déficit fonctionnel permanent il sera retenu que l'aggravation a entraîné un nouveau déficit fonctionnel permanent de 15 %, ce qui conduit afin de tenir compte des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence une indemnité de 43 500 euros pour une femme âgée de 35 ans à la consolidation du 15 janvier 2007.

- Préjudice d'agrément

Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.

Aucune somme ne sera allouée à ce titre l'expert ayant spécifié que le préjudice d'agrément était identique à celui résultant du préjudice corporel initial.

- Préjudice sexuel

Ce poste concerne la réparation des préjudices touchant à la sphère sexuelle, soit le préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels primaires et secondaires résultant du dommage subi, le préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte, perte de la capacité à accéder au plaisir) et le préjudice lié à une impossibilité ou une difficulté à procréer (ce préjudice pouvant notamment chez la femme se traduire sous diverses formes comme le préjudice obstétrical, etc.).

L'expert a noté 'il est allégué un retentissement du syndrome dépressif et des traitements sur la libido mais la vie sexuelle est encore possible ; les fonctions de reproduction ne sont pas altérées' ; l'expert n'a pas expressément écarté l'existence d'un préjudice sexuel ; en outre il résulte de la nature des séquelles aggravées consistant notamment en des fuites urinaires, un syndrome dépressif et des douleurs que la réalité de la baisse de libido alléguée par Mme [U] est établie ; ce poste de préjudice doit être indemnisé à hauteur de la somme de 5 000 euros qu'elle sollicite à titre principal.

- Préjudice d'établissement

Ce poste de préjudice cherche à indemniser la perte d'espoir, de chance ou de toute possibilité de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap permanent, dont reste atteinte la victime après sa consolidation. Il s'agit de la perte d'une chance de fonder une famille, d'élever des enfants et, plus généralement, des bouleversements dans les projets de vie de la victime qui la contraignent à certains renoncements sur le plan familial. Ce préjudice recouvre en cas de séparation ou de dissolution d'une précédente union, la perte de chance pour la victime handicapée de réaliser un nouveau projet de vie familiale.

Mme [U] expose qu'elle a divorcé en 2011 et que la nature particulière de ses séquelles constitue un frein à son épanouissement affectif et à l'établissement de relations sentimentales.

La société XL s'oppose à cette demande au motif que Mme [U] ne rapporte pas la preuve d'un préjudice d'établissement.

Sur ce, le divorce dont fait état Mme [U] est confirmé par Mme [F] [C] dans son attestation ; la nature des séquelles consistant en une aggravation des troubles sphinctériens urinaires à type de fuite urinaire, il est patent que Mme [U] va avoir des difficultés à reconstituer une relation affective durable et un foyer, ce qui justifie l'allocation d'une indemnité de 8 000 euros.

Sur le préjudice corporel aggravé consolidé le 14 décembre 2017

Ainsi qu'il a été indiqué ci-avant, l'expertise établit que la seconde aggravation est apparue le 1er février 2016 et qu'elle a été consolidée le 14 décembre 2017.

' Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Ce poste est constitué en l'espèce des dépenses suivantes, Mme [U] n'invoquant aucune dépense restée à sa charge :

- frais médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage pris en charge par la CPAM du 10 mai 2016 au 2 mars 2019, soit selon le décompte de débours de cet organisme au 19 mai 2022, la somme de 2 522,14 euros

- frais pris en charge par l'AP-HP le 18 novembre 2016 soit la somme de 175,33 euros.

La somme de 175,33 euros revient à l'AP-HP.

- Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

Ils sont représentés par les honoraires d'assistance à expertise par le Docteur [L], médecin conseil, soit la somme non contestée de 2 280 euros au vu des factures produites.

- Assistance temporaire de tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

L'expert a estimé que les gênes occasionnées par l'accentuation des troubles sphinctériens n'ont pas généré de nouveaux besoins en aide humaine.

Mme [U] qui affirme que l'aggravation des séquelles de l'accident justifie une aide plus importante que celle fixée par l'expert, qu'elle demande à la cour d'évaluer à 3 heures par semaine et l'application d'un tarif horaire de 20 euros sur une année de 57 semaines.

La société XL conclut à une indemnisation à hauteur de 2 heures par semaine rémunérées 18 euros sur une année de 52 semaines.

Sur ce, il n'est pas justifié, en l'absence notamment de production aux débats de documents médicaux pertinents, que les troubles résultant de la seconde aggravation rendent nécessaire une aide supplémentaire par tierce personne, soit excédant deux heures par semaine.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 20 euros sur une année de 52 semaines.

L'indemnité de tierce personne s'établit ainsi, pour la période échue entre l'apparition de la seconde aggravation, le 1er février 2016 et la consolidation de celle-ci, le 14 décembre 2017, à la somme de 3 902,86 euros (683 jours / 7 jours x 2 heures x 20 euros).

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

La liquidation des préjudices corporels aggravés se faisant distinctement, la demande de Mme [U] portant sur la période postérieure à l'apparition de la seconde aggravation mais antérieure à la consolidation de cette deuxième aggravation, constitue non une perte de gains professionnels futurs, ainsi que la catégorise Mme [U], mais une perte de gains professionnels actuels.

Mme [U] expose qu'elle est passée à mi-temps à compter du 1er septembre 2016, et sollicite l'indemnisation en conséquence de ce mi-temps professionnel, à titre principal, d'une perte de salaires qu'elle évalue pour l'année 2016 sur la base de ses bulletins de paie de septembre à novembre 2016 inclus et pour l'année 2017 sur la base de son avis d'imposition, en demandant une somme équivalente à celle perçue, correspondant selon elle à un exercice à mi-temps.

La société XL oppose qu'il ressort des pièces communiquées par Mme [U] que c'est à sa demande, et non en raison de sa pathologie aggravée, que Mme [U] a été déclarée apte à un mi-temps sans port de charge, que la médecine du travail n'a constaté aucune inaptitude à un emploi à temps complet et que les conclusions de l'expert sont ambiguës sur ce point. Elle ajoute que les bulletins de salaire produits démontrent qu'elle effectue, ponctuellement, des heures supplémentaires ; elle estime que le passage à un mi-temps est imputable pour moitié seulement à la pénibilité et propose d'indemniser 50 % de la perte calculée sur la base du salaire net moyen mensuel de l'année 2015.

L'AP-HP demande le remboursement des traitements bruts versés à Mme [U] à hauteur de la somme de 1'396,55 euros, au cours des arrêts de travail du 9 avril au 17 avril 2016 et du 30 mai au 3 juin 2016.

Sur ce, l'expert a précisé dans son premier rapport d'expertise que 'la victime n'est pas dans l'impossibilité de poursuivre l'exercice de l'activité professionnelle qu'il est la sienne. Cependant compte tenu de l'accentuation des phénomènes douloureux, des troubles sphinctériens, de la gêne à la station debout prolongée ou à la station assise prolongée et du type de travail qui est le sien il s'avère que l'intéressée pourrait utilement bénéficier d'une activité professionnelle à mi-temps comme le proposait le certificat d'aptitude signé par le médecin du travail dès l'année 2003" ; il a indiqué dans son second rapport que ' il n'y a pas eu d'arrêt de travail délivré pour l'aggravation des troubles urinaires et du retentissement psychique ; un mi-temps aurait été justifié par les séquelles de l'accident, déjà évoqué dans le rapport d'expertise de 2008, mais Mme [U] ne l'aurait fait valoir qu'en 2016 soit huit ans plus tard'.

Ces conclusions sont dénuées de toute ambiguïté et il en ressort que l'expert, s'il n'a pas retenu une inaptitude à la poursuite de l'activité professionnelle antérieure a estimé que celle-ci ne pouvait plus être exercée à temps plein mais devait l'être à mi-temps.

La position de l'expert est confirmée par les avis du médecin du travail qui a considéré en 2003 que Mme [U] était apte à reprendre son poste sous réserve de ne porter ni malades ni charges lourdes, de ne pas manipuler de chariots, de ne pas effectuer des tâches lui imposant de se pencher en avant de façon répétitive et de ne pas rester assise de façon permanente et en 2009 qu'elle était apte à poursuivre son activité à mi-temps thérapeutique.

Il est ainsi patent que l'aggravation de ses séquelles apparues le 1er février 2016 a contraint Mme [U] à solliciter la mise en oeuvre effective du mi-temps, les mentions de l'arrêté du 31 juillet 2016 accordant à Mme [U] 'l'autorisation' d'exercer à temps partiel à 50 % étant dès lors sans incidence.

Par ailleurs si Mme [U] a effectué à plusieurs reprises des heures supplémentaires, ceci n'est pas significatif d'une capacité effective à exercer à 75 % ainsi que le soutient la société XL mais résulte des contraintes liées à la profession d'infirmière exerçant en milieu hospitalier ainsi que le relèvent les nombreuses collègues de travail de Mme [U] qui stigmatisent dans leurs attestations sa fatigue et ses efforts pour remplir ses tâches.

Mme [U] ne sollicitant pas d'indemnisation du fait de ses arrêts de travail intervenus en 2016, il y a lieu d'allouer à l'AP-HP au titre des traitements bruts maintenus, au vu du relevé communiqué, la somme de 1 319,74 euros.

La perte résultant du mi-temps sera donc évaluée à 50 % de la moyenne des revenus perçus, ce qui permettra de tenir compte de l'évolution des traitements et primes.

Pour la période du 1er septembre 2016 au 31 décembre 2016, eu égard aux bulletins de paie des mois de septembre à novembre 2016 inclus communiqués, la moyenne des traitements perçus est de 1 401,25 euros, de sorte que la perte est de 5 605 euros (1 401,25 euros x 4 mois).

Pour la période du 1er janvier 2017 au 14 décembre 2017, les bulletins de paie n'ont pas été produits aux débats ; le revenu de référence pris en considération sera dès lors celui figurant sur l'avis d'imposition 2018 soit 17 290 euros pour 365 jours, de sorte que la perte est de 16 484,71 euros (17 290 euros x 348 jours/ 365 jours).

L'indemnité totale revenant à Mme [U] est ainsi de 22 089,71 euros (5 605 euros + 16 484,71 euros).

Préjudices patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

L'expert a précisé que Mme [U] est régulièrement suivie par le médecin urologue et par ceux qui la suivaient auparavant du fait des séquelles déjà identifiées ; il y a estimé qu'il y a lieu de prendre en compte le matériel nécessaire au sondage urinaire soit lingettes, kits d'auto sondage avec sondes, désinfectants et gants à usage unique.

Mme [U] sollicite à titre principal une somme de 6 466,38 euros correspondant aux frais restant à sa charge, ce que la société XL accepte.

Une indemnité de 6 466,38 euros sera dès lors allouée à Mme [U].

- Assistance permanente par tierce personne

Ce poste vise à indemniser, postérieurement à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière définitive, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

Ainsi qu'il a été indiqué précédemment pour l'assistance temporaire par tierce personne, ce poste de préjudice doit être indemnisé sur la base de 2 heures par semaine selon un tarif horaire de 20 euros par jour sur une année de 365 jours ou 52 semaines.

L'indemnité est ainsi la suivante :

- du 15 décembre 2017 à la liquidation

1 862 jours / 7 jours x 2 heures x 20 euros = 10 640 euros

- à compter de la liquidation

par capitalisation de la dépense annuelle par un euro de rente viagère pour un femme âgée de 51 ans à la liquidation selon le barème susvisé soit 35,155

2 heures x 52 semaines x 20 euros x 35,155 = 73 122,40 euros

- total : 83 762,40 euros.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Mme [U] sollicite l'indemnisation d'une perte de gains professionnels futurs et d'une perte de retraite ; cette dernière sera examinée sous le poste de l'incidence professionnelle.

Compte tenu des motifs énoncés pour la perte de gains professionnels actuels qui sont ici repris le calcul de la perte de gains professionnels futurs sera faite sur la base des revenus perçus chaque année :

- du 15 décembre au 31 décembre 2017 (base avis d'imposition) : 805,29 euros (17 290 euros - 16 484,71 euros)

- année 2018 (base avis d'imposition) : 16 836 euros

- année 2019 (base avis d'imposition) : 17 229 euros

- année 2020 (base bulletins de paie) : 16 415 euros après déduction de la prime COVID

- année 2021 (base bulletins de paie) : 18 621,96 euros

- année 2022 : (base bulletins de paie de janvier à août 2022 inclus) : 21 205,38 euros (14 136,92 euros x 12 mois/ 8 mois) montant ramené à 21 205,32 euros eu égard à la demande

- du 1er janvier 2023 à la liquidation : 1 103,84 euros (21 205,32 euros x 19 jours/ 365 jours)

- à compter de la liquidation par capitalisation de la perte annuelle, évaluée à la somme de 21 500 euros en tenant compte de la prime 'Ségur', par un euro temporaire pour une femme âgée de ans jusqu'à l'âge de 62 ans, âge jusqu'auquel Mme [U] indique qu'elle aurait travaillé, selon le barème précité, soit 10,807, ce qui représente une perte de 232 350,50 euros (21 500 euros x 10,807).

La perte de gains professionnels futurs totale est ainsi de 324 566,91 euros ; cette somme revient en intégralité à Mme [U], aucune prestation de nature à s'imputer sur cette indemnité n'ayant été versée.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Mme [U] sollicite l'indemnisation d'un préjudice de retraite, en soutenant qu'elle n'a cotisé pour sa retraite que dans le cadre d'un mi-temps et non d'un temps plein à compter du 1er septembre 2016 et que sa retraite sera calculée sur ses 6 derniers mois d'activité qui sont les plus élevés ; elle indique que la retraite représente 75 % du salaire et sollicite à titre principal l'indemnisation sur la base de 75 % d'un salaire de 21 500 euros ; à titre subsidiaire elle détermine sa perte sur la base des trimestres qui lui manqueront en distinguant les trimestres cotisés en durée d'assurance et les trimestres cotisés en durée de liquidation.

La société XL estime que Mme [U] ne justifie pas de ses prétentions et qu'en toute hypothèse le mi-temps résulte d'un choix personnel de Mme [U].

Sur ce, il convient de tenir compte, au titre de l'incidence professionnelle consécutive à la seconde aggravation, pour la période échue à compter du 1er février 2016, de la pénibilité accrue, de la dévalorisation sur le marché du travail à laquelle est exposée Mme [U] pour l'avenir, et de la perte de droits à la retraite, puisque celle-ci ne sera pas calculée sur la base d'un salaire à temps plein, étant rappelé que Mme [U] avait repris un temps plein avant l'aggravation de son état de santé qui est imputable à l'aggravation de ses troubles.

La pénibilité accrue et la dévalorisation sur le marché du travail justifient une indemnisation à concurrence de la somme de 25 000 euros.

La perte de droits à la retraite sera évaluée sur la base de la perte sur le dernier traitement annuel de référence soit 21 500 euros, et d'une retraite correspondant à 75 % du salaire annuel, ce qui représente par capitalisation par un euro de rente viagère pour un femme âgée de 62 ans lors du départ à la retraite une indemnité de 447 446,50 euros (21 500 euros x 75 % x 25,268).

L'incidence professionnelle totale est de 432 446,50 euros.

Aucune prestation n'étant à imputer, cette somme revient en intégralité à Mme [U].

- Frais de véhicule adapté

Ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'acquisition ou à l'adaptation d'un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent, incluant le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien ou les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d'accessibilité aux transports en commun survenues depuis le dommage.

L'expert a estimé qu'un véhicule avec boîte automatique serait d'une utilité certaine compte tenu des réactions de trépidation épileptique torride du pied gauche qui gêne les man'uvres de débrayage.

Les parties s'accordent pour fixer l'indemnité réparant ce poste de dommage à 13 582,06 euros.

Préjudices extra-patrimoniaux

temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation. Cette incapacité fonctionnelle totale ou partielle correspond aux périodes d'hospitalisation de la victime et inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence et le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.

Ainsi que précédemment indiqué l'expert a admis au titre de la première aggravation un déficit fonctionnel permanent de 15 % ; il en résulte que jusqu'à l'apparition de la seconde aggravation le 1er février 2016, Mme [U] a subi un déficit fonctionnel temporaire partiel qu'il convient d'estimer à 35 % et d'indemniser à hauteur de 28 euros par jour, de sorte qu'il revient à Mme [U] une indemnité de 6 693,40 euros.

- Souffrances endurées

Ce poste comprend l'indemnisation de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à dire du jour de l'accident jusqu'à celui de la consolidation.

En l'espèce, il convient de prendre en considération les nouvelles souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison de l'aggravation ; évalué à 2/7 par l'expert, ce chef de préjudice justifie l'octroi de l'indemnité de 3 000 euros sollicitée par Mme [U].

Préjudices extra-patrimoniaux

permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de dommage vise à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel résultant de l'atteinte anatomo-physiologique à laquelle s'ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiale et sociales).

Il est caractérisé par aggravation des troubles sphinctériens avec aggravation des troubles urinaires et apparition de troubles ano-rectaux, un retentissement psychologique dont une part est en relation avec cette aggravation des complications sphinctériennes et des douleurs chroniques ainsi que des difficultés cognitives en relation avec les difficultés psychiques, conduisant à un taux d'aggravation de 7 % et justifiant compte tenu des souffrances morales et des troubles induits dans les conditions d'existence une indemnité de 21 000 euros pour une femme âgée 46 ans à la consolidation.

Sur la demande de l'AP-HP portant sur les charges patronales

L'AP-HP est fondée en sa demande portant sur les charges patronales conformément aux dispositions de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985.

Eu égard au décompte de créance communiqué, celles-ci correspondent aux sommes suivantes :

- 1ère aggravation : 1 211,71 euros

- 2ème aggravation : 461,18 euros .

Sur les demandes accessoires

Il n'y a pas lieu de déclarer l'arrêt opposable aux intimés non comparants qui sont en la cause.

La société XL qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens de première instance et d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer à Mme [U] une indemnité de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles et celle de 1 500 euros à l'AP-HP au même titre.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Prononce la nullité du jugement rendu le 7 février 2020,

Statuant à nouveau,

- Condamne la société XL Insurance Compagny SE à verser à Mme [B] [U], les sommes suivantes provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus,

- au titre de l'aggravation de son état de santé consolidée le 15 janvier 2007

- frais divers : 650 euros

- assistance temporaire par tierce personne : 10 518,86 euros

- assistance permanente par tierce personne : 18 880 euros

- incidence professionnelle : 15 000 euros

- frais de logement adapté : 202,11 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 252 euros

- souffrances endurées : 6 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 43 500 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros

- préjudice d'établissement : 8 000 euros,

- au titre de l'aggravation de son état de santé consolidée le 14 décembre 2017

- frais divers : 2 280 euros

- assistance temporaire par tierce personne : 3 902,86 euros

- perte de gains professionnels actuels : 22 089,71 euros

- dépenses de santé futures : 6 466,38 euros

- assistance permanente par tierce personne : 87 762,40 euros

- perte de gains professionnels futurs : 324 566,91 euros

- incidence professionnelle : 432 446,50 euros

- frais de véhicule adapté : 13 582,06 euros

- déficit fonctionnel temporaire partiel : 6 693,40 euros

- souffrances endurées : 3 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 21 000 euros,

- Condamne la société XL Insurance Compagny SE à verser à l'Assistance publique - Hôpitaux de [Localité 8] les sommes suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire du jugement non déduites :

- au titre de l'aggravation consolidée le 15 janvier 2007

- traitements versés à Mme [U] avant consolidation : 3 086,88 euros

- traitements versés à Mme [U] après consolidation : 380,71 euros

- charges patronales : 1 211,71 euros

- au titre de l'aggravation consolidée le 14 décembre 2017

- dépenses de santé : 175,33 euros

- traitements versés à Mme [U] avant consolidation : 1 319,74 euros

- charges patronales : 461,18 euros,

- Condamne la société XL Insurance Compagny SE à verser, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, à Mme [B] [U] la somme de 3 500 euros et à l'Assistance publique - Hôpitaux de [Localité 8] celle de 1 500 euros,

- Condamne la société XL Insurance Compagny SE aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/02681
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;21.02681 ?
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