La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/01/2023 | FRANCE | N°17/13967

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 13 janvier 2023, 17/13967


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 13 Janvier 2023



(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/13967 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4PGS



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Septembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/00318



APPELANT

Monsieur [J] [C]

[Adresse 1]

[Localité 7]

non comparant, non représ

enté, ayant pour conseil Me Bruno AGID, avocat au barreau de PARIS ( toque : P0405)



INTIMEES

SAS SOCIETE [13]

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par Me Eric MANDIN, avocat au...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 13 Janvier 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 17/13967 - N° Portalis 35L7-V-B7B-B4PGS

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Septembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/00318

APPELANT

Monsieur [J] [C]

[Adresse 1]

[Localité 7]

non comparant, non représenté, ayant pour conseil Me Bruno AGID, avocat au barreau de PARIS ( toque : P0405)

INTIMEES

SAS SOCIETE [13]

[Adresse 4]

[Localité 9]

représentée par Me Eric MANDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J046 substitué par Me Yasmine BEN CHAABANE, avocat au barreau de PARIS, toque : R112

CPAM 93 - SEINE SAINT DENIS ([Localité 11])

[Adresse 3]

[Adresse 18]

[Localité 6]

représentée par Me Amy TABOURE, avocat au barreau de PARIS substituée par Me Camille MACHELE, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901

SAS [16]

[Adresse 2]

[Localité 8]

représentée par Me Christine LUSSAULT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0271 substituée par Me Iris LE GALL, avocat au barreau de PARIS, toque : C1831

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre

M. Raoul CARBONARO, Président de chambre

M. Gilles BUFFET,

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Mme Sophie BRINET, Présidente de chambre et Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [J] [C] d'un jugement rendu le 28 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 10] dans un litige l'opposant à la SAS [13], la S.A.S. [16] et la caisse d'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [J] [C] était employé par la S.A.S. [16], une entreprise de travail temporaire, en qualité de maçon voirie et réseaux divers N2P2 ; que par contrat de mission temporaire du 23 mai 2011, il a été mis à disposition de la SAS [13] du 23 au 27 mai 2011 en qualité de poseur de bordures ; que le 27 mai 2011, il a été victime d'un accident du travail à l'occasion d'un chantier situé à [Localité 12] selon déclaration d'accident du 27 mai 2012 ; que cette déclaration* mentionnait que lors de l'ouverture de la tranchée, en piochant la terre, il avait ressenti une douleur dans le dos ; que le 4 avril 2013, il a saisi la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis afin de voir reconnaître la faute inexcusable de son employeur ; qu'il a été déclaré consolidé le 30 avril 2013 et a fait l'objet d'une rechute le 5 décembre 2013 ; que le 29 janvier 2014, la caisse primaire d'assurance maladie a reconnu la rechute imputable à l'accident du travail du 27 mai 2011 ; que le médecin-conseil de la caisse a estimé que son état de santé a été consolidé à la date du 31 mai 2016 ; qu'après l'échec de la tentative de conciliation, M. [J] [C] a saisi le tribunal le 3 avril 2015 aux fins de déclaration de la reconnaissance de la faute inexcusable commise par la SAS [13], substituée à la S.A.S. [16] à l'origine de l'accident du travail dont il a été victime.

Par jugement en date du 28 septembre 2017, le tribunal a :

- reçue le recours de M. [J] [C] ;

- dit ce dernier mal fondé et débouté M. [J] [C] de l'ensemble de ses demandes ;

- rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires.

Le tribunal a considéré que l'action n'était pas prescrite dès lors que l'intéressé avait saisi la caisse d'une demande de conciliation dans le délai de deux ans de l'accident du travail et que le délai de prescription ne recommence à courir qu'à compter de la date de notification du résultat de la conciliation. Le délai n'était pas expiré au moment où il a saisi la caisse puis lors de son recours après la notification de l'absence de conciliation. Au fond, le tribunal a relevé que l'entreprise utilisatrice ne contestait pas que le salarié était bien présent sur un chantier à Enghien-les-Bains et qu'elle n'a pas remis en cause les circonstances de l'accident, puisqu'elle ajoutait en outre que les salariés avaient constaté ce dernier. Sur le reproche fait par le salarié d'avoir réalisé une tâche qui ne rentrait pas dans ses compétences qui nécessitaient l'utilisation d'une machine spéciale ou l'intervention d'ouvriers « main-d''uvre », le tribunal a considéré qu'il ne produisait aucune attestation à l'appui de ses déclarations ni aucun document confirmant celles-ci. Il a donc débouté M. [J] [C] de ses demandes, faute de preuve de ses allégations.

Le jugement a régulièrement été notifié par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception remise le 19 octobre 2017 à M. [J] [C] qui en a interjeté appel lettre recommandée avec demande d'accusé de réception adressée le 16 novembre 2017.

Par arrêt du 1er avril 2022, la cour, à la suite de l'égarement d'un dossier de plaidoirie, a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 17 novembre 2022 afin que les parties redéposent leurs dossiers de plaidoirie reconstitués, a sursis à statuer sur les demandes et réservé les dépens.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, M. [J] [C] demande à la cour de :

- infirmer le jugement dont appel ;

- déclarer la reconnaissance du caractère inexcusable de la faute commise par la SAS [13] substituée à la S.A.S. [16] aux droits de laquelle se trouve la S.A.S. [14] cette dernière demeurant tenue de ses obligations d'employeur à son égard à la suite de l'accident du travail dont il a été victime ;

en conséquence :

- dire et juger que la rente versée par la caisse d'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis doit être majorée ;

- fixer à 100 % la majoration de la rente allouée ;

- ordonner une expertise médicale avec mission habituelle en pareille matière, pour déterminer les chefs de préjudices devant être indemnisés dans le cadre de la présente instance ;

- condamner la S.A.S. [14] à lui payer une indemnité provisionnelle de 5 000 euros au titre des préjudices subis suivants : pretium doloris, préjudice esthétique, préjudice d'agrément, préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle,

- dire commun et opposable à la SAS [13] et à la caisse d'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis en déclaration de jugement commun ;

- condamner la S.A.S. [14] au paiement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

- condamner la S.A.S. [14] aux entiers dépens.

Il expose que le 27 mai 2011, il s'est rendu avec son chef d'équipe, M. [R], sur un chantier de particulier situé [Adresse 5] ; qu'en raison du retard de la machine destinée à réaliser une tranchée dans le sol, le chef d'équipe lui a ordonné de creuser cette cavité à l'aide d'une pioche dans un sol extrêmement sec et dur du fait des conditions climatiques ; qu'aucun plan des sols à creuser ne lui avait été remis de telle sorte qu'il était dans l'ignorance de la nature des sols et de l'existence éventuelle de réseaux ; que cette tâche est en principe effectuée par une machine spéciale ou par des ouvriers « main-d''uvre » mais en aucun cas par un maçon dit VRD ; qu'alors qu'il effectuait les tâches ordonnées, il a été pris d'une très intense douleur dans le dos ainsi que dans la cuisse le faisant tomber à terre saisi d'une sensation de paralysie ; qu'après sa sortie de l'hôpital, il a fait un nouveau malaise avec hospitalisation ; qu'il a souffert d'un syndrome dit de « queue de cheval » (symptômes moteurs, sensitifs, réflexes traduisant la souffrance des racines constituant la queue de cheval, c'est-à-dire les racines situées en dessous du cône terminal) ; que lorsqu'un salarié intérimaire est victime d'un accident du travail, l'action visant à établir l'existence d'une faute inexcusable de l'employeur ne peut être exercée qu'à l'encontre de l'entreprise de travail temporaire.

Il ajoute que la S.A.S. [16] avait nécessairement conscience du danger des fonctions attribuées puisqu'il est indiqué l'existence d'un risque lié à la profession, à savoir des blessures diverses, nécessitant comme équipements, des chaussures, un casque, des gants et un baudrier ; que, par ailleurs, il est précisé à l'article 8 du dit contrat de mission temporaire que les risques sont liés notamment à l'utilisation de la machine, aux matériaux ou substance manipulés, aux conditions de travail et à l'environnement du poste ; que dès lors, l'employeur a pleinement conscience du danger particulier inhérent aux conditions mêmes de travail du poste de « [Localité 15] Voirie et Réseaux Divers (VRD) N2P2 » ; qu'à ce titre, l'employeur doit tout mettre en 'uvre pour éviter un accident ; que tel n'a pas été le cas ; que la tâche de creusage du sol ordonnée par le chef de chantier est en principe spécifiquement effectuée par une machine spéciale ou par des ouvriers « main-d''uvre » mais en aucun cas par un maçon ; qu'il est donc incontestable que le creusage du sol à l'aide d'une simple pioche, n'est pas une exécution normale des fonctions de maçon ; qu'alors qu'une machine avait été spécifiquement affectée pour creuser le sol, le chef d'équipe a ordonné au salarié d'effectuer cette tâche à l'aide d'une pioche dans un sol extrêmement sec et dur, aux lieu et place de ladite machine afin de limiter le retard du chantier de sorte que seule la rentabilité importait ; que l'employeur, n'a en effet jamais attendu la machine en retard pour que le salarié exécute ensuite ses obligations ; que cet acte volontaire ordonné par son supérieur caractérise à lui seul l'absence de mesure prise pour protéger le salarié du danger.

Il précise enfin, relativement aux préjudices subis, qu'il suit un lourd traitement médicamenteux notamment à base de morphine contre un état de dépression post-traumatique (CONTRAMAL, LAROXYL, CELEBREX'), un traitement régulier pour ses douleurs quotidiennes, de nombreuses séances de rééducation chez un kinésithérapeute avec port d'une ceinture lombaire afin de soulager sa douleur, un traitement pour les douleurs du dos (NEURONTIN), des séances d'électrostimulation musculaire et un traitement contre les troubles sexuels (CIALIS).

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.S. [14] venant aux droits de la S.A.S. [16] demande à la cour de :

- la recevoir en ses présentes demandes et y faisant droit ;

- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;

- débouter par conséquence M. [J] [C] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

- condamner M. [J] [C] aux entiers dépens et à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle expose que le contrat d'intérim de M. [J] [C] précisait qu'il serait en charge de la pose de bordures et que son poste ne figurait pas sur la liste des postes à risques prévue à l'article L.231-3-1 devenu L.4154-2 du Code du travail ; que selon le salarié, à la demande de son chef d'équipe, il aurait creusé à l'aide d'une pioche une cavité dans le sol, alors même que cette tâche est en principe effectuée par une machine spéciale ou des ouvriers qualifiés ; que c'est ainsi qu'il se serait blessé au dos ; que la tâche décrite est incompatible avec la mission confiée et que l'horaire de l'intervention des pompiers contredit les assertions du salarié sur un travail effectué sur plusieurs heures ; qu'aucun élément de preuve ne démontre que son chef d'équipe aurait délibérément placé celui-ci dans une situation à risque en lui ordonnant de creuser le sol sans machine ; qu'il résulte du contrat de mission que M. [J] [C] était affecté à un chantier situé à [Localité 9] ; que le salarié ne démontre pas que la S.A.S. [16] ni même la S.A.S. [13] aurait modifié le lieu d'exécution de cette mission ; qu'il n'établit pas davantage avoir reçu de quelconques ordres de creuser le sol alors que sa mission était clairement la pose de bordures et qu'il reconnaît d'ailleurs dans ses écritures que le fait de creuser le sol ne relevait pas de ses fonctions ; que dès lors il apparaît que c'est de son seul fait que le salarié a, comme il le prétend, creusé le sol sans machine ; que la S.A.S. [16] ne pouvait nullement avoir conscience des risques encourus - et assumés - par M. [J] [C] ; que le poste occupé par ce dernier ne figurait pas sur la liste des postes à risque et qu'aucune formation spécifique à la sécurité n'incombait à l'entreprise de travail temporaire ; que de surcroît, celle-ci a vérifié les compétences du salarié lorsqu'elle a fait appel à lui pour la première fois en tant que maçon ; qu'il résultait du CV de l'intérimaire que celui-ci disposait d'une expérience et d'une formation adéquates ; que la S.A.S. [16] a de surcroît adressé à ce dernier une formation d'usage, à l'issue de laquelle elle lui a remis un livret sécurité ; qu'elle n'a ainsi manqué à aucune de ses obligations en matière de sécurité.

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la S.A.S. [13] demande à la cour de :

- juger que par voie de conclusions déposées dans le cadre de la procédure de première instance ayant conduit au jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 10] du 28 septembre 2017, la S.A.S. [16], aux droits de laquelle vient la société [14], seule titulaire de l'action à son encontre, s'est désistée de son instance et de son action à son encontre ;

- juger qu'alors qu'elle n'avait émis antérieurement aucune défense au fond ni soulevé d'incident de procédure, elle a demandé au tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 10] de prendre acte de ce désistement d'instance et d'action à son égard ;

- juger que le désistement d'instance et d'action de la S.A.S. [16], aux droits de laquelle vient la société [14] était alors parfait, sans même nécessiter son acceptation ;

- constater que le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 10] dans son jugement du 28 septembre 2017 a omis de statuer sur ce chef de demande ;

en conséquence,

- rectifier l'omission de statuer figurant dans le Jugement rendu par le Tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 10] du 28 septembre 2017 en complétant le dispositif par :

- déclare parfait le désistement d'instance et d'action de la S.A.S. [16], aux droits de laquelle vient la société [14], à l'égard de la S.A.S. [13] ;

- met hors de cause la S.A.S. [13] ;

- confirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 10] le 28 septembre 2017 pour le surplus en ce qu'il n'a prononcé aucune condamnation à son encontre ;

- débouter toutes demandes qui seraient dirigées à son encontre ;

en tout état de cause,

- juger que ni M. [J] [C], ni la S.A.S. [16] aux droits de laquelle vient la société [14], ni la caisse d'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis ne formulent de demandes de condamnation à son encontre ;

- juger que toutes demandes éventuellement formulées par M. [J] [C] ou par la caisse d'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis à son encontre seraient irrecevables par application des articles L412-6 et L452-3 du Code de la sécurité sociale ;

en conséquence,

- déclarer M. [J] [C] irrecevable en son action dirigée à son encontre en cause d'appel faute d'intérêt à agir ;

- prononcer sa mise hors de cause ;

- débouter M. [J] [C] et la caisse d'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis de leurs demandes éventuelles en ce qu'elles seraient formulées à son encontre ;

- condamner M. [J] [C] à lui verser la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens d'appel.

Elle expose relativement au désistement qu'il est établi et non contesté que par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception enregistrée le 3 avril 2015, M. [J] [C] a dirigé son action en reconnaissance de faute inexcusable devant le Tribunal des affaires de la sécurité sociale exclusivement à l'encontre de la S.A.S. [16] ; que cette dernière l'a ensuite assignée en intervention forcée ; que les deux procédures ont été jointes sous le n°RG 17-00318/B ; qu'il est également établi que par conclusions n°3 soutenues à l'audience de plaidoirie ayant conduit au prononcé du jugement entrepris, la S.A.S. [16] s'est désistée de son instance et de son action dirigée à son encontre et a demandé au Tribunal d'en prendre acte ; qu'elle n'avait déposé aucunes conclusions antérieurement et a pris des écritures demandant au Tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 10] de constater le désistement d'instance et d'action de la S.A.S. [16] et de la mettre hors de cause ; que cela est retranscrit dans le Jugement entrepris en pages 3 et 4 ; que, conformément aux articles 394 et suivants du Code de procédure civile, dès lors qu'elle n'avait présenté aucune défense au fond, ni fin de non-recevoir au moment où la S.A.S. [16] s'est désistée de son instance et de son action à son encontre, le désistement d'instance et d'action de cette société à son encontre était parfait.

S'agissant du défaut d'intérêt à agir de M. [J] [C], elle oppose que l'entreprise de travail temporaire conserve sa qualité d'employeur conformément aux dispositions de l'article L 412-6 du Code de la sécurité sociale ; que la demande d'indemnisation complémentaire fondée sur la faute inexcusable doit être dirigée contre cette société de travail temporaire, prise en la personne de son représentant légal, l'entreprise utilisatrice étant seulement exposée à une action récursoire de la part de l'employeur juridique ; que M. [J] [C] ne peut donc diriger son action en reconnaissance de faute inexcusable qu'à l'encontre de la S.A.S. [16] aux droits de laquelle vient la société [14], ses demandes en ce qu'elles seraient formulées à son encontre étant irrecevables ; que, de la même façon, la caisse d'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis ne pourra exercer son action en remboursement des sommes dont elle sera éventuellement amenée à faire l'avance en cas de reconnaissance de l'existence d'une faute inexcusable qu'à l'encontre de la S.A.S. [16] aux droits de laquelle vient la société [14], et serait irrecevable à formuler une quelconque demande à son encontre ; que M. [J] [C] maintient néanmoins artificiellement la présente procédure d'appel à son encontre en demandant à la Cour de dire commun et opposable à son encontre et à la caisse d'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis en déclaration de jugement commun ; que cette demande faite à la Cour, en plus d'être erronée dans sa rédaction, est inutile vis à vis d'elle dès lors que seule la S.A.S. [16] est susceptible d'être concernée par les demandes de M. [J] [C].

Par conclusions écrites visées et développées oralement à l'audience par son avocat, la caisse d'assurance-maladie de Seine-Saint-Denis demande à la cour de statuer ce que de droit sur les mérites de l'appel interjeté par M. [J] [C] quant au principe de la faute inexcusable et la majoration de la rente qui en résulterait et, dans l'hypothèse où la cour retiendrait la faute inexcusable de l'employeur de lui donner acte de ce qu'elle entend pas s'opposer à la demande d'expertise sollicitée et s'en rapporter sur la demande provisionnelle. Elle sollicite la limitation de la mission de l'expert à l'évaluation des postes de préjudices indemnisables au titre de la faute inexcusable et le rappel qu'elle avancera les sommes éventuellement allouées dont elle récupérera le montant sur l'employeur. Elle sollicite enfin la condamnation de tout succombant aux entiers dépens.

SUR CE,

Sur la mise hors de cause de la S.A.S. [13]

Il n'est pas contesté que l'accident dont M. [J] [C] a été victime est survenu alors qu'il travaillait comme salarié en intérim de la S.A.S. [16] aux droits de laquelle se trouve la S.A.S. [14] et mis à disposition de la S.A.S. [13]. Si cette société n'est débitrice d'aucune somme à l'égard du salarié, il est de l'intérêt de ce dernier de l'attraire à la procédure afin qu'elle s'explique sur les conditions de survenance de l'accident, dans le cadre de l'analyse de la demande de reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, au visa de l'article L 421-6 du code de la sécurité sociale.

Dès lors, si aucune demande n'a été formée à son encontre, du fait du désistement de la S.A.S. [14] de tout demande formée à son égard, il ne résulte pas moins du texte précité que l'intérêt de M. [J] [C] commande que le présent arrêt soit déclaré commun à la S.A.S. [13].

Il n'y a donc pas lieu de la mettre hors de cause,

Sur la faute inexcusable

L'employeur est tenu envers son salarié d'une obligation légale de sécurité et de protection de la santé, notamment en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Il a, en particulier, l'obligation de veiller à l'adaptation des mesures de sécurité pour tenir compte des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. Il doit éviter les risques et évaluer ceux qui ne peuvent pas l'être, combattre les risques à la source, adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail, planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions du travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants. Les articles R.4121-1 et R.4121-2 du code du travail lui font obligation de transcrire et de mettre à jour au moins chaque année, dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques pour la santé et la sécurité des travailleurs.

Le manquement à cette obligation de sécurité a le caractère d'une faute inexcusable, au sens de l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été l'origine déterminante dl'accident du travail subi par le salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes y compris la faute d'imprudence de la victime, auraient concouru au dommage.

Il incombe au salarié de prouver que son employeur, qui devait ou qui aurait du avoir conscience du danger auquel il était exposé, n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver. Étant rappelé que la simple exposition au risque ne suffit pas à caractériser la faute inexcusable de l'employeur ; aucune faute ne peut être établie lorsque l'employeur a pris toutes les mesures en son pouvoir pour éviter l'apparition de la lésion compte tenu de la conscience du danger qu'il pouvait avoir.

S'agissant des entreprises de travail temporaire notamment, l'article L 412-6 du code de la sécurité sociale dispose que : « Pour l'application des articles L. 452-1 à L. 452-4, l'utilisateur, le chef de l'entreprise utilisatrice ou ceux qu'ils se sont substitués dans la direction sont regardés comme substitués dans la direction, au sens desdits articles, à l'employeur. Ce dernier demeure tenu des obligations prévues audit article sans préjudice de l'action en remboursement qu'il peut exercer contre l'auteur de la faute inexcusable ».

Au cas particulier, M. [J] [C] était affecté à la pose de bordure pour un chantier situé à [Localité 9], dans le cadre d'un contrat de mission temporaire.

Selon la déclaration établie le 27 mai 2011 et l'attestation du [17], M. [J] [C] qui travaillait depuis 8 heures du matin a été blessé aux alentours de 9 heures lors de l'ouverture d'une tranchée à la pioche, en ayant ressenti une violente douleur dans le dos. Selon l'attestation du directeur départemental des services d'incendie et de secours de Vald'Oise, les secours sont partis vers 9 h 8 au [Adresse 5], lieu de l'accident. Le bulletin d'hospitalisation fait état d'une prise en charge à 9h 59. Il a été médicalement constaté une douleur lombo-sacrée et aux deux cuisses.

M. [J] [C] indique que cet accident a eu un témoin, M. [R].

Tout comme l'a souligné le tribunal, la S.A.S. [16] ne saurait faire grief à M. [J] [C] d'avoir embauché sur un lieu non prévu au contrat de travail, dès lors que l'entreprise utilisatrice admet dans la déclaration d'accident du travail, lui avoir demandé de travailler à Enghien les Bains, de telle sorte que l'outrepassement de la mission est imputable à cette dernière.

La S.A.S. [13] admet en outre que M. [J] [C] travaillait à creuser une tranchée lorsque l'accident et survenu.

Le changement des tâches contractuelles ne constitue pas en soi une faute inexcusable et M. [J] [C] doit en démontrer les composantes.

En l'espèce, l'accident, dont il n'est pas discutable qu'il est survenu à une heure de travail et sur le lieu de travail, n'est pas la résultante d'un affaissement de terrain ou d'un risque particulier lié à la dangerosité de creuser une tranchée. M. [J] [C] ne démontre pas ses assertions relatives à la nature du terrain à creuser et au fait qu'une machine était prévue pour réaliser la tranchée. En effet, il ne dépose pas d'attestation du témoin qu'il mentionne dans sa déclaration d'accident du travail. Le seul maniement d'une pioche, sans preuve de circonstances particulières liées aux conditions d'exercice de la tâche, n'implique pas la preuve de la conscience d'un danger par la S.A.S. [13], entreprise utilisatrice.

M. [J] [C] succombe donc à démontrer qu'il était exposé à un danger dont la S.A.S. [13] aurait dû avoir conscience.

En conséquence, la faute inexcusable de la S.A.S. [16] aux droits de laquelle se trouve la S.A.S. [14] ne saurait être retenue.

Le jugement déféré sera donc confirmé.

M. [J] [C], qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel et au paiement à la S.A.S. [14] de la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. La demande formée par la S.A.S. [13] à son égard sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DÉCLARE recevable l'appel de M. [J] [C] ;

CONFIRME le jugement rendu le 28 septembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de [Localité 10] ;

Y ajoutant ;

DIT n'y avoir lieu mettre hors de cause la S.A.S. [13] ;

CONDAMNE M. [J] [C] à payer à la S.A.S. [14] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [J] [C] de ses demandes ;

DÉBOUTE la S.A.S. [13] de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ;

DÉCLARE le présent arrêt opposable à la S.A.S. [13] et à la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis

CONDAMNE M. [J] [C] aux dépens d'appel.

La greffière Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 17/13967
Date de la décision : 13/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-13;17.13967 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award