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18/01/2023 | FRANCE | N°20/05419

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 18 janvier 2023, 20/05419


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 18 JANVIER 2023



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05419 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCICD



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/03726



APPELANT



Monsieur [J] [N] [W] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065



INTIMEES



Association FONDATION D'ENTREPRISE [8]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée pa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 18 JANVIER 2023

(n° , 12 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05419 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCICD

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Juin 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° F19/03726

APPELANT

Monsieur [J] [N] [W] [Z]

[Adresse 3]

[Localité 6]

Représenté par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

INTIMEES

Association FONDATION D'ENTREPRISE [8]

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Benjamin LOUZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J044

Association FONDS DE DOTATION [8] Prise en la personne de son représentant légal, Président, la FONDATION PARIS-SAINT GERMAIN, elle-même représentée par son Président, Monsieur [P] [O]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Benjamin LOUZIER, avocat au barreau de PARIS, toque : J044

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Août 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [J] [Z], né le 12 juin 1981, a été engagé par la Fondation d'entreprise [8], selon contrat de travail à durée déterminée du 28 avril 2008 pour la période du 28 avril 2008 au 2 mai 2008. Un nouveau contrat à durée déterminée du 14 mai 2008 a été conclu pour la journée du 14 mai 2008. Un contrat à durée indéterminée dit 'intermittent' du 2 septembre 2008 prenant effet le jour même a été conclu entre les mêmes parties. Le salarié occupait dernièrement le poste de «Responsable Opérations et Coordination».

La Fondation d'entreprise [8] est une association créée le 11 juillet 2000, dont l'objet, selon ses statuts, est de « créer et porter les projets sociaux caritatifs sportifs du club de Football du [8], à destination des enfants : enfants malades, enfants des quartiers, etc... ».

Le Fonds de dotation [8] est une association créée le 14 mai 2013 dont l'objet, défini dans ses statuts, est de « collecter des fonds en vue de participer à des missions d'intérêt général à caractère humanitaire ». Il coopère avec la Fondation d'entreprise [8].

Par lettre du 12 octobre 2018, M. [Z] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 31 octobre 2018 avec mise à pied conservatoire.

M. [Z] a ensuite été licencié pour faute grave par lettre datée du 12 novembre 2018.

La lettre de licenciement fait référence aux motifs suivants :

« - Dénigrements et mise à l'écart de Madame [F] [G] ;

- Dénigrements de ses collaborateurs ;

- 164 biens sortis du stock en son nom et sans justificatif ni respect de la procédure de sortie de stock ;

- Le non-respect des procédures d'embauche des éducateurs vacataires ;

- Des absences injustifiées ;

- Le don de places pour un Parc d'attraction à sa plus proche collaboratrice alors qu'elles sont réservées aux enfants et associations ;

- L'atteinte à son obligation de loyauté envers la Fondation du fait de la direction d'un autre club de football ».

M. [Z] a saisi le 3 mai 2019 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par jugement du 25 juin 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :

- dit n'y avoir co-emploi du salarié par le Fonds de dotation [8] et le la Fondation d'entreprise [8] ;

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la Fondation d'entreprise [8] à verser à M. [J] [Z] les sommes suivantes :

' 9.877,69 euros d'indemnité de licenciement ;

' 6.942,68 euros d'indemnité compensatrice de préavis et de rappel de salaire sur la mise à pied ;

' 694,26 euros d'indemnité de congés payés afférents ;

' avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation ;

' 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- ordonné la remise des documents sociaux conformes,

- débouté M. [Z] du surplus de ses demandes,

- débouté la Fondation d'entreprise [8] et le Fonds de dotation [8] de leurs demandes reconventionnelles,

- condamné la Fondation d'entreprise [8] et le Fonds de dotation [8] aux dépens.

Par déclaration du 4 août 2020, M. [Z] a interjeté appel de cette décision, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 8 juillet 2020.

Dans ses dernières conclusions, remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 août 2022, M. [Z] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu'il a :

- débouté la Fondation d'entreprise [8] et le Fonds de dotation [8] de leurs demandes,

- condamné la Fondation d'entreprise [8] et le Fonds de dotation [8] aux entiers dépens de première instance,

L'infirmer pour le surplus et statuant à nouveau :

- dire que le Fonds de dotation du [8] a la qualité de co-employeur avec la Fondation d'entreprise [8], de M. [Z] et que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse.

En conséquence,

-Condamner in solidum les deux intimées au paiement des sommes suivantes à M. [Z] :

' A titre principal, 113.488,50 euros d'indemnité pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse en écartant le barème de l'article L. 1235-3 du Code du travail et subsidiairement 56.744,25 euros en application du barème,

' 21.226,55 euros d'indemnité légale de licenciement,

' 7.565,90 euros d'indemnité compensatrice de préavis,

' 756,59 euros d'indemnité de congés payés y afférents,

' 50.000 euros dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi,

' 3.524,19 euros de rappel des salaires au titre de la mise à pied conservatoire,

' 352,41 euros d'indemnité de congés payés afférents.

- Condamner la Fondation d'entreprise [8] et le Fonds de dotation du [8] in solidum à remettre à M. [Z] un certificat de travail, une attestation Pôle Emploi, et le dernier bulletin de salaire conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.

Y ajoutant,

- Debouter la Fondation d'entreprise [8] et le Fonds de dotation du [8] de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,

- Requalifier le contrat de travail de M. [Z] en date du 20 octobre 2000 en contrat de travail à durée indéterminée,

-Juger que l'ensemble des sommes octroyées porteront intérêt au taux légal à compter de la date de la requête initiale,

- Condamner la Fondation d'entreprise [8] et le Fonds de dotation du [8] in solidum à payer à M. [Z] la somme de 6.000 euros pour la première instance et 6.000 euros pour la procédure d'appel, en application de l'article 700 du Code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Etevenard, Avocat aux offres de droit,

- Condamner la Fondation d'entreprise [8] et le Fonds de dotation du [8] in solidum aux entiers dépens de l'instance d'appel.

Dans leurs dernières conclusions, remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 8 août 2022, la Fondation d'entreprise du [8] et le Fonds de dotation du [8] demandent à la Cour  de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [Z] de ses demandes et de l'infirmer en ce qu'il a :

- considéré que le licenciement reposait sur une cause réelle et sérieuse,

- condamné la Fondation [8] à verser à M. [Z] les sommes suivantes :

' 9.877,69 € à titre d'indemnité de licenciement,

' 6.942,68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis et la mise à pied,

' 694,26 € à titre de congés payés afférents,

' Avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation ;

' 800 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge de la Fondation d'entreprise [8] ;

- débouté la Fondation [8] et le Fonds de dotation [8] de leurs demandes reconventionnelles.

Elles prient la cour de rejeter l'ensemble des demandes de M. [J] [Z], de le condamner à verser à chacune d'entre elles la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 30 août 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 31 août 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

La cour n'est pas saisie d'un appel sur les demandes de dommages-intérêts pour procédure abusive formées par la Fondation d'entreprise [8] et de la Fondation d'entreprise [8].

1 : Sur l'ancienneté du salarié

M. [J] [Z] sollicite la requalification en contrat à durée indéterminée du contrat à durée déterminée conclu avec l'employeur 20 octobre 2000 et en tant que de besoin, selon les motifs de ses conclusions, du contrat à durée déterminée du 28 avril 2008. S'agissant du premier de ces contrats il relève que n'y était pas mentionné le motif du recours à un contrat précaire, ni la durée du contrat. Il soutient que cette demande nouvelle en cause d'appel est recevable comme nécessaire au calcul des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui sont soumis à un barème, fonction de l'ancienneté. Par ailleurs, il entend voir faire remonter son ancienneté au 1er août 1999, date à laquelle il a commencé à travailler pour le groupe dans le cadre d'un contrat d'apprentissage avec le [8] foot ball club.

La Fondation d'entreprise [8] soulève l'irrecevabilité de la demande comme nouvelle en cause d'appel et à tout le moins la prescription.

Sur ce

Aux termes des articles 564 et suivants du code procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait. Cependant, les prétentions ne sont pas nouvelles, dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La fixation de l'ancienneté du salarié, qui découle de la requalification revendiquée de son contrat de travail à durée déterminée du 28 octobre 2000, modifie les droits du salarié au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de l'indemnité de licenciement, sollicitées en première instance. En effet, les deux indemnités qui sont respectivement fixés et encadrés par la loi en fonction de l'ancienneté. Par conséquent, cette demande nouvelle est le complément nécessaire des demandes effectuées au premier degré et elle est recevable.

Aux termes de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, les dispositions de celles-ci qui réduisent la durée de la prescription de 30 à 5 ans s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de cette loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

Il s'ensuit que la demande de requalification de ces contrats antérieurs à ladite loi, est nécessairement prescrite, puisque le conseil des prud'hommes a été saisi bien après l'expiration du délai de cinq ans qui a suivi l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008.

L'existence d'une relation de travail avec diverses sociétés du même groupe, n'implique sauf coemploi aucun lien contractuel entre le salarié et lesdites sociétés, lorsqu'aucune contrat de travail n'a été conclu entre eux.

Lors de la signature du contrat à durée indéterminée du 2 septembre 2008, M. [J] [Z] n'avait plus de lien de droit avec la Fondation d'entreprise [8] depuis le 18 mai 2008, date d'expiration du dernier contrat à durée déterminé conclu entre les parties.

Dans ces conditions, l'ancienneté du salarié ne saurait être fixé à une date antérieure au 18 mai 2008.

2 : Sur le coemploi

M. [J] [Z] soutient qu'il était lié à la Fondation d'entreprise [8] et au Fonds de dotation [8] dans le cadre d'un coemploi, à raison de la communauté d'intérêts et de dirigeants à savoir MM. [O] et [R] et de leur action commune en vue de la réalisation d'actions communes humanitaires et sociales aux fins de promouvoir l'insertion professionnelle et sociale des jeunes en difficulté.

L'existence d'une relation de travail salarié ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs ;

L'existence d'un contrat de travail peut être reconnue entre un salarié et une autre entité que l'employeur expressément désigné dans le contrat si le salarié se trouve sous la subordination juridique de chacun d'eux, le salarié étant dans un rapport de subordination avec plusieurs employeurs et ce rapport juridique de fait se superposant alors à la relation de travail nouée avec l'employeur signataire du contrat, ou s'il existe une confusion d'intérêts, d'activités et de direction entre l'employeur initial du salarié et une autre personne physique ou morale, se manifestant par une immixtion permanente de la seconde dans la gestion économique et sociale du premier.

Pour toute preuve du prétendu coemploi, M. [J] [Z] produit un document internet indiquant que la Fondation et le Fonds de dotation du [8] s'appellent désormais le [8] 'Children First' ainsi qu'une liste de projets intitulée 'Répartition des projets'.

Aucun des critères du coemploi ne peut être tiré de ces documents dont la signification exacte est inconnue et la demande de reconnaissance de celui-ci sera écartée.

3 : Sur le licenciement

3.1 : Sur la cause

Il résulte des articles L. 1234 - 1 et L. 1234 -9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à préavis ni à indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié d'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Il convient d'analyser successivement chacun des griefs invoqués.

En premier lieu, le salarié se voit reproché des dénigrements, des propos sexistes, un harcèlement et des insultes envers ses collaborateurs, notamment Mmes [K], Mme [G], Mme [Y], M. [E], M. [A] et Mme [L] et la mise à l'écart de Mme [G], chef du Pôle Mecent et Evènementiel.

L'employeur produit à l'appui de ce grief d'une part essentiellement échanges de courriels et notes internes datant pour la plupart d'octobre 2018, paraissant conçus pour alimenter un dossier de licenciement et d'autre part des attestations de la supérieure hiérarchique de l'intéressé, partie prenante à la rupture. Ces pièces suspectes par leur origine et leurs dates font état de bruits et confidences souvent vagues et peu circonstanciés ou subjectives au sein d'une entreprise agitée par des conflits de pouvoirs et des compétitions pour le poste d'adjoint au directeur. Ceci ne saurait suffire pour établir un comportement sanctionnable disciplinairement.

Ce premier grief n'est pas établi.

L'employeur reproche à M. [J] [Z] des sorties du stock de 164 biens en son nom, sans justification dûment remplie et sans courriel de demande de la part d'un partenaire, ni respect de la procédure de sortie des stocks. La Fondation d'entreprise [8] relève en particulier le détournement de mini buts au profit du club de Foot Ball d'[Localité 7], dont M. [J] [Z] était directeur sportif.

M. [J] [Z] soulève la prescription de ces faits remontant à 2019 et objecte qu'en tout état de cause il n'était pas responsable des stocks et que chaque objet sorti de stock était remis à un membre de l'équipe.

En application de l'article L. 1332-4 du code du travail aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que le comportement du salarié se soit poursuivi ou réitéré dans ce délai et s'il s'agit de faits de même nature.

Il ne ressort pas des tableaux produits relatifs aux pièces sorties des stocks ni d'aucune pièce que l'employeur à eu connaissance de ces sorties de stocks litigieuses moins de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire par la lettre de convocation à l'entretien préalable du 12 octobre 2018. Par suite ces faits sont prescrits.

S'agissant des minibuts du chef desquels la prescription ne paraît pas soulevée,

M. [U], chargé de mission au sein du Fonds de Dotation du Paris-Saint-Germain, atteste avoir utilisé ces minibuts et les avoir restitués.

Un doute existe sur l'origine de cet usage des minibuts, qui en outre semblent avoir servi de manière très provisoire au club [Localité 7].

Dans ces conditions ce grief sera écarté.

La Fondation d'entreprise [8] fait grief à M. [J] [Z] de n'avoir pas suivi les procédures d'embauche des éducateurs vacataires, en ce qu'il n'a pas respecté le délai de prévenance nécessaire pour laisser aux services administratifs le temps de préparer les contrats, que deux salariés ont travaillé en août 2018 sous contrats à durée déterminée non signés, et qu'une éducatrice a été embauchée en août 2018 sans contrat.

M. [J] [Z] oppose la prescription. Au fond, il souligne que les délais de prévenance étaient fixés de manière variable et que le délai théorique d'une semaine n'était pas compatible avec la charge de travail de la Fondation. En outre il impute ces éventuels manquements à Mme [G] qui assurait le côté administratif de l'embauche en relation avec les Ressources Humaines.

Les échanges de courriels versés aux débats pour illustrer les difficultés posées par les recrutements tardifs et notamment de celui d'un éducateur spécialisé qui a dû quitter son poste faute de contrat signé, remontent à juin et juillet 2022. Par suite ce dysfonctionnement à supposer qu'il soit imputable à une faute de M. [J] [Z] est prescrit.

La Fondation d'entreprise [8] fait grief à M. [J] [Z] d'avoir donné quatre places pour le parc Astérix à sa plus proche collaboratrice Mme [V] pour qu'elle s'y rende aux frais de l'entreprise sur son temps de travail.

Le salarié répond qu'il était d'usage de proposer les places excédentaires aux membres de l'équipe et Mme [V] atteste en ce sens.

En l'absence de plus amples explications de l'employeur sur les modalités de distribution des places excédentaires au sein de la Fondation, la faute ne peut être retenue.

Il est ensuite reproché au salarié un manquement au devoir de loyauté en ce qu'il aurait dirigé le d'[Localité 7] à l'insu de l'employeur qui ne l'aurait appris qu'en octobre 2018.

M. [J] [Z] répond qu'il s'agissant d'une pratique courante au sein du club qui n'ignorait pas ses fonctions au sein dudit club, profitait mêmes de ses relations en son sein et que la Fondation a feint de le découvrir en octobre 2018.

Il ressort d'un certificat de travail du club d'[Localité 7] que M. [J] [Z] a été embauché en contrat à durée déterminée à temps partiel du 4 septembre 2017 au 30 juin 2018, de sorte qu'il n'a pas nécessairement menti lorsqu'il a répondu le 9 octobre 2018 à la directrice adjointe qu'il collaborait avec ledit club comme autoentrepreneur. De plus, M. [U] atteste que l'on échangeait au sein de la Fondation sur les résultats du club d'[Localité 7] et que l'activité litigieuse de M. [J] [Z] était connue. A tout le moins le contraire n'est pas établi. Il n'est pas plus expliqué en quoi cette seconde activité nuisait à l'employeur.

Ce grief doit être écarté.

La lettre de licenciement évoque aussi l'entreposage par le salarié d'affaires personnelles dans les locaux de la Fondation malgré les demandes faites de les retirer.

Des photograhies montrent des affaires de sport entreposées dans la réserve de la Fondation et deux mises en demeures l'une du 24 octobre 2019 et l'autre du 18 novembre 2019 postérieures à la rupture mettent en demeure l'intéressé de les récupérer. Un manquement à une injonction de l'employeur postérieure à la fin du contrat ne saurait servir de justification à la rupture. Quant à l'entreposage antérieur, en l'absence de mise en demeure à l'époque de la relation de travail et du caractère très relatif de l'encombrement causé, la faute est au pire bénigne.

Il est imputé enfin au salarié une absence injustifiée le 5 octobre 2018, ce que celui-ci justifie par son forfait jours.

Le forfait jours n'a certes pas pour effet d'autoriser le salarié à supprimer des jours de travail de son propre chef.

Il ressort de ses bulletins de paie qu'il a été déjà absent le 28 mai 2018 comme le rappelle la lettre de licenciement, ce qui signifie que ce manquement pour remonter au-delà de deux mois avant l'engagement de la procédure disciplinaire peut être pris en compte comme s'étant répété pendant la période non prescrite où est intervenue l'absence du 5 octobre 2018.

Ce grief peut être retenu. Toutefois à lui seul, il ne saurait fonder un licenciement pour faute grave et même pour faute simple en l'absence de mise en demeure, ni de preuve de perturbations causées au sein de l'entreprise.

Aucun autre reproche n'est établi.

Un licenciement pour un tel motif est disproportionné.

La rupture sera déclarée dénuée de cause réelle et sérieuse.

3.2 : Sur les conséquences financières du licenciement

3.2.1 : Les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [J] [Z] soutient que l'application du barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail doit être écarté, dès lors qu'il se heurte au principe proportionnalité, ce qui serait le cas en l'espèce, compte tenu de l'importance de son préjudice, en ce qu'il a quitté un organisme prestigieux et que la rupture pour faute grave lui a interdit de retrouver un emploi, malgré la réduction de ses prétentions. Il demande donc la somme de 113 488,50 euros de dommages-intérêts, soit plus de 30 mois de salaire, ou, si la cour n'écartait pas le barème, la somme de 56 744,25 euros pour une ancienneté de 19 ans et 4 mois eu égard à la fixation par lui de l'ancienneté à 1999 et la somme de 54 852,77 euros pour une ancienneté remontant à 2000.

Le contrôle de proportionnalité peut être défini comme le contrôle exercé par une juridiction et consistant à vérifier concrètement que l'application d'une règle de droit interne ne conduit pas à porter une atteinte disproportionnée à un droit fondamental garanti par une convention internationale ou par une norme nationale au regard du but légitime poursuivi par cette règle.

Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).

Selon la décision du Conseil d'administration de l'Organisation internationale du travail, ayant adopté en 1997 le rapport du Comité désigné pour examiner une réclamation présentée en vertu de l'article 24 de la Constitution de l' OIT par plusieurs organisations syndicales alléguant l'inexécution par le Venezuela de la Convention n° 158, le terme « adéquat » visé à l'article 10 de la Convention signifie que l'indemnité pour licenciement injustifié doit, d'une part être suffisamment dissuasive pour éviter le licenciement injustifié, et d'autre part raisonnablement permettre l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi.

A cet égard, il convient de relever qu'aux termes de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 de ce code n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à :

1° La violation d'une liberté fondamentale ;

2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ;

3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ;

4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ;

5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ;

6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13.

Selon une jurisprudence constante de la Cour de cassation, la qualification de liberté fondamentale est reconnue à la liberté syndicale, en vertu de l'alinéa 6 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, au droit de grève protégé par l'alinéa 7 du même Préambule, au droit à la protection de la santé visé par l'alinéa 11 du même Préambule, au principe d'égalité des droits entre l'homme et la femme institué à l'alinéa 3 du même Préambule, au droit à un recours juridictionnel en vertu de l'article 16 de la Déclaration de 1789, à la liberté d'expression, protégée par l'article 10 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En application de l'article L. 1132-1 du Code du travail, aucun salarié ne peut faire l'objet d'une discrimination en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une prétendue race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de son exercice d'un mandat électif, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, ou en raison de son état de santé, de sa perte d'autonomie ou de son handicap, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français.

Les protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13 du code du travail concernent la protection de la grossesse et de la maternité, la prise d'un congé d'adoption, d'un congé de paternité, d'un congé parental, d'un congé pour maladie d'un enfant et la protection des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles.

Par ailleurs, selon l'article L. 1235-4 du code du travail, dans le cas prévu à l'article L. 1235-3 du même code, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé. Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées.

Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.

Dés lors que le salarié reconnaît explicitement la conformité de l'article 1235-3 du Code du travail à l'article 10 de la convention 158 de l'OIT et 24 de la Charte sociale européenne, il reconnaît nécessairement qu'aucun droit fondamental n'est atteint par ledit barème, d'autant plus qu'il ne vise lui-même aucun droit fondamental qui justifierait l'application du principe de proportionnalité.

En conséquence le barème fixé par l'article L. 1235-3 du Code du travail ne saurait être écarté.

Il est justifié par des correspondances de Pôle Emploi que le salarié n'avait toujours pas trouvé d'emploi le 27 octobre 2020.

Le salarié ayant entre 10 et 11 ans d'ancienneté, il doit lui être alloué une indemnité comprise entre 3 et 10 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [J] [Z], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il ya lieu de lui allouer, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail une somme de 37 820 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

3.2.2 : Sur les indemnités de nature contractuelle

S'agissant du rappel de salaire sur la mise à pied, reprenant le calcul précis de M. [J] [Z] au demeurant non discuté par l'employeur, la cour lui accorde la somme de 3 524,19 euros outre 352,41 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

Le calcul de l'indemnité de licenciement effectué par le salarié se fonde sur une ancienneté remontant à tort au 1er août 1999 et ne saurait donc être retenu.

Le calcul effectué par le salarié qui retient l'ancienneté admise par la cour doit être repris et il sera donc alloué à M. [J] [Z] une indemnité de licenciement de 9 877,69 euros.

S'agissant de l'indemnité de préavis et d'indemnité de congés payés y afférents.

Au vu des salaires perçus avant la rupture, l'indemnité de préavis qui doit correspondre à ce que le salarié aurait perçu s'il avait travaillé est fixé à deux mois de salaire à hauteur de 3471,34 euros par mois, soit 6 942,68 euros et 694,26 euros d'indemnité de congés payés y afférents.

3.2.3 : Sur la délivrance des documents de fin de contrat

Au vu des motifs qui précèdent, il sera ordonné la délivrance des documents de fin de contrat sollicités dans les conditions prévues au dispositif, sans qu'il soit nécessaire de fixer une astreinte.

3.2.4 : Sur le remboursement des indemnités de chômage par Pôle-Emploi

En application de l'article L 1235-4 du Code du travail, il sera ordonné le remboursement par l'employeur à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées au salarié dans la limite de six mois à compter du jour de son licenciement, dès lors qu'il ne s'agit pas du licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés.

3.2.5 : Sur les dommages-intérêts pour préjudice moral

M. [J] [Z] sollicite l'allocation de la somme de 5 000 euros en réparation d'un préjudice moral distinct.

Il n'explique, ni ne justifie de ce prétendu préjudice et sera donc débouté de cette prétention.

4 : Sur les intérêts, l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Conformément aux dispositions de l'article 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l'accusé de réception de la convocation de l'employeur devant le bureau de conciliation et sur les créances indemnitaires à compter du présent arrêt.

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner la Fondation d'entreprise [8], qui succombe à payer à M. [J] [Z] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance et le même montant au titre des frais irrépétibles d'appel.

Il est équitable au regard des situations économiques respectives des parties de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile par le Fonds de dotation [8] ;

Pour les mêmes motifs, l'employeur sera débouté de ses prétentions de ce chef et condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Constate que la cour n'est pas saisie d'un appel sur les demandes en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive de la Fondation d'entreprise [8] et le Fonds de dotation [8] ;

Statuant sur le surplus ;

Infirme le jugement déféré sauf sur les demandes de M. [J] [Z] contre la Fondation d'entreprise [8] en paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral et d'une indemnité légale de licenciement ainsi que sur les demandes de la Fondation d'entreprise [8] et du Fonds de dotation [8] en paiement d'une indemnité au titre des frais irrépétibles de première instance ;

Statuant à nouveau ;

Condamne la Fondation d'entreprise [8] à payer à M. [J] [Z] les sommes suivantes :

- 37 820 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

- 3 524,19 euros de rappel de salaire pour mise à pied ;

- 352,41 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 6 942,68 euros d'indemnité de préavis ;

- 694,26 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 3 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- avec intérêts au taux légal à compter de la réception par la Fondation d'entreprise [8] de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil des prud'hommes ;

Ordonne la délivrance à M. [J] [Z] par la Fondation d'entreprise [8] d'un bulletin de salaire, d'une attestation Pôle Emploi et d'un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le délai d'un mois à compter de la signification de celui-ci ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande de requalification du contrat à durée déterminée du 20 octobre 2000 en contrat à durée indéterminée ;

Condamne la Fondation d'entreprise [8] à payer à M. [J] [Z] la somme de 3 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Ordonne le remboursement par le la Fondation d'entreprise [8] à Pôle-Emploi des indemnités de chômage versées à M. [J] [Z] à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois ;

Condamne la Fondation d'entreprise [8] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/05419
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;20.05419 ?
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