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19/01/2023 | FRANCE | N°20/05055

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 19 janvier 2023, 20/05055


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 19 JANVIER 2023



(n° 2023/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05055 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGF3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/05498





APPELANT



Monsieur [N] [D] [C]

[Adresse 2]


[Localité 4]



Représenté par Me Fatima BOUALI-CHAOUKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0372



INTIMEE



S.A.S. CITY ONE BAGS

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Ag...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 19 JANVIER 2023

(n° 2023/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05055 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGF3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/05498

APPELANT

Monsieur [N] [D] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Fatima BOUALI-CHAOUKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0372

INTIMEE

S.A.S. CITY ONE BAGS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Agnès COUTANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0367

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er juillet 2013, M. [N] [D] [C] a été engagé par la société Pms multiservices au poste d'agent d'exploitation à l'aéroport de [5] et par avenant du 31 mars 2015, son contrat de travail a été transféré à la société City one bags.

Le 22 février 2016, la confédération autonome du travail du secteur privé a désigné M. [D] [C] comme représentant de la section syndicale de la société City one bags en remplacement de M. [W] [M]. Par courrier du 17 avril 2017, M. [D] [C] a sollicité auprès de son employeur l'organisation d'élections concernant le CHSCT et a présenté sa candidature.

Monsieur [D] [C] a saisi le 2 août 2017 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 25 octobre 2018, l'a débouté de ses demandes de :

- annulation des mises à pied des 3 mars et 10 mai 2017, rappel de salaire et de congés payés afférents ;

- dommages intérêts pour harcèlement moral, discrimination syndicale et défaut d'exécution loyale du contrat de travail ;

- rappel de salaire au titre des heures supplémentaires d'avril 2015 à novembre 2017 et congés payés afférents ;

- rappel sur les primes de fin d'année 2015 et 2017 ;

- indemnité pour non-respect du repos quotidien en raison du non-respect de la durée maximale journalière ;

- au titre des frais irrépétibles ;

et l'a condamné aux dépens.

M. [D] [C] a interjeté appel de cette décision le 7 mai 2019. Par arrêt contradictoire du 17 juin 2021, la cour d'appel de Paris a :

- infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [D] [C] de ses demandes d'annulation de sanctions disciplinaires du 3 mars 2017 et du 10 mai 2017 et de ses demandes indemnitaires pour discrimination syndicale, harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail et de dépassement de la durée maximale quotidienne du travail ;

Et statuant à nouveau,

- condamné la société anonyme City One Bags à payer à M. [N] [D] [C] :

* 475,21 euros de rappel de salaire pour majoration des heures supplémentaires,

* 47,52 euros de congés payés y afférents,

* 749,29 euros de rappel de primes de fin d'année pour les années 2015 à 2017 ;

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 2 août 2017 ;

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;

Et y ajoutant,

- rejeté toutes autres demandes ;

- condamné la société anonyme City One Bags à payer à M. [N] [D] [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société anonyme City One Bags aux dépens de première instance et d'appel.

Entre temps, le 27 octobre 2017, M. [D] [C] a été convoqué à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement fixé au 13 novembre. Par courrier du 20 novembre 2017, il a été licencié pour faute grave.

Par courrier du 29 décembre 2017, il a contesté la réalité des fautes qui lui étaient reprochées. Il a en outre sollicité sa réintégration en rappelant la protection dont il bénéficiait jusqu'au 17 octobre 2017 en qualité de candidat aux élections du CHSCT, en soulignant qu'il avait établi des attestations relatant notamment des faits de harcèlement moral et qu'il s'était joint à une procédure devant le TGI de Bobigny.

Le 19 juillet 2018, M. [D] [C] a saisi le conseil de Paris à l'encontre de la société City one bags des demandes suivantes dans le cadre de la procédure soumise à la cour :

- ordonner la réintégration ;

- 26 581,74 euros à titre de rappel de salaires à compter du licenciement jusqu'au jour de la réintégration effective de novembre 2017 février 2019 ;

- 2 658,14 euros au titre de l'indemnité de congés payés afférents ;

- 20 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ;

subsidiairement,

- 26 581,74 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3 778,50 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 377,85 euros à titre d'indemnité de congés payés afférents ;

- 2 030,94 euros à titre d'indemnité de licenciement ;

- 20 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat ;

- remise de bulletins de paie conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard ;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 juin 2019, auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes de Paris a :

- débouté M. [D] [C] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société anonyme City one bags de sa demande reconventionnelle ;

- condamné M. [D] [C] aux dépens de l'instance.

M. [D] [C] a régulièrement interjeté appel de ce jugement le 28 juillet 2020.

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 5 janvier 2021, la société City One Bags a demandé à la cour notamment de déclarer irrecevable M. [D] en ses demandes, vu l'autorité de chose jugée du jugement rendu le 25 octobre 2018 n°17/06497 qui s'est prononcé.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2022 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 14 février 2022.

La cour d'appel ayant statué sur l'appel interjeté de la décision du 25 octobre 2018, par arrêt avant dire droit du 30 juin 2022, la cour a notamment :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 12 janvier 2022 ;

- ordonné la réouverture des débats ;

- invité les parties à conclure sur les effets de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021 sur les demandes dont la cour est saisie et sur l'exception de fin de non recevoir soulevée par la société intimée ;

- sursis à statuer sur les demandes,

- réservé les dépens et les frais irrépétibles.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [D] [C] demande à la cour de :

- dire que les choses demandées et les causes invoquées par lui dans le cadre de la présente instance ne sont pas du tout semblable aux prétentions qui étaient les siennes avant son licenciement lors de la saisine du conseil de prud'hommes en date du 2 août 2017 ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel en date du 17 juin 2021 ;

- débouter la société de la fin de non-recevoir invoquée au titre de l'autorité de la chose jugée conférée à l'arrêt de la cour d'appel en date du 17 juin 2021 ;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle le déboute de l'ensemble de ses demandes ;

à titre principal,

- dire et juger que son licenciement a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 2411-1 du code du travail, en violation des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail relatives au harcèlement moral et en violation des dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail relatives au droit d'user d'une liberté fondamentale ;

En conséquence,

- dire et juger que son licenciement est nul ;

- ordonner sa réintégration au poste qu'il occupait avant son licenciement ;

- condamner la société City one bags au paiement des sommes suivantes :

* 41 695,75 euros à parfaire, à titre de rappel de salaires à compter du licenciement, jusqu'au jour de la réintégration effective de novembre 2017 à octobre 2020 ;

* 4 169,56 euros à parfaire à titre de congés payés afférents aux salaires suite à la réintégration ;

* 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat sur le fondement des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

à titre subsidiaire,

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

- condamner la société City one bags au paiement des sommes suivantes :

* 26 581,74 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

* 3 778,50 euros à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 377,85 euros de congés payés y afférents, sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-1 et suivants du code du travail ;

- 2 030,94 euros à titre d'indemnité légale de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et suivants du code du travail ;

- condamner la société City one bags au paiement de la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat sur le fondement des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

en tout état de cause,

- condamner la société City one bags au paiement de la somme de 664,74 euros au titre de la prime de vacances qui aurait dû lui être allouée en exécution des dispositions de l'article 19 de la Ccr samera, au prorata de sa présence dans l'entreprise jusqu'au jour de son licenciement, sachant qu'en cas de réintégration la totalité de cette prime lui sera allouée, soit la somme de 747,64 euros par an ;

- ordonner la délivrance des bulletins de paie conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard ;

- dire que la cour se réserve la liquidation de cette astreinte ;

- condamner la société City one bags au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en première instance, outre la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour d'appel ;

- assortir ces sommes de l'intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de céans pour toutes les sommes de nature salariale (rappels de salaire, indemnité de préavis, et indemnité légale de licenciement), et à compter de la décision à intervenir pour les sommes de nature indemnitaire, sur le fondement des articles 1153 et 1153-1 du code civil.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 15 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société City one bags demande à la cour de :

Vu l'autorité de chose jugée du jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 25 octobre 2018 n°17/06497 confirmé par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 17 juin 2021 n° 19/05927, en ce qu'il a débouté M. [D] de ses demandes d'annulation des sanctions disciplinaires du 3 mars 2017 et 10 mai 2017, de ses demandes indemnitaires pour discrimination syndicale, harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail et dépassement de la durée maximale quotidienne du travail,

- par conséquent, déclarer irrecevable M. [D] en son appel du jugement du 12 juin 2019 et en ses demandes de nullité du licenciement au motif de faits de harcèlement et de discrimination syndicale ;

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et plus particulièrement en ce qu'il a purement et simplement débouté le salarié de ses demandes de nullité du licenciement fondé sur le harcèlement moral, la discrimination syndicale, l'exercice d'une liberté individuelle, et par conséquent de sa demande de réintégration et condamnations pécuniaires subséquentes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le licenciement fondé sur une faute grave du salarié privative d'indemnité de préavis, de licenciement ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [D] de sa demande au titre de la prime de vacances déjà réglée ;

A titre subsidiaire, statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter le salarié de ses demandes de dommages et intérêts ;

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder 3 mois de salaire en application de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

En toutes hypothèses,

- le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 octobre 2022.

MOTIVATION

Sur l'irrecevabilité de l'appel et des demandes de M. [D] [C]

La société City One bag soulève cette fin de non recevoir sur le fondement de l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 25 octobre 2018 par le conseil de prud'hommes de Paris et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021. Elle soutient que la cour d'appel a validé les sanctions disciplinaires et a débouté le salarié de ses demandes au titre d'un harcèlement moral de sorte que ses demandes relatives à un harcèlement moral se heurtent à l'autorité de la chose jugée. Elle fait valoir que la demande en nullité du licenciement au motif d'une atteinte au droit d'agir et d'une discrimination est également irrecevable dans la mesure où M. [D] [C] a été débouté de ses actions en reconnaissance d'un harcèlement moral et que la cour d'appel l'a débouté de ses demandes relatives à une discrimination.

M. [D] [C] soutient que ses demandes ne se heurtent pas à l'autorité de la chose jugée. Il fait valoir qu'en raison de l'abrogation du principe d'unicité d'instance, il pouvait saisir à nouveau le conseil de prud'hommes de demandes relatives au même contrat de travail dès lors qu'elles sont différentes ce qui est le cas selon lui en l'espèce, les demandes tranchées par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021 ayant trait à l'exécution du contrat de travail alors que celles présentées dans le cadre de la présente procédure ont trait à sa rupture. Il souligne que les causes sont également distinctes dans la mesure où les faits qu'il invoque au titre d'un harcèlement moral sont différents de ceux invoqués dans la procédure ayant conduit à l'arrêt du 17 juin 2021.

Aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche et selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.

Il incombe au demandeur, avant qu'il ne soit statué sur sa demande, d'exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. Il s'ensuit qu'une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement.

Sur l'irrecevabilité de l'appel

La cour constate que la société ne développe aucun moyen au soutien de l'irrecevabilité de l'appel interjeté par M. [D] [C] à l'encontre du jugement du 12 juin 2019. Elle relève que l'appel a été interjeté dans le mois de la notification du jugement intervenue le 7 juillet 2020 et que la recevabilité de l'appel n'est pas subordonnée à celle des demandes de l'appelant.

Sur l'irrecevabilité des demandes de M. [D] [C]

Il est constant que les parties sont identiques et agissent en la même qualité. Afin de déterminer si les demandes du salarié sont irrecevables, il convient donc de rechercher si ses demandes sont identiques à celles présentées dans le cadre de la procédure prud'homale ayant conduit à l'arrêt du 17 juin 2021 et si elles ont la même cause.

Comme le révèle le dispositif de cet arrêt, la cour a notamment statué sur des demandes de M. [D] [C] d'annulation de sanctions disciplinaires du 3 mars 2017 et du 10 mai 2017, de demandes indemnitaires pour discrimination syndicale, harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail et de dépassement de la durée maximale quotidienne du travail.

Dans le cadre du présent litige, M. [D] [C] invoque l'existence d'un harcèlement moral en raison d'un cumul de sanctions disciplinaires à savoir les deux mises à pied du 3 mars et du 10 mai 2017 puis le licenciement, ce qui caractérise selon lui un usage abusif par l'employeur de son pouvoir disciplinaire. La cour d'appel a débouté le salarié de ses demandes d'annulation des deux sanctions disciplinaires et de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral. Il invoquait au titre de ce harcèlement le cumul de mesures disciplinaires à l'exception du licenciement qui est intervenu en cours d'instance comme exposé précédemment. Il en résulte que les demandes formulées par M. [D] [C] dans le cadre de la présente procédure de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral et de licenciement nul en raison du harcèlement moral allégué sont recevables en ce qu'un élément nouveau, le licenciement, est survenu de sorte que la cause n'est pas identique.

M. [D] [C] soutient également dans le cadre de cette procédure que son licenciement est nul car il a été prononcé selon lui en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2411-1 du code du travail dans la mesure où la société a attendu la fin de la période de protection pour le licencier. La société fait valoir qu'il se prévaut ainsi d'une discrimination syndicale, prétention qui se heurte selon elle à l'autorité de la chose jugée dans la mesure où la cour d'appel dans son arrêt du 17 juin 2021 l'a débouté de sa demande au titre d'une discrimination syndicale. Au soutien d'une discrimination syndicale, M. [D] [C] a invoqué devant la cour d'appel une privation de vacations dominicales alors que dans la présente instance, il se prévaut du fait que son licenciement, fait nouveau, est survenu immédiatement après la période de protection. Il en résulte comme précédemment exposé que la cause est différente et que sa demande de nullité du licenciement à ce titre est recevable.

Les autres demandes formulées par M. [D] [C] sont différentes de celles présentées dans le cadre de la procédure ayant conduit à l'arrêt de la cour d'appel du 17 juin 2021 de sorte qu'elles sont recevables.

En conséquence, il convient de déclarer recevables les demandes présentée par M. [D] [C].

Sur le harcèlement moral

M. [D] [C] soutient qu'il a été victime d'un harcèlement moral en raison du caractère répété des sanctions disciplinaires peu important qu'elles soient justifiées ou non, le licenciement en constituant l'ultime étape. Il allègue également les multiples rapports dressés à son encontre par les responsables opérationnels adjoints et des brimades de leur part qui caractérisent selon lui la dégradation de ses conditions de travail. Il souligne également la dégradation de son état de santé. Il précise que si la cour d'appel dans son arrêt du 17 juin 2021 n'a pas reconnu l'existence d'un harcèlement en raison d'une succession de mises à pied, elle n'a pas statué sur le licenciement.

La société conteste l'existence d'un harcèlement moral et fait valoir que les sanctions disciplinaires successives sont justifiées comme l'a retenu la cour d'appel pour les deux mises à pied.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

' (...) En effet, pas moins de 5 rapports en date du 18. 19, 25 et 31 octobre et le 10 novembre 2017 ont été produits par vos responsables à cet effet.

Dans ces rapports, il apparaît de manières récurrentes et aggravantes que :

- Vous vous restaurez pendant votre temps de travail

- Vous utilisez votre téléphone personnel pendant votre temps de travail et insultez votre Responsable

- Vous ne portez pas votre tenue de travail, en particulier vos équipements de protection individuels (EPI)

- Vous dénigrez votre employeur

- Vous dormez sur votre poste de travail

- Vous ne tenez pas compte des remarques de vos supérieurs et vous adressez de manière inappropriée, voire menaçante, envers ces derniers

Le 05 octobre 2017, une note de service a été mise en ligne sur le logiciel Pl@net (logiciel de planning) qui vous rappelait l'interdiction de se restaurer sur les postes. Vous nous avez indiqué que vous aviez bien pris connaissance de cette note de service, seule la lecture de cette note vous permettant d'accéder à votre planning.

Aussi, vous ne pouvez ignorer l'impact qu'ont les denrées alimentaires sur les brigades cynophiles et par conséquent sur la sûreté aéroportuaire.

Or, en date du 18 octobre 2017, il a été constaté à 07h25 par Monsieur [X], responsable opérationnel adjoint, que vous étiez en train de vous restaurer sur le poste de travail (GB13).

M. [X] vous a rappelé qu'il était interdit de manger sur les postes de travail pour des raisons de sécurité et sûreté, vous lui avez répondu : ' Je fais rien de mal vas-y commence pas dès le matin (...) de toute façon City One Bags c'est de la merde et c'est bientôt fini avec cette société !'. Le responsable opérationnel adjoint vous interpelle sur le fait que vous ne devez pas dénigrer l'entreprise et malgré cela vous continuez : 'J'ai toujours mangé quand j'en ai eu envie, donc ça va pas changer alors continue ton chemin et vas donner tes règles de cette société à quelqu'un d'autre et plus à moi t'as compris !'. Monsieur [X] vous informe donc qu'il remontera l'incident au Responsable Opérationnel auquel vous avez de nouveau répondu avec un ton sarcastique 'Remontes même au Président de la République rien à foutre personne me fera quoi que ce soit ça devient une habitude !'.

Pour autant, le lendemain, Monsieur [E] vous a surpris à 05h48 en train de consommer une boisson chaude sur le poste de travail du TBE HF. Même constat le 25 octobre 2017, Monsieur [E] vous surprend de nouveau en train de manger un beignet sur votre poste de travail (TBF BF). Le responsable opérationnel vous rappelle donc une nouvelle fois que la consommation de denrées alimentaires est interdite sur les postes, vous avez répondu avec un ton ironique et provocateur 'il ne manque plus qu'un bon café !'. De même pour votre vacation du 31 octobre soit six jours après avoir eu un rappel du même responsable, il vous aperçoit une nouvelle fois au TBF HF à 7h19 en train de consommer une boisson chaude.

Enfin, le 10 novembre 2017, vous étiez affecté au TBM HF lorsqu'il a été constaté une nouvelle fois que votre étiez avec un café à la main. Lorsque le responsable opérationnel adjoint, M. [X], s'avance vers vous pour vous rappeler à l'ordre, vous lui dites avec un ton ironique 'Cette fois tu arrives au bon moment le café est prêt !'.

Ainsi, vous ne prenez nullement en compte les rappels qui vous sont faits.

De même, il a été porté à notre connaissance que malgré les précédentes mises en garde faites par vos supérieurs hiérarchiques, vous utilisez toujours votre téléphone portable à des fins personnelles pendant votre temps de travail. En effet. cette utilisation a été constatée à multiples reprises en date du 18, 19, 25 et 31 octobre 2017 mais également le 10 novembre 2017.

Les responsables opérationnels adjoints, Monsieur [E] et Monsieur [X] vous ont aperçu aux dates citées ci-dessus en train de :

- Regarder une vidéo

- Ecrire des messages écrits

- Jouer à des jeux

- Téléphoner dans un cadre personnel.

En utilisant votre téléphone personnel pendant votre temps de travail, vous avez donc contrevenu aux dispositions susmentionnées.

Aussi, lorsque vous vaquez à des occupations personnelles sur votre poste de travail, vous contrevenez au règlement intérieur, êtes distrait et ne pouvez être vigilant, rigoureux au traitement des bagages.(...) De plus, votre réaction est inappropriée aux remarques qui vous sont faites. En effet, vous ne pouvez répondre à vos responsables en utilisant un langage plus que familier, à tendance vulgaire. En persistant dans un comportement irrespectueux et marginal vous dégradez l'autorité de votre Responsable. Votre comportement est inapproprié et ne prend nullement en compte les impératifs de votre métier et du respect du règlement intérieur. Votre poste participe au maintien de la sureté au sein de l'aéroport. Votre comportement est décalé par rapport à la mission qui vous est confiée.

Enfin, vous ne pouvez ignorer, selon l'article 7.7.3 de notre réglement intérieur qu'il vous appartient ' de porter [...] les équipements spécialisés dans les lieux prévus'

Dans son rapport en date du 19 octobre 2017, Monsieur [E] mentionne que malgré ses demandes, vous refusez de porter votre casque, pourtant obligatoires dans le cadre de votre mission. Mêmes constats les 25 et 31 octobre 2017, vous ne portiez pas votre casque antibruit.

De même, Monsieur [X] a été confronté aux mêmes faits, en date du 10 novembre 2017, vous manipuliez une nouvelle fois les bagages sans porter vos gants et ne portiez pas votre casque, il vous a, une nouvelle fois, rappelé que le port de vos EPl était obligatoire.

Aussi, compte tenu de la récurrence et de la gravité des incidents précités, et par courrier recommandé copie lettre simple en date du 27 octobre 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 13 novembre 2017 à 13h.

Lors de cet entretien, nous avons fait état des faits précités.

A cette occasion, vous étiez accompagné de Monsieur [I] [Z], représentant du personnel.

Vous avez nié farouchement l'ensemble des faits qui vous étaient reprochés, arguant d'une part que vous avez ' une relation parfaite avec les ROA (responsables opérationnels adjoints) ', d'autre part qu''il est impossible de se souvenir des jours quand passent les ROA'. Vous avez également ajouté : ' c'étaient des faux rapports (...) Je prends un café avant ma vacation et n'en prends pas jusqu'à ma pause '.

Dans la continuité de l'échange, la chargée des relations sociales, Madame [U], vous a demandé si vous connaissiez l'impact que pourrait avoir la saturation des bagages sur l'exploitation. Question à laquelle vous n'avez pas su répondre alors que vous comptabilisez 4 ans et 4 mois d'ancienneté au même poste.

Nous avons pris note de vos explications.

Toutefois, ces dernières ne nous ont pas permis de changer notre appréciation des faits.

En effet, en utilisant votre téléphone personnel et en vous restaurant durant votre temps de travail, vous vaquiez à des occupations personnelles, alors même que vous auriez dû être à la disposition de votre employeur, attentif et prêt à intervenir sur le traitement des bagages.

De même, en refusant de porter les équipements de protections pourtant obligatoires dans le cadre de votre mission, vos réactions traduisent un réel manque de professionnalisme de votre part, ainsi qu'un mépris certain à l'égard des règles en vigueur au sein de notre société. Compte tenu des risques d'accident inhérents aux métiers de manutentionnaire, le respect des consignes de sécurité données par l'employeur, notamment en ce qui concerne le port des équipements de protection individuelle, est impératif.

En effet, malgré les très nombreuses mises en garde de vos différents responsables, vous refusez obstinément de vous conformer à ces dernières. Vous contestez même leurs rappels en proférant des insultes.

Votre laxisme et votre absence de discernement ne concourent pas à développer une image professionnelle de nos équipes.

Enfin, la teneur des differents échanges, parfois menaçants, que vous avez eu avec vos deux responsables dans le cadre des incidents évoqués démontrent le plus profond mépris dont vous faites preuve à l'égard de votre hiérarchie et de notre entreprise.

Nous ne pouvons nullement tolérer que vous vous adressiez de la sorte envers vos différents responsables.

En refusant de vous soumettre aux directives de vos différents responsables, en vous adressant à ces derniers de la sorte et en refusant obstinément de vous conformer aux règles qui vous ont été pourtant rappelées à maintes reprises, vous avez fait preuve d'une réelle insubordination à l'égard de votre hiérarchie.

Aussi, nous ne pouvons que condamner avec la plus grande fermeté vos agissements qui ne reflètent pas l'image de notre société et qui remettent pleinement en cause la confiance que nous vous avons accordée lors de votre entrée au sein de la société City One Bags. Le plus regrettable étant qu'il ne s'agit pas de votre première convocation. En effet, pour des faits similaires et répétitifs à 8 mois d'intervalles, vous avez été sanctionné à plusieurs reprises :

- Une mise à pied disciplinaire de 3 jours le 03 mars 2017,

- Une mise à pied disciplinaire de 7 jours le 10 mai 2017. Reportée à six jours suite à une contestation.

L'accumulation de ces deux décisions disciplinaires ainsi que les faits qui vous ont été reprochés lors de l'entretien du 13 novembre 2017, démontre votre manque de professionnalisme et votre insubordination envers vos supérieurs hiérarchiques. Cette insubordination ne peut être tolérée puisqu'elle tend à la désorganisation de la société.

De ce fait, ne pouvant laisser perdurer plus longtemps une telle situation, nous n'avons d'autre alternative que de vous notifier votre licenciement pour faute grave, privatif d'indemnité de préavis et de licenciement (...).'

Il résulte des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet dune mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ces articles, il appartient au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La cour d'appel dans son arrêt du 17 juin 2021 a débouté M. [D] [C] de ses demandes d'annulation des sanctions disciplinaires antérieures au licenciement et de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral résultant selon lui de la succession de ces sanctions. Comme retenu précédemment, si la cour peut examiner la demande de M. [D] [C] au titre d'un harcèlement moral et de la nullité du licenciement en raison de celui-ci, elle ne peut pas statuer à nouveau sur les mises à pied et sur l'existence d'un harcèlement antérieurement aux faits relatifs au licenciement en raison de l'autorité de la chose jugée.

A l'appui de son allégation de harcèlement moral, M. [D] [C] produit les rapports qui ont été dressés à son encontre les 18, 19, 25 et 31 octobre puis le 10 novembre 2017 ainsi que la lettre de licenciement. Il verse également aux débats deux certificats médicaux établis les 21 juillet 2017 et 15 avril 2019 par M. [J], psychiatre. Dans le premier, ce médecin indique qu'il souffre d'un syndrome post traumatique invalidant et dans le second, il fait état de la détresse psychologique causée au salarié par son licenciement.

Compte tenu de la répétition dans un bref délai de rapports disciplinaires et du licenciement, le salarié présente des éléments de faits qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement. Il incombe dès lors à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de la mesure de licenciement, la société produit cinq rapports des 18, 19, 25 et 31 octobre puis du 10 novembre 2017. Ces rapports sont établis par courriers électroniques soit par M. [E] soit par M. [X], salariés de l'entreprise donc placés sous un lien de subordination. Ces rapports non signés ne sont pas confirmés par des attestations de leur part et ne sont pas corroborés par des éléments objectifs. En conséquence, la cour retient que la société ne prouve pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dès lors, M. [D] [C] a été victime d'un harcèlement moral.

Sur le licenciement

Sur la nullité du licenciement en raison d'un harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En conséquence, compte tenu de ce qui précède, la cour retient que le licenciement est nul à ce titre comme procédant du harcèlement moral subi par M. [D] [C].

Sur la nullité du licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié usant d'une de ses libertés fondamentales

M. [D] [C] soutient que son licenciement constitue une mesure de rétorsion aux actions en justice qu'il a diligentées et à son témoignage dans une instance opposant la société à d'autres salariés. Il fait également valoir que son licenciement est intervenu concomitamment avec le licenciement de deux de ses collègues alors qu'ils avaient tous les trois attesté dans l'intérêt d'autres salariés dans une procédure les opposant à la société City one bags.

La société fait valoir que le licenciement n'est pas nul à ce titre car la rédaction des attestations ne fait pas partie des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, leur date est éloignée dans le temps du licenciement et d'autres salariés ayant également attesté n'ont pas fait l'objet de sanctions. Elle ajoute que le salarié n'apporte pas la preuve d'un lien entre la mesure de licenciement et son action.

Le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale, peu important que la demande du salarié soit non fondée. La nullité du licenciement est également encourue lorsqu'il est porté atteinte à son droit de témoigner en justice qui constitue également une liberté fondamentale.

En l'espèce, M. [D] [C] invoque les actions suivantes :

- sa saisine du conseil de prud'hommes de Paris le 2 août 2017 ayant conduit à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021 ;

- son témoignage au soutien de l'action d'un salarié dans le cadre d'une affaire ayant donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 mars 2017 ;

- sa participation à une action en justice collective.

Si cette dernière action a été engagée le 23 novembre 2017 de sorte que le licenciement ne peut pas être en lien avec elle, il est constant que M. [D] [C] a témoigné dans le cadre d'une action d'un salarié ayant conduit à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 mars 2017 et qu'il a engagé l'action ayant donné lieu à l'arrêt du 17 juin 2021 par requête du 2 août 2017. Le licenciement du salarié fait donc suite à ces actes.

Dès lors, il convient en premier lieu de rechercher si le licenciement prononcé à son encontre est fondé puis il appartiendra à l'employeur si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par le salarié de son droit d'agir en justice et de son droit de témoigner.

Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

Il a été précédemment retenu par la cour que la société ne justifiait pas par des éléments objectifs du bien fondé de la mesure de licenciement de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il appartient dès lors à la société d'établir que sa décision de licenciement était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par le salarié de son droit d'agir en justice et de son droit de témoigner.

La société fait valoir en premier lieu le débouté de M. [D] [C] de ses demandes par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021. Cependant, le fait que la requête du salarié a conduit à son débouté est indifférent. Elle soutient en second lieu que d'autres salariés ayant attesté et étant cités dans les arrêts produits, n'ont pas fait l'objet de sanction. La cour constate qu'elle ne les dénomme pas et qu'elle ne justifie pas de l'absence de mesures prises à leur encontre.

En conséquence, la cour retient que le licenciement de M. [D] [C] est nul à ce titre.

La décision des premiers juges sera infirmée quant à la nullité du licenciement sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.

Sur les demandes liées à la nullité du licenciement

M. [D] [C] sollicite sa réintégration. La société City One bags soutient que cette réintégration est impossible en raison du comportement du salarié.

Sauf impossibilité matérielle, la réintégration sollicitée par le salarié doit être ordonnée.

En l'espèce, la cour ayant retenu que les faits reprochés au salarié dans le cadre de la procédure de licenciement n'étaient pas établis, la réintégration de M. [D] [C] sera ordonnée.

M. [D] [C] sollicite également le paiement de ses salaires depuis son licenciement jusqu'à sa réintégration ainsi que le paiement d'une indemnité de congés payés et la remise des bulletins de salaire sous astreinte.

La société fait valoir qu'il convient de déduire des salaires les sommes reçues au titre de l'indemnisation du chômage et que ces sommes n'étant pas justifiées, il convient de débouter M. [D] [C] de cette demande.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration, a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Cependant, lorsque la nullité du licenciement résulte d'une atteinte à une liberté fondamentale, aucune déduction de salaire ne peut être opérée.

Il convient en conséquence de condamner la société au paiement d'une somme correspondant aux salaires qu'aurait perçus M.[D] [C] entre son licenciement et sa réintégration effective dans les termes de sa demande.

En conséquence, la société City one bags sera condamnée à payer à M. [D] [C] :

- un rappel de salaires à compter du licenciement jusqu'au jour de la réintégration effective cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 41 695,75 euros pour la période du mois de novembre 2017 au mois d'octobre 2020 ;

une indemnité compensatrice de congés payés afférents au rappel de salaire, cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 4 169,56 euros pour la période du mois de novembre 2017 au mois d'octobre 2020.

Le jugement sera infirmé sur ces chefs de demande.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

M. [D] [C] fait valoir que la société a manqué à son obligation de sécurité disposée par l'article L. 4121-1 du code du travail en ne remettant pas en cause les rapports des responsables adjoints et en ne tenant pas compte de ses observations.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

La société City one bags n'allègue ni ne justifie de la mise en place de moyens tendant à prévenir le harcèlement moral.

En conséquence, il est établi que la société a manqué à son obligation de sécurité. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les conséquences du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité

M. [D] [C] sollicite la condamnation de la société au paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité durant l'exécution de son contrat de travail sur le fondement des dispositions des article L. 1152-1 et L. 4121-1 du code du travail.

Le préjudice résultant du harcèlement moral dont le salarié a été victime et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sera réparé par la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au paiement de laquelle la société sera condamnée.

La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la prime de vacances

M. [D] [C] sollicite la condamnation de la société City one bags à lui payer la somme de 664,74 euros au titre de la prime de vacances prévue à l'article 19 de la convention collective régionale Samera.

La société City one bags fait valoir que le bulletin de paie du mois de mai 2017 justifie du paiement de cette prime.

L'article 19 de la convention collective régionale Samera prévoit le paiement d'une prime de vacances au-delà d'un an de présence dans l'entreprise au 1er juin de chaque année. Il appartient à la société City one bags de rapporter la preuve de ce qu'elle s'est acquittée de son obligation. Le bulletin de salaire produit aux débats mentionne le paiement de la prime de vacances sollicitée au mois de mai 2017 et le salaire afférent à ce mois ayant été versé, il convient de débouter M. [D] [C] de cette demande.

Conformément aux dispositions précitées de la convention collective applicable, cette prime est acquise au personnel ayant un an de présence dans l'entreprise au 1er juin de chaque année de sorte que cette prime sera due chaque année à compter de l'année 2018 jusqu'à la réintégration effective du salarié soit la somme de 747,64 euros par an.

Sur la remise de bulletins de salaire

Il convient de faire droit à la demande de délivrance des bulletins de paie conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur le remboursement à Pôle emploi

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il est ordonné à la société City one bags de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [D] [C] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la notification de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et d'orientation soit en l'espèce le 23 juillet 2018 et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante à titre principal, la société City one bags sera condamnée aux dépens de la procédure. Il convient de la condamner à payer à M. [D] [C] une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, le jugement étant infirmé de ce chef, et de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. La société City one bags est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, la décision des premiers juges étant confirmée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

DÉCLARE recevables les demandes de M. [N] [D] [C],

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE nul le licenciement de M. [N] [D] [C],

ORDONNE la réintégration de M. [N] [D] [C] au poste qu'il occupait avant son licenciement,

CONDAMNE la société City one bags au paiement de :

- un rappel de salaires à compter du licenciement jusqu'au jour de la réintégration effective cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 41 695,75 euros pour la période du mois de novembre 2017 au mois d'octobre 2020 outre une prime de vacances de 747,64 euros par an à compter de l'année 2018 ;

une indemnité compensatrice de congés payés afférents au rappel de salaire, cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 4 169,56 euros pour la période du mois de novembre 2017 au mois d'octobre 2020 ;

- 3 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

- 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

avec intérêt au taux légal s'agissant des créances de nature salariale à compter de la notification de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et d'orientation soit en l'espèce le 23 juillet 2018 et s'agissant des créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE à la société City One bags de remettre à M. [N] [D] [C] des bulletins de paie conformes à la présente décision,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

ORDONNE à la société City one bags de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [N] [D] [C] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société City one bags aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/05055
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;20.05055 ?
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