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12/01/2023 | FRANCE | N°22/12140

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 12 janvier 2023, 22/12140


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 12 JANVIER 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12140 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBUF



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Juin 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2022015961





APPELANTE



S.A. BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS Agissant poursuit

es et diligences de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège



[Adresse 7]

[Localité 6]



Représentée par Me Yves-marie RAVET de la SELARL RAVET & ASSOCIÉS, av...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/12140 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGBUF

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 16 Juin 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2022015961

APPELANTE

S.A. BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS Agissant poursuites et diligences de son directeur général domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représentée par Me Yves-marie RAVET de la SELARL RAVET & ASSOCIÉS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209

INTIMEE

S.A.R.L. M.A.D. MARKETING Prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 5]

Défaillante, signifiée le 10.08.2022 à tiers présent

PARTIE INTERVENANTE :

S.C.P. BTSG, prise en la personne de Maître [Y] [K], ès-qualités de liquidateur de la S.A.R.L. M.A.D. MARKETING

[Adresse 1]

[Localité 8]

Assignée en intervention forcée le 05.08.2022

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er Décembre 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et Michèle CHOPIN, Conseillère chargée du rapport qui en a donné lecture.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Michèle CHOPIN, Conseillère

Rachel LE COTTY, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RENDU PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Michèle CHOPIN, Conseillère, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société Mad Marketing est titulaire de deux comptes courants, ouverts dans les livres de la société Banque Populaire Rives de Paris, sous les numéros [XXXXXXXXXX03] et [XXXXXXXXXX02].

Exposant qu'au mois de février 2022, la société Mad Marketing aurait utilisé ces comptes bancaires pour mettre en place et exécuter des opérations qui étaient susceptibles de correspondre à une 'arnaque' aux prélèvements bancaires, la société Banque Populaire Rives de Paris a suspendu ces prélèvements sur les comptes de la société de la société Mad marketing.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 9 mars 2022, le conseil de la société Mad Marketing a mis en demeure la société Banque Populaire Rives de Paris de procéder à une annulation des « recalls » et rejets de prélèvements.

Par exploit du 28 mars 2022, la société Mad Marketing a fait assigner la société Banque Populaire Rives de Paris devant le juge des référés du tribunal de commerce de Paris aux fins de voir :

- condamner la société Banque Populaire Rives de Paris au paiement de la somme provisionnelle de 20.000 euros à valoir sur le préjudice subi par la société Mad Marketing du fait des agissements de la société Banque populaire Rives de Paris ;

- enjoindre la société Banque Populaire Rives de Paris de cesser ses agissements frauduleux (recalls et annulation abusive de prélèvements) et ce, sous astreinte de 5.000 euros par recall ou annulation abusive de prélèvements constatés à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- enjoindre la société Banque Populaire Rives de Paris de lever toute opposition aux moyens de paiement de la société Mad Marketing et toute restriction d'accès à ses informations bancaires et ce, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ;

- condamner la société Banque Populaire Rives de Paris à payer à la société Mad Marketing la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Banque Populaire Rives de Paris aux dépens.

Par ordonnance du 16 juin 2022, le juge des référés du tribunal de commerce de Paris a :

- enjoint à la société Banque Populaire Rives de Paris de :

cesser les opérations de recall et d'annulation de prélèvement non autorisées par le client, sous astreinte de 3.000 euros par événement à compter de la signification de la présente décision, et ce pendant 30 jours au-delà desquels il sera à nouveau fait droit, en cas d'inexécution,

lever toute opposition aux moyens de paiement de la société Mad Marketing et toute restriction d'accès à ses informations bancaires, sous astreinte de 1.500 euros, si non levée, à compter de la signification de la présente décision, et ce pendant 30 jours au-delà desquels il sera à nouveau fait droit, en cas d'inexécution,

annuler les annulations abusives de prélèvements et de créditer les montants correspondants sur les comptes des bénéficiaires, sous la réserve d'une provision suffisante, et ce sous astreinte de 1.500 euros, si non annulation, à compter de la signification de la présente décision, et ce pendant 30 jours au-delà desquels il sera à nouveau fait droit, en cas d'inexécution,

- condamné la société Banque Populaire Rives de Paris à payer à la société Mad Marketing la somme provisionnelle de 10.000 euros pour le préjudice subi ;

- débouté la société Banque Populaire Rives de Paris de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts ;

- condamné la société Banque Populaire Rives de Paris à payer à la société Mad Marketing la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté toutes demandes autres, plus amples ou contraires des parties ;

- condamné en outre la société Banque Populaire Rives de Paris aux dépens de l'instance dont ceux à recouvrer par le greffe liquidés à la somme de 41,93 euros TTC dont 6,78 euros de TVA ;

- rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire par provision en application de l'article 514 du code de procédure civile.

Par ordonnance en date 27 juin 2022, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Paris a autorisé la société Banque Populaire Rives de Paris à saisir entre ses mains la créance de dommages et intérêts que détient la société Mad Marketing à son égard, ce afin de sauvegarder les créances de la banque au titre des soldes débiteurs de comptes courants n°[XXXXXXXXXX03] et n°21214938316.

En outre, la société Banque Populaire Rives de Paris a fait assigner la société Mad Marketing devant le tribunal de commerce de Paris à l'audience du 1er septembre 2022, aux fins de condamnation de cette dernière à lui régler les soldes de découverts bancaires.

Par déclaration du 28 juin 2022, la société Banque Populaire Rives de Paris a relevé appel de la décision rendue le 16 juin 2022.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 juillet 2022, la société Banque Populaire Rives de Paris demande à la cour de :

- infirmer, en toutes ses dispositions, l'ordonnance de référé rendue le 16 juin 2022 par le président du tribunal de commerce de Paris ;

En conséquence, statuant à nouveau,

- débouter la société Mad Marketing et la société Btsg, prise en la personne de Me [Y] [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

- condamner la société Btsg, prise en la personne de Me [Y] [K] es qualités de liquidateur judiciaire de la société Mad Marketing à lui payer une somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

- condamner la société Btsg, prise en la personne de Me [Y] [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mad Marketing à lui payer la somme de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Btsg, prise en la personne de Me [Y] [K] ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Mad Marketing aux entiers dépens.

La société Banque populaire Rives de Paris soutient en substance que :

- le juge des référés a excédé ses pouvoirs en statuant sur la responsabilité contractuelle invoquée par la société Mad Marketing, dès lors que la qualification d'une faute contractuelle ou délictuelle est hors de son champ de compétence et alors que par application des dispositions de l'article 873 alinéa 2, il ne peut statuer que sur l'exigibilité d'une obligation dont il doit apprécier le caractère contestable ou non ;

- les dispositions des articles 872 et 873 alinéa 1 du code de procédure civile ne constituent pas plus un fondement permettant au juge d'allouer à une partie des dommages et intérêts, même par provision, sur le fondement de la responsabilité contractuelle ;

- en tout état de cause, même à supposer que le fondement légal invoqué permette à la société Mad Marketing de solliciter des dommages et intérêts, il y a lieu de noter le caractère particulièrement imprécis et évasif des motifs de l'ordonnance pour apprécier la faute de la banque et quantifier le préjudice ;

- aucune faute sérieuse ne peut être invoquée contre la banque, car ce sont les agissements de la société Mad Marketing qui sont la cause des troubles dont elle se prétend aujourd'hui victime ;

- s'agissant du préjudice, il convient également de constater l'absence de tout élément démontrant quel les recalls ont troublé les fournisseurs et ébranlé la confiance qu'ils avaient en leur cliente

- les découverts en compte relèvent du seul fait de la société Mad Marketing qui a fait exécuter de nombreuses opérations aux débits des comptes sans manifestement anticiper le taux de rejet très élevé des prélèvements SEPA qu'elle a émis ; elle est donc à l'origine de ce trouble ;

- les agissements de la société Mad Marketing ont immédiatement revêtu les caractéristiques d'une fraude, dès lors qu'elle est dans l'impossibilité de justifier des mandats de prélèvements SEPA de ses clients ;

- le taux de rejet important des prélèvements, le fait que certains comptes bancaires de personnes décédées aient été prélevés et les nombreux témoignages versés aux débats suffisent à démontrer le caractère anormal et gravement répréhensible des agissements de la société Mad Marketing ;

- les opérations restrictives entreprises par la banque sont parfaitement légales, compte tenu du fonctionnement anormal du compte bancaire, relevant manifestement du domaine de la fraude et sont justifiées pour prévenir le risque d'une extension de l'escroquerie ;

- au jour où la cour statue, les conventions sont résiliées et les comptes clos si bien qu'aucune opération de recall ne peut être initiée.

Par jugement du 6 juillet 2022, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire à l'égard de la société Mad marketing et désigné la société BTSG, en la personne de Me [K], ès qualité de liquidateur.

La société Banque Populaire Rives de Paris a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à la société Mad Marketing par exploit du 10 août 2022.

La société Mad Marketing et la société BTSG, ès qualité de liquidateur de la société Mad Marketing n'ont pas constitué avocat.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE,

L'article 873 du code de procédure civile dispose que le président peut même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Il doit être observé en l'espèce que :

- il résulte des pièces produites qu'entre les 11 et 17 février 2022, la société Mad Marketing a prélevé 4.206 comptes bancaires pour un montant de 90 euros, soit une somme totale 351.333, 44 euros,

- il apparaît, au vu du document intitulé 'flux, conditions et fonctionnement des comptes' que ces opérations présentaient, par la multiplication des flux aux débits et aux crédits des deux comptes un caractère qui pouvait être qualifié d'anormal, alors au surplus, qu'elles ont donné lieu à des rejets au nombre de 2.554,

- le courriel de l'agence Flux- Prélèvements de la Banque Populaire Rives de Paris fait état précisément que sur la somme de 351.333, 44 euros prélevée au total, le montant des rejets s'élève à la somme de 225.449, 11 euros,

- la société Banque Populaire Rives de Paris justifie avoir adressé des courriels à la société Mad Marketing sollicitant la transmission des mandats signés par les débiteurs prélevés, couriels manifestement demeurés sans réponses,

- dans ces conditions, il y a lieu de considérer que les opérations présentées dans de telles circonstances sur les comptes de la société Mad Marketing ont présenté un caractère apparemment suspect, de sorte qu'il n'est pas établi avec l'évidence requise en référé que la banque aurait commis une faute, en émettant des demandes de retour de fonds (recalls) et d'annulation de prélèvements,

- sur ce point précisément, il résulte du rapport du comité français d'organisation et normalisation bancaire produit, et notamment de son article 1.5 que 'le recueil des règles (Rulebook) offre une fonctionnalité de Recall (demande de retour des fonds) L'envoi de cette demande de retour des fonds d'un virement SEPA est faite par la banque du donneur d'ordre auprès de la banque bénéficiaire et ne peut être utilisée que dans les situations suivantes: doublon de transaction de l'émission, problème technique ayant conduit à générer des virements SEPA erronés ou en cas d'origine frauduleuse des virements SEPA émis',

- de la sorte, l'obligation d'indemnisation qui incomberait à la société Banque Populaire Rives de Paris étant sérieusement contestable, il ne pouvait être fait droit à la demande provisionnelle de la société Mad Marketing en réparation de son préjudice, à supposer même qu'il soit caractérisé,

- s'agissant des injonctions faites à la société Banque Populaire Rives de Paris de 'cesser les opérations de recall et d'annulation de prélèvement non autorisées par le client, sous astreinte de 3.000 euros par événement à compter de la signification de la présente décision, et ce pendant 30 jours au-delà desquels il sera à nouveau fait droit, en cas d'inexécution, lever toute opposition aux moyens de paiement de la société Mad Marketing et toute restriction d'accès à ses informations bancaires, sous astreinte de 1.500 euros, si non levée, à compter de la signification de la présente décision, et ce pendant 30 jours au-delà desquels il sera à nouveau fait droit, en cas d'inexécution, annuler les annulations abusives de prélèvements et de créditer les montants correspondants sur les comptes des bénéficiaires, sous la réserve d'une provision suffisante, et ce sous astreinte de 1.500 euros, si non annulation, à compter de la signification de la présente décision, et ce pendant 30 jours au-delà desquels il sera à nouveau fait droit, en cas d'inexécution', il ressort de ce qui précède que les opérations de recalls et les annulations de prélèvements pratiquées par la société Banque Populaire Rives de Paris ne peuvent être considérées comme fautives ou abusives avec l'évidence requise en référé, ni encore qu'elles constitueraient un trouble manifestement illicite qu'il conviendrait de faire cesser, alors que les conventions de comptes de la société Mad Marketing ayant été résiliées, et les comptes clôturés par courrier du 1er juillet 2022, aucune opération de recall, annulation de prélèvement, opposition aux moyens de paiement, restriction d'accès ne peut être pratiquée au jour où la cour statue,

L'ordonnance rendue sera ainsi infirmée en toutes ses dispositions.

La société Mad Marketing qui succombe sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la société Banque Populaire Rives de Paris la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance rendue en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Mad Marketing,

Rejette toutes les autres demandes,

Condamne in solidum la société Mad Marketing et la société BTSG, ès-qualités de liquidateur de la société Mad Marketing, aux dépens de première instance et d'appel,

Condamne in solidum la société Mad Marketing et la société BTSG, ès-qualités de liquidateur de la société Mad Marketing à payer à la société Banque Populaire Rives de Paris la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE

DE CHAMBRE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/12140
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;22.12140 ?
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