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19/01/2023 | FRANCE | N°20/05054

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 19 janvier 2023, 20/05054


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRET DU 19 JANVIER 2023



(n° 2023/ , 15 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05054 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGFY



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/05497





APPELANT



Monsieur [N] [C]

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représenté par Me Fatima BOUALI-CHAOUKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0372



INTIMEE



S.A.S. CITY ONE BAGS

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Agnès ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRET DU 19 JANVIER 2023

(n° 2023/ , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05054 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCGFY

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F18/05497

APPELANT

Monsieur [N] [C]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représenté par Me Fatima BOUALI-CHAOUKI, avocat au barreau de PARIS, toque : E0372

INTIMEE

S.A.S. CITY ONE BAGS

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Agnès COUTANCEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0367

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 20 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Catherine BRUNET, présidente de chambre chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Catherine BRUNET, Présidente de chambre, Présidente de formation,

Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,

Madame Séverine MOUSSY, Conseillère

Greffier : Madame Cécile IMBAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour,

- signé par Madame Catherine BRUNET, Présidente et par Madame Cécile IMBAR, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 1er avril 2015, le contrat de travail de M. [N] [C] d'agent d'exploitation sur l'aéroport de [Localité 6] a été transféré à la société City one bags.

Par courrier du 17 avril 2017, il a sollicité auprès de son employeur l'organisation d'élections concernant le CHSCT et a présenté sa candidature.

Par jugement du 25 octobre 2018, sur la saisine de M. [N] [C] du 2 août 2017 à l'encontre de la société anonyme City one bags le conseil de prud'hommes de Paris l'a débouté des demandes suivantes :

- annulation de l'avertissernent du 04/10/16 ;

- annulation des mises à pied disciplinaire des 21/12/16 et 15/03/17 ;

- annulation de la mise à pied disciplinaire du 04/05/17 et condamner la Société City one bags à payer à M. [C] la somme de 523 ,25 euros et 52,32 euros de congés payés afférents, au titre des huit journées de travail non rémunérées, du 11 juin au 18 juin inclus ;

- 25 000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral;

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale ;

- 5 000 euros à titre de réparation du préjudice subi pour défaut d'exécution loyale du contrat ;

- 482,91 euros au titre des heures supplémentaires non majorées conformément aux dispositions conventionnelles sur la période courant du mois d'avril 2015 au mois de novembre 2017 ;

- 48,29 euros au titre des congés payés afférents ;

- 1 093,88 euros au titre des primes de fin d'année de 2015 à 2017 ;

- 5 000 euros à titre d'indemnité pour non respect du repos quotidien en raison du non-respect de la durée maximale journalière ;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [C] a interjeté appel de cette décision le 7 mai 2019 et la cour d'appel de Paris a rendu un arrêt contradictoire le 17 juin 2021 par lequel, elle a :

- infirmé le jugement entrepris sauf en ce qu'il a débouté M. [N] [C] de ses demandes indemnitaires pour discrimination syndicale, harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail et de dépassement de la durée maximale quotidienne du travail,

Et statuant à nouveau,

- annulé l'avertissement du 4 octobre 2016 ;

- annulé la mise à pied disciplinaire du 21 décembre 2016 ;

- annulé la mise à pied disciplinaire du 15 mars 2017 ;

- annulé la mise à pied disciplinaire du 4 mai 2017;

- condamné la société anonyme City One Bags à payer à M. [N] [C] :

* 523,25 euros de rappel de salaire relatif à l'annulation de la mise à pied disciplinaire du 4 mai 2017,

* 52,32 euros de congés payés y afférents,

* 482,91 euros de rappel de salaire pour majoration des heures supplémentaires,

* 48,29 euros de congés payés y afférents,

* 1.093,88 euros de rappel de primes de fin d'année pour les années 2015 à 2017,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 2 août 2017 ;

- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires ;

Et y ajoutant,

- rejeté toutes autres demandes ;

- condamné la société anonyme City One Bags à payer à M. [N] [C] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société anonyme City One Bags aux dépens de première instance et d'appel.

Entre temps, M. [C] a été convoqué le 6 novembre 2017 à un entretien préalable à une mesure disciplinaire pouvant aller jusqu'au licenciement. Par courrier du 17 novembre 2017, il a été licencié pour faute grave.

Le 19 juillet 2018, M. [N] [C] a saisi le conseil de Paris à l'encontre de la société City one bags des demandes suivantes dans le cadre de la procédure soumise à la cour :

- ordonner la réintégration ;

- 26 964,84 euros à titre de rappel de salaires à compter du licenciement jusqu'au jour de la réintégration effective de novembre 2017 février 2019 ;

- 2 696,45 euros au titre de l'indemnité de congés payes afférents ;

- 20 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de 1'employeur à son obligation de sécurité de résultat ;

- subsidiairement ;

- 26 964,84 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.;

- 3 816,68 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis ;

- 381,67 euros à titre d'indemnité de congés payes afférents.;

- 4 725,29 euros à titre d'indemnité de licenciement.;

- 20 000 euros à titre de réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat.;

-63,61 euros rappel de salaire ;

- 6,36 euros congés payés afférents ;

- remise de bulletins de paie conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard ;

- 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 12 juin 2019 auquel il convient de se reporter pour l'exposé de la procédure antérieure et des demandes initiales des parties, le conseil de prud'hommes a :

- débouté M. [C] de l'ensemble de ses demandes ;

- débouté la société anonyme City one bags de sa demande reconventionnelle ;

- condamné M. [C] aux dépens de l'instance.

M. [C] a régulièrement interjeté appel du jugement le 28 juillet 2020.

Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 17 décembre 2020, la société City One Bags a demandé à la cour notamment de déclarer irrecevable M. [C] en ses demandes, vu l'autorité de chose jugée du jugement rendu le 25 octobre 2018 n°17/06497 qui s'est prononcé.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 12 janvier 2022 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 14 février 2022.

La cour d'appel ayant statué sur l'appel interjeté de la décision du 25 octobre 2018, par arrêt avant dire droit du 30 juin 2022, la cour a notamment :

- ordonné la révocation de l'ordonnance de clôture intervenue le 12 janvier 2022 ;

- ordonné la réouverture des débats ;

-invité les parties à conclure sur les effets de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021 sur les demandes dont la cour est saisie et sur l'exception de fin de non recevoir soulevée par la société intimée ;

- sursis à statuer sur les demandes,

- réservé les dépens et les frais irrépétibles.

Aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 11 octobre 2022 auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, M. [C] demande à la cour de :

- dire que les choses demandées et les causes invoquées par lui dans le cadre de la présente instance ne sont pas du tout semblable aux prétentions qui étaient les siennes avant son licenciement lors de la saisine du conseil de prud'hommes en date du 2 août 2017 ayant donné lieu à l'arrêt de la cour d'appel en date du 17 juin 2021 ;

- débouter la société de la fin de non-recevoir invoquée au titre de l'autorité de la chose jugée conférée à l'arrêt de la cour d'appel en date du 17 juin 2021 ;

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle le déboute de l'ensemble de ses demandes ;

à titre principal,

- dire et juger que son licenciement a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 2411-1 du code du travail, en violation des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail relatives au harcèlement moral et en violation des dispositions de l'article L. 1152-2 du code du travail relatives au droit d'user d'une liberté fondamentale ;

En conséquence,

- dire et juger que son licenciement est nul ;

- ordonner sa réintégration au poste qu'il occupait avant son licenciement ;

- condamner la société City one bags au paiement des sommes suivantes :

* 42 231,57 euros à parfaire, à titre de rappel de salaires à compter du licenciement, jusqu'au jour de la réintégration effective de novembre 2017 à octobre 2020 ;

* 4 223,16 euros à parfaire à titre de congés payés afférents aux salaires suite à la réintégration ;

* 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat sur le fondement des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

à titre subsidiaire,

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse et qu'il a été prononcé en violation des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

- condamner la société City one bags au paiement des sommes suivantes :

* 26 964,84 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

* 3 816,68 euros à titre d'indemnité de préavis, outre la somme de 381,67 euros de congés payés y afférents, sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-1 et suivants du code du travail ;

- 4 725,29 euros à titre d'indemnité légale de licenciement sur le fondement des dispositions des articles L. 1234-9 et suivants du code du travail ;

- condamner la société City one bags au paiement de la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat sur le fondement des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 4121-1 du code du travail ;

en tout état de cause,

- condamner la société City one bags au paiement de la somme de 696,36 euros au titre de la prime de vacances qui aurait dû lui être allouée en exécution des dispositions de l'article 19 de la Ccr samera, au prorata de sa présence dans l'entreprise jusqu'au jour de son licenciement, sachant qu'en cas de réintégration la totalité de cette prime lui sera allouée, soit la somme de 795,80 euros ;

- condamner la société City one bags au paiement de la somme de 63,61 euros à titre de rappel de salaire pour la journée du 18 novembre, outre la somme de 6,36 euros de congés payés y afférents ;

- ordonner la délivrance des bulletins de paie conformément à la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par document et par jour de retard ;

- dire que la cour se réserve la liquidation de cette astreinte ;

- condamner la société city one bags au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles en première instance, outre la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles devant la cour d'appel ;

- assortir ces sommes de l'intérêt au taux légal à compter de la date de réception par l'employeur de sa convocation devant le conseil de céans pour toutes les sommes de nature salariale (rappels de salaire, indemnité de préavis, et indemnité légale de licenciement), et à compter de la décision à intervenir pour les sommes de nature indemnitaire, sur le fondement des articles 1153 et 1153-1 du code civil.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 13 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé des prétentions et moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société City One Bags demande à la cour de:

Vu l'autorité de chose jugée du jugement du conseil de prud'hommes de Paris rendu le 25 octobre 2018 n°17/06497 confirmé par la cour d'appel de Paris dans un arrêt du 17 juin 2021 n° 19/05927, en ce qu'il a débouté M. [C] de ses demandes d'annulation de ses demandes indemnitaires pour discrimination syndicale, harcèlement moral, exécution déloyale du contrat de travail,

- par conséquent, déclarer irrecevable M. [C] en son appel du jugement du 12 juin 2019 et en ses demandes de nullité du licenciement au motif de faits de harcèlement et de discrimination syndicale ;

A titre principal,

- confirmer le jugement dont appel dans toutes ses dispositions et plus particulièrement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes de nullité du licenciement au motif de discrimination syndicale, de harcèlement moral, d'exercice d'une liberté individuelle et par conséquent de sa demande de réintégration et condamnations précuniaires subséquentes ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a retenu le licenciement fondé sur une faute grave du salarié privative d'indemnité de préavis, de licenciement ;

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [C] de sa demande au titre de la prime de vacances déjà réglée ;

A titre subsidiaire, statuant à nouveau,

- dire et juger que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse ;

- débouter le salarié de ses demandes de dommages et intérêts ;

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que l'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne saurait excéder 3 mois de salaire en application de l'article L. 1235-3 du code du travail ;

En toutes hypothèses,

- le condamner à lui payer la somme de 5 000 euros et aux entiers dépens.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 octobre 2022.

MOTIVATION

Sur l'irrecevabilité de l'appel et des demandes de M. [C]

La société City One bag soulève cette fin de non recevoir sur le fondement de l'autorité de la chose jugée du jugement rendu le 25 octobre 2018 par le conseil de prud'hommes de Paris et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021. Elle soutient que la cour d'appel a annulé les sanctions disciplinaires au motif d'une irrégularité de procédure sans remettre en cause la matérialité des faits mais qu'elle l'a débouté de ses demandes au titre d'un harcèlement moral et d'une discrimination syndicale. Elle fait valoir que le licenciement constitue un acte isolé qui ne peut caractériser la répétition requise pour caractériser un harcèlement moral de sorte que la demande de M. [C] à ce titre se heurte à l'autorité de la chose jugée.

M. [C] soutient que ses demandes ne se heurtent pas à l'autorité de la chose jugée. Il fait valoir qu'en raison de l'abrogation du principe d'unicité d'instance, il pouvait saisir à nouveau le conseil de prud'hommes de demandes relatives au même contrat de travail dès lors qu'elles sont différentes ce qui est le cas selon lui en l'espèce, les demandes tranchées par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021 ayant trait à l'exécution du contrat de travail alors que celles présentées dans le cadre de la présente procédure ont trait à sa rupture. Il souligne que les causes sont également distinctes dans la mesure où les faits qu'il invoque au titre d'un harcèlement moral sont différents de ceux invoqués dans la procédure ayant conduit à l'arrêt du 17 juin 2021.

Aux termes de l'article 480 du code de procédure civile, le jugement qui tranche dans son dispositif tout ou partie du principal, ou celui qui statue sur une exception de procédure, une fin de non-recevoir ou tout autre incident a, dès son prononcé, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'il tranche et selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité. L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.

Il incombe au demandeur, avant qu'il ne soit statué sur sa demande, d'exposer l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci. Il s'ensuit qu'une prétention rejetée ne peut être présentée à nouveau sur un autre fondement.

Sur l'irrecevabilité de l'appel

La cour constate que la société ne développe aucun moyen au soutien de l'irrecevabilité de l'appel interjeté par M. [C] à l'encontre du jugement du 12 juin 2019. Elle relève que l'appel a été interjeté dans le mois de la notification du jugement intervenue le 2 juillet 2020 et que la recevabilité de l'appel n'est pas subordonnée à celle des demandes de l'appelant.

Sur l'irrecevabilité des demandes de M. [C]

Il est constant que les parties sont identiques et agissent en la même qualité. Afin de déterminer si les demandes du salarié sont irrecevables, il convient donc de rechercher si ses demandes sont identiques à celles présentées dans le cadre de la procédure prud'homale ayant conduit à l'arrêt du 17 juin 2021 et si elles ont la même cause.

Comme le révèle le dispositif de cet arrêt, la cour a notamment statué sur des demandes de M. [C] d'annulation de l'avertissement du 4 octobre 2016 et des mises à pied disciplinaires des 21 décembre 2016, 15 mars et 4 mai 2017, de demandes indemnitaires pour discrimination syndicale, harcèlement moral et exécution déloyale du contrat de travail.

Dans le cadre du présent litige, M. [C] invoque l'existence d'un harcèlement moral en raison d'un cumul de sanctions disciplinaires à savoir les mesures précitées, de multiples rapports établis par les responsables opérationnels adjoints, des brimades injustifiées de leur part et le licenciement. La cour d'appel a annulé les sanctions disciplinaires et a débouté le salarié de ses demandes de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral. M. [C] invoquait au titre de ce harcèlement le cumul de mesures disciplinaires à l'exception du licenciement qui est intervenu en cours d'instance comme exposé précédemment. Il en résulte que les demandes formulées par M. [C] dans le cadre de la présente procédure de dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral et de licenciement nul en raison du harcèlement moral allégué sont recevables en ce qu'un élément nouveau, le licenciement, est survenu de sorte que la cause n'est pas identique.

M. [C] soutient également dans le cadre de cette procédure que son licenciement est nul car il a été prononcé selon lui en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2411-1 du code du travail dans la mesure où la société a attendu la fin de la période de protection pour le licencier. La société fait valoir qu'il se prévaut ainsi d'une discrimination syndicale, prétention qui se heurte selon elle à l'autorité de la chose jugée dans la mesure où la cour d'appel dans son arrêt du 17 juin 2021 l'a débouté de sa demande au titre d'une discrimination syndicale. Au soutien d'une discrimination syndicale, M. [C] a invoqué devant la cour d'appel une privation de vacations dominicales alors que dans la présente instance, il se prévaut du fait que son licenciement, fait nouveau, est survenu immédiatement après la période de protection. Il en résulte comme précédemment exposé que la cause est différente et que sa demande de nullité du licenciement à ce titre est recevable.

Les autres demandes formulées par M. [C] sont différentes de celles présentées dans le cadre de la procédure ayant conduit à l'arrêt de la cour d'appel du 17 juin 2021 de sorte qu'elles sont recevables.

En conséquence, il convient de déclarer recevables les demandes présentées par M. [C].

Sur le harcèlement moral

M. [C] soutient qu'il a été victime d'un harcèlement moral en raison du caractère répété des sanctions disciplinaires, le licenciement en constituant l'ultime étape. Il allègue également les multiples rapports dressés à son encontre par les responsables opérationnels adjoints et des brimades de leur part qui caractérisent la dégradation de ses conditions de travail. Il souligne la dégradation de son état de santé. Il précise que si la cour d'appel dans son arrêt du 17 juin 2021 n'a pas reconnu l'existence d'un harcèlement en raison d'une succession de mises à pied, elle n'a pas statué sur le licenciement.

La société conteste l'existence d'un harcèlement moral et fait valoir que le licenciement est un acte isolé.

La lettre de licenciement qui fixe les limites du litige est ainsi rédigée :

' (...) Or, nous avons été alertés à de nombreuses reprises concernant de multiples incidents de votre part, et contrevenant à ces dispositions.

En effet, pas moins de 5 rapports en date des 18, 19, 20 et 31 octobre et du 08 novembre 2017 ont été produits par l'ensemble de vos responsables à cet effet.

Dans ces rapports, il apparait de manières récurrentes que :

- Vous vous restaurez pendant votre temps de travail

- Vous utilisez votre téléphone personnel pendant votre temps de travail

- Vous quittez votre poste sans autorisation

- Vous dénigrez votre employeur

- Vous ne tenez pas compte des remarques de vos supérieurs et vous adressez de manière inappropriée, voire menaçante, envers ces derniers

Le 05 octobre 2017, une note de service a été mise en ligne sur le logiciel Pl@net (logiciel de planning) qui vous rappelait l'interdiction de se restaurer sur les postes. Vous nous avez indiqué que vous aviez bien pris connaissance de cette note de service, seule la lecture de cette note vous permettant d'accéder à votre planning.

Aussi, vous ne pouvez ignorer l'impact qu'ont les denrées alimentaires sur les brigades cynophiles et par conséquent sur la sûreté aéroportuaire.

Or, en date du 31 octobre 2017, il a été constaté à 09h35 par Monsieur [L], responsable opérationnel adjoint, que vous étiez en train de vous restaurer sur le poste de travail alors qu'il y avait des bagages à traiter.

Monsieur [L] vous a rappelé qu'il était interdit de consommer sur les postes de travail pour des raisons de sécurité, vous lui avez répondu : 'Ça sert à rien que je range parce qu'une fois parti je ressortirai tout pour continuer à manger !'. Le responsable opérationnel adjoint vous a alors répondu que votre comportement n'était pas professionnel et que vous devez prendre en compte ses remarques. Vous lui avez indiqué : ' Non je n'ai pas envie, tu vas faire quoi de toute façon ' (...) Fais ce que tu veux, de toute façon ceux qui sont passé avant toi n'y sont pas arrivés!'.

Malgré cette mise en garde, et tel qu'indiqué dans un rapport en date du 08 novembre 2017, vous vous êtes permis de vous restaurer de nouveau sur votre poste de travail à 16h25.

Monsieur [L] vous a donc de nouveau fait part de cette interdiction de se restaurer sur votre poste de travail. Visiblement énervé que votre responsable vous fasse une nouvelle remarque, vous lui avez indiqué de manière irrespectueuse ' Parles pour toi de toute façon City One Bags c'est de la merde! '.

A ce titre, les remarques de vos supérieurs sur votre refus persistant de vous conformer aux interdictions de vous restaurer pendant votre temps de travail ont systématiquement fait l'objet de réflexions inadéquates et insultantes.

De même, il a été porté à notre connaissance par Monsieur [U] qu'en date du 19 octobre 2017 à [Immatriculation 1], vous étiez sur votre poste de travail en train d'envoyer des messages écrits sur votre téléphone portable personnel pendant 06 minutes alors qu'il y avait des bagages à traiter.

Malgré cette mise en garde, l'utilisation de votre téléphone portable pendant votre temps de travail a, par ailleurs, été de nouveau constaté le lendemain soit le 20 octobre 2017 par Monsieur [U].

En effet ce jour, le Responsable opérationnel adjoint, à 15h33, vous a surpris sur votre poste de travail en train de téléphoner pendant plusieurs minutes, ajouté à cela vous lui avez fait un signe de main en lui faisant comprendre que sa présence ne vous dérangez nullement et vous avez continué votre conversation téléphonique comme s'il n'était pas là.

Lorsque ce dernier vous a demandé de raccrocher, précisant que l'utilisation du téléphone personnel était interdite pendant votre temps de travail, vous lui avez répondu avec un ton ironique : ' De toute façon City One c'est fini vous allez perdre le marché ! '.

Plus tard, le même jour, le Responsable opérationnel adjoint, vous a surpris entrain de prendre en photo votre collègue à son insu.

Une fois encore, nous vous rappelons que le salarié se doit d'être 'à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles'.

En utilisant votre téléphone personnel pendant votre temps de travail, vous avez donc contrevenu aux dispositions susmentionnées.

Aussi, lorsque vous vaquez à des occupations personnelles sur votre poste de travail, vous contrevenez au règlement intérieur, êtes distrait et ne pouvez être vigilant au traitement des bagages.

Nous vous rappelons que lorsqu'un bagage n'est pas traité dès son arrivée cela peut entrainer une saturation des bagages et par conséquent avoir des répercussions néfastes pour notre exploitation et l'environnement de travail. (...)

Dans son rapport en date du 18 octobre 2017, Monsieur [U] mentionne que lorsqu'il est arrivé sur votre poste de travail, à [Immatriculation 1], vous n'étiez pas présent, pourtant vous avez pour obligation de ne pas désarmer votre poste de travail sans en informer au préalable votre responsable hiérarchique ou l'agente d'APFS.

Cependant, il s'avère que l'opératrice D'APFS présente ce jour ainsi que votre collègue ne savaient pas où vous étiez. Ils ont tous les deux émis l'hypothèse que vous étiez surement aux sanitaires.

A 06H58, vous êtes revenu à votre poste de travail. Le responsable opérationnel adjoint vous a alors demandé pourquoi vous n'aviez pas prévenu l'opératrice d'APFS et votre responsable opérationnel adjoint comme le prévoit la procédure, vous lui avez répondu : 'Vas-y c'est bon tu vas pas me prendre la tête pour 20 min !'. Monsieur [U] vous a alors indiqué qu'il ferait un rapport au responsable opérationnel.

De même, Monsieur [L] a été confronté au même problème sur votre poste de travail en date du 08 novembre 2017, vous étiez introuvable de 23H30 à 00H00, il a essayé à plusieurs reprises de vous joindre mais sans succès.

Nous vous rappelons une nouvelle fois que vous devez être à la disposition de l'employeur sur votre temps de travail et ne pouvez nullement être décisionnaire sur votre emploi du temps ou sur votre lieu d'affectation pendant votre temps de travail.

Aussi, le règlement intérieur de notre société précise que 'Les sorties, pendant les heures de travail doivent être exceptionnelles. Elles sont obligatoirement subordonnées à une autorisation délivrée par une personne habilitée par la Direction.'

Compte tenu de la récurrence et de la gravité des incidents précités, et par courrier remis en main propre le 06 novembre 2017, nous vous avons convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement le 13 novembre 2017 à 14h30.

Lors de cet entretien, nous avons fait état des faits précités.

A cette occasion, vous étiez accompagné de Monsieur [T] [Y].

Vous avez alors nié farouchement l'ensemble des faits qui vous étaient reprochés, arguant que vous ne parliez jamais avec les responsables opérationnels adjoints.

Vous avez ajouté que 'tout est faux!'.

Lorsque le Directeur d'exploitation, Monsieur [B], vous a demandé où vous étiez le 08 novembre entre 23h30 et minuit puisque le poste était fermé. Vous avez d'abord répondu que vous étiez à votre poste puis fasse à l'interrogation de Monsieur [B], vous avez changé d'argumentaire en affirmant avoir attendu minuit (fin de vacation) devant le local d'APFS. Le directeur vous a demandé si les agents d'APFS étaient toujours présent. Dans un premier temps vous avez répondu que oui puis vous avez de nouveau changé d'argumentaire en disant qu'ils étaient partis mais que vous avez attendu devant le local fermé.

A aucun moment vous n'avez averti votre hiérarchie alors que vous êtes toujours sous la responsabilité de l'entreprise.

De plus, après vérification de votre pointage ce jour-là, vous avez badgé à 23h39 au lieu de 00H (heure de fin prévue par votre planning). Par conséquent, vous êtes en départ anticipé non autorisé pour le reste de votre vacation.

Nous avons pris note de vos explications.

Toutefois, ces dernières ne nous ont pas permis de changer notre appréciation des faits.

En effet, en utilisant votre téléphone personnel et en vous restaurant durant votre temps de travail, vous vaquiez à des occupations personnelles, alors même que vous auriez dû être a la disposition de vos supérieurs, attentif et prêt à intervenir en cas de besoin.

De même, vos actions traduisent un réel manque de professionnalisme de votre part, ainsi qu'un mépris certain à l'égard des règles en vigueurs au sein de notre société.

En effet, malgré les très nombreuses mises en garde de vos différents responsables, vous refusez obstinément de vous conformer à ces dernières.

Votre laxisme et votre absence de discernement ne concourent pas à développer une image professionnelle de nos équipes.

Enfin, la teneur des différents échanges, parfois menaçants, que vous avez eu avec vos deux responsables dans le cadre des incidents évoqués démontrent le plus profond mépris dont vous faites preuve à l'égard de votre hiérarchie et de notre entreprise.

Nous ne pouvons nullement tolérer que vous vous adressiez de la sorte envers vos differents responsables.

En refusant de vous plier aux directives de vos différents responsables, en vous adressant à ces derniers de la sorte et en refusant obstinément de vous conformer aux règles qui vous ont été pourtant rappelées à maintes reprises, vous avez fait preuve d'une réelle insubordination à l'égard de votre hiérarchie.

Aussi, nous ne pouvons que condamner avec la plus grande fermeté vos agissements qui ne reflètent pas l'image de notre société et qui remettent pleinement en cause la confiance que nous vous avons accordée lors de votre transfert au sein de la société City One Bags. Ceux qui est de plus regrettable car nous rappelons que ce n'est pas la première fois que vous êtes convoqué. En effet, pour des faits similaires et répétitifs, vous avez été sanctionné à plusieurs reprises :

- Un avertissement le 18 décembre 2015,

- Un avertissement le 04 octobre 2016,

- Une mise à pied disciplinaire de 3 jours le 21 décembre 2016,

- Une mise à pied disciplinaire de 7 jours le 15 mai 2017,

- Une mise à pied disciplinaire de 7 jours le 04 mai 2017.

De ce fait, ne pouvant laisser perdurer plus longtemps une telle situation, nous n'avons d'autre alternative que de vous notifier votre licenciement pour faute grave, privatif d'indemnité de préavis et de licenciement. (...)'

Il résulte des dispositions de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié, aucune personne en formation ou en stage ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet dune mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

Conformément aux dispositions de l'article L.1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application de ces articles, il appartient au salarié de présenter des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La cour d'appel dans son arrêt du 17 juin 2021 a annulé les sanctions disciplinaires prononcées à l'encontre de M. [C] et l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts pour harcèlement moral résultant selon lui de la succession de ces sanctions. Comme retenu précédemment, si la cour peut examiner la demande de M. [C] au titre d'un harcèlement moral et de la nullité du licenciement en raison de celui-ci, elle ne peut pas statuer sur l'existence d'un harcèlement antérieurement aux faits relatifs au licenciement en raison de l'autorité de la chose jugée.

Il ne peut pas être valablement soutenu par la société que le licenciement constitue un acte isolé qui doit seul être pris en considération pour apprécier l'existence ou non d'un harcèlement moral alors qu'il s'inscrit dans la continuité de la relation contractuelle et constitue un élément nouveau qui permet à la cour de statuer sur l'existence ou non d'un harcèlement moral au moment où il a été prononcé.

A l'appui de son allégation de harcèlement moral, M. [C] invoque les sanctions disciplinaires antérieures, les rapports qui ont été dressés à son encontre les 18, 19, 20 et 31 octobre puis le 8 novembre 2017 ainsi que la lettre de licenciement. Il verse également aux débats une lettre du docteur [R] du 23 mai 2017 faisant état d'un syndrome dépressif ainsi que des prescriptions de médicaments.

Compte tenu de la répétition de sanctions disciplinaires injustifiées en l'espace de 7 mois comme retenu par la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 17 juin 2021, de la succession rapide de 5 rapports disciplinaires et du licenciement, le salarié présente des éléments de faits qui pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'un harcèlement. Il incombe dès lors à la société de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

A l'appui de la mesure de licenciement, la société produit les cinq rapports des 18, 19, 20 et 31 octobre puis du 8 novembre 2017. Ces rapports sont établis par courriers électroniques soit par M. [L] soit par M. [U], salariés de l'entreprise donc placés sous un lien de subordination. Ces rapports non signés ne sont pas confirmés par des attestations de leur part et ne sont pas corroborés par des éléments objectifs. En conséquence, la cour retient que la société ne prouve pas que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Dès lors, M. [C] a été victime d'un harcèlement moral.

Sur le licenciement

Sur la nullité du licenciement en raison d'un harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-3 du code du travail, toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En conséquence, compte tenu de ce qui précède, la cour retient que le licenciement est nul à ce titre comme procédant du harcèlement moral subi par M. [C].

Sur la nullité du licenciement prononcé à l'encontre d'un salarié usant d'une de ses libertés fondamentales

M. [C] soutient que son licenciement constitue une mesure de rétorsion aux actions en justice qu'il a diligentées et à son témoignage dans une instance opposant la société à d'autres salariés.

Il fait également valoir que son licenciement est intervenu concomitamment avec le licenciement de deux de ses collègues alors qu'ils avaient tous les trois attesté dans l'intérêt d'autres salariés dans une procédure les opposant à la société City one bags.

La société fait valoir que le licenciement n'est pas nul à ce titre car la rédaction des attestations ne fait pas partie des griefs énoncés dans la lettre de licenciement, leur date est éloignée dans le temps du licenciement et d'autres salariés ayant également attesté n'ont pas fait l'objet de sanctions. Elle ajoute que le salarié n'apporte pas la preuve d'un lien entre la mesure de licenciement et son attestation.

Le licenciement intervenu en raison d'une action en justice introduite par le salarié est nul comme portant atteinte à une liberté fondamentale, peu important que la demande du salarié soit non fondée. La nullité du licenciement est également encourue lorsqu'il est porté atteinte à son droit de témoigner en justice qui constitue également une liberté fondamentale.

En l'espèce, M. [C] invoque les actions suivantes :

- sa saisine du conseil de prud'hommes de Paris le 2 août 2017 ayant conduit à l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021 ;

- son témoignage au soutien de l'action d'un salarié dans le cadre d'une affaire ayant donné lieu à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 mars 2017 ;

- sa participation à une action en justice collective.

Si cette dernière action a été engagée le 23 novembre 2017 de sorte que le licenciement ne peut pas être en lien avec elle, il est constant que M. [C] a témoigné dans le cadre d'une action d'un salarié ayant conduit à un arrêt de la cour d'appel de Paris du 2 mars 2017 et qu'il a engagé l'action ayant donné lieu à l'arrêt du 17 juin 2021 par requête du 2 août 2017. Le licenciement du salarié fait donc suite à ces actes.

Dès lors, il convient en premier lieu de rechercher si le licenciement prononcé à son encontre est fondé puis il appartiendra à l'employeur si le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, d'établir que sa décision était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par le salarié de son droit d'agir en justice et de son droit de témoigner.

M. [C] conteste les faits qui lui sont reprochés alors que la société soutient qu'ils sont établis.

Il résulte des articles L. 1234-1 et L. 1234-9 du code du travail que la faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise et nécessite son départ immédiat sans indemnité. L'employeur qui invoque une faute grave doit en rapporter la preuve.

Il a été précédemment retenu par la cour que la société ne justifiait pas par des éléments objectifs du bien fondé de la mesure de licenciement de sorte que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

Il appartient dès lors à la société d'établir que sa décision de licenciement était justifiée par des éléments étrangers à toute volonté de sanctionner l'exercice par le salarié de son droit d'agir en justice et de son droit de témoigner.

La société fait valoir en premier lieu le débouté de M. [C] de sa demande au titre d'un harcèlement moral par l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 17 juin 2021. Cependant, le fait que la requête du salarié a conduit à son débouté à ce titre est indifférent. Elle soutient en second lieu que d'autres salariés ayant attesté et étant cités dans les arrêts produits, n'ont pas fait l'objet de sanction. La cour constate qu'elle ne les dénomme pas et qu'elle ne justifie pas de l'absence de mesures prises à leur encontre.

En conséquence, la cour retient que le licenciement de M. [C] est nul à ce titre.

La décision des premiers juges sera infirmée quant à la nullité du licenciement sans qu'il soit besoin d'examiner d'autres moyens.

Sur les demandes liées à la nullité du licenciement

M. [C] sollicite sa réintégration. La société City One bags soutient que cette réintégration est impossible en raison du comportement du salarié.

Sauf impossibilité matérielle, la réintégration sollicitée par le salarié doit être ordonnée.

En l'espèce, la cour ayant retenu que les faits reprochés au salarié dans le cadre de la procédure de licenciement n'étaient pas établis, la réintégration de M. [C] sera ordonnée.

M. [C] sollicite également le paiement de ses salaires depuis son licenciement jusqu'à sa réintégration ainsi que le paiement d'une indemnité de congés payés et la remise des bulletins de salaire sous astreinte.

La société fait valoir qu'il convient de déduire des salaires les sommes reçues au titre de l'indemnisation du chômage et que ces sommes n'étant pas justifiées, il convient de débouter M. [C] de cette demande.

Le salarié dont le licenciement est nul et qui demande sa réintégration, a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé. Cependant, lorsque la nullité du licenciement résulte d'une atteinte à une liberté fondamentale, aucune déduction de salaire ne peut être opérée.

Il convient en conséquence de condamner la société au paiement d'une somme correspondant aux salaires qu'aurait perçus M. [C] entre son licenciement et sa réintégration effective dans les termes de sa demande.

En conséquence, la société City one bags sera condamnée à lui payer :

- un rappel de salaires à compter du licenciement jusqu'au jour de la réintégration effective cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 42 231,57 euros pour la période du mois de novembre 2017 au mois d'octobre 2020 ;

- une indemnité compensatrice de congés payés afférents au rappel de salaire, cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 4 223,16 euros pour la période du mois de novembre 2017 au mois d'octobre 2020.

Le jugement sera infirmé sur ces chefs de demande.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

M. [C] fait valoir que la société a manqué à son obligation de sécurité disposée par l'article L. 4121-1 du code du travail en ne remettant pas en cause les rapports des responsables adjoints et en ne tenant pas compte de ses observations.

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

La société City one bags n'allègue ni ne justifie de la mise en place de moyens tendant à prévenir le harcèlement moral.

En conséquence, il est établi que la société a manqué à son obligation de sécurité. Le jugement est infirmé de ce chef.

Sur les conséquences du harcèlement moral et du manquement à l'obligation de sécurité

M. [C] sollicite la condamnation de la société au paiement de dommages intérêts en réparation du préjudice qu'il a subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité durant l'exécution de son contrat de travail sur le fondement des dispositions des article L. 1152-1 et L. 4121-1 du code du travail.

Le préjudice résultant du harcèlement moral dont le salarié a été victime et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité sera réparé par la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts au paiement de laquelle la société sera condamnée.

La décision des premiers juges sera infirmée à ce titre.

Sur la demande de rappel de salaire au titre de la prime de vacances

M. [C] sollicite la condamnation de la société City one bags à lui payer la somme de 696,36 euros au titre de la prime de vacances prévue à l'article 19 de la convention collective régionale Samera.

La société City one bags fait valoir que le bulletin de paie du mois de mai 2017 justifie du paiement de cette prime.

L'article 19 de la convention collective régionale Samera prévoit le paiement d'une prime de vacances au-delà d'un an de présence dans l'entreprise au 1er juin de chaque année. Il appartient à la société City one bags de rapporter la preuve de ce qu'elle s'est acquittée de son obligation. Le bulletin de salaire produit aux débats mentionne le paiement de la prime de vacances sollicitée au mois de mai 2017 et le salaire afférent à ce mois ayant été versé, il convient de débouter M. [C] de cette demande.

Conformément aux dispositions précitées de la convention collective applicable, cette prime est acquise au personnel ayant un an de présence dans l'entreprise au 1er juin de chaque année de sorte que cette prime sera due chaque année à compter de l'année 2018 jusqu'à la réintégration effective du salarié soit la somme de 795,80 euros par an.

Sur la remise de bulletins de salaire

Il convient de faire droit à la demande de délivrance des bulletins de paie conformes à la présente décision sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur le remboursement à Pôle emploi

En application de l'article L. 1235-4 du code du travail, il est ordonné à la société City one bags de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [C] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités.

Sur les intérêts

En application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les créances salariales produisent intérêt au taux légal à compter de la notification de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et d'orientation soit en l'espèce le 23 juillet 2018 et les créances indemnitaires produisent intérêt au taux légal à compter de la décision qui les prononce.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Partie perdante à titre principal, la société City one bags sera condamnée aux dépens de la procédure. Il convient de la condamner à payer à M. [C] une indemnité de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance, le jugement étant infirmé de ce chef, et de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. La société City one bags sera déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, la décision des premiers juges étant confirmée à ce titre.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire mis à disposition,

DÉCLARE recevables les demandes de M. [N] [C],

INFIRME le jugement en toutes ses dispositions,

STATUANT à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,

DÉCLARE nul le licenciement de M. [N] [C],

ORDONNE la réintégration de M. [N] [C] au poste qu'il occupait avant son licenciement,

CONDAMNE la société City one bags au paiement de :

- un rappel de salaires à compter du licenciement jusqu'au jour de la réintégration effective cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 42 231,57 euros pour la période du mois de novembre 2017 au mois d'octobre 2020 outre une prime de vacances de 795,80 euros par an à compter de l'année 2018 ;

- une indemnité compensatrice de congés payés afférents au rappel de salaire, cette créance s'élevant d'ores et déjà à la somme de 4 223,16 euros pour la période du mois de novembre 2017 au mois d'octobre 2020 ;

- 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité ;

- 1 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- 1 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel,

avec intérêt au taux légal s'agissant des créances de nature salariale à compter de la notification de la convocation du défendeur devant le bureau de conciliation et d'orientation soit en l'espèce le 23 juillet 2018 et s'agissant des créances indemnitaires à compter de la décision qui les prononce,

ORDONNE à la société City One bags de remettre à M. [N] [C] des bulletins de paie conformes à la présente décision,

DIT n'y avoir lieu à astreinte,

ORDONNE à la société City one bags de rembourser à Pôle emploi les indemnités chômage versées à M. [N] [C] du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de six mois d'indemnités,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

CONDAMNE la société City one bags aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/05054
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;20.05054 ?
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