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18/01/2023 | FRANCE | N°20/00621

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 18 janvier 2023, 20/00621


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 18 JANVIER 2023

(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00621 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJLR



Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 Septembre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section Commerce chambre 7 - RG n° F19/00128





APPELANT



Monsieur [N] [R] [U]

[Adresse 1]

[Localité

4]



Représenté par Me Aude SIMORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257







INTIMÉE



SAS GRENELLE HOTEL

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Sonia HEMITOUCHE, ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 18 JANVIER 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00621 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBJLR

Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 Septembre 2019 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - Section Commerce chambre 7 - RG n° F19/00128

APPELANT

Monsieur [N] [R] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Aude SIMORRE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0257

INTIMÉE

SAS GRENELLE HOTEL

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Sonia HEMITOUCHE, avocat au barreau de PARIS, toque : C1449

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 9 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Stéphane MEYER, président, chargé du rapport, et Mme Valérie BLANCHET, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président de chambre, et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [N] [U] a été engagé par la société Grenelle Hôtel, pour une durée indéterminée à compter du 15 septembre 2015, en qualité de réceptionniste.

La relation de travail est régie par la convention collective des hôtels, cafés, restaurants.

Victime d'un accident du travail survenu le 28 mars 2016, Monsieur [U] a fait l'objet d'arrêts de travail et au terme d'une seconde visite du 25 mai 2018, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste.

Par lettre du 26 juin 2018, Monsieur [U] était convoqué pour le 5 juillet à un entretien préalable à son licenciement, lequel lui a été notifié le 9 juillet 2018 suivant pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Le 9 janvier 2019, Monsieur [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris et formé des demandes afférentes à un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ainsi qu'à l'exécution de son contrat de travail.

Par jugement du 5 septembre 2019, le conseil de prud'hommes de Paris a débouté Monsieur [U] de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

A l'encontre de ce jugement notifié le 13 janvier 2020, Monsieur [U] a interjeté appel en visant expressément les dispositions critiquées, par déclaration du 20 janvier 2020.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 octobre 2022, Monsieur [U] demande l'infirmation du jugement et la condamnation de la société Grenelle Hôtel à lui payer les sommes suivantes :

- indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 10 000 € ;

- dommages et intérêts pour méconnaissance de l'obligation de sécurité : 5 000 € ;

- dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail : 5 000 € ;

- indemnité pour frais de procédure : 3 000 €.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Monsieur [U] expose que :

- l'employeur ne justifie pas avoir recueilli l'avis des délégués du personnel en ce qui concerne les possibilités de reclassement ;

- lui-même n'a pas été consulté à cet égard ;

-la société ne démontre pas avoir fait des recherches effectives et loyales de reclassement au sein du groupe Accor dont elle fait partie ;

- elle a méconnu son obligation d'exécution de bonne foi du contrat en ne respectant pas son obligation de reclassement ;

- elle a méconnu son obligation de sécurité ;

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 avril 2020, la société SAS Grenelle hôtel demande la confirmation du jugement, sauf à déclarer irrecevables les demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation d'exécution de bonne foi du contrat de travail. Elle demande également la condamnation de Monsieur [U] à lui payer une indemnité de procédure de 4 000 €.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, la société SAS Grenelle hôtel fait valoir que :

- l'indemnisation des dommages résultant d'un accident du travail relève de la compétence exclusive du tribunal des affaires de sécurité sociale ; à titre subsidiaire, cet accident ne résulte pas d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité mais d'une inattention de Monsieur [U] ;

- la demande de dommages-intérêts pour absence de loyauté dans l'exécution de l'obligation de reclassement aboutirait à une double indemnisation et n'est pas fondée ;

- elle a régulièrement consulté les délégués du personnel ;

- elle n'a aucun lien capitalistique avec le Groupe Accor auquel elle n'est liée que par un contrat de franchise, de sorte qu'elle n'avait aucune obligation de recherche de reclassement au sein de ce groupe ;

- à titre subsidiaire, Monsieur [U] ne peut réclamer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse supérieure à 6 310,22 euros.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 4 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

* * *

MOTIFS

Sur le licenciement et la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail

Aux termes de l'article L1226-10 du code du travail, lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.

Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.

L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Cet article précise que "Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce".

En l'espèce, le 25 mai 2018, le médecin du travail a déclaré Monsieur [U] inapte à son poste, précisant qu'il "pourrait effectuer un poste sans position debout prolongée et sans port de charge. Il faudrait un poste avec une position assise avec un siège adapté et la possibilité de se lever en cas de besoin. Le salarié peut bénéficier d'une formation compatible avec ses capacités restantes susmentionnées".

Par lettre du 28 mai 2018, la société Grenelle Hôtel a demandé au médecin du travail des précisions sur l'aptitude résiduelle de Monsieur [U] et sur les possibilités de reclassement au sein de l'entreprise ; le médecin a répondu par courriel du 5 juin suivant.

La société Grenelle Hôtel produit un compte-rendu d'entretien de réunion des délégués du personnel du 7 juin 2018, mentionnant la présence de la directrice et de Madame [L], déléguée titulaire du personnel, rappelant l'échange avec le médecin du travail et portant sur les postes disponibles au sein de l'entreprise et compatibles avec les préconisations de ce médecin. Ce document est signé par ces deux personnes.

La société Grenelle Hôtel produit également le procès-verbal des élections des délégués du personnel du 16 novembre 2015, faisant apparaître Mesdames [L] et [J] comme déléguées titulaires, la preuve du fait que Madame [J] se trouvait en congé parental au moment de la procédure de licenciement de Monsieur [U] et, enfin, un courriel de madame [L], laquelle explique que, lors de la réunion du 7 juin, elle avait eu connaissance des échanges avec la médecine du travail et de l'avis d'inaptitude de Monsieur [U].

Il résulte de ces éléments que, contrairement à ce que prétend Monsieur [U], la procédure de consultation des institutions représentatives du personnel a été respectée.

En ce qui concerne le périmètre des recherches de reclassement, Monsieur [U] fait valoir que l'hôtel exploité par l'employeur figurait sur la base de données du groupe Accor, que l'adresse mail de la directrice de l'établissement était une adresse @accor.com et surtout, que les recrutements du personnel se faisaient au niveau du groupe, ainsi que cela apparaît sur son site Internet, ce dont il résulte qu'il existait une possibilité de permutation du personnel entre la société Grenelle Hôtel et d'autres sociétés du réseau Accor.

Cependant, sans être utilement contredite sur ce point, la société Grenelle Hôtel expose qu'elle n'a aucun lien capitalistique avec le groupe Accor mais fait seulement partie de son réseau, dans le cadre d'un contrat de franchise, ce dont il résulte que les nouvelles conditions prévues par le dernier alinéa de l'article précité ne sont pas réunies.

Il s'ensuit que la société Grenelle Hôtel n'était pas tenue de procéder à des recherches au sein du réseau Accor et, contrairement à ce que prétend Monsieur [U], le fait qu'elle y ait néanmoins procédé ne permet pas d'en déduire qu'elle était tenue de respecter de façon complète son obligation au sein de ce périmètre.

Il n'est ni établi, ni même allégué, que la société Grenelle Hôtel fasse partie d'un autre groupe, au sens des dispositions précitées, ce dont il résulte que le périmètre de reclassement se limitait à l'entreprise.

A cet égard, il résulte du registre du personnel produit par la société Grenelle Hôtel, qu'elle employait 26 salariés au moment du licenciement de Monsieur [U], que les seuls postes à pourvoir en juin et juillet 2018 étaient des postes d'apprenti réceptioniste, de réceptionniste et de serveur, qu'interrogé par l'employeur le 28 mai 2018, le médecin du travail a répondu que ces postes lui semblaient impossibles à aménager, seul un poste de type administratif pouvant convenir.

De son côté, Monsieur [U] ne fournit aucune explication relative à l'existence d'un poste qui, au sein de l'entreprise, aurait pu lui être proposé.

Il résulte de ces explications que la société Grenelle Hôtel a exécuté ses obligations au titre du reclassement de façon sérieuse et loyale.

Le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [U] de ses demandes d'indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour exécution déloyale du contrat de travail, cette dernière demande, qui estrecevable étant néanmoins fondée sur une méconnaissance alléguée à tort de l'employeur à son obligation de reclassement et n'étant donc pas justifiée.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur a l'obligation de protéger la santé physique et mentale de ses salariés et aux termes de l'article L 4121-2, il met en oeuvre ces mesures sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Ne méconnaît pas l'obligation légale lui imposant de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'employeur qui justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les textes susvisés.

En l'espèce, contrairement à ce que prétend la société Grenelle Hôtel, Monsieur [U] ne demande pas l'indemnisation d'un dommage résultant d'un accident du travail mais d'un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, ce dont il résulte que la présente juridiction est compétente pour connaître de cette demande.

Sur le fond, Monsieur [U] expose que son accident du travail a pour origine une méconnaissance, par l'employeur, de son obligation de sécurité.

Cependant, alors qu'il lui appartient, conformément aux dispositions de l'article 6 du code de procédure civile, d'alléguer des faits propres à fonder ses prétentions, il n'explique pas comment son accident du travail, consistant en une chute en voulant s'asseoir sur une chaise à roulette, aurait pour origine un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, serait-ce sur le terrain de l'obligation de prévention.

Le jugement doit donc également être confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les frais hors dépens

L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Déclare Monsieur [N] [U] recevable en ses demandes et la cour compétente pour connaître du présent litige ;

Confirme le jugement déféré ;

Déboute Monsieur [N] [U] de ses demandes ;

Déboute la société Grenelle Hôtel de sa demande d'indemnité pour frais de procédure formée en cause d'appel ;

Condamne Monsieur [N] [U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 20/00621
Date de la décision : 18/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-18;20.00621 ?
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