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12/01/2023 | FRANCE | N°22/12359

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 12 janvier 2023, 22/12359


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 12 JANVIER 2023



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12359 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCNI



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Avril 2022 -Juge des contentieux de la protection de Paris - RG n° 12-21-1720





APPELANTE



Mme [K] [G]



[Adresse 2]

[L

ocalité 4]



Représentée par Me Jean-emmanuel NUNES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0025



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/016566 du 08/06/2022 accordée par...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12359 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGCNI

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 26 Avril 2022 -Juge des contentieux de la protection de Paris - RG n° 12-21-1720

APPELANTE

Mme [K] [G]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-emmanuel NUNES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0025

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/016566 du 08/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIME

M. [P] [M]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté et assisté par Me Jean-yves ROCHMANN, avocat au barreau de PARIS, toque : D0643

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, devant Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport, conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thomas RONDEAU, Conseiller, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

******

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 1er avril 2013, M. [M] a consenti un bail d'habitation à Mme [G] sur des locaux situés au [Adresse 2]) moyennant le paiement d'un loyer mensuel de 832 euros et d'une provision pour charges de 85 euros.

Par acte d'huissier de justice du 9 juillet 2020, le bailleur a fait délivrer à la locataire un commandement de payer la somme principale de 16.844 euros au titre de l'arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue au contrat.

La commission de prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de Mme [G] 15 juillet 2020.

Le commandement de payer est demeuré infructueux.

Par acte d'huissier de justice du 3 mai 2021 M. [M] a assigné Mme [G] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé pour faire constater l'acquisition de la clause résolutoire, être autorisé à faire procéder à l'expulsion de Mme [G] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes : une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant d'un montant de 932 euros charges comprises à compter de la résiliation du bail et jusqu'à libération des lieux ; 13.299,56 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif arrêté au 30 avril 2021 avec intérêts au taux légal à compter du commandement payer ; 1.800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

Mme [G] a demandé au juge de prononcer l'annulation du commandement de payer, de dire n'y avoir lieu à référé, subsidiairement de débouter le demandeur, de le condamner à lui verser la somme de 8.925 euros au titre des charges locatives injustifiées et en tout état de cause de le condamner à lui verser 1.000 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridictionnelle ainsi qu'aux dépens.

Par ordonnance de référé contradictoire du 26 avril 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a :

- rejeté le moyen tiré de l'incompétence du juge des référés et dit n'y avoir lieu à contestation sérieuse quant à la validité du commandement de payer du 9 juillet 2020 ou quant à l'indécence des lieux ;

- constaté que la dette locative visée dans le commandement de payer du 9 juillet 2020 n'a pas été réglée dans les deux mois ;

- constaté en conséquence que le contrat conclu le 1er avril 2013 M. [M], d'une part et Mme [G] d'autre part concernant les locaux situés au [Adresse 2]) est résilié depuis le 10 septembre 2020 ;

- ordonné à Mme [G] de libérer de sa personne de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef les lieux situés au [Adresse 2]) ainsi que le cas échéant tous les lieux loués accessoirement au logement ;

- dit qu'à défaut de libération volontaire il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique ;

- dit que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.431-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

- rappelé que l'expulsion ne pourra avoir lieu qu'hors période hivernale et à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement à libérer les lieux ;

- condamné Mme [G] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit 902 euros par mois ;

- dit que cette indemnité d'occupation qui se substitue au loyer, dès le 10 septembre 2020, est payable dans les mêmes conditions que l'étaient le loyer et les charges jusqu'à libération effective des lieux et remise des clés au bailleur ou à son mandataire ;

- condamné Mme [G] à payer à M. [M] la somme de 19.038,51 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif arrêté au 1er février 2022 avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2020 sur la somme de 16.844 euros et à compter de la signification de la présente décision pour le surplus ;

- rejeté la demande reconventionnelle en paiement d'une somme de 8.925 euros ;

- condamné Mme [G] à payer à M. [M] une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [G] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 9 juillet 2020 et celui de l'assignation du 3 mai 2021 ;

- rappelé l'exécution provisoire de droit de la présente décision.

Par déclaration du 30 juin 2022, Mme [G] a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 9 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, Mme [G] demande à la cour, au visa des articles 6, 23 et 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, de :

- prononcer l'annulation de l'ordonnance de référé, en date du 26 avril 2022, rendue par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris ;

statuant en premier et dernier ressort,

- prononcer l'annulation de commandement de payer, en date du 9 juillet 2020 ;

- dire n'y avoir lieu à référé ;

subsidiairement,

- débouter M. [M] de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;

- condamner M. [M] à lui verser à une provision d'un montant de 8.925 euros au titre des charges locatives injustifiées ;

en tout état de cause,

- condamner M. [M] à verser à Me Nunes, avocat, la somme de 1.800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;

- condamner M. [M] aux entiers dépens.

Mme [G] soutient en substance :

- que l'ordonnance doit être annulée conformément aux dispositions de l'article 112 du code de procédure civile car elle estime que le fait que Mme Scharre, juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, ait statué sur cette affaire dont elle était saisie et alors même qu'elle avait été nommée conseiller à la cour d'appel de Versailles en cours de délibéré est contraire au dispositions de l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme et aux dispositions de l'article R.312-5 du code de l'organisation judiciaire ;

- qu'elle argue de la nullité du commandement de payer du 9 juillet 2020 car elle estime que celui-ci n'a pas été délivré de bonne foi notamment parce qu'il ne précisait pas à quel titre les différentes sommes étaient réclamées, à savoir au titre des loyers ou des charges locatives et pour quelles échéances, alors que les dispositions de l'article 24.I de la loi du 6 juillet 1989 établit la nécessité de distinguer les charges locatives des loyers impayés, décompte de la dette compris, et ce pour permettre au locataire de prendre partie en temps utile ;

- qu'en tout état de cause elle élève une contestation en justifiant du versement au bailleur des allocations-logement par la Caisse d'allocations familiales ;

- qu'elle relève l'absence de tout justificatif des charges prétendument réclamées ; qu'à tout le moins elle conteste celles-ci faute de régularisation conforme aux exigences de l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 ;

- que le bailleur ne justifie pas d'une régularisation au moins annuelle des charges locatives récupérables, de même qu'il n'apporte aucune justification des provisions notamment par la communication des résultats antérieurs arrêtés lors des précédentes régularisations par la communication des décomptes par nature de charges, contrairement aux articles 23 et 38 de la loi du 6 juillet 1989 ; que cela justifie le bailleur soit condamné à lui verser la somme de 8.925 euros ;

- que le premier juge aurait dû se déclarer incompétent, du fait que le bailleur formulait une demande abusive visant au paiement d'un plein loyer sur cinq ans, alors qu'elle justifiait du paiement de ses loyers par elle-même ou par la Caisse d'allocations familiales et qu'il était constaté par le juge lui-même que les sommes réclamées ne correspondaient en rien aux sommes dues ;

- qu'elle argue de l'indécence des locaux en contradiction de l'article 6 de la loi du juillet 1989, comme a pu le relever l'injonction municipale et le rapport de la Fondation Abbé Pierre car celui-ci ne comporte pas les installations nécessaires à toute habitation, qu'il s'agisse de l'absence des installations de chauffage fixe, de l'existence d'une installation électrique particulièrement dangereuse ou d'une installation d'évacuation défaillante devant être remplacée depuis 2018.

Dans ses conclusions remises le 25 septembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [M] demande, au visa des dispositions des articles 15 et 24 de la loi du 6 juillet 1989 et de l'article 6 de la loi du 31 mai 1990, de :

- dire et juger Mme [G] irrecevable et en tout état de cause mal fondée en son appel ;

en conséquence,

- débouter Mme [G] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- le dire et le juger recevable et bien fondé en toutes ses demandes ;

- confirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions, en conséquence :

rejeter le moyen tiré de l'incompétence du juge des référés et dire n'y avoir lieu à contestation sérieuse quant à la validité du commandement de payer du 9 juillet 2020 ou quant à l'indécence des lieux ;

constater que la dette locative visée dans le commandement de payer du 9 juillet 2020 n'a pas été réglée dans les deux mois ;

constater en conséquence que le contrat conclu le 1er avril 2013 entre les parties concernant les locaux situés [Adresse 2]) est résilié depuis le 10 septembre 2020 ;

ordonner à Mme [G] de libérer les lieux situés [Adresse 2] de sa personne, de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef ;

dire qu'à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique ;

dire que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.431-1 et L.431-2 du code des procédures civiles d'exécution

rappeler que l'expulsion ne pourra intervenir qu'hors la période hivernale et à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la délivrance d'un commandement d'avoir à libérer les lieux ;

condamner Mme [G] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 902 euros ;

condamner Mme [G] à lui payer la somme de 23.420,51 euros à titre de provision sur l'arriéré locatif arrêté au 4 août 2022, avec intérêts au taux légal à compter du 9 juillet 2020 sur la somme de 16.844 euros, à compter de la signification de l'ordonnance sur la somme de 19.038,51euros et à compter de la signification de l'arrêt pour le surplus ;

rejeter la demande reconventionnelle en paiement de Mme [G] d'une somme de 8.925 euros ;

condamner Mme [G] à lui payer une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamner Mme [G] aux dépens, lesquels comprendront le coût du commandement de payer du 9 juillet 2020 ;

- condamner Mme [G] à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens tant de première instance que d'appel, qui comprendront le coût du commandement de payer du 9 juillet 2020, d'un montant de 211,42 euros ;

- dire et juger que Me Rochmann, avocat constitué, pourra recouvrer directement les dépens, et ce, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

M. [M] soutient en substance :

- que, quant à la demande de l'appelante de voir annuler l'ordonnance, les dispositions de l'article R.312-5 du code de l'organisation judiciaire ne concernent pas la prétendue nullité de la décision invoquée et qu'en tout état de cause il ne saurait être reproché à un magistrat d'avoir délibéré sur une décision dont il a présidé l'audience au cours de laquelle il a entendu les plaidoiries des parties, s'agissant de surcroît d'une procédure orale et à juge unique, au seul motif qu'il aurait été nommé conseiller à la cour d'appel de Versailles ;

- que le juge a parfaitement motivé sa décision en indiquant que le commandement de payer du 9 juillet 2020 est parfaitement valable, car il considère que celui-ci est régulier, notamment parce qu'il mentionne le montant de la dette locative arrêté au 1er juillet 2020 ; qu'il comporte en annexe le décompte de la dette locative, mentionne le montant du loyer mensuel de 917 euros charges comprises et comprend en outre une ventilation annuelle de la dette locative et des précisions sur l'imputation des règlements réceptionnés par le bailleur ; qu'aucun justificatif des charges locatives n'avait à être annexé à ce commandement et qu'en tout état de cause Mme [G] avait reçu quelques jours avant la délivrance du commandement une lettre de relance de la part de son bailleur explicitant son arriéré locatif et l'avertissant de la prochaine délivrance d'un commandement de payer par huissier ;qu'ainsi elle ne pouvait donc ignorer le montant exact de sa dette locative ;

- qu'il ne conteste pas ne pas avoir procédé à la régularisation annuelle des charges locatives et qu'en tout état de cause, celle-ci ne saurait avoir de conséquence sur la dette locative en principal et l'acquisition de la clause résolutoire du bail ; qu'il fait valoir en outre que, pour clore le débat sur ce point, il a, devant le premier juge, ramené sa demande en paiement des loyers et indemnités d'occupation à la somme de 22.268,51 euros à la somme de 19.038,51 euros, déduction faite des provisions sur charges et que le premier juge lui en a donné acte ;

- qu'il réfute l'argument selon lequel l'appartement serait indécent notamment car le rapport de visite établi en novembre 2021, six mois après la délivrance de l'assignation, n'était pas contradictoire, qu'il lui est donc inopposable et qu'en tout état de cause il a procédé à tous les travaux nécessaires, notamment à l'installation d'une nouvelle chaudière et à la mise en conformité de l'installation électrique, que l'appartement n'a jamais fait l'objet d'un arrêté de péril et qu'en tout état de cause la locataire ne s'est jamais plainte d'un de troubles de jouissance ou de non-conformité de son logement ;

- que, sur la demande de sa condamnation à la somme de 8.925 euros au titre des charges locatives prétendument injustifiées, il fait valoir tout d'abord que cette demande se heurte à la prescription de trois ans applicable en matière de loyers et charges, qu'à tout le moins elle ne peut donc remonter qu'au mois de janvier 2019 ; que, sur cette période, elle n'avait payé que les échéances de loyer de janvier à juillet 2019.

SUR CE LA COUR

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Le maintien d'un locataire dans les lieux, alors qu'il est devenu occupant sans droit ni titre en application d'une clause résolutoire de plein droit, caractérise un trouble manifestement illicite. A tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

Il sera rappelé à cet égard :

- qu'un commandement de payer visant la clause résolutoire délivré pour une somme supérieure à la dette véritable reste valable pour la partie des sommes réclamées effectivement due ;

- qu'il n'appartient pas à la cour, statuant comme juge des référés, de prononcer la nullité d'un commandement de payer, sachant qu'il n'entre pas dans les pouvoirs du magistrat des référés de prononcer une telle nullité ; que le juge des référés ne peut que déterminer si les éventuelles irrégularités, invoquées à l'encontre du commandement, sont susceptibles de constituer un moyen de contestation sérieuse l'empêchant de constater la résolution du bail.

En l'espèce, s'agissant à titre liminaire de la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise, Mme [G] fait valoir qu'il y aurait lieu d'en prononcer la nullité au motif que la magistrate aurait été nommée 'immédiatement' conseillère à la cour d'appel de Versailles et aurait intégré la 14ème chambre civile de la cour d'appel, de sorte que ce faisant, elle aurait méconnu le droit à un tribunal indépendant et impartial.

Force est toutefois de constater :

- que n'est pas versé aux débats le journal officiel auquel il est fait référence, et qu'en toute hypothèse, n'est produit aucun acte démontrant la date à laquelle Mme Scharre aurait été installée dans ses nouvelles fonctions, seul élément permettant de déterminer la date de son changement de fonctions ;

- qu'ainsi, n'est pas établie la circonstance que Mme Scharre aurait rendu sa décision alors qu'elle n'était plus affectée au tribunal judiciaire de Paris ;

- que la circonstance qu'un magistrat de première instance soit devenu magistrat en appel ne crée aucune difficulté quant au droit à un tribunal indépendant et impartial, Mme Scharre n'étant pas le juge d'appel de la décision, ne faisant pas partie de la présente formation, les dispositions de l'article R. 312-5 du code de l'organisation judiciaire alléguées étant sans rapport avec la demande.

La demande d'annulation de la décision sera rejetée.

S'agissant du commandement de payer délivré, si, pour rappel, le juge des référés ne saurait prononcer sa nullité sans excéder ses pouvoirs, il y a toutefois lieu d'examiner si les irrégularités alléguées suffisent à empêcher de constater l'acquisition de la clause résolutoire.

Il sera à cet égard relevé :

- que l'appelante expose en substance que le commandement délivré n'aurait pas été délivré de bonne foi, en ne faisant pas mention des différentes sommes réclamées et pour quelles échéances, sans par ailleurs être accompagné de justificatifs relatifs aux charges réclamées ;

- que, cependant, l'intimé relève à juste titre que le commandement de payer mentionnait la dette locative arrêtée au 1er juillet 2020 de 16.844 euros et était accompagné d'un décompte faisant état de ce que le dernier chèque, de 609 euros, avait été reçu le 22 juin 2020, le reste des sommes dues n'étant pas réglé ;

- que, de plus, même en prenant en compte le litige relatif aux charges, ce alors même qu'aucune disposition n'impose de joindre au commandement le justificatif des charges, mêmes les loyers n'ont pas été réglés depuis juin 2020, étant rappelé que le commandement de payer demeure efficace même si une partie seulement des sommes demeure incontestablement due ;

- que les observations de l'appelante sur le fait que les sommes mentionnées sont contestées sont ainsi inopérantes.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a constaté l'acquisition de la clause résolutoire avec toutes conséquences de droit.

Concernant la condamnation provisionnelle, il y a lieu de retenir :

- que, selon le décompte actualisé produit par l'intimé arrêté au 4 août 2022 (pièce 14), Mme [G] serait redevable de la somme de 23.420,51 euros ;

- qu'il sera observé que M. [M], aux termes de ce décompte, a abandonné ses demandes relatives aux charges devant le juge des référés, de sorte que les contestations élevées sur ce point par Mme [G] sont inopérantes ;

- que ce décompte prend aussi en compte de manière détaillée les versements de la CAF ainsi que les règlements partiels de la locataire ;

- que, s'agissant des demandes reconventionnelles de Mme [G], celle-ci réclame d'abord la condamnation provisionnelle de 8.925 euros au titre des charges locatives injustifiées depuis le 1er avril 2013 (85 euros pour 105 mois) ;

- que M. [M] lui oppose d'abord valablement la prescription de trois ans applicable, de sorte que, la réclamation n'ayant été formulée que le 10 janvier 2022, à tout le moins, des contestations sérieuses s'opposent à toute condamnation provisionnelle pour la période antérieure à janvier 2019 ;

- que, pour le surplus, le dernier décompte du propriétaire prend en compte le fait qu'il a renoncé à tout paiement au titre des charges depuis janvier 2019 ;

- que la demande reconventionnelle est donc sans effet sur la solution du présent litige, puisque demeurent dus de manière incontestable 23.420,51 euros, ce montant ne comprenant aucune demande au titre des charges et prenant en compte les règlements partiels de Mme [G] ;

- qu'ainsi, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur la demande de condamnation provisionnelle formée par Mme [G] à hauteur de 8.925 euros, l'obligation de paiement de M. [M] apparaissant sérieusement contestable ;

- que l'appelante oppose aussi la circonstance que le logement loué serait un logement indécent ;

- qu'elle verse d'abord aux débats un courrier du service technique de l'habitat de la ville de [Localité 5] à la suite d'un contrôle effectué le 4 février 2022 (pièce 6), aux termes duquel l'alimentation électrique n'est pas mise en sécurité et les dispositifs de ventilation insuffisants ;

- que ce courrier, qui déplore certes l'état du logement, n'établit pas pour autant un manquement du propriétaire à son obligation de délivrance, ce d'autant que l'intimé produit la facture de remise aux normes de l'électricité effectuée peu après le contrôle (facture du 12 avril 2022, pièce 15) ;

- que, pour le surplus, Mme [G] se fonde sur un 'rapport de visite' effectué le 26 novembre 2021 (pièce 7) par la Fondation Abbé Pierre, rapport non contradictoire, de sorte que les manquements allégués du propriétaire indiqués ne sont pas établis avec l'évidence requise en référé, aucune autre pièce n'étant produite s'agissant de l'état du logement ;

- que l'exception d'inexécution ne saurait ainsi être retenue, étant rappelé que le juge des référés peut statuer si l'exception soulevée n'est manifestement pas établie, sans qu'il ne soit nécessaire de renvoyer la décision aux juges du fond, en particulier lorsque l'impossibilité d'utiliser les lieux conformément à leur destination n'est pas caractérisée par la partie soulevant l'exception d'inexécution.

Aussi, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge, sauf à actualiser le montant de la condamnation provisionnelle dans les conditions indiquées au dispositif, le point de départ des intérêts partant de la signification du présent arrêt eu égard à cette actualisation.

A hauteur d'appel, il sera dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes des parties. La situation des parties et l'équité commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel, Mme [G] étant condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Rejette la demande d'annulation de l'ordonnance entreprise ;

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à actualiser le montant de la condamnation provisionnelle ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Condamne Mme [K] [G] à verser à M. [P] [M] la somme provisionnelle de 23.420,51 euros sur l'arriéré locatif arrêté au 4 août 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent arrêt ;

Dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne Mme [K] [G] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, dont distraction au profit de Me Jean-Yves Rochmann.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE

DE CHAMBRE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/12359
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;22.12359 ?
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