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16/01/2023 | FRANCE | N°21/03152

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 16 janvier 2023, 21/03152


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRÊT DU 16 JANVIER 2023



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03152 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEGL



Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2021 -TJ de Paris RG n° 18/01898



APPELANT



Monsieur [R] [B]

Domicilié [Adresse 3]

[Localité 6]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6]




Représenté par Me Rémi BAROUSSE de la SELASU TISIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2156



INTIMEES



S.A. HEDIOS PATRIMOINE

Domicilié [Adresse 4]

[Localité 6]

N° SIRET : 482 647 096



R...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRÊT DU 16 JANVIER 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/03152 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEGL

Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Janvier 2021 -TJ de Paris RG n° 18/01898

APPELANT

Monsieur [R] [B]

Domicilié [Adresse 3]

[Localité 6]

né le [Date naissance 2] 1965 à [Localité 6]

Représenté par Me Rémi BAROUSSE de la SELASU TISIAS, avocat au barreau de PARIS, toque : C2156

INTIMEES

S.A. HEDIOS PATRIMOINE

Domicilié [Adresse 4]

[Localité 6]

N° SIRET : 482 647 096

Représentée par Me Philippe MEYLAN, avocat au barreau de PARIS, toque : P0505

S.A. MMA IARD

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 5]

N° SIRET : 440 048 882

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représentée par Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

S.C. MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES

Ayant son siège social

[Adresse 1]

[Localité 5]

N° SIRET : 775 652 126

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Représentée par Me Guillaume REGNAULT de la SCP RAFFIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Christine SIMON-ROSSENTHAL, Présidente, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie MOLLÉ

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Edouard LOOS, Conseiller et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 mai 2010, M. [R] [B] a confié à la société anonyme Hédios Patrimoine un mandat de recherche de produits de défiscalisation ultra-marins, au sens de l'article 199 undecies B du code général des impôts.

Le dispositif fiscal dit Girardin industriel, prévu par ces dispositions, consistant en la souscription au capital de sociétés de portage réalisant des investissements dans le domaine de la production d'énergie renouvelable outre-mer, permettait aux investisseurs fiscalement domiciliés en France de réduire leur impôt sur le revenu.

Le 20 mai 2010, M. [R] [B] a investi, sur la proposition de la société Hédios Patrimoine, 33 000 euros dans un produit Girardin Solaire Hédios 2010 (GSH 2010), au compte courant de sociétés en participation Sun Hédios 100 et suivantes, destinées à financer l'acquisition et l'installation de matériels photovoltaïques à la Réunion, loués à des exploitants locaux, durant au moins 5 ans, et lui procurer une réduction de l'impôt sur le revenu de 52 800 euros.

L'apport a été inscrit au compte courant des sociétés en participation Sun Hédios 102 et 103.

Le 12 avril 2013, l'administration fiscale a notifié à M. [R] [B] une proposition de rectification indiquant que les investissements opérés ne répondaient pas aux conditions prévues par l'article 199 undecies B du code général des impôts pour bénéficier des réductions d'impôt, au motif que les centrales photovoltaïques acquises par les sociétés en participation concernées qui avaient été mises à la disposition de sociétés exploitantes n'avaient pas été réalisées au 31 décembre 2010, comme en attestaient l'absence de dépôt d'un dossier de demande de raccordement complet auprès d'Électricité de France (EDF) et d'attestation de conformité délivrée par le comité national pour la sécurité des usagers et de l'électricité (Consuel).

En conséquence, l'administration fiscale a formé rappel à concurrence de 58.123,68 euros en rappel d'impôt sur le revenu, intérêts de retard et majoration au sens de l'article 1758 A du code général des impôts.

Par acte d'huissier de justice en date du 6 février 2018, M. [R] [B] a fait assigner en responsabilité la société Hédios Patrimoine.

Par acte d'huissier de justice en date du 19 septembre 2018, la société Hédios Patrimoine a fait assigner en intervention forcée la société anonyme MMA Iard et la société MMA Iard Assurances Mutuelles, venant aux droits et obligations de la société anonyme Covéa Risks, en leur qualité d'assureurs de responsabilité civile professionnelle au titre d'une police d'assurance n°112.786.342 souscrite, pour ses membres, par la chambre des indépendants du Patrimoine.

Par jugement rendu le 6 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a statué comme suit :

- déboute M. [R] [B] de l'ensemble de ses demandes ;

- condamne in solidum la société anonyme MMA Iard et la société d'assurance mutuelle MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la société Hédios Patrimoine la somme de

3 000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts de retard au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;

- déboute la société anonyme Hédios Patrimoine de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée à l'encontre de la société anonyme MMA Iard et de la société d'assurance mutuelle MMA Iard Assurances Mutuelles ;

- condamne conjointement, à concurrence de 50 % chacun, M. [R] [B] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, in solidum entre ces dernières sur la part leur incombant, aux dépens exposés par la société Hédios Patrimoine ;

- autorise la société civile professionnelle TNDA à recouvrer directement contre M. [R] [B] et les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, dans la limite de leur part contributive respective, les frais compris dans les dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision ;

- condamne M. [R] [B] à payer à la société anonyme Hédios Patrimoine la somme de deux mille euros (2 000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit que les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ne disposent pas d'un droit à recouvrement sur l'indemnité de procédure allouée à la société Hédios Patrimoine à la charge de M. [R] [B] ;

- condamne in solidum la société anonyme MMA Iard et la société d'assurance mutuelle MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la société anonyme Hédios Patrimoine la somme de deux mille euros (2.000 euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déboute M. [R] [B], la société anonyme MMA Iard et la société d'assurance mutuelle MMA Iard Assurances Mutuelles de leurs demandes formées au titre des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile ;

- dit n'y avoir lieu à ordonner l'exécution provisoire de la présente décision.

Par déclaration du 15 février 2021, M. [R] [B] a interjeté appel du jugement.

Par conclusions signifiées le 12 avril 2021, M. [R] [B] demande à la cour de constater son désistement d'appel contre la société MMA Iard Assurances Mutuelles.

Par dernières conclusions signifiées le 31 mai 2022, M. [R] [B] demande à la cour de :

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Paris du 6 janvier 2021, et, statuant à nouveau,

- condamner la société Hédios Patrimoine à payer à Monsieur [R] [B] à titre de dommages et intérêts la somme de 53 928 euros pour le préjudice matériel et celle de 5 000 euros pour le préjudice immatériel ;

- condamner la compagnie MMA Iard à garantir la responsabilité civile de la société Hédios Patrimoine au titre du contrat d'assurance souscrit par la Chambre des indépendants du Patrimoine ;

- dire que les indemnités allouées porteront intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation, soit le 6 février 2018, et seront capitalisées par année entière ;

- dire que le contrat d'assurance souscrit par la Chambre des indépendants du patrimoine ne contient aucun plafond opposable à M. [R] [B] ;

- dire que, s'agissant d'un sinistre sériel, aucune franchise individuelle n'est opposable M. [R] [B] ;

- rejeter la demande de séquestre et, à titre subsidiaire, dire que les intérêts de la somme séquestrée profiteront à l'investisseur M. [R] [B] ;

- condamner in solidum la société Hédios Patrimoine et la compagnie MMA Iard à payer à M. [R] [B] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

- le réformer en ce qu'il a mis à la charge de M. [R] [B] une indemnité au titre des frais irrépétibles, et, statuant à nouveau, condamner in solidum la société Hédios Patrimoine et la compagnie MMA Iard à payer à M. [R] [B] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la compagnie MMA Iard aux entiers dépens.

Par dernières conclusions signifiées le 9 juillet 2021, la société MMA Iard demande à la cour de :

Vu les articles L 112-6, L 121-1, L 124-1-1, et L 124-3 du code des assurances,

à titre principal :

- juger qu'aucune garantie n'est due au titre de l'activité de monteur du produit fiscal exercée par Hédios Patrimoine,

- rejeter par conséquent toute demande formée à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles ;

à titre très subsidiaire :

- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 janvier 2021 en ce qu'il a écarté la responsabilité de la société Hédios Patrimoine,

- juger que Monsieur [B] ne rapporte pas la preuve d'une créance de responsabilité civile qu'il détiendrait à l'encontre de la société Hédios Patrimoine,

- juger ainsi, sans objet, la question d'une éventuelle garantie à ce titre,

- rejeter par conséquent toute demande formée à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles.

à titre infiniment subsidiaire :

- constater que le contrat souscrit par la CNCGP auprès de la compagnie Covéa Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles prévoit un plafond de garantie de 4 000 000 d'euros au titre de la garantie responsabilité civile professionnelle,

- constater que l'ensemble des réclamations liées à la souscription des produits de défiscalisation montés par la société Hédios Patrimoine constitue un sinistre sériel,

- désigner tel séquestre qu'il plaira à la cour avec pour mission, n'excédant pas une période de 5 ans, de conserver les fonds résultant d'une éventuelle condamnation dans l'attente de décision définitive tranchant les différentes réclamations formées à l'encontre de la société Hédios Patrimoine concernant le même sinistre et pour, le cas échéant, procéder à une répartition au marc le franc des fonds séquestrés,

- dire et juger que la somme correspondant à une franchise par sinistre, soit 15 000 euros à la charge de la société Hédios Patrimoine, doit être déduite du montant de chaque condamnation prononcée individuellement au profit de chaque investisseur, dans le cas où la cour devait d'une part retenir la responsabilité de la société Hédios Patrimoine, d'autre part la garantie des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles et enfin l'absence de globalisation dans le cas présent.

sur la garantie Défense Recours,

à titre principal ;

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 janvier 2021 en ce qu'il a condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à régler une somme de 3 000 euros à titre de dommages intérêts;

- juger qu'aucune garantie n'est due au titre de l'activité de monteur du produit fiscal exercée par la société Hédios Patrimoine,

- juger que dès lors que la société Hédios Patrimoine s'est fait assister par l'avocat de son choix, sans proposition à l'assureur, les frais et honoraires de celui-ci restent à sa charge,

- rejeter par conséquent toute demande de condamnation formée à l'encontre des sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles par la société Hédios Patrimoine.

à titre subsidiaire ;

- juger que le contrat souscrit par la CNCGP auprès de la compagnie Covéa Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles prévoit un plafond de garantie de 200 000 euros au titre de la garantie Défense Recours,

- Juger que l'ensemble des réclamations liées à la souscription des produits de défiscalisation montés par la société Hédios Patrimoine constitue un sinistre sériel, et faire application du plafond de garantie à hauteur de 200 000 euros pour l'ensemble des réclamations liées au produit Girardin Solaire Hédios 2010.

en tout état de cause,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 6 janvier 2021 en ce qu'il a condamné les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles à payer à la société anonyme Hédios Patrimoine la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Hédios Patrimoine à payer aux sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Hédios Patrimoine aux entiers dépens de la présente instance.

La société Hédios Patrimoine n'a pas conclu.

SUR CE,

Sur la demande indemnitaire de Monsieur [B]

Monsieur [B] n'invoque plus le manquement de la société Hedios à une obligation d'information et de conseil mais fonde son action sur la responsabilité contractuelle de la société Hedios en application de l'article 1147 (ancien) du code civil, s'agissant d'un contrat conclu avant l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016 et invoque des inexécutions contractuelles de la part de la société Hédios ;

Il fait valoir que l'investissement avait un unique objet, celui de l'obtention d'un avantage fiscal sous la forme d'une réduction de l'impôt sur les revenus en application des dispositions de l'article 199 undecies du code général des impôts et que les obligations de la société Hédios doivent être examinées au regard de cet objectif fiscal conformément aux articles 1158 et 1161 du code civil.

Il soutient que la société Hedios devait s'assurer de la sécurité juridique du montage afin de permettre d'obtenir l'avantage fiscal attendu ; que selon l'article 199 undecies B du code général des impôts, « La réduction d'impôt prévue au présent I s'applique aux investissements productifs mis à la disposition d'une entreprise dans le cadre d'un contrat de location (') ». Par suite, l'administration fiscale exige que le matériel financé soit en état de production effective le 31 décembre de l'année au cours de laquelle l'avantage fiscal est revendiqué. Il ne suffit donc pas que l'investissement ait été acheté, livré ou installé, il faut qu'il puisse effectivement produire. C'est le fait générateur de la réduction d'impôt. Il précise que la définition du fait générateur pour les centrales photovoltaïques est plus souple puisque leur mise en production dépend de leur raccordement au réseau électrique lequel est subordonné à l'accord du gestionnaire du réseau. Aussi, afin de ne pas faire peser sur les investisseurs les délais de raccordement, il est admis par l'administration fiscal que le fait générateur de la réduction d'impôt soit constitué par le dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement auprès du gestionnaire du réseau ; qu'en outre il faut produire une attestation du Consuel (Comité national pour la sécurité des usagers de l'électricité) qui atteste de la conformité de l'installation photovoltaïque aux règles de sécurité. Le dossier complet et l'attestation Consuel doivent être déposés avant le 31 décembre.

La deuxième obligation est celle de délivrer une attestation fiscale exacte à joindre à la déclaration de revenus et qui permet d'obtenir la réduction d'impôt.

La troisième obligation est celle de vendre une chose conforme à sa destination.La commercialisation d'un produit financier complexe comme celui en cause implique que le commercialisateur soit tenu à l'égard de l'investisseur de s'assurer que le montage est bien conforme à ce qui est attendu, à savoir qu'il réponde aux conditions exigées par la réglementation fiscale pour bénéficier de l'avantage fiscal annoncé. L'obligation du commercialisateur ne s'arrête donc pas au jour de la souscription du contrat.

Il soutient qu'Hédios a manqué à son obligation essentielle de fournir un investissement remplissant les conditions légales pour l'obtention de l'avantage fiscal lequel a été repris au motif que les conditions n'étaient pas remplies faute du dépôt auprès d'EDF d'un dossier complet (avec attestation Consuel) de demande de raccordement au réseau le 31 décembre 2010 et qu'elle a manqué à son obligation de s'assurer que le produit qu'elle a commercialisé était bien conforme aux dispositions réglementaires et permettait bien aux souscripteurs d'obtenir l'avantage fiscal attendu.

Les sociétés MMA exposent que l'affirmation selon laquelle le matériel financé devait être non seulement réalisé, mais également mis en production avant le 31 décembre de l'année en cours, procède d'une reconstitution a posteriori de ce qu'aurait été la connaissance, des professionnels, de la position de juges administratifs concernant les centrales photovoltaïques ; qu'il est est évident que la société Hedios Patrimoine ne peut être tenue responsable d'une position fiscale alors inconnue, puisque tranchée par un arrêt du Conseil d'Etat en 2017 ; qu'en réalité, avant les premières rectifications fiscales, aucun monteur ne pouvait envisager que le fait générateur retenu puisse être un raccordement au réseau au 31 décembre de l'année de réduction de l'impôt puisque l'article 199 undecies B du Code général des impôts ne l'exige pas, que la doctrine fiscale ne retenait pas le critère d'un raccordement effectif ou d'une mise en production des équipements et qu'il n'existait aucune jurisprudence transposable s'agissant précisément de l'application et/ou de l'interprétation de la notion « d'investissements productifs » au dispositif du Girardin Industriel.

Elles ajoutent que le raccordement au 31 décembre de l'année en cours était un critère impossible à remplir sur le plan industriel, et cela au regard du processus de réalisation sous le contrôle de l'exploitant, et d'une longue procédure pour la mise en service effective de l'installation, outre le fait que les gestionnaires de réseaux ne respectent pas toujours les délais imposés par le pouvoir réglementaire ; que le bénéfice d'un avantage fiscal ne peut dépendre d'EDF ; que le moratoire de trois mois de rachat de d'électricité d'origine photovoltaïque imposé par décret du 9 décembre 2010 renforce cette analyse ; qu'en application de l'article 5 de ce décret, il a été exigé que les dossiers pour lesquels une demande de raccordement complète avait été reçue par EDF, mais non encore traitée, fassent l'objet d'une nouvelle demande de raccordement ; que les dossiers en cours de traitement ont donc été purement et simplement supprimés, à charge pour les exploitants d'adresser une nouvelle demande de raccordement.

Ceci étant exposé, en sa qualité de monteur de l'opération du produit de défiscalisation soumis à la loi Girardin la société Hédios, s'est engagée dans le suivi de l'exécution du produit qu'elle a élaboré. Elle s'est également engagée auprès des souscripteurs dans le suivi des obligations légales liées aux opérations de défiscalisation.

En qualité de monteur, il appartenait à la société Hédios de s'assurer que les conditions requises par la loi, et notamment celles de l'article 199 undecies B du CGI, étaient réunies au moment de la délivrance de l'attestation.

La souscription litigieuse est intervenue le 20 mai 2010. Les dispositions fiscales en vigueur relevaient de l'article 199 undecies B du CGI et de l'instruction administrative du 30 janvier 2007 qui fixait la date d'éligibilité à la réduction d'impôt à la date de livraison, au sens de l'article 1604 du code civil. De fait, le montage proposé par la société Hédios était valide dans la mesure où il se conformait aux conditions d'éligibilité pour bénéficier de la loi Girardin.

Selon l'article 199 undecies B dans sa rédaction applicable à l'espèce l'investissement devait être 'productif' au 31 décembre de l'année de la souscription. L'exigence de l'administration relative au raccordement effectif n'était pas encore en vigueur.

Par décret du 9 décembre 2010, un moratoire a été imposé aux opérateurs par le gouvernement sur le rachat d'électricité d'origine photovoltaïque. Cette décision a eu pour effet d' imposer auxdits opérateurs le dépôt d'une nouvelle demande de raccordement auprès d'EDF.

Afin de ne pas faire peser sur les investisseurs les délais de raccordement, le fait générateur de la réduction d'impôt est considéré par l'administration fiscale comme établi dès lors que l'installation est achevée et est en état de fonctionner au plus tard le 31 décembre de l'année au titre de laquelle l'investisseur sollicite le bénéfice de la réduction d'impôt en considérant que la condition du raccordement au réseau public d'EDF est considérée comme satisfaite par le dépôt d'un dossier complet de demande de raccordement au réseau.

Il résulte de la proposition de rectification que les centrales photovoltaïques acquises par les SEP qu'aucun dossier de demande de raccordement 'complet' n'avait été déposé auprès d'EDF au 31 décembre 2010.

La société Hédios ne justifie pas avoir déposé une demande de raccordement.

Elle a délivré à M. [B] une attestation fiscale inexacte.

La société Hédios a manqué à son obligation de fournir un investissement remplissant les conditions légales pour l'obtention de l'avantage fiscal qui a été repris par l'administration fiscale faute de dépôt auprès d'EDF d'une demande de raccordement au 31 décembre 2010 d'une part et en remettant à M. [B] une attestation fiscale inexacte.

La disposition du bulletin de souscription aux termes desquels « les souscripteurs risquent un redressement fiscal dans les cas suivants : ('....) si le formalisme précis des directives de Bercy n'est pas respecté ('.) » ne saurait exonérer la société Hédios de sa responsabilité dès lors qu'il lui appartenait en tant que conseiller en gestion de patrimoine de s'assurer du respect des obligations légales liées aux opérations de défiscalisation comme elle s'y est d'ailleurs engagée dans ce même bulletin de souscription.

Sur les préjudices

le préjudice matériel

Monsieur [B] expose que si la société Hédios avait rempli ses obligations, il aurait bénéficié d'un avantage fiscal net de 19 800 euros (investissement ' 33 000 euros + réduction d'impôt 52 800 euros) ; qu'il a perdu la somme de 34 128 euros (investissement ' 33 000 euro ' réduction d'impôt 0 euros ' intérêts de retard ' 1 128 euros) ; qu'il a donc perdu à la fois l'investissement et la réduction d'impôt, perte qui ne peut pas être compensée par la détention des parts sociales de la SEP qui n'ont aucune valeur, ajoutant que ces sociétés ne disposent d'aucun actif valorisable dès le départ puisqu'il est contractuellement prévu la cession de centrale photovoltaïque au locataire pour un euro symbolique au terme de cinq ans et que la dissolution des sociétés ne peut générer aucun boni de liquidation susceptible de rembourser les investisseurs.

Il soutient que les intérêts de retard constituent un préjudice entièrement consommé et que la reprise de l'avantage fiscal a généré un manque à gagner qui représente la différence entre l'investissement et les frais y afférent et d'autre part, à la réduction d'impôt espérée.

Ceci étant exposé, La perte de l'avantage fiscal escompté ne constitue pas un préjudice indemnisable dès lors que les contribuables ont seulement été amenés à payer l'impôt auquel ils étaient légalement tenus. De même les intérêts de retard ne constituent pas plus un préjudice indemnisable dans la mesure où ils ne sanctionnent pas le non paiement de l'impôt par le contribuable mais compensent la perte subie par le Trésor public du fait de la perception différée de l'impôt, dont le montant est resté dans le patrimoine des contribuables et dont leur propre trésorerie a pu bénéficier jusqu'à la rectification et le paiement des sommes dues.

La préjudice subi par M. [B] est constitué par la perte de l'investissement, soit la somme de 33 000 euros.

Le préjudice immatériel

Monsieur [B] soutient qu'il a subi un préjudice immatériel entraîné par la procédure de redressement ayant dû faire face aux soucis et tracas et payer un impôt qui n'était pas prévu et donc budgété.

Ceci étant exposé, Le préjudice moral subi par M. [B] du fait de la procédure de redressement fiscale dont il a fait l'objet sera justement indemnisée à hauteur de la somme de 4 000 euros.

Sur la garantie d'assurance

Monsieur [B] expose que l'activité de la société Hédios est garantie au titre de l'activité d'ingénierie financière et de commercialisation d'opérations de défiscalisation outre-mer en application du contrat d'assurance de 2014.

La société MMA soutient qu'elle ne garantit pas la société Hédios Patrimoine pour son activité de monteur-promoteur et que la garantie au titre de l'avenant de refonte de la police d'assurance de 2014, à effet au 1er janvier 2015, exposant que la garantie est déclenchée par la réclamation. Qui, en l'espèce, est constituée par l'assignation qui lui a été délivrée à la requête de M. [B] en février 2018.

Elle demande à la cour de constater que le contrat souscrit par la CNCGP auprès de la compagnie Covéa Risks, aux droits de laquelle viennent les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles prévoit un plafond de garantie de 4 000 000 d'euros au titre de la garantie responsabilité civile professionnelle.

Ceci étant exposé, si l'article L. 125-4 du code des assurances prévoit que la garantie est, selon le choix des parties déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamations

En l'espèce l'avenant de refonte de 2015 modifie les activités garanties en excluant les monteurs-promoteurs alors que le contrat initial de 2014 ne faisait pas de distinction entre la commercialisation et le montage il constitue une véritable nouvelle garantie et non pas un simple ajustement du contrat initial.

Or selon l'article A 112 du code des assurances, concernant les contrats base réclamation, la réclamation formée pendant le délai subséquent de cinq ans de la première garantie est soumise à celle-ci et non pas à la nouvelle garantie.

La garantie initiale de la police de 2004 a pris fin en 2015 lors de l'entrée en vigueur de l'avenant de refonte modifiant les garanties. Le délai subséquent de cinq ans qui a suivi la fin de la garantie initiale a commencé en 2015 pour prendre fin 2020. la réclamation de M. [B] est intervenue dans le délai délai subséquent. C'est donc la garantie initiale de 2004 qui s'applique.

La contrat garantit « les conséquences dommageables pécuniaires de la responsabilisé civile que l'assuré peut encourir en raison notamment des négligences, inexactitudes, erreurs de fait, de droit, omissions commis par ses membres ses agents, les préposés, salariés ou no dans l'exercice de leurs activités normales et plus généralement par tous actes dommageables ».

L'activité de la société Hédios est donc garantie au titre de son activité de commercialisation des opérations de défiscalisation outre-mer, dans la limite contractuelle du plafond prévu par la police d'assurance de 2004.

Il n'est pas contesté que de nombreux autres investisseurs des montages Hédios ont réclamé une indemnisation à la suite de reprise de l'avantage fiscal de sorte que les réclamations constituent un même fait dommageable ayant la même cause technique en application de l'article L. 124-1-1 du code des assurances de sorte qu'aucune franchise ne peut s'appliquer individuellement au sinistre subi par M. [B].

Il ne saurait y avoir lieu à désignation d'un séquestre en raison de l'impossibilité d'attendre de connaître toutes les réclamations des victimes avant de procéder à l'indemnisation.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Hédios en première instance

La cour constate que la disposition du jugement entrepris ayant débouté la société Hédios de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive n'est pas remise en cause par les parties.

Cette disposition sera dès lors confirmée.

Sur la condamnation de l'assureur au profit de la société Hédios

La société MMA sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'elle a été condamnée à payer à la société Hédios Patrimoine la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Elle demande de juger que dès lors que la société Hédios Patrimoine s'est fait assister par l'avocat de son choix, sans proposition à l'assureur, les frais et honoraires de celui-ci restent à sa charge.

La société Hédios qui n'a pas conclu est réputée s'approprier les motifs du jugement déféré en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Ceci étant exposé, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que le tribunal a considéré que l'assureur avait dénié sa garantie au motif que la responsabilité civile de la société Hédios était recherchée en considération de son activité de monteur d'opérations de défiscalisation en outre-mer dans le cadre du dispositif fiscal Girardin industriel, activité non garantie alors que ce n'était pas en cette qualité que M. [B] avait engagé la responsabilité d'Hédios mais en sa qualité de conseil en gestion de patrimoine pour manquement à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde  et alors que la responsabilité d'un conseil en gestion de patrimoine donné pour le conseil donné au titre de la distribution de telles opération était couverte par la police d'assurance groupe, aucune stipulation de celle-ci ne permettait de séparer l'intervention de l'assuré pour de telles opérations de son activité assurée de conseil en gestion de patrimoine ; que c'était à tort que l'assureur avait dénié sa garantie, le préjudice subi par Hédios correspondait aux frais et honoraires d'avocat qu'elle avait exposés pour sa défense à hauteur de 3 000 euros, somme correspondant à des dommages intérêts, la garantie de défense civile n'étant pas une garantie de protection juridique et prévoyant que les frais et honoraires de l'avocat non choisi par l'assureur restaient à la charge de l'assuré.

Le jugement déféré sera confirmé sur ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [B] pour procédure abusive

Monsieur [B] ne démontre pas que la dénégation par MMA de sa garantie était abusive, nonobstant le fait qu'elle succombe en sa demande, de sorte qu'il sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé en toutes ses dispositions.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Les sociétés Hédios et Mma seront solidairement condamnées aux dépens de première instance et d'appel.

Aucune condamnation ne sera prononcée au titre de l'article 700 du code de procédure à l'encontre de M. [B].

La société MMA sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et condamnée, sur ce même fondement, à payer à M. [B] la somme de 5 000 euros.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement entrepris en ses dispositions relatives à la condamnation de l'assureur à payer des dommages et intérêts au profit de la société Hédios Patrimone  et au rejet de la demande de dommages de dommages et intérêts de la société Hédios pour résistance abusive ;

INFIRME le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions ;

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société Hédios Patrimoine à payer à Monsieur [R] [B] à titre de dommages et intérêts la somme de 33 000 euros en réparation de son préjudice matériel et la somme de 4 000 euros en réparation de son préjudice immatériel, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, avec capitalisation pour ceux dus pour une année entière, en application de l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE la compagnie MMA Iard à garantir la responsabilité civile de la société Hédios Patrimoine au titre du contrat d'assurance souscrit par la Chambre des indépendants du Patrimoine dans la limite contractuelle du plafond prévu par la police d'assurance de 2004 ;

DIT que, s'agissant d'un sinistre sériel, aucune franchise individuelle n'est opposable M. [R] [B] ;

REJETTE la demande de séquestre ;

DIT n'y avoir lieu à condamnation de Monsieur [R] [B] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Y ajoutant,


DÉBOUTE Monsieur [R] [B] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

CONDAMNE solidairement la société Hédios et la société MMA Iard aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

CONDAMNE in solidum la société Hédios Patrimoine et la compagnie MMA Iard à payer à Monsieur [R] [B] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 21/03152
Date de la décision : 16/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-16;21.03152 ?
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