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19/01/2023 | FRANCE | N°21/00180

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 19 janvier 2023, 21/00180


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 19 JANVIER 2023



(n° 2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00180 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC4UF



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/00156





APPELANT



Monsieur [Z] [V]

[Adresse 2]
<

br>[Localité 1]



Représenté par Me Blandine DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque : R110



INTIMEE



S.A.S. GROUPE LUCIEN BARRIERE

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Em...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 19 JANVIER 2023

(n° 2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/00180 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CC4UF

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F20/00156

APPELANT

Monsieur [Z] [V]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représenté par Me Blandine DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque : R110

INTIMEE

S.A.S. GROUPE LUCIEN BARRIERE

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Emmanuel RANDOUX, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Séverine MOUSSY, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Meggy RIBEIRO, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée en date du 25 mars 2015 à effet du 30 mars suivant, la société Groupe Lucien Barrière (ci-après la société) a embauché M. [Z] [V] en qualité de directeur des ventes internationales, statut cadre au forfait 218 jours, moyennant une rémunération annuelle de base brute de 69 228 euros sur douze mois, outre un treizième mois, une prime exceptionnelle et une prime sur objectifs dont les modalités de versement sont précisées dans le contrat.

La relation contractuelle est soumise à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants (HCR) du 30 avril 1997 et la société employait au moins onze salariés lors de la rupture de cette relation.

Le 2 octobre 2017, M. [V] a été convoqué à un entretien en vue de son éventuel licenciement fixé au 9 octobre 2017.

Cet entretien a été reporté au 12 octobre 2017, à la demande de M. [V].

Par lettre recommandée du 23 octobre 2017, la société lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse et l'a dispensé d'exécuter le préavis de trois mois.

Par courrier du 21 novembre 2017, M. [V] a demandé à la société de préciser le motif de licenciement. Ce à quoi la société a répondu, par courrier du 8 décembre 2017, que la lettre de licenciement était suffisamment claire et explicite.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être rempli de ses droits, M. [V] a saisi le conseil de prud'hommes de Caen le 13 août 2018, puis le conseil de prud'hommes de Paris le 14 août 2018.

Par jugement du 25 juillet 2019, le conseil de prud'hommes de Caen s'est déclaré territorialement incompétent au profit du conseil de prud'hommes de Paris.

Par jugement du 16 novembre 2020 auquel il est renvoyé pour l'exposé des prétentions initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté M. [V] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [V] aux dépens.

Par déclaration du 16 décembre 2020, M. [V] a régulièrement interjeté appel du jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 octobre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, M. [V] demande à la cour de :

- réformer le jugement dont appel ;

sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires :

- dire et juger que la clause de forfait annuel en jours lui est inopposable en ce qu'elle ne respecte pas les garanties minimales obligatoires requises par la jurisprudence et par la loi ;

en conséquence,

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 21 756,80 euros à titre de rappel de salaire ;

* 2 175,68 euros au titre des congés payés afférents ;

* 42 657,30 euros au titre d'une dissimulation partielle d'emploi salarié conformément à l'article L. 8223-1 du code du travail ;

- ordonner à la société de lui remettre sous astreinte de 50 euros par jour de retard, des bulletins de salaires rectificatifs ainsi qu'une nouvelle attestation Pôle emploi ;

sur les demandes au titre de la contestation du licenciement :

- condamner la société à lui verser les sommes suivantes :

* 24 883,43 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

* 21 328,65 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral distinct subi du fait des circonstances vexatoires de son licenciement ;

* 4 387,64 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis restant à lui devoir ;

* 290,06 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement restant à lui devoir ;

en tout état de cause :

- débouter la société de l'ensemble de ses prétentions et moyens de défense ;

- fixer la rémunération moyenne des 3 derniers mois de rémunération à hauteur de 7 109,55 euros bruts ;

- condamner la société à lui verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société au paiement des dépens liés à la présente procédure prud'homale ainsi qu'aux dépens liés à l'exécution du jugement à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 4 octobre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens en application de l'article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :

à titre principal :

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement attaqué ;

à titre subsidiaire sur les demandes de rappel de salaire :

- ordonner le remboursement par M. [V] de la somme de 5 375,98 euros brut à titre de rappel de salaire correspondant aux jours de repos non travaillés et payés, le cas échéant par compensation judiciaire avec toute somme due à l'appelant ;

- réduire le montant des sommes réclamées par M. [V] à de plus justes proportions ;

à titre subsidiaire sur les demandes au titre du licenciement :

- juger irrecevables les demandes de rappel d'indemnité de licenciement et de préavis ;

à titre subsidiaire sur les autres demandes :

- débouter M. [V] du surplus de ses demandes ;

en tout état de cause :

- condamner M. [V] à verser la somme de 2 000 au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 5 octobre 2022.

MOTIVATION

Sur l'exécution du contrat de travail

* sur le rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

sur la convention de forfait

M. [V] soutient, à l'appui de sa demande de rappel de salaire, que la convention de forfait prévue dans son contrat de travail ne remplit pas les conditions nécessaires à sa validité et qu'elle lui est donc inopposable. A cet égard, il fait valoir que la convention de branche ne contient pas les garanties requises par la loi, notamment ses avenants n°1 et 22. Plus précisément, il fait valoir que la Cour de cassation a jugé par deux fois que l'article 13.2 de l'avenant n°1 ne permettait pas de conclure valablement une convention de forfait annuel en jours de sorte qu'entre le 30 mars 2015 et le 1er mars 2016, son contrat de travail ne pouvait pas valablement prévoir un décompte du temps de travail en jours. M. [V] fait ensuite valoir que le caractère insuffisamment protecteur de l'avenant n°22 ressort du préambule de l'avenant n°22 bis ; que cela a été acté dans le cadre d'un arrêté ministériel et qu'en conséquence, entre le 1er mars 2016 et le 23 octobre 2017, son contrat de travail ne pouvait pas prévoir un décompte du temps de travail en jours. M. [V] soutient donc qu'il faut donc décompter son temps de travail en heures en distinguant les heures effectuées dans la limite de la durée légale des heures supplémentaires à taux majoré.

Ce à quoi la société réplique que M. [V] ne s'était jamais plaint d'une surcharge de travail et n'avait jamais sollicité le paiement d'heures supplémentaires avant son licenciement ; qu'elle a établi un suivi du temps de travail de M. [V] sur la base d'un système autodéclaratif et que le salarié a régulièrement bénéficié de congés payés et de jours de repos ; que l'employeur a assuré un suivi de sa charge de travail comme le montrent les entretiens annuels.

Suivant l'article L. 3121-39 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de travail soit celle applicable entre le 22 août 2008 et le 10 août 2016, la conclusion de conventions individuelles de forfait, en heures ou en jours, sur l'année est prévue par un accord collectif d'entreprise ou d'établissement ou, à défaut, par une convention ou un accord de branche. Cet accord collectif préalable détermine les catégories de salariés susceptibles de conclure une convention individuelle de forfait, ainsi que la durée annuelle du travail à partir de laquelle le forfait est établi, et fixe les caractéristiques principales de ces conventions.

L'article L. 3121-40 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de travail ajoute que la conclusion d'une convention individuelle de forfait requiert l'accord du salarié et que la convention est établie par écrit.

Aux termes de l'article L. 3121-43 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de travail, peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l'année, dans la limite de la durée annuelle de travail fixée par l'accord collectif prévu à l'article L. 3121-39 :

1° Les cadres qui disposent d'une autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l'horaire collectif applicable au sein de l'atelier, du service ou de l'équipe auquel ils sont intégrés ;
2° Les salariés dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d'une réelle autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps pour l'exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

L'article L. 3121-46 du code du travail dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de travail prévoit qu'un entretien annuel individuel est organisé par l'employeur, avec chaque salarié ayant conclu une convention de forfait en jours sur l'année. Il porte sur la charge de travail du salarié, l'organisation du travail dans l'entreprise, l'articulation entre l'activité professionnelle et la vie personnelle et familiale, ainsi que sur la rémunération du salarié.

La loi n°2008-789 du 20 août 2008 dont résultent les dispositions qui viennent d'être rappelées a également prévu dans son article 19 III que les accords conclus en application des articles L. 3121-40 à L. 3121-51 du travail dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi restaient en vigueur.

En l'espèce, un avenant n°1 à la convention collective en date du 13 juillet 2004 était applicable sur la période du 30 mars 2015 au 1er mars 2016. En l'occurrence, l'article 13.2 de cet avenant n°1 prévoyait :

« Les cadres autonomes

Il s'agit du personnel d'encadrement relevant du niveau 5 de la grille de classification de la convention nationale qui, en raison de la nature de leur emploi, n'entre ni dans la catégorie des cadres dirigeants ni dans celle des cadres intégrés, définie ci-après.

La rémunération moyenne mensuelle sur l'année du cadre autonome ne peut être inférieure au plafond mensuel de la sécurité sociale.

Ils bénéficient d'une large autonomie dans l'organisation de leur emploi du temps, il est donc impossible d'établir un planning prédéterminé.

L'accomplissement de leur mission doit s'inscrire dans une maîtrise du temps, pour laquelle l'entreprise et le cadre concerné ont un rôle à jouer par un effort commun d'organisation.

Pour cette catégorie de cadre, les entreprises peuvent mettre en place directement, en application du présent avenant, des conventions de forfait annuel en jours dans les conditions ci-après.

Ce type de convention nécessitera la conclusion avec chaque cadre concerné d'une convention individuelle de forfait jour.

Le nombre de jours travaillés ne peut être supérieur à 217 par an.

Dans ce cas, le cadre doit recevoir, en annexe de son bulletin de paie, le décompte des journées travaillées, le nombre de jours de repos pris et ceux restant à prendre.

Cette annexe qui sera tenue mois par mois servira de récapitulatif annuel tenu à la disposition de l'inspection du travail et permettra un suivi de l'organisation du travail.

Le salarié pourra prendre les jours de repos par journées après accord de l'employeur.

Ces cadres doivent bénéficier du repos quotidien minimal prévu à l'article 21.4 de la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants et du repos hebdomadaire.

Si le nombre de jours travaillés dépasse le plafond annuel de 217 jours, le cadre devra bénéficier au cours des 3 premiers mois de l'année suivante d'un nombre de jours égal à ce dépassement. Ce nombre de jours réduit le plafond annuel de l'année durant laquelle ils sont pris. »

Un avenant n°22 en date du 16 décembre 2014 était ensuite applicable entre le 1er mars 2016 (date de l'arrêté d'extension) et la date du licenciement de M. [V].

L'avenant n°22 bis en date du 7 octobre 2016 n'a pas vocation à s'appliquer dans le présent litige dans la mesure où l'arrêté d'extension a été pris en 2018 soit postérieurement à la date du licenciement de M. [V].

S'agissant de la période du 30 mars 2015 au 1er mars 2016, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 7 juillet 2015, à propos de l'avenant n°1 précité relatif à la durée et à l'aménagement du temps de travail, aux congés payés, au travail de nuit et à la prévoyance à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants du 30 avril 1997, que les dispositions de son article 13.2 qui, dans le cas de forfait en jours, se limitent à prévoir, s'agissant de la charge et de l'amplitude de travail du salarié concerné, en premier lieu, que l'employeur établit un décompte mensuel des journées travaillées, du nombre de jours de repos pris et de ceux restant à prendre afin de permettre un suivi de l'organisation du travail, en second lieu, que l'intéressé bénéficie du repos quotidien minimal prévu par la convention collective et du repos hebdomadaire, (') ne sont pas de nature à garantir que l'amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l'intéressé, et, donc, à assurer la protection de la sécurité et de la santé du salarié (').

L'existence d'un accord collectif d'entreprise ou d'établissement n'est invoquée par aucune des parties et la chambre sociale de la Cour de cassation a confirmé sa jurisprudence dans un arrêt du 25 janvier 2017.

S'agissant de la période du 1er mars 2016 au 23 octobre 2017, l'avenant n°22 a eu pour vocation de se substituer aux dispositions de l'article 13.2 de l'avenant n°1.

Il ressort du préambule de l'arrêté ayant étendu l'avenant n°22 bis du 7 octobre 2016 que cet avenant « fait suite aux réserves émises suite à l'arrêté du 29 février 2016 portant extension de l'avenant n° 22 du 16 décembre 2014 selon lesquelles, à l'article 2.4 relatif « au suivi du temps de travail », il devait être précisé par un accord de branche les modalités concrètes de suivi de la charge de travail, dans le respect des exigences jurisprudentielles relatives à la protection de la santé et de la sécurité des salariés ». 

L'arrêté d'extension du 29 février 2016 avait en effet indiqué, dans son article 1er, que l'article 2.4 était étendu sous réserve que soient précisées, par accord d'entreprise ou d'établissement ou par un nouvel accord de branche, les modalités concrètes de suivi de la charge de travail, dans le respect des exigences jurisprudentielles relatives à la protection de la santé et de la sécurité des salariés.

Or, il n'est pas établi qu'un accord d'entreprise ou d'établissement ou qu'un nouvel accord de branche ait été pris avant l'extension par arrêté de l'avenant n°22 bis.

Par conséquent, la convention de forfait stipulée dans le contrat de travail de M. [V] est irrégulière et privée d'effet et le décompte et le paiement d'heures supplémentaires s'effectue selon le droit commun.

sur les heures supplémentaires

M. [V] rappelle que la Cour de cassation a précisé que le salarié devait présenter des éléments suffisamment précis pour mettre l'employeur en mesure d'y répondre. M. [V] déclare qu'il travaillait huit heures par jour, de 9 heures à 13 heures et de 14 heures à 19 heures, du lundi au vendredi, soit 40 heures par semaine. Il soutient que la présentation de ces éléments répond aux exigences jurisprudentielles contrairement à ce qu'a jugé le conseil de prud'hommes et fait observer que la société ne communique aucune pièce au titre du suivi de son temps de travail. M. [V] fait valoir qu'il produit de nombreux courriels relatifs à son activité professionnelle et à ses déplacements à l'étranger.

M. [V] rappelle que les heures supplémentaires sont présumées être réalisées avec l'accord de l'employeur dès lors que celui-ci n'a pas interdit les heures supplémentaires. Il rappelle également qu'il n'a jamais renoncé au bénéfice des heures supplémentaires. Il fait enfin valoir qu'il justifie de l'envoi de courriels tôt le matin ou tard le soir et produit des justificatifs de déplacements à l'étranger incompatibles avec un temps de travail de 35 heures. Il souligne que sa réclamation est présentée a minima puisqu'il n'a pas inclus les temps de déplacement dans sa réclamation.

M. [V] procède encore au calcul par année des sommes qu'il estime lui être dues en explicitant les données de son calcul.

Enfin, M. [V] soutient que le délai de prescription est de trois ans à compter du jour où les heures supplémentaires ont été effectuées. Il fait valoir que la prescription commence à courir non à compter de la signature de la convention de forfait mais qu'elle court au fur et à mesure de chaque mois lors de la remise des bulletins de paie et du paiement du salaire ; qu'en l'espèce, il a saisi le conseil de prud'hommes en août 2018 d'un rappel de salaire remontant jusqu'en août 2015.

Ce à quoi la société réplique que M. [V] ne rapporte pas la preuve que l'employeur lui a demandé ou imposé d'effectuer des heures supplémentaires ; qu'il ne présente pas d'éléments précis, se contente d'une évaluation théorique des heures supplémentaires prétendument réalisées et procède par extrapolation. La société fait valoir que M. [V] n'était pas soumis à l'horaire collectif et disposait d'une grande liberté dans l'organisation de son temps de travail.

Subsidiairement, la société fait valoir que M. [V] ne peut prétendre avoir effectué des heures supplémentaires pendant sa période de préavis à compter du 24 octobre 2017 et qu'il augmente artificiellement le nombre d'heures supplémentaires en regroupant ses congés payés, jours fériés et jours de repos en semaines complètes. Elle rappelle qu'elle n'est pas tenue de répondre à un décompte par extrapolation.

Il résulte des articles L. 3171-2, L. 3171-3 et L. 3171-4 du code du travail dans leur version applicable à l'espèce qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

A l'appui de sa demande, M. [V] soutient qu'il travaillait du lundi au vendredi, de 9 heures à 13 heures et de 14 heures à 19 heures soit 40 heures par semaine de sorte qu'il effectuait 5 heures supplémentaires par semaine. De plus, M. [V] verse aux débats des courriels horodatés et un planning de ses déplacements entre novembre 2016 et octobre 2017.

M. [V] produit donc des éléments suffisamment précis pour permettre à l'employeur d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Or, force est de constater que la société ne produit aucun élément et se borne à soutenir que M. [V] ne rapporte pas la preuve qu'elle lui avait demandé d'accomplir des heures supplémentaires. De plus, la cour considère qu'au vu de l'importance des heures supplémentaires, l'employeur ne pouvait ignorer celles-ci et les a implicitement autorisées.

Partant, la cour retient l'existence d'heures supplémentaires et fixe les créances salariales de M. [V] à la somme de 17 000 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires et à la somme de 1 700 euros au titre des congés payés afférents.

La décision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

sur le remboursement des jours de repos dans le cadre du forfait annuel en jours

Dans l'hypothèse où la cour jugerait que la convention de forfait annuel en jours est inopposable, la société demande le remboursement des sommes perçues par M. [V] au titre des jours de repos compris dans le forfait.

M. [V] n'a pas conclu sur cette demande présentée pour la première fois en appel sauf pour en demander le débouté.

Il résulte de l'article 1302 du code civil que tout paiement suppose une dette et que ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

Ce qui résultait déjà de l'article 1376 du code civil dans sa version applicable avant le 1er octobre 2016.

La cour jugeant que la convention de forfait stipulée dans le contrat de travail de M. [V] est privée d'effet, les sommes perçues au titre des jours de réduction du temps de travail accordés en application de cette convention doivent être restituées par M. [V] comme lui ayant été payées indûment. Eu égard aux bulletins de salaire versés aux débats, M. [V] sera condamné à payer à la société la somme de 5 375,98 euros.

* sur la dissimulation partielle des heures effectuées

Aux termes de l'article L. 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

M. [V] soutient que l'intention frauduleuse résulte de ce que la société ne pouvait ignorer que l'accord de branche ne permettait pas de conclure des conventions de forfait jours valides et que son contrat de travail n'avait pas été mis en conformité après l'entrée en vigueur de la loi "Travail" du 6 août 2016 qui a modifié en profondeur le dispositif.

La société rétorque qu'elle ne pouvait savoir, lors de l'embauche de M. [V], que l'accord de branche serait remis en cause quatre mois après l'embauche de M. [V] et que le caractère intentionnel ne se déduit pas de la seule application d'une convention de forfait en jours illicite. Elle fait valoir qu'elle ne peut avoir intentionnellement dissimulé des heures supplémentaires alors que M. [V] n'avait jamais formulé de demande de rappel de salaire au titre de ces heures.

La seule circonstance selon laquelle l'employeur ne pouvait pas ne pas connaître ou aurait dû connaître la jurisprudence de la Cour de cassation et les évolutions législatives et réglementaires ne suffit pas à caractériser l'intention frauduleuse exigée par l'article L. 8221-5 précité.

M. [V] sera donc débouté de sa demande et la décision des premiers juges confirmée à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

La lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, est rédigée dans les termes suivants :

« Vous occupez la fonction de Directeur des ventes internationales sein du Groupe Lucien Barriere depuis le 30 mars 2015, sous la responsabilité de Mme [A] [I], directeur commercial hôtellerie.

A ce titre, vous avez notamment pour missions :

- de gérer les équipes commerciales internationales du siège

- d'animer le réseau des commerciaux internationaux basés dans les hôtels

- de définir les objectifs des commerciaux internationaux

- de gérer la négociation des contrats avec les Tours Opérateurs et de piloter les relations quotidiennes de ces intermédiaires avec les directeurs des ventes station

- de gérer les partenariats avec d'autres acteurs de l'industrie touristique ou du luxe pour la promotion commune de nos marques

Conformément à votre fonction et aux responsabilités qui vous incombent, vous avez un rôle de management tant au siège qu'en stations vis-à-vis des équipes commerciales.

Dans ce cadre, vous êtes le responsable hiérarchique :

- Du directeur des ventes moyen orient-Afrique

- Du directeur des ventes Grande Bretagne

- Du directeur des ventes Asie

- Du responsable commercial sport

Par ailleurs, vous êtes le responsable fonctionnel de 4 responsables commerciaux au sein du Groupe.

Nous vous avons remis un courrier en mains propres le 16 août 2017 dans lequel, nous vous faisions part de diverses carences de votre part ainsi que de nos attentes par rapport à votre rôle actuel.

Une échéance et un rendez-vous avec Mme [I] étaient fixés au 29 septembre dernier afin de vous laisser le temps de rectifier votre action.

Ce jour-là, vous vous êtes présenté dans le bureau de Mme [I] sans document, sans réponse et sans avoir préparé ce point de contact qui aurait dû être un nouveau départ.

Votre absence de réaction et vos diverses carences nous ont amené à vous convoquer à un entretien préalable à licenciement par lettre remise en mains propres, lequel s'est tenu le jeudi 12 octobre 2017.

Au cours de cet entretien, vous étiez assisté par [C] [J] en sa qualité de membre de La Délégation Unique du Personnel de la société Groupe Lucien Barrière SAS et vous avez apporté vos explications et justifications essentiellement aux remarques, constats et carences énoncés dans le courrier remis le 16 août 2017.

Vos arguments ne nous ont pas permis de modifier notre position et nous contraignent à mettre un terme à notre relation de travail sur le fondement des trois constats suivants :

1 - un déficit de proposition et d'action

La fonction de Directeur des Ventes Internationales suppose et implique que vous soyez le spécialiste de nos "marchés prioritaires " afin d'être force de proposition et pouvoir mettre en place les actions nécessaires au développement de ces marchés pour notre marque.

Les réseaux d'agence haut de gamme sont un des axes de développement et à cet

effet, il est de votre ressort et de votre responsabilité de tout mettre en oeuvre pour inclure nos hôtels dans ces réseaux; or cette démarche n'est pas systématique et correctement menée.

A titre d'exemple, Mme [I] a dû vous demander par mails des 24 rnai 2017 et 31 rnai 2027 de mettre en place des actions afin d'intégrer les hôtels Normandy de Deauvilie et Royal de la [Localité 5] dans le réseau « Virtuoso ». Ce réseau d'agence haut de gamme est essentiel dans la mesure où il apporte une visibilité majeure sur le marché Américain. Or, en l'absence de retour satisfaisant de votre part et de mise en place d'un plan d'action, Mme [I] a décidé de reprendre le dossier afin de le faire avancer.

De même, dans le cadre d'une mission avec « Leading Hotels of ine World » aux

Etats Unis début juin 2017, il est apparu que plusieurs rendez-vous initialement prévus ont été annulés. Compte tenu notamment du coût de ces missions, vous auriez dû réagir immédiatement et marquer voire insatisfaction face à ces annulations. Mme [I] a une nouvelle fois dû intervenir et vous a demandé de notifier votre mécontentement à « LHW ». Vous avez exprimé de l'incompréhension voire de l'étonnement face à cette demande et êtes resté passif en ne prenant pas vos responsabilités et les mesures qui devaient s'imposer.

2 - Des difficultés d'adapatation aux évolutions

Les marchés internationaux sont" en perpétuel mutation, en raison notamment du contexte géopolitique international, ce qui suppose de votre part, adaptation, réactivité et proactivité afin de pallier et/ou profiter de ces évolutions.

En conséquence, votre fonction suppose et nécessite une réactivité, une adaptabilité et une curiosité permanentes afin de positionner le Groupe sur des marchés potentiels qui peuvent compenser la baisse de certains d'entre eux.

C'est justement ce manque de curiosité et de vision qui ont contraint Mme [I] à devoir intervenir, vous demandant d'avoir une démarche pro active et imaginative sur des marchés sur lesquels le Groupe Barrière n'est pas ou est peu présent comme l'Espagne, l'Italie.

A titre d'illustration, Mme [I] vous a demandé de contacter certains Tours opérateurs (T.O) « haut de gamme '' (Emotions, Secrets..) et de préparer une liste complète des T.O « luxe » er des principales conciergeries de luxe par marché dans le cadre de l'ouverture de l'Hôtel des Neiges [Localité 6] et des travaux de rénovation du Fouquet's [Localité 7].

Or, vous avez uniquement fourni une liste de noms de Tours opérateurs et de conciergeries alors que compte tenu de votre fonction, de vos responsabilités et de votre expérience, vous auriez dû présenter un plan d'action précis et détaillé afin de développer les relations avec les partenaires et de cibler les nouveaux marchés porteurs.

3 - Des carences managériales

Il convient de constater que vous n'avez pas réussi à fédérer votre équipe, laquelle a pu manquer d'appui et de coopération dans certaines situations délicates.

A titre d'exemple, la soirée « femmes» à Djeddah en mai 2017 illustre votre légèreté dans l'organisation d'une telle manifestation marquée par une absence de

préparation et de considération avec des conséquences en matière d'image pour le Groupe. En effet, en tant que directeur de d'équipe internationale, il est de votre responsabilité d'assurer cette organisation, préparation, et cette supervision.

Votre fonction suppose que vous soyez acteur et que vous veniez en aide à votre équipe dans certaines initiatives afin de débloquer des situations que seul le directeur peut dénouer. Ainsi, dans le cadre de nos relations avec les ambassades des pays africains, Mme [I] a alors dû intervenir vous demandant dans un mail du 30 mai 2017 d'« aider [D] car je pense qu'elle n'arrive pas réellement « ouvrir » la porte de ces ambassades ».

Enfin, votre positionnement implique que vous soyez moteur de la politique commerciale internationale du Groupe ; or, nous sommes contraints de constater que vous n'impulsez, ni ne créez une dynamique au sein de vos équipes. Mme [I] doit vous rappeler dans un mail du 20 juillet 2017 que votre « rôle est de motiver les équipes afin de rechercher de nouvelles pistes de développement et non de te reposer sur les hôtels pour remonter les informations ».

Il résulte de ce qui précède que nous vous notifions par la présente, votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. »

* sur le bien-fondé du licenciement

Il résulte de l'article L. 1232-1 du code du travail que tout licenciement pour motif personnel doit être motivé et justifié par une cause réelle et sérieuse.

L'article L. 1235-1 du même dispose qu'en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d'instruction qu'il estime utiles et que si un doute subsiste, il profite au salarié.

Ainsi l'administration de la preuve du caractère réel et sérieux des motifs du licenciement n'incombe pas spécialement à l'une ou l'autre des parties, l'employeur devant toutefois fonder le licenciement sur des faits précis, objectifs imputables au salarié et matériellement vérifiables.

L'insuffisance professionnelle se définit comme l'incapacité objective, non fautive et durable, d'un salarié à accomplir correctement la prestation de travail pour laquelle il est employé c'est-à-dire conformément à ce que l'employeur est fondé à attendre d'un salarié moyen ou ordinaire employé pour le même type d'emploi et dans la même situation. L'insuffisance professionnelle ne constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement que si elle est caractérisée par des faits objectifs et matériellement vérifiables. Dans ce cas, la preuve est partagée et il incombe à l'employeur d'apporter au juge des éléments concrets à l'appui des faits invoqués comme propres à caractériser, selon lui, l'insuffisance professionnelle dont il se prévaut. L'insuffisance professionnelle ne peut procéder d'une seule appréciation subjective de l'employeur. Si un doute subsiste, il profite au salarié en application de l'article L. 1235-1 du code du travail.

sur le caractère insuffisamment précis et vérifiable des motifs allégués

La lettre de licenciement retient trois motifs :

- un déficit de proposition et d'action ;

- des difficultés d'adaptation aux évolutions ;

- des carences managériales.

M. [V] affirme que l'on ne sait pas si le motif invoqué est disciplinaire ou non à la lecture de la lettre de licenciement, malgré la demande de précision qu'il a formulée.

Il estime que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de mention d'un motif suffisamment précis et matériellement vérifiable.

La société réplique que les trois motifs retenus dans la lettre de licenciement sont étayés par des faits précis, objectifs et matériellement vérifiables.

L'examen de la lettre de licenciement fait apparaître l'existence de trois motifs présentés distinctement. Ces trois motifs sont suffisamment précis pour permettre au salarié d'y répondre ' la question de la vérifiabilité de ces motifs relevant de la preuve qui sera appréciée dans le cadre de l'examen de la cause réelle et sérieuse.

sur le bien-fondé du licenciement

Le licenciement de M. [V], directeur des ventes internationales depuis le 30 mars 2015, est intervenu quelques mois après l'arrivée de sa nouvelle supérieure hiérarchique, Mme [I], qui, le 16 août 2017, lui avait notifié des insuffisances et fixé un rendez-vous à la fin du mois de septembre suivant pour faire un point.

La cour observe d'ores et déjà que le reproche fait à M. [V] de s'être présenté le 29 septembre 2017 à ce rendez-vous sans document sans réponse, sans préparation, n'est étayé par aucun élément et que, contrairement à ce que soutient l'employeur, il n'était pas expressément demandé à M. [V] de se présenter avec un plan d'action. La cour observe également que le délai entre le 16 août et le 29 septembre 2017 « pour rectifier [son] action » est particulièrement court avec, de surcroît, une notification intervenue en période de congés estivaux.

En outre, l'employeur n'objective pas les cas dans lesquels, selon lui, Mme [I] a dû concrètement se substituer à M. [V] en raison des insuffisances alléguées.

* sur le déficit de proposition et d'action

Il est reproché à M. [V] de ne pas avoir mené une démarche systématique et correcte d'inclusion des hôtels de la marque dans les réseaux d'agence haut de gamme. L'employeur en veut pour preuve les courriels de Mme [I] à M. [V] des 24 et 31 mai 2017 au sujet du réseau Virtuoso.

Il est également reproché à M. [V] de ne pas s'être impliqué personnellement dans la notification du mécontentement de la société Groupe Lucien Barrière auprès de « Leading Hotels of the World » à la suite de l'annulation de plusieurs rendez-vous. L'employeur se prévaut des courriels de Mme [I] à M. [V] des 4 et 17 juillet 2017.

Or, sur ces deux points, M. [V] produit les réponses apportées à Mme [I].

Au sujet du réseau Virtuoso, M. [V] a répondu le 15 juin 2017 à Mme [I] sous la forme d'un tableau répertoriant les hôtels, les affiliations actuelles et les affiliations souhaitées en intégrant des propositions d'affiliation à Virtuoso tout en faisant ressortir, par ailleurs, dans son commentaire, que les projets d'affiliation étaient discutés avec les hôtels concernés.

Au sujet de « Leading Hotels of the World », M. [V] a également répondu à Mme [I] qu'il avait fait formaliser par « [F] », représentante du groupe sur la mission « Leading Hotels of the World », l'insatisfaction de la société Groupe Lucien Barrière sur l'organisation et qu'il allait ensuite appeler Mme [S] [O] ' étant observé que le rapport de Mme [F] [H] a été envoyé à Mme [I] et à M. [V] le 4 juillet 2017 et que M. [V] a répondu à Mme [I] le 17 juillet suivant sur les diligences accomplies.

Aucun élément ne permet d'établir que M. [V] était en mesure de réagir dès le début du mois de juin 2017.

Partant, les faits ne sont pas caractérisés.

* sur les difficultés d'adaptation aux évolutions 

Il est reproché à M. [V] un manque de réactivité et de pro-activité, par exemple, sur les marchés en Espagne et en Italie de même qu'à propos de l'Hôtel des Neiges de [Localité 6] et de la rénovation du Fouquet's [Localité 7].

Il est également reproché à M. [V] l'absence de plan d'action précis et détaillé pour développer les relations avec les tours opérateurs et cibler de nouveaux marchés porteurs.

Or, sur ces points, M. [V] produit, d'une part, des échanges de courriels avec Mme [I] entre le 30 juin et le 6 juillet 2017 sur le « PAC 2018 » dont il ressort qu'il s'agit d'un plan d'action, qui a été complété à la suite des commentaires (non produits) de Mme [I] disant qu'il fallait être « plus précis et plus stratégique sur l'approche des marchés et des segments ». M. [V] produit ses commentaires sur les commentaires de Mme [I] comprenant des éléments de stratégie avec des questions dont la cour n'est pas en mesure de savoir si Mme [I] y avait répondu avant la lettre du 16 août 2017, faute d'éléments produits par l'employeur. La cour relève que l'employeur ne démontre pas en quoi les éléments de stratégie évoqués par M. [V] révèlent des insuffisances de la part d'un directeur des ventes commerciales.

D'autre part, M. [V] produit des échanges de courriels entre M. [P] [R], responsable commercial sport, et lui-même en date du 17 mai 2017 relatant les démarches de communication auprès de l'association IAGTO (golfs, hôtels, tours opérateurs,') et évoquant une visibilité sur les 600 tours opérateurs golf de l'association incluant 220 tours opérateurs vendant la France comme destination golf. M. [V] produit encore les réponses faites à Mme [I] le 20 juillet 2017 sur les principales actions menées hors marchés traditionnels et rappelle les opérations effectuées avec IAGTO. M. [P] [R] évoque, dans l'un des courriels adressés à M. [V], la stratégie sur 2017 qui était de démarcher de nouveaux clients hors UK et Benelux.

Enfin, la cour relève que M. [V] s'est vu attribuer une prime sur objectifs de 9 500 euros en 2017, ce qui n'est pas en cohérence avec une insuffisance professionnelle. La cour relève encore que si la compétence de M. [V] sur les « items » innovation et leadership était au niveau « consolidation », l'employeur ne justifie pas des formations qu'il a proposées à M. [V] pour développer cette compétence alors que ce dernier avait exprimé le souhait de suivre des formations.

I

l ressort de l'ensemble de ces éléments que le reproche tiré des difficultés d'adaptation aux évolutions n'est pas établi.

* sur les carences managériales

Il est reproché à M. [V] de ne pas avoir réussi à fédérer son équipe et de ne pas lui avoir fourni appui et coopération dans des situations délicates. L'employeur en veut pour preuve la soirée femmes à Djeddah révélatrice, selon lui, d'une absence de préparation qui a eu des conséquences en termes d'image. Il en veut également pour preuve le manque d'aide apporté à « [D] » dans les relations avec les ambassades des pays africains.

Or, si la soirée femmes à Djeddah est évoquée dans les courriels de Mme [I] des 9 et 18 mai 2017, aucun élément objectif n'est versé aux débats pour démontrer que cette soirée a été un échec et, le cas échéant, les raisons de cet échec.

S'agissant des relations avec les ambassades africaines, l'existence de difficultés et la nécessité d'aider « [D] » ne sont pas démontrées.

Dans un courriel du 20 juillet 2017, Mme [I] exhortait M. [V] à motiver ses équipes. Néanmoins, aucun élément objectif ne permet d'établir que M. [V] n'était pas capable de mobiliser ses équipes, eu égard aux multiples courriels dans lesquels M. [V] échange avec les personnes placées sous sa responsabilité. A cet égard, M. [V] produit une attestation de Mme [D] [U] en date du 20 février 2019 dans laquelle celle-ci présente M. [V] comme son supérieur hiérarchique lorsqu'elle travaillait pour la société Groupe Lucien Barrière et déclare qu'elle y a travaillé comme responsable commerciale Moyen-Orient et Afrique du 16 février 2016 au 30 mars 2018 ; qu'elle avait été recrutée par lui pour faire partie de son équipe et qu'elle a travaillé avec lui jusqu'au 23 octobre 2017. Elle déclare : « dans le cadre de mes responsabilités, nous faisions des points réguliers sur les actions à mettre en place et leur suivi. Les directives de M. [V] étaient claires et nous avons trouvé un bon mode de fonctionnement, basé sur la confiance. M. [V] est d'accès facile et m'a toujours apporté son soutien pour surmonter les difficultés rencontrées, nous avons eu une excellente relation professionnelle. » Mme [U] ajoute : « En tant que directeur des ventes internationales, Monsieur [V] a su créer une véritable cohésion avec ses collaborateurs et instaurer une dynamique d'équipe. Peu de temps après l'arrivée de Madame [I], l'ambiance de travail a changé où celle-ci a exercé une pression démesurée sur l'équipe sans justification, n'apportant par ailleurs aucune plus-value professionnelle. N'étant pas en accord avec son mode de management, j'ai démissionné. »

Eu égard à l'ensemble de ces éléments, les faits ne sont pas établis.

Partant, le licenciement de M. [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

* sur les conséquences du licenciement

sur le rappel d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement

- sur la prescription

La société soutient que la demande de M. [V] est prescrite dans la mesure où les sommes contestées figurent sur le reçu pour solde de tout compte signé sans réserve par M. [V] le 23 janvier 2018 et que ce dernier disposait de six mois, soit jusqu'au 23 juillet 2018 pour en contester le contenu, ce qu'il n'a pas fait puisqu'il n'a saisi le conseil de prud'hommes que le 13 août suivant.

M. [V] n'a pas conclu sur cette fin de non-recevoir.

Aux termes de l'article D. 1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail.

Le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées.

En l'espèce, le reçu pour solde de tout compte signé par M. [V] est daté du 23 janvier 2018 et mentionne une somme de 4 597,76 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement et une somme de 6 327,29 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis pour la période du 21 décembre 2017 au 23 janvier 2018. Ces sommes sont mentionnées sur le dernier bulletin de paie de janvier 2018. Les bulletins de paie de novembre et décembre 2017 mentionnent respectivement les sommes de 5 961,30 euros et de 4 652,42 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis pour le 24 octobre 2017 et les périodes du 25 octobre au 20 novembre 2017 puis du 21 novembre au 20 décembre 2017.

Or, M. [V] ne rapporte pas la preuve d'avoir contesté par lettre recommandée avec avis de réception le reçu pour solde de tout compte avant le 23 juillet 2018.

Par conséquent, il est irrecevable en sa demande en paiement d'un rappel d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement.

La décision des premiers juges qui avait débouté M. [V] sera donc infirmée à ce titre.

sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Aux termes de l'article L. 1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés dans le tableau ci-dessous soit en l'espèce entre 3 et 3,5 mois de salaire brut.

M. [V] fait valoir qu'il n'a retrouvé un emploi correspondant à sa qualification professionnelle (« directeur sales & marketing ») que le 23 avril 2018 mais qu'il a dû, pour cela, changer radicalement de lieu de vie, s'installer à Lausanne et accepter une période d'essai. Il fait encore valoir qu'il a perdu l'ancienneté acquise au sein de la société Groupe Lucien Barrière et qu'il est désormais amené à travailler de nuit entre 24 heures et 7 heures dans son nouvel emploi. Il en justifie par la production de son nouveau contrat de travail à durée indéterminée.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge - 53 ans - de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 24 619 euros suffisant à réparer son entier préjudice à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La decision des premiers juges sera donc infirmée à ce titre.

sur les dommages-intérêts pour rupture vexatoire du contrat de travail

M. [V] soutient qu'il a été licencié peu de temps après l'arrivée de Mme [I] sur un motif fallacieux. Il fait valoir qu'il a eu la surprise de découvrir qu'il était licencié avant même de recevoir la notification de son licenciement et alors même qu'il avait accompli de nombreuses diligences et mené des actions pour satisfaire aux attentes de Mme [I].

Ce à quoi la société réplique que M. [V] ne démontre pas l'existence d'un préjudice distinct de la perte de son emploi en raison du comportement fautif de l'employeur dans les circonstances de la rupture.

M. [V] ne démontre pas qu'il a appris par hasard qu'il était licencié avant même la notification de la décision de l'employeur. A cet égard, le compte rendu dont il se prévaut et qui est signé de Mme [C] [J] - qui l'avait assisté le 12 octobre 2017 lors de l'entretien préalable - ne permet pas de l'établir.

Il n'en demeure pas moins que M. [V], qui a perçu ses primes sur objectifs, y compris en 2017, a essuyé des reproches et des critiques sur son travail à partir de l'arrivée de Mme [I] ; outre que leur bien-fondé n'est pas avéré, il ne lui a été accordé qu'un mois et demi pour opérer des changements et, en tout état de cause, la lettre du 16 août 2017 prévoyait de faire un point à la fin du mois de septembre 2017 et non de remettre pour cette date un ou des plans d'action. Les circonstances dans lesquelles le licenciement pour insuffisance professionnelle est intervenu, de par la précipitation avec laquelle la procédure a été menée, revêtent un caractère brutal et vexatoire qui a causé à M. [V] un préjudice moral distinct du préjudice résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sera donc alloué à M. [V] une somme de 5 000 euros suffisant à réparer son entier préjudice à titre de dommages-intérêts. La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur les autres demandes

* sur la remise des documents

La société Groupe Lucien Barrière devra remettre à M. [V] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle Emploi conformes à la présente décision, sans qu'il n'y ait lieu de prononcer une astreinte.

* sur les intérêts et leur capitalisation

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

* sur le remboursement à Pôle emploi

Conformément aux dispositions de l'article. L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société Groupe Lucien Barrière de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [V] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités.

* sur les dépens et sur l'article 700 du code de procédure civile

La société Groupe Lucien Barrière sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et à payer à M. [V] une somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Groupe Lucien Barrière sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles et la décision des premiers juges au titre de l'article 700 du code de procédure civile sera confirmée.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et par mise à disposition,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté M. [Z] [V] de sa demande d'indemnité au titre du travail dissimulé ;

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

CONDAMNE la société Groupe Lucien Barrière à payer à M. [Z] [V] la somme de 17 000 euros au titre du rappel d'heures supplémentaires et la somme de 1 700 euros au titre des congés payés afférents ;

CONDAMNE M. [Z] [V] à payer à la société Groupe Lucien Barrière la somme de 5 375,98 euros au titre du remboursement des jours de réduction du temps de travail ;

DIT que le licenciement de M. [Z] [V] est dépourvu de cause réelle et sérieuse ;

DÉCLARE M. [Z] [V] irrecevable en ses demandes de rappel d'indemnité compensatrice de préavis et d'indemnité de licenciement ;

CONDAMNE la société Groupe Lucien Barrière à payer à M. [Z] [V] la somme de 24 619 euros à titre de dommages-intérêts ;

CONDAMNE la société Groupe Lucien Barrière à payer à M. [Z] [V] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice moral ;

ORDONNE à la société Groupe Lucien Barrière de remettre à M. [Z] [V] un bulletin de paie récapitulatif, un certificat de travail et une attestation pour Pôle emploi conformes à la présente décision ;

RAPPELLE que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et ceux portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce ;

ORDONNE à la société Groupe Lucien Barrière de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage versées à M. [Z] [V] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de trois mois d'indemnités ;

CONDAMNE la société Groupe Lucien Barrière à payer à M. [Z] [V] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;

CONDAMNE la société Groupe Lucien Barrière aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 21/00180
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;21.00180 ?
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