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19/01/2023 | FRANCE | N°20/07902

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 19 janvier 2023, 20/07902


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 19 JANVIER 2023



(n°2023/ , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07902 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWE4



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06789



APPELANTE



Madame [T] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]




Représentée par Me Sophie BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : J095



INTIMEE



S.A.S. COTY

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Nicolas BOUFFIER, avoca...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 19 JANVIER 2023

(n°2023/ , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07902 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCWE4

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/06789

APPELANTE

Madame [T] [X]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Sophie BOURGUIGNON, avocat au barreau de PARIS, toque : J095

INTIMEE

S.A.S. COTY

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Nicolas BOUFFIER, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Victoria RENARD, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Marie-Christine HERVIER, présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat de travail à durée indéterminée du 22 mai 2006, Mme [T] [X] a été engagée par la société Coty en qualité de senior training project déveloper, statut cadre, coefficient 400 moyennant une rémunération annuelle brute de 46'008 euros pour une durée de travail soumise à un forfait annuel de 218 jours. Depuis le 1er juin 2017, elle occupait l'emploi de senior éducation MNG Coty luxury, coefficient 550, classification ingénieurs et cadres groupe 5 et, percevait en dernier lieu une rémunération mensuelle de base de 5'913, 33 euros brut.

La société Coty emploie habituellement au moins 11 salariés et applique la convention collective nationale des industries chimiques et connexes du 30 décembre 1952.

Mme [X] a présenté des arrêts de travail à compter du 6 septembre 2018 renouvelés jusqu'au 10 novembre 2018, puis du 21 novembre 2018 au 10 avril 2019. Lors de la visite de reprise qui s'est tenue le 11 avril 2019, le médecin du travail a déclaré Mme [X] « inapte en une seule visite : pas de nécessité de recherche d'un reclassement », cochant la case « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».

Par courrier recommandé du 15 avril 2019, Mme [X] a été convoquée à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 26 avril 2019 puis s'est vu notifier son licenciement pour inaptitude par courrier recommandé du 2 mai 2019.

Contestant son licenciement et estimant ne pas être remplie de ses droits, notamment en raison d'agissements de harcèlement moral, Mme [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris, le 24 juillet 2019 afin d'obtenir en substance, la nullité de son licenciement, des dommages-intérêts pour harcèlement moral et violation de l'obligation de sécurité, des indemnités de rupture et une indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, un rappel de prime au titre de l'exercice 2018/2019 et des indemnités pour remise tardive d'une attestation pour Pôle emploi, privation des règles de licenciement économique et manquement à l'obligation de formation.

Par jugement du 22 octobre 2020 auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, a condamné la société Coty à verser à Mme [X] les sommes de 5 000 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement, 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'a déboutée du surplus de ses demandes, a débouté la société Coty de sa demande reconventionnelle (article 700 du code de procédure civile) et a condamné la société Coty aux dépens.

Mme [X] a régulièrement relevé appel du jugement le 20 novembre 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions n°2, transmises par voie électronique le 19 juillet 2021 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Mme [X] prie la cour d'infirmer le jugement et':

- condamner la société Coty à lui verser les sommes de :

* 41'250 euros de dommages intérêts pour harcèlement moral,

* 82'510 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul ou subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse,

* 17'340 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 734 euros à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

* 10'180,66 euros à titre de rappel de bonus pour l'exercice 2018/2019, outre 1 018,06 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents,

* 6 875 euros de dommages-intérêts pour remise d'une attestation Pôle emploi erronée et rectifiée tardivement,

* 20'625 euros de dommages-intérêts pour privation des règles du licenciement économique,

* 20'625 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation,

* 41'250 euros de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité,

* 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- assortir les condamnations des intérêts au taux légal et ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Coty aux dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions d'intimée et d'appel incident n°2 transmises par voie électronique le 27 septembre 2022 auxquelles la cour renvoie pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société Coty prie la cour de':

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [X] de ses demandes,

- la débouter de ses demandes de lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de prononcer les intérêts au taux légal et la capitalisation des intérêts et de la condamner aux dépens,

- à titre d'appel incident, réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser à Mme [X] les sommes de 5 000 euros pour manquement à l'obligation de sécurité et 700 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Mme [X] à lui verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 10 octobre 2022.

MOTIVATION':

Sur l'exécution du contrat de travail':

Sur le manquement à l'obligation de sécurité :

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail dans sa version applicable au litige, 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs . Ces mesures comprennent :

1° des actions de prévention des risques professionnels y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de prévention,

3° la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adapatation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des mesures existentes.'

Aux termes de l'article L. 4121-2 du code du travail,'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'

La cour rappelle que ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les article L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail .

Mme [X] soutient que l'employeur a manqué à l'obligation de sécurité à sa charge pour les motifs suivants :

- absence d'étude des risques liés à la réorganisation intervenue au sein de la société,

- absence de surveillance de la charge de travail,

- absence de prise en compte des alertes émises par elle,

- absence de suivi médical.

De son côté, la société Coty conclut au débouté, contestant chacun des manquements allégués.

Sur l'absence d'étude des risques liés à la réorganisation intervenue au sein de la société :

Mme [X] fait valoir que lors de la fusion avec la société Procter & Gamble en octobre 2016, l'équipe Procter et Gamble comprenait cinq salariés dont quatre ont été licenciés en juillet et décembre 2017 pour motif économique et un a été reclassé dans un autre département en décembre 2017, tandis que l'équipe de la société Coty qu'elle dirigeait comprenait trois personnes dont l'une à mi-temps à partir de fin 2017. Elle précise que si deux personnes ont été engagées en décembre 2017, les effectifs ont finalement été réduits à quatre personnes et demie au lieu de huit alors qu'il y avait plus de marques à gérer. Enfin, elle soutient qu'en février 2018, l'un de ses collaborateurs ne travaillait plus qu'à 50 % pour elle, de sorte qu'elle avait la charge de toutes les marques comme en 2016 avec trois personnes et demie pour l'aider au lieu de huit. Elle reproche à l'employeur de n'avoir procédé à aucune étude de l'impact que ces réorganisations successives pouvaient avoir sur la santé des salariés notamment en termes de risques psychosociaux et d'avoir ainsi manqué à son obligation de sécurité.

La société Coty conteste le manquement qui lui est reproché en faisant valoir qu'elle a bien procédé à une analyse d'impact du projet de réorganisation en matière d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail qu'elle a adressée au CHSCT qu'elle avait préalablement consulté et qu'elle avait également impliqué la médecine du travail et l'inspection du travail dans le cadre de cette information et consultation. Par ailleurs, elle fait valoir que Mme [X] n'a jamais fait l'état d'une quelconque difficulté suite à la fusion de la société avec Procter et Gamble et que ses échanges avec ses managers témoignent d'une réalité de travail très éloignée de celle qu'elle décrit.

Mme [X] s'appuie essentiellement sur un organigramme et un courrier de sa part en date du 5 février 2018 adressé à Mme [D], sa supérieure hiérarchique depuis le mois de février 2018 faisant état de la perte de la marque Burberry et de ce que '[B]' va travailler une partie de son temps sur autre chose, tous éléments qui ne sont pas contredits par l'employeur. La société Coty, de son côté, s'appuie sur la convocation adressée le 4 décembre 2017 au CHSCT pour une réunion extraordinaire du 8 décembre 2017 dont l'ordre du jour est 'information et consultation sur l'impact en matière d'hygiène, de sécurité et de conditions de travail du projet de réorganisation de Coty France' et mentionne en pièce jointe un document d'information sur ce point mis à jour au 30 novembre, dont la cour observe qu'il n'est pas communiqué. Par ailleurs, les échanges de mails qu'elle verse aux débats concernant l'organisation d'une conférence olfactive, d'un meeting relatif au budget à la formation à une formation, à l'envoi d'une photographie et aux souhaits de bonnes vacances sont parfaitement inopérants pour démontrer l'existence effective de l'étude d'impact. La cour considère en conséquence que les éléments communiqués par l'employeur ne suffisent pas à démontrer l'existence effective de l'étude d'impact de la réorganisation quant aux risques psychosociaux pour les salariés, celle-ci n'étant pas communiquée de sorte que le contenu du document transmis au CHSCT et communiqué à la médecine du travail et l'inspecteur du travail ne peut être apprécié.

Sur l'absence de surveillance de la charge de travail :

Mme [X] fait valoir que du fait des réductions d'effectifs, sa charge de travail augmentait en conséquence, ses journées commençant à 8h30 au plus tard pour finir régulièrement au-delà de 18h30, alors même que ses pauses déjeuner étaient consacrées à des réunions et ses week-ends au travail, que des réunions étaient organisées avec rendez-vous à la Gare du Nord à 6 heures du matin pour un retour le soir même à 21 heures et qu'il arrivait que les équipes travaillent jusqu'à 2 ou 4 heures du matin pour terminer les dossiers en cours. Elle reproche à l'employeur de n'avoir pris aucune mesure pour adapter la charge de travail et mettre en place une organisation et les moyens nécessaires lui permettant d'effectuer son travail dans le cadre d'une durée normale de travail.

La société Coty soutient de son côté avoir mis en place un mécanisme de surveillance de la charge de travail par une auto déclaration des journées et demi-journée travaillées ainsi que des journées et demi-journées de repos du salarié sur un logiciel « octime » tenu par le salarié sous la responsabilité de l'employeur, un entretien annuel spécifique à la question de la charge de travail, un formulaire de suivi de charge de travail communiqué aux salariés et accessible à tout moment sur le serveur commun de la société et le rappel de la possibilité faite à tout moment au salarié de saisir sa hiérarchie ou les ressources humaines des difficultés rencontrées et de solliciter un entretien.

L'employeur verse aux débats le planning individuel de Mme [X] pour les années 2016, à 2019, le compte rendu de l'entretien portant sur la charge de travail pour l'année 2018 qui s'est tenu le 3 septembre 2018 ainsi qu'une copie du formulaire de charge accessible aux salariés sur le serveur commun de manière à ce qu'ils puissent le remplir et l'adresser en cours d'année à leur responsable hiérarchique dans l'hypothèse d'une surcharge de travail.

La cour considère qu'ainsi, l'employeur établit qu'il assurait un suivi formel de la charge de travail de la salariée soumise à une convention de forfait et que celle-ci avait la possibilité de dénoncer sa surcharge de travail. Cependant, il ressort du compte-rendu d'entretien portant sur la charge de travail effectué le 3 septembre 2018 que dans la partie commentaire, Mme [X] a dénoncé sa charge de travail, l'amplitude de ses journées, le manque de ressources, ses difficultés pour bénéficier de ses pauses et de ses jours de repos et l'employeur qui a eu connaissance de ses commentaires n'apporte aucune justification des mesures qu'il a prises pour remédier à la situation dénoncée, ne serait ce que pour la démentir.

Sur l'absence de prise en compte des alertes :

Mme [X] soutient que ses alertes n'ont jamais été prises en compte alors qu'elle a informé l'employeur de sa fatigue dès le mois d'octobre 2017 lors d'un entretien qui s'est tenu le 19, puis en novembre 2017 et elle fait valoir que ce n'est que le 3 septembre 2018 qu'a eu lieu l'entretien sur sa charge de travail mais que l'employeur ne justifie pas des mesures prises postérieurement alors qu'elle a de nouveau dénoncé ses conditions de travail le 27 septembre 2018. Elle verse aux débats des échanges de mails qui se sont tenus les 24 et 27 novembre 2017 avec Mme [N] des ressources humaines dont il ressort qu'un entretien s'est tenu le 19 octobre, le compte-rendu d'entretien sur la charge de travail déjà cité, et son courrier recommandé du 27 septembre 2018 par lequel elle dénonce sa charge de travail et ses conditions de travail.

De son côté, la société Coty fait valoir qu'il n'y avait pas matière à alerte puisqu'il n'y avait pas de surcharge, que Mme [X] ne s'est jamais plaint de sa charge de travail avant fin 2018 en réaction à son évaluation annuelle. L'employeur fait état d'un nombre de jours travaillés inférieur à celui prévu par la convention de forfait, établissant un tableau à partir de l'agenda de Mme [X] pour le mois de mars 2018 faisant apparaître des journées de travail commençant à 9h30, 10 heures ou 12h30 et s'achevant au plus tard à 19 heures.

Contrairement à ce que soutient la salariée, l'échange de mails qu'elle produit du mois de novembre 2017 ne suffit pas à établir qu'elle s'est plaint de sa fatigue lors d'un entretien d'octobre 2017 puisque les échanges portent sur l'absence de reconnaissance déplorée par Mme [X] et ses difficultés de positionnement vis-à-vis de '[Y]'. En revanche, contrairement à ce que soutient l'employeur, et comme il a été retenu par la cour ci-dessus, la première alerte date du 3 septembre 2018 ainsi que cela ressort de l'entretien ci-dessus évoqué. Le courrier de l'employeur du 9 octobre 2018 en réponse à l'alerte effectuée par Mme [X] le 27 septembre 2018 indique qu'il y a été remédié par la décharge de certains dossiers. La cour relève que Mme [X] admet dans ses écritures que le dossier Burberry lui a été retiré mais elle fait état de ce que le nombre de ses collaborateurs, lui aussi, a diminué et l'employeur ne contredit en rien ces allégations. La cour considère en conséquence que bien qu'alerté sur la surcharge de travail et le manque de ressources allégués par Mme [X] l'employeur ne justifie pas des mesures prises pour y remédier.

Sur l'absence de suivi médical :

Mme [X] fait valoir qu'entre le 12 décembre 2012 et le 4 octobre 2018 elle n'a passé aucune visite médicale ce qui est établi par l'édition du dossier médical de la médecine du travail qu'elle communique et n'est pas contesté par l'employeur lequel fait valoir que le retard de quelques mois ne lui est pas imputable et que la salariée n'en a subi aucun préjudice. Il n'en demeure pas moins que le renouvellement de la visite d'information et de prévention initiale n'a pas eu lieu dans le délai de cinq ans contrairement aux dispositions de l'article R. 4624'16 du code du travail, comme l'invoque la salariée et que l'employeur ne justifie pas des démarches qu'il a effectuées pour organiser la visite médicale dans le délai réglementaire.

De l'ensemble de ces éléments, la cour retient que le manquement à l'obligation de sécurité allégué par la salariée est établi, qu'elle a subi un préjudice, s'agissant de sa santé, de ses conditions de travail et de l'absence de réponse à ses alertes de sorte que la cour condamne la société Coty à lui verser la somme de 6 000 euros de dommages-intérêts suffisant à réparer son préjudice, le jugement est infirmé de ce chef.

Sur le harcèlement moral':

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il en résulte que lorsque le salarié présente des faits matériellement établis, précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement moral et dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Mme [X] soutient que les agissements de l'employeur à son égard sont constitutifs de harcèlement moral et ont provoqué la dégradation de son état de santé. Elle présente les éléments de faits suivants à l'origine selon elle, d'un premier arrêt de travail en mars 2018 puis du 6 septembre au 10 novembre 2018 puis à compter du 21 novembre 2018 :

- des remarques vexatoires,

- des reproches injustifiés,

- des menaces de rupture de son contrat de travail,

- des refus de congés,

- sa mise à l'écart.

S'agissant en premier lieu des remarques vexatoires, proférées par Mme [D] la nouvelle manager de Mme [X], la salariée s'appuie, d'une part ,sur un échange de mails dans lequel elle fait état d'un entretien au cours duquel elle s'est plaint du manque de considération à son égard et de reconnaissance et, d'autre part, sur un carnet dans lequel elle a noté les propos qu'elle prête à sa supérieure hiérarchique. Ces éléments qui émanent de Mme [X] elle-même et ne sont corroborés par aucun élément objectif ne suffisent pas à établir la matérialité des faits allégués.

S'agissant en second lieu des reproches injustifiés, Mme [X] soutient que jusqu'en janvier 2018, elle recevait régulièrement les félicitations de ses supérieurs hiérarchiques et clients et qu'elle dépassait ses objectifs mais que le 3 septembre 2018, ses nouveaux supérieurs hiérarchiques lui ont indiqué qu'aucun des objectifs fixés par son ancienne supérieure hiérarchique pour 2018 n'était atteint et lui recommandaient de suivre un plan d'amélioration personnel (TIP) sur deux mois à l'issue duquel à défaut d'amélioration, elle pourrait faire l'objet d'un licenciement. Elle fait valoir que pourtant, son ancienne supérieure hiérarchique lui a confirmé en octobre 2018 que tous ses objectifs 2018 avaient été atteints et qu'elle en avait fait part à ses nouveaux managers. Elle s'appuie sur les notes qu'elle a prises lors de l'entretien d'évaluation du 3 septembre 2018, sur le compte rendu de l'entretien faisant apparaître que ses objectifs n'étaient pas atteints et différents échanges de mails relatifs à son activité professionnelle ainsi que sur un mail que lui a adressé son ancienne supérieure hiérarchique [L] [I], le 1er octobre 2018, rapportant une conversation qu'elle avait eue avec M. [O] [H] au cours de laquelle elle avait dit à ce dernier que la prestation de Mme [X] était conforme aux attentes et elle fait part à celle-ci de sa surprise que cela ne ressorte pas de son évaluation.

Mme [X] indique également que son évaluation était particulièrement mauvaise, expliquant que dès le 27 septembre 2018, elle avait écrit à son employeur pour contester point par point les griefs, infondés selon elle, formulés lors de son entretien d'évaluation, communiquant le courrier de contestation et elle reproche à la société Coty d'avoir maintenu son évaluation. Elle produit notamment un mail du 28 décembre 2017 dans lequel elle adresse ses remarques sur la « selling signature' et ce alors que son équipe a été réduite ainsi que des lettres et des mails de félicitations et une attestation de M. [B] [W] dont elle a été le manager depuis le mois de décembre 2017 affirmant ses qualités professionnelles de manager.

S'agissant en troisième lieu des menaces de rupture de son contrat de travail, s'appuyant sur les notes qu'elle a prises lors de son entretien d'évaluation du 3 septembre 2018, Mme [X] soutient que sa supérieure hiérarchique lui a dit qu'elle devait « sortir par le haut montrant de quoi je suis capable ou que ce soit, chez Coty ou non » la cour considère que la réalité de ces propos n'est pas établie par la communication du carnet dans lequel ils sont rapportés à défaut d'éléments objectifs venant corroborer les écrits de la salariée. Elle fait encore état d'un entretien avec sa supérieure hiérarchique au cours duquel celle-ci aurait dit que son poste avait été proposé à une personne de New York et que la société était d'accord pour qu'elle parte dans le cadre d'une rupture conventionnelle. Elle s'appuie sur son propre courrier du 20 novembre 2018 adressé à la responsable des ressources humaines, Mme [N] dans lequel elle fait état des propos qu'elle prête à sa supérieure hiérarchique. Si les propos prêtés à la supérieure hiérarchique quant au remplacement de Mme [X] par une salariée venue des États-Unis ne sont objectivés par aucun élément, il apparaît qu'un projet de rupture conventionnelle a effectivement été évoqué entre les parties.

S'agissant en quatrième lieu des refus de congés, Mme [X] soutient que :

- le 9 juillet 2018, elle a posé des congés pour le 17 mais n'a obtenu aucune réponse malgré ses relances de sorte qu'elle a été contrainte de renoncer à cette journée de congé. Elle s'appuie sur son bulletin de salaire du mois de juillet 2018 et sur un extrait du compte 'Octime' reprenant ses demandes relatives aux congés payés et faisant apparaître une demande pour le 17 juillet 2018 non validée.

- elle a demandé à pouvoir bénéficier d'un jour de récupération le 14 septembre en compensation d'un week-end travaillé et cette demande a été refusée le 7 septembre 2018 ainsi que cela ressort de la capture d'écran du compte 'octime' relative à ses demandes.

- elle a sollicité des jours de congé le 29 août 2018 pour les mois d'octobre et novembre 2018 mais ils n'ont été acceptés que le lendemain de son arrêt pour maladie, le 7 septembre 2018 ainsi que cela ressort de l'extrait du compte Octime déjà mentionné.

S'agissant en dernier lieu de sa mise à l'écart, Mme [X] fait valoir qu'elle n'a pas été destinataire d'un mail du 24 août 2018 relatif à un séminaire organisé au sein de son département pour le mois de décembre et n'a été mise dans la boucle que par la suite, à sa demande. Elle verse aux débats un message de Mme [S] [Z] adressée à [Y][D] dont elle n'apparaît pas avoir été destinataire.

Les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, laissent supposer des agissements de harcèlement moral et il appartient à l'employeur de démontrer qu'ils sont justifiés par des éléments objectifs qui y sont étrangers.

S'agissant des reproches injustifiés, l'employeur fait valoir que l'évaluation de Mme [X] au titre de l'année 2018 n'était que le reflet du constat de ses insuffisances ainsi qu'il le lui a rappelé dans son courrier du 9 octobre 2018, qu'elle était à l'époque sous la subordination de Mme [D], recrutée avec l'objectif de rattraper le retard du département dans la digitalisation et le e-Learning. La cour relève cependant que l'employeur ne justifie ni avoir notifié à Mme [X] de nouveaux objectifs ni que ses résultats étaient en-deçà des attentes dès lors qu'aucun élément objectif n'est produit pour corroborer l'évaluation faite et son courrier du 9 octobre 2018, alors que son ancienne manager en poste jusqu'en février 2018 considérait que ses résultats étaient conformes aux attentes, étant rappelé que les objectifs sont fixés pour une période courant de juillet à juin de chaque année ainsi que cela ressort du plan d'objectif FY 2018 communiqué par la salariée.

S'agissant des menaces de rupture du contrat de travail, l'employeur justifie que Mme [X] sollicite elle-même une rupture conventionnelle auprès de l'employeur pour mettre fin à la relation de travail dans son courrier du 20 novembre 2018 de sorte que l'éventualité de la rupture était envisagée par les deux parties, comme elles en ont la possibilité, et qu'aucune menace n'est ici justifiée, la proposition d'un plan d'accompagnement ne suffisant pas à la caractériser.

S'agissant des refus de congés, l'employeur soutient que Mme [X] a bénéficié de l'ensemble de ses 30 jours de congés payés en se référant au planning individuel Octime, la cour observe que cette situation ne suffit pas à justifier des raisons pour lesquelles l'employeur a refusé d'accorder à Mme [X] le jour de congé qu'elle sollicitait. L'employeur reste également taisant sur le refus de lui allouer un jour de récupération en septembre et ne justifie donc pas du caractère légitime de l'exercice de son pouvoir de direction. Quant aux jours de congés pour les mois d'octobre et de novembre 2018, la cour constate que l'employeur justifie avoir fait droit à la demande le 7 septembre alors qu'elle a été présentée le 29 août de sorte qu'aucun retard ne peut valablement lui être reproché.

S'agissant de la mise à l'écart, l'employeur fait observer avec raison que Mme [X] a été destinataire du mail récapitulatif concernant le séminaire de décembre dès le 3 septembre 2018 de sorte qu'aucune mise à l'écart n'est établie.

En définitive, la cour retient que l'employeur n'a pas été en mesure de justifier la mauvaise évaluation de Mme [X] du mois de septembre 2018, ni des raisons pour lesquelles il lui a refusé un jour de congé en juillet 2018 et un jour de récupération en septembre 2018 de sorte qu'il échoue à démontrer que les faits sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tous agissements de harcèlement moral. Mme [X] verse aux débats différents certificats médicaux établissant qu'elle présente un syndrome dépressif et exprime une souffrance au travail dont la cour relève qu'elle est objectivée par des éléments concrets constitués par les plaintes de la salariée depuis le mois de septembre 2018. Par ailleurs, le médecin du travail a exclu la possibilité de reclassement au sein de l'entreprise. La cour considère en conséquence que Mme [X] a bien été victime de harcèlement moral et condamne la société Coty à lui verser la somme de 10'000 euros de dommages-intérêts en réparation de son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur le rappel de salaire au titre du bonus pour l'exercice 2018-2019':

Le contrat de travail comprend une annexe en date du 9 juillet 2007, signée par la directrice des ressources humaines comprenant une clause intitulée BONUS ANNUEL rédigée comme suit : ' vous bénéficierez d'un bonus annuel (exercice fiscal du 1er juillet au 30 juin de l'année suivante) correspondant à 5 % de votre rémunération annuelle brute si vous êtes présente au 30 juin de l'année considérée. Il sera basé sur la réalisation d'objectifs qui vous seront confirmés par courrier séparé'. Ces dispositions n'ont pas été remises en cause par les avenants successifs.

Mme [X] fait valoir que chaque année elle a perçu une prime au titre de l'année fiscale courant de juillet à juin de l'année suivante, s'élevant en moyenne à 10'180,66 euros pour les années 2016 à 2018 alors qu'elle n'a rien perçu au titre de l'exercice 2018/2019, que l'employeur ne justifie pas de la raison pour laquelle elle n'a pas bénéficié d'un bonus alors que son ancienne supérieure hiérarchique lui avait confirmé que tous ses objectifs 2018 avaient été atteints avant son départ. Par ailleurs, elle fait valoir que la condition de présence au 30 juin ne lui est pas opposablepuisque son licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, elle aurait dû être présente dans les effectifs en juin 2019.

La société Coty conclut au débouté et à l'infirmation du jugement en faisant valoir que le bonus était soumis à une condition de présence ainsi que cela ressort du courrier du 9 juillet 2007 et qu'au surplus son licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse.

La cour ayant annulé le licenciement comme il sera vu ci-après, la condition de présence n'est pas opposable à lasalariée. La cour fait donc droit à la demande, conformément et dans les limites des prétentions de Mme [X] dont le calcul n'est pas critiqué par l'employeur et condamne la société Coty à verser à Mme [X] la somme de 10 180,66 euros au titre du rappel de bonus outre 1 018,06 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférente.

Sur la rupture du contrat travail':

Sur la demande de nullité du licenciement':

La cour considère , au vu de ce qui précède que le harcèlement moral subi par Mme [X] est à l'origine de l'inaptitude à l'emploi constatée par le médecin du travail de sorte que son licenciement est nul. Le jugement est donc infirmé en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de nullité du licenciement.

Sur les conséquences du licenciement nul':

Sur l'indemnité pour nullité du licenciement :

En application de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, lorsque que le juge constate que le licenciement est entaché d'une nullité pour des faits de harcèlement moral, et lorsque comme en l'espèce, le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois et les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail en ce qu'elles fixent les montants minimaux et maximaux de l'indemnisation ne sont pas applicables. Eu égard à l'ancienneté de Mme [X], à son âge au moment de licenciement (née en 1973), au montant de ses salaires des six derniers mois, aux circonstances de la rupture, à ce qu'elle justifie de sa situation postérieure au licenciement, la cour condamne la société Coty à lui verser la somme de 66'000 euros à titre d'indemnité pour nullité du licenciement suffisant à réparer son entier préjudice. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur l'indemnité compensatrice de préavis':

Le délai congé prévu par la conventtion collective est de trois mois en application de l'article 4 de l'avenant n° 3 du 16 juin 1955 relatifs aux ingénieurs et cadres. Il est donc fait droit à la demande présentée par Mme [X] sur la base de son salaire fixe de 5 913,33 euros, la société Coty ne pouvant valablement se prévaloir de l'article L. 1226-4 du code du travail en ce qu'il déroge à l'article L. 1234-5 du code du travail s'agissant de l'indemnisation du préavis non exécuté pour un salarié licencié pour inaptitude d'origine non professionnelle dès lors que le licenciement a été annulé et qu'en cas de nullité du licenciement, le salarié peut prétendre aux indemnités de rupture, en sus de l'indemnité pour nullité du licenciement quel que soit le motif de la rupture. La société Coty est donc condamnée à payer à Mme [X] les sommes réclamées de 17'340 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis outre 1 734 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis. Le jugement est infirmé en ce qu'il l'a déboutée de ces chefs de demande.

Sur les demandes indemnitaires':

Sur la demande de dommages-intérêts réclamés pour remise d'une attestation erronée rectifiée tardivement :

Mme [X] reproche à l'employeur de lui avoir remis une attestation pour Pôle emploi erronée ne mentionnant pas la totalité de son salaire en raison de son arrêt maladie et lui reproche d'avoir réparé son erreur tardivement, un mois après. La société Coty s'oppose à la demande en faisant valoir qu'elle a réparé l'erreur dès qu'elle a reçu la demande et que la salariée ne justifie pas de son préjudice d'autant qu'elle a repris un travail moins de trois mois après la rupture du contrat de travail.

Le préjudice allégué n'étant pas justifié, comme le soutient l'employeur, la cour déboute Mme [X] de sa demande de dommages-intérêts. Le jugement est confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages-intérêts pour privation des règles applicables en matière de licenciement pour motif économique :

Mme [X] soutient que le motif réel du licenciement est d'ordre économique et non l'inaptitude de sorte qu'elle a été privée des avantages résultant d'un licenciement pour motif économique. La société Coty s'oppose à la demande en faisant valoir que le licenciement reposait sur l'inaptitude de la salariée.

Dès lors que le licenciement de Mme [X] est intervenu à la suite de l'inaptitude physique constatée par le médecin du travail, Mme [X] qui n'a pas remis en cause les constations du médecin du travail ne peut valablement prétendre que le motif réel du licenciement est d'ordre économique. Sa demande de dommages-intérêts est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il l'a déboutée de ce chef de demande.

Sur la demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de formation :

L'article L. 6321'1 du code du travail, oblige l'employeur à assurer l'adapatation des salariés à leur poste de travail. Mme [X], s'appuyant sur les remarques désobligeantes qui lui étaient faites, relevées dans son carnet d'écriture, reproche à l'employeur d'avoir manqué à son obligation à ce titre. La société Coty s'oppose à la demande en faisant valoir qu'aucun élément objectif ne vient corroborer les écrits de Mme [X] et qu'il lui avait été proposé de suivre des formations y compris celles qu'elle sollicitait ainsi que la mise en place d'un plan de développement dont l'objectif était notamment de déterminer les moyens nécessaires pour étudier avec elle les voies d'amélioration, se référant dans ses écritures à quelques mails dont il ressort que Mme [X] a bénéficié de formations.

La cour ayant retenu que les reproches formés à l'encontre de Mme [X] n'étaient pas justifiés, que ses objectifs avaient été atteints considère que ni le manquement ni le préjudice ne sont établis de sorte que la demande de dommages-intérêts est rejetée et le jugement confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] de ce chef de demande.

Sur l'application d'office de l'article L. 1235'4 du code du travail :

Il est fait d'office application de l'article L 1235-4 du code du travail et la société Coty doit rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [X] depuis son licenciement dans la limite de trois mois.

Sur les autres demandes :

Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d'orientation et les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce.

En application de l'article 1343'2 du code civil, la capitalisation des intérêts échus, dus pour une année entière, est ordonnée.

La société Coty, partie perdante est condamnée aux dépens et doit indemniser Mme [X] des frais exposés par elle et non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés tant en première instance que devant la cour, le jugement étant infirmé de ce chef et sa propre demande sur ce même fondement étant rejetée.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a débouté Mme [T] [X] de ses demandes de dommages-intérêts pour remise d'une attestation Pôle emploi erronée et rectifiée tardivement, privation des règles du licenciement économique, manquement à l'obligation de formation,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant :

CONDAMNE la société Coty à verser à Mme [T] [X] les sommes suivantes :

- 10'000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour harcèlement moral,

- 66'000 euros de dommages-intérêts pour licenciement nul,

- 17'340 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis outre 1 734 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,

- 10'180,66 euros à titre de rappel de bonus pour l'exercice 2018/ 2019 outre 1 018,06 euros à titre d'indemnité de congés payés,

- 6 000 euros de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi pour manquement à l'obligation de sécurité.

DIT que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations indemnitaires sont dus à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus, dus au moins pour une année entière,

ORDONNE à la société Coty de rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage éventuellement versées à Mme [T] [X] depuis son licenciement dans la limite de trois mois,

DÉBOUTE Mme [T] [X] du surplus de ses demandes,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société Coty,

CONDAMNE la société Coty aux dépens de première instance et d'appel et à verser à Mme [T] [X] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés tant en première instance qu'en cause d'appel et non compris dans les dépens.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/07902
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;20.07902 ?
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