Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRET DU 17 JANVIER 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07837 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCV2I
Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Octobre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de CRETEIL - RG n° F 19/00134
APPELANTE
S.A.R.L. SECURITY GUARDS ASSISTANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Ouali BENMANSOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : G198
INTIME
Monsieur [D] [X]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représenté par Me Christian LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque : B0754
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Décembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Catherine VALANTIN, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre,
Madame Isabelle LECOQ-CARON, Présidente de chambre,
Madame Catherine VALANTIN, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Manon FONDRIESCHI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Anne HARTMANN, Présidente de chambre, et par Madame Manon FONDRIESCHI, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
M. [D] [X], né le 1er janvier 1970, a été embauché le 1er octobre 2015 par la société Security Guards Assistance en qualité de SSIAP 1 vidéo-surveillance, coefficient 140, niveau 3, échelon 2.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de la prévention et de la sécurité.
Par courrier en date du 22 février 2016, M. [X] a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 4 mars 2016.
Par courrier en date du 19 mars 2016, M. [X] a été licencié pour faute grave aux motifs qu'il avait utilisé abusivement le véhicule de service, entrainant un abandon de poste et qu'il avait porté des accusations mensongères et des propos désobligeants sur la société et son responsable des ressources humaines les 1er et 21 février 2016.
A la date de son licenciement, M. [X] avait une ancienneté de 5 mois et 18 jours et la société occupait à titre habituel plus de 10 salariés.
Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [X] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil, qui par jugement du 8 octobre 2020, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a statué comme suit :
Fixe la moyenne des salaires de M. [X] à la somme de 1.895,50euros (mille huit cent quatre-vingt-quinze euros et cinquante centimes),
Dit et juge que le licenciement de M. [X] est sans cause réelle et sérieuse,
Condamne en conséquence la société Security Guards Assistance au paiement :
De l'indemnité compensatrice de préavis, soit 442,28 euros (quatre cent quarante-deux euros et vingt-huit centimes),
De l'indemnité de congés payés y afférents, soit 44,22 euros (quarante-quatre euros et vingt-deux centimes),
D'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse de 2.000,00 euros (deux mille euros),
Ordonne à la société Security Guards Assistance de remettre à M. [X] un bulletin de paie, un certificat de travail et une attestation Pole Emploi conformes au présent jugement dans un délai de 60 (soixante) jours à compter de la notification du présent jugement et sous astreinte de 15 (quinze) euros par document et par jour de retard,
Condamne la société Security Guards Assistance à verser la somme de 1.500 euros (mille cinq cent) euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Security Guards Asssitance aux dépens,
Déboute M. [X] de ses autres demandes,
Déboute la société Security Guards Assistance de sa demande reconventionnelle,
Dit qu'il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article L1235-4 du code du travail,
Par déclaration du 19 novembre 2020, la société Security Guards Assistance a interjeté appel du jugement rendu par le conseil de prud'hommes, notifiée par lettre du greffe adressée aux parties le 28 octobre 2020.
Par déclaration du 27 novembre 2020, M. [X] a également interjeté appel de la décision.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 19 février 2021, la société Security Guards Assistance demande à la cour de:
Dire que la société Security Guards Assistance recevable et bien fondée en son appel,
Dire qu'il y a lieu d'infirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Créteil en toutes ses dispositions,
En conséquence, il est sollicité de statuer à nouveau et de :
Dire qu'il y a lieu de débouter M. [X] de toutes ces demandes et prétentions,
Dire que le licenciement pour faute grave entrepris à l'égard de M. [X] est justifié,
A titre subsidiaire :
Limiter l'indemnité compensatrice de préavis à 7 jours, l'ancienneté étant inférieure à 6 mois,
Condamner M. [X] à verser la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.
Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 mai 2021, M. [X] demande à la cour de :
Déclarer mal fondé l'appel interjeté par la société SGA à l'encontre du jugement rendu 8 octobre 2020 par le Conseil de Prud'hommes de Créteil
En conséquence, l'en débouter purement et simplement.
Confirmer le jugement rendu 8 octobre 2020 en ce qu'il a condamné la société SGA au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Pour le surplus :
Reconventionnellement,
Déclarer bien fondé l'appel incident formé par interjeté par M. [X] à l'encontre dudit jugement.
Y faisant droit :
Réformer la décision entreprise et statuant à nouveau
Condamner la société Security Guards Assistance au paiement des sommes suivantes :
Salaire pendant la mise à pied à titre conservatoire du 22/02/2016 au 19/03/2017 : 1 642,76 euros
Indemnité compensatrice de congés payés :
164, 27 euros
Indemnité compensatrice de préavis : 1 895,50 euros
Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 189,55 euros
Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse:
10.000 euros
Avec intérêts au taux légal à compter de la saisine du Conseil de Prud'hommes.
Condamner, la société SGA au paiement de la somme supplémentaire de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire :
Confirmer purement et simplement le jugement entrepris
Condamner la société SGA aux entiers dépens tant d'appel que de première instance.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 octobre 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 1er décembre 2022.
Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
- sur la jonction des procédures:
Les parties ayant respectivement interjeté appel de la même décision, il relève d'une bonne administration de la justice de prononcer la jonction des procédures 20/07837 et 20/08022.
- Sur le licenciement pour faute grave
Pour infirmation du jugement, l'employeur soutient que les faits reprochés sont établis et constitutifs d'une faute grave.
Pour confirmation du jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, M.[X] fait valoir que le faits ne sont pas établis ou ne sont pas fautifs. Pour infirmation sur le quantum alloué il expose que son préjudice a été sous évalué.
Aux termes de l'article 1232-1 du code du travail tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse.
Il résulte des dispositions des article L 1234-6 et L 1234-9 du code du travail que le salarié licencié pour faute grave n'a pas droit aux indemnités de préavis et de licenciement.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputable au salarié constituant une violation des obligations du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.
La preuve des griefs reprochés par le salarié doit être rapportée par l'employeur.
Il est constant que le juge a le pouvoir de requalifier la gravité de la faute reprochée au salarié en restituant aux faits leur exacte qualification juridique conformément à l'article'12 du code de procédure civile ; qu'en conséquence, si le juge ne peut ajouter d'autres faits à ceux invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement, lorsque celui-ci intervient pour motif disciplinaire, il doit rechercher si ces faits, à défaut de caractériser une faute grave, comme le prétend l'employeur, ne constituent pas néanmoins une cause réelle et sérieuse de licenciement.
Aux termes de la letttre de licenciement du 19 mars 2016 qui fixe les limites du litige, M.[X] a été licencié pour faute grave pour les faits suivants:
- avoir, le 29 janvier 2016, abandonné son poste de travail, pour conduire un véhicule de service sans autorisation, s'être endormi et avoir causé des dégâts au véhicule , en violation des consignes aux termes desquelles seuls les agents SSIAP 2 étaient habilités à conduire le véhicule pour effectuer des rondes, les opérateurs de vidéo-surveillance ne devant pas quitter leur poste.
- avoir, le 01/02/2016, adressé un courrier faisant état d`un délit de prêt
illicite de main d'oeuvre et délit de marchandage, que la société aurait pratiqué avec la
société E.P.l. et la société EVEREST.
- avoir, le 21 février 2016, par email adressé au responsable des ressources humaines tenu des propos désobligeants à son égard.
S'agissant des faits du 29 janvier 2016 à savoir le fait de ne pas avoir respecté les consignes ni les instructions, et avoir abandonné son poste de travail pour conduire un véhicule sans autorisation et s'être endormi et avoir causé des dégâts au véhicule, l'employeur verse aux débats une note de service d'octobre 2015 qui prévoit, 'que le chef de poste doit rester au poste de surveillance et le 2ème agent SSIAP 2 est chargé des rondes et levées de doutes' ainsi qu'un courrier adressé le 16 février 2016 par le chef de site M.[F] au président de la société dans lequel il écrit: 'l'accident du 29 janvier impliquant un agent vidéo et le véhicule de SGA a révélé un dysfonctionnement suite à prise d'initiative, contraire aux consignes d'utilisation de ce véhicule par le personnel SGA. En l'absence de rapport du chef de poste, je ne puis vous affirmer de qui venait cette initiative, mais une chose est sûre est que la consigne qui a été adressée au personnel au PSG le 17 octobre 2015 est claire et définit les rôles de chacun des agents SSIAP 2 du PGS et ne fait en aucun cas d'une quelconque utilisation du véhicule par l'opérateur vidéo, y compris M.[X]. En clair les agents opérateurs vidéo ne sont pas autorisés à conduire le véhicule SGA. Et M.[X] est un opérateur vidéo.'
La note d'octobre 2015 invoquée par l'employeur précise toutefois que 'le chef de poste est responsable unique de son poste et du véhicule de service'.
M.[X] justifie en outre de son côté, d'une part, d'un mail du responsable de sécurité, M. [U], du 18 décembre 2015 demandant l'application des consignes précises vues avec M.[F] et prévoyant en période de nuit 'une alternance de ronde entre maître chien et agents SSIAP (SSIAP+vidéo opérateur) véhiculés' et, d'autre part, les registres de main courante des nuits du 9 octobre au 21 novembre 2015 établissant que M.[X] a pu être affecté sur le site en tant que SSIAP 2 et ainsi effectuer des rondes véhiculées.
Si M.[X] ne démontre pas contrairement à ce qu'il affirme qu'il avait précisément été planifié en qualité de SIAPP 2 le 29 janvier 2016 et était donc habilité à conduire le véhicule, le planning qu'il produit étant en grande partie illisible, les éléments qui précèdent démontrent néanmoins qu'il existait une divergence des consignes données, M.[X] étant en tout état de cause soumis à l'autorité de son chef de poste, seul responsable du véhicule, ce que confirme encore le mail de mise au point adressé après les faits, le 4 février 2016, par la société à l'ensemble des chefs de poste, et aux termes duquel la société Security Guards Assistance (SGA) précisait que les faits du 29 janvier 2016 faisaient suite à une liberté de réorganisation prise par le personnel SGA et qu'il y avait lieu de respecter les consignes du 17 octobre 2015.
Il ressort ainsi de ces éléments que le non respect le 29 janvier 2016 des consignes , qui ont en tout état de cause été divergentes, ne sont pas imputables à M.[X] mais à son chef de poste, seul responsable du véhicule.
Quant aux circonstances de l'accident, s'il n'est pas contesté que M.[X] s'est assoupi au volant lorsqu'il faisait sa ronde, ce seul élément qui n'a aucun caractère intentionnel et n'est pas la conséquence d'une faute qu'aurait commise le salarié, ne peut à lui seul justifier un licenciement pour faute, a fortiori pour faute grave la preuve n'étant par ailleurs pas rapportée que les dommages du véhicule évoqués étaient la conséquence de l'accident.
S'agissant du courrier adressé par M.[X] à la société Security Guards Assistance (SGA) le 1er février 2016 et aux termes duquel le salarié dénonçait le non paiement d'heures de travail qu'il affirme avoir accomplies en qualité de SIAPP 2 à la demande du chef de site, le fait que qu'il n'ait pas été correctement pris en charge lors de son accident du 26 janvier 2016, le comportement agressif et dévalorisant de son chef de site, les délits de prêt illicite de main d'oeuvre et de marchandage qu'il reproche à son employeur, ne peuvent justifier un licenciement pour faute, à défaut pour l'employeur de démontrer que le salarié aurait agit de mauvaise foi en dénonçant des faits qu'il savait érronés, étant en outre relevé qu'aucune publicité n'a été donnée à ce courrier, qui n'a donc pas pu porter atteinte à la réputation de la société.
La société Security Guards Assistance (SGA) ne verse par ailleurs pas aux débats le mail du 21 février 2016 aux termes duquel M.[X] aurait tenu des propos désobligeants sur le responsable des ressources humaines.
S'il ressort de l'ensemble des pièces versées aux débats et notamment des échanges de correspondances et des nombreuses plaintes déposées et procédures engagées de part et d'autre après le licenciement, que les relations entre les parties étaient extrêmement conflictuelles et que le ton adopté par le salarié pouvait être extrêment agressif, les 3 griefs visés dans la lettre de licenciement ne sont pour les 2 premiers pas constitutifs d'une cause réelle et sérieuse, pour le dernier pas établi.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a jugé que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse.
- sur les conséquences financières:
M.[X] sollicite pour la première fois en cause d'appel la condamnation de la société Security Guards Assistance au paiement du salaire durant la période de mise à pied conservatoire.
Or, il ne ressort aucunement des éléments versés aux débats que le salarié ait été mis à pied à titre conservatoire.
M.[X] sera en conséquence débouté de la demande faite à ce titre.
M.[X] ayant plus de 2 mois et moins de 6 mois d'ancienneté au moment du licenciement, et relevant d'un emploi de niveau III, le préavis est, en cas de rupture du contrat à l'initiative de l'employeur, de 7 jours calendaires en application de l'article 9 de la convention collective applicable.
Il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a alloué au salarié la somme de 442,28 euros au titre de l'indemnité de préavis, outre la somme de 44,22 euros.
Aux termes de l'article L 1235-5 du code du travail en sa rédaction applicable au jour du licenciement si le licenciement intervient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, l'indemnité est fixée en fonction du préjudice subi.
M.[X] a reconnu devant la commission de recours dans le cadre de la demande de reconnaissance du caractère profesionnel de l'accident du 29 janvier 2016, avoir retrouvé un emploi et ne justifie d'aucun élément de nature à étayer sa demande au titre du préjudice qu'il évalue à 10 000 euros.
Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a condamné la société Security Guards Assistance (SGA) à payer à M.[X] la somme de 2 000 euros de dommages et intérêts.
Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a condamné la société Security Guards Assistance (SGA) à payer à M.[X] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 en cause d'appel.
Chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.
PAR CES MOTIFS
La cour,
PRONONCE la jonction des procédures 20/07837 et 20/08022.
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions,
et y ajoutant,
DÉBOUTE M.[D] [X] de sa demande de rappel de salaires au titre de la mise à pied conservatoire.
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.
DIT que chaque partie conservera la charge des dépens qu'elle a engagés.
La greffière, La présidente.