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12/01/2023 | FRANCE | N°22/11808

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 12 janvier 2023, 22/11808


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 12 JANVIER 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11808 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAVT



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Juin 2022 -Président du TJ de CRETEIL - RG n° 22/00025





APPELANTE



S.A.S. ROCHE, RCS de Nanterre sous le numéro 552 012 031,

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 6]

[Adresse 6]



Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSO...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11808 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAVT

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 14 Juin 2022 -Président du TJ de CRETEIL - RG n° 22/00025

APPELANTE

S.A.S. ROCHE, RCS de Nanterre sous le numéro 552 012 031, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Michel GUIZARD de la SELARL GUIZARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0020

Assistée à l'audience par Me Arnaud VERMERSCH, avocat au barreau de PARIS, toque : T007

INTIMEES

S.A.S. CENEXI, RCS de Créteil sous le n° 440 198 687, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 22]

[Adresse 22]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Assistée à l'audience par Me Carine LE ROY-GLEIZES, avocat au barreau de PARIS, toque : B1190

Etablissement Public EPFIF

[Adresse 7]

[Adresse 7]

Représentée par Me Michaël MOUSSAULT de la SELAS DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : T07

S.C.I. ESPACE FONTENAY

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Défaillante, signifiée le 14.09.2022 à étude

S.C.I. JB FONTENAY

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Défaillante, signifiée le 14.09.2022 à étude

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Décembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Thomas RONDEAU, Conseiller , dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- RENDU PAR DÉFAUT

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thomas RONDEAU, Conseiller, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Roche a exploité, à compter de 1920, des activités de fabrication chimique et pharmaceutique sur un site industriel situé à [Localité 19], au [Adresse 22]. Ces activités étaient soumises à la législation sur les installations classées pour la protection de l'environnement.

Entre les années 2000 et 2001 elle a opéré une restructuration de son activité et a cessé son activité de fabrication chimique. En parallèle de cette cessation partielle d'activité, elle n'a conservé que la fabrication de produits à usages pharmaceutiques humains dont l'exploitation sur le site de [Localité 19] a été transféré à la société Cenexi, faisant l'objet d'un traité d'apport partiel d'actif en octobre 2003 prenant effet le 1er janvier 2004.

Dans le cadre de cette apport, la société Cenexi s'est vu transférée la propriété du site de [Localité 19] et d'autres actifs, le droit à un bail emphytéotique portant sur une parcelle (parcelle [Cadastre 10], dénommée « parcelle Gaveau ») et le fonds de commerce « de fabrication de produits pharmaceutiques exploité à [Localité 19] ».

Sur le plan immobilier, la cessation de ces activités par la société Roche s'est matérialisée par la fin de l'utilisation et la transformation partielle en parking de la zone où s'opérait l'activité de fabrication chimique, sur les parcelles [Cadastre 17], [Cadastre 13] partielle, [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 11] et [Cadastre 12] ; la société JB Fontenay étant propriétaire d'une parcelle contiguë cadastrée [Cadastre 10].

La société Apave a réalisé, en avril 2002, dans le cadre de la cessation d'activité, un diagnostic initial comprenant des investigations de terrain, puis en juillet 2002 une étude simplifiée des risques, qui a conclu sur la base de la campagne d'investigations de terrain précédemment menée que le site est « à classer en classe 3, site à banaliser ».

En 2008, la société Roche est sortie du capital de la société Cenexi en cédant la totalité de ses parts à la société Phinex.

Le secteur dit « Cenexi-Gaveau » a été identifié par l'EPFIF pour la réalisation d'une opération d'aménagement et elle a ainsi mandaté la société Suez pour réaliser en janvier 2021 une étude historique et documentaire et en avril 2021 des investigations de terrain, son rapport de diagnostic ayant été rendu en avril 2021 faisant état d'une pollution des sols.

Par arrêté préfectoral du 2 septembre 2021, a été déclarée d'utilité publique au profit de l'Etablissement Public Foncier d'[Localité 20] (ci-après l'EPFIF) la constitution d'une réserve foncière en vue de l'aménagement du secteur « Cenexi-Gaveau » à [Localité 19] dans le périmètre de laquelle la société Cenexi et la société JB Fontenay étaient propriétaires de parcelles cadastrées sections [Cadastre 17],[Cadastre 9], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12] (site Cenexi), [Cadastre 4] (site Gaveau), et la société Espace Fontenay était titulaire d'un bail emphytéotique.

Par actes d'huissier du 28 décembre 2021, l'Etablissement Public Foncier d'[Localité 20] (EPFIF), estimant que le site présentait des risques importants pour le projet d'aménagement prévu et indiquant n'avoir pu estimer la valeur vénale des parcelles en cause et proposer une indemnité de dépossession aux expropriés, a fait assigner, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil les sociétés Cenexi, Espace Fontenay et JB Fontenay aux fins d'obtenir la désignation d'un expert judiciaire (affaire enrôlée sous le numéro 22/00025).

Par acte d'huissier du 16 février 2022, la société Cenexi a assigné la société Roche en intervention forcée à la procédure engagée par l'EPFIF à son encontre devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil aux fins de voir (affaire enrôlée sous le numéro 22/00249) constater que la société Roche est détentrice, en sa qualité de dernier exploitant, d'informations nécessaires à la détermination de la date d'apparition et des causes de la pollution constatée par l'EPFIF et la société Cenexi sur le terrain concerné par la demande d'expertise et doit donc participer aux opérations d'expertise.

Les affaires ont été jointes.

Par ordonnance contradictoire du 14 juin 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil a :

- déclaré recevable l'intervention forcée de la société Roche et dit n'y avoir lieu de la mettre hors de cause ;

- ordonné une mesure d'expertise ;

- désigné pour y procéder :

M. [S] [W]

Diplôme d'ingénieur E.N.S.C.P., Doctorat en chimie

[Adresse 8]

[Adresse 8]

Tél : [XXXXXXXX02]

Fax : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX03]

Email : [Courriel 18]

- avec mission de :

convoquer les parties dans le respect du contradictoire ;

se faire remettre tous documents, pièces, plans, rapports, procès-verbaux que l'expert estimera utile à l'accomplissement de sa mission ;

se faire remettre tous documents, rapports, constats relatifs aux premières investigations réalisées par les parties et permettant d'établir ou non la présence de substance polluante, notamment hydrocarbures, COHV, etc... ;

se rendre sur les parcelles cadastrées sections [Cadastre 17], [Cadastre 9], [Cadastre 14], [Cadastre 15], [Cadastre 16], [Cadastre 11], [Cadastre 12] (site Cexeni), [Cadastre 4] (site Gaveau), [Adresse 22] et [Adresse 21] à [Localité 19] et faire toutes constatations sur la présence de substances polluantes, leur concentration, leur répartition géographique sur les parcelles en cause ;

examiner les lieux, les décrire ;

déterminer, en procédant aux investigations nécessaires, si le terrain en question est atteint d'une pollution et, dans l'affirmative, en déterminer l'origine, la nature, en indiquer la date d'apparition probable, le siège et l'importance, en rechercher les causes ;

puis décrire si possible les intervenants à l'origine de leur dissémination dans l'air, le sol, le sous-sol, la nappe phréatique, etc...;

procéder aux sondages nécessaires à l'évaluation de la pollution des parcelles susvisées ;

préciser, le cas échéant, les moyens propres à remédier à cette pollution par des solutions techniques appropriées à mettre en oeuvre, en évaluer le coût à partir de devis contradictoirement discutés et préciser la durée prévisionnelle des travaux nécessaires pour rendre le site compatible avec sa destination ;

donner toutes informations sur la situation d'urbanisme applicable à la parcelle expropriée et les incidences de la pollution sur les possibilités de construire ;

donner tous les éléments techniques et de faits de nature à permettre à l'Etablissement Public Foncier d'[Localité 20] (EPFIF) d'apprécier le coût de la surveillance de la nappe phréatique aux droits de la parcelle expropriée ;

fournir toutes informations techniques et de faits de nature à permettre à l'EPFIF d'apprécier l'incidence du maintien d'une pollution résiduelle sur le site après remise en état compte tenu de l'usage effectif du terrain à la date de référence telle que déterminée par les dispositions du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

fournir tous les éléments techniques ou de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente, d'évaluer l'ensemble des préjudices directs ou indirects, actuels et futurs qui en résultent, en prenant en considération la charge incombant à chacun des intervenants et de déterminer les incidences de la pollution éventuellement découverte sur la valeur des biens en question ;

déposer tout pré-rapport en cours d'expertise à la demande des parties afin d'en tirer rapidement toute conséquence de droit ;

la cour renvoyant à la décision entreprise pour les modalités de l'expertise ;

- fixé à la somme de 5.000 euros la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par la partie demanderesse à la régie de ce tribunal dans le mois de l'avis de consignation adressé par le greffe ;

- dit que faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, ou demande de prorogation sollicitée en temps utile, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;

- dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 248, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe du tribunal judiciaire dans les 6 mois de la réception de l'avis de consignation sauf prorogation de ce délai dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

- dit que l'exécution de la mesure d'instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du même code ;

- condamné la partie demanderesse aux dépens ;

- dit n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rappelé que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 23 juin 2022, la société Roche a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 4 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Roche demande à la cour, au visa des articles 9, 145, 331 et 445 du code de procédure civile et 1353 du code civil, de :

- déclarer recevable et fondé son appel interjeté ;

y faisant droit,

- infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a déclaré recevable son intervention forcée et dit n'y avoir lieu de la mettre hors de cause ;

statuant à nouveau,

- juger que la société Cenexi n'a aucun intérêt juridique à la mettre en cause dans le cadre de l'expertise ordonnée, en application notamment de l'article 331 alinéa 2 du code de procédure civile ;

- juger que la société Cenexi est irrecevable dans son action en intervention forcée ;

et en conséquence,

- débouter la société Cenexi de sa demande visant à la mettre en cause, avec toute conséquence de droit ;

- condamner la société Cenexi à lui payer la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Cenexi en tous les dépens ;

- condamner la société Cenexi aux dépens de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me Guizard, avocat au barreau de Paris.

La société Roche soutient en substance :

- que l'intérêt d'une partie à une instance de référé-expertise à mettre en cause une tierce partie doit nécessairement s'apprécier à la lumière de l'instance en vue de laquelle est sollicitée l'expertise ;

- qu'en tout état de cause l'EPFIF n'a pas d'intérêt à sa mise en cause et que tout intérêt pour la société Cenexi fait également défaut compte tenu de l'impossibilité d'obtenir du juge de l'expropriation un quelconque constat de sa responsabilité ou de sa condamnation ;

- qu'il est faux de soutenir que l'expertise aurait pour finalité de recherche les auteurs et partant les responsables de l'éventuelle pollution identifiée alors que l'expertise a été demandée pour déterminer la réalité d'une pollution et son étendue, susceptible de diminuer significativement l'indemnité d'expropriation qui sera versée à la société Cenexi dans le cadre de la procédure d'expropriation diligentée par l'EPFIF ;

- que la société Cenexi ne pourrait l'appeler en garantie ou l'assigner en responsabilité s'il découle des mesures d'expertise une dévaluation du site car elle a reconnu elle-même que la société Roche avait acquitté son obligation d'information environnementale ; qu'en outre, le traité d'apport partiel par lequel la propriété des terrains lui a été transférée prévoit que les éléments d'actifs sont dévolus dans l'état où ils se trouvent à la date de réalisation de l'apport, soit au 1 er janvier 2004, qu'elle a donc accepté de prendre les terrains en l'état, ne pouvant alors se retourner contre elle en cas d'éventuelle pollution ;

- que l'ordonnance opère en outre une confusion entre elle et la société Cenexi alors qu'elle a souligné qu'elle n'avait et n'aurait aucune qualité pour être partie à la procédure d'expropriation au sein de laquelle s'inscrit l'expertise judiciaire, le juge mélangeant les parties en cause ; que le juge s'est fondé sur la question de l'intérêt de l'EPFIF à lui rendre communes les opérations d'expertise et non sur l'intérêt propre à la société Cenexi ;

- que la société Cenexi ne démontre pas le caractère essentiel des informations qu'elle détiendrait pour la mission d'expert qui a pour objectif de permettre au juge de l'expropriation de déterminer la valeur vénale des parcelles, lui revenant donc de conduire les investigations nécessaires afin de définir l'état de pollution du site et d'estimer les coûts de réhabilitation et de surveillance ;

- qu'elle a transmis à la société Cenexi toute la documentation pertinente à l'exploitation et à la situation environnementale du site de [Localité 19], cette transmission ayant eu lieu dans le cadre du traité d'apport partiel d'actif entre elle et la société Cenexi ayant pris effet le 1er janvier 2004 et contient notamment tous documents commerciaux, techniques, administratifs, comptables et financiers concernant directement ou indirectement l'exploitation du fonds apporté, et généralement tous les éléments ayant trait à l'exploitation dudit fonds ; qu'une seconde transmission d'informations a été effectuée en 2008 à l'occasion du transfert de ses parts à la société Phinex ; que la société Cenexi ainsi est en pleine possession des informations et des documents précédemment détenus par elle relatifs à l'exploitation du site de [Localité 19] et à son état environnemental.

Dans ses conclusions remises le 6 octobre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Cenexi demande à la cour, au visa des articles 331, 455 et 458 du code de procédure civile, de :

- confirmer l'ordonnance du 14 juin 2022 rendue par le juge des référés du tribunal judiciaire de Créteil dans la procédure RG n°22/00025 ;

- débouter la société Roche de toutes ses demandes ;

- condamner la société Roche à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Roche aux entiers dépens de la présente instance, dont distraction au profit de la société Lexavoué Paris-Versailles.

La société Cenexi soutient en substance :

- que la recevabilité de l'intervention forcée est soumise à la réunion de deux conditions cumulatives, à savoir un lien suffisant avec les prétentions des parties à l'instance principale et celle d'un intérêt propre au demandeur à l'intervention forcée ; que la société Roche dispose nécessairement des informations les plus complètes permettant de remonter l'historique de l'exploitation du site litigieux, ainsi que l'implique la mission de l'expert ; qu'il est faux de prétendre que le seul intérêt du demandeur à une intervention forcée dans le cadre d'un référé expertise se limiterait au fait de pouvoir par la suite l'appeler en garantie ou l'assigner en indemnisation, l'intérêt exigé par l'article 331 du code de procédure civile pouvant également résulter de la mise en cause d'une partie détenant des informations utiles à la mission de l'expert ;

- que le trait d'apport partiel, relatif à la branche d'activités pharmaceutiques et non chimiques, ne lui a pas permis d'être destinataire de la documentation ni des passifs relatifs à la branche chimique ;

- que les opérations d'expertise sont aussi susceptibles de révéler l'existence de pollutions affectant la zone inexploitée et imputables à celle-ci mais également d'un préjudice en résultant pour elle et qu'elle serait donc fondée à agir contre la société Roche notamment en sa qualité de dernier exploitant, en réparation dudit préjudice ;

- qu'aucun des passages de l'ordonnance ne caractérise une insuffisance de motivation, aucune confusion entre les parties n'ayant été opérée par le juge ; que les passages que l'appelante cite ne contiennent aucune anomalie et ne présentent aucune difficulté de compréhension ;

- qu'en tout état de cause les documents qui lui ont été fournis par la société Roche au titre de son obligation légale d'information environnementale ne sont pas suffisants pour que l'expert puisse répondre à sa mission.

L'Etablissement Public Foncier d'[Localité 20] (EPFIF) a constitué avocat le 29 juillet 2022 mais n'a pas conclu.

Par actes du 14 septembre 2022 la société Roche a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions d'appelant aux sociétés Espace Fontenay et JB Fontenay par dépôt étude pour ces deux intimées.

Par actes du 12 octobre 2022 la société Cenexi a signifié ses conclusions d'intimée aux sociétés Espace Fontenay et JB Fontenay par dépôt étude pour ces deux intimées.

Les sociétés Espace Fontenay et JB Fontenay n'ont pas constitué avocat.

SUR CE LA COUR

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, après avoir rappelé que la cour n'est saisie que de l'intervention forcée délivrée et du maintien dans la cause de la SAS Roche, il sera constaté :

- que, s'agissant de l'intervention forcée, aux termes des articles 325 et 331 du code de procédure civile, un tiers peut être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commune la décision, sous réserve que l'intervention se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant ;

- que l'existence d'un lien suffisant par rapport aux prétentions originaires est établi, s'agissant d'une expertise portant sur un site sur lequel la société Roche a exercé des activités de fabrication chimique et pharmaceutique entre 1920 et 2000 ; qu'il est constant que la SAS Cenexi a poursuivi l'activité de fabrication pharmaceutique à partir de 2004 conformément au traité d'apport partiel d'actifs, l'activité chimique, qui a cessé en 2000, n'ayant pas été reprise ;

- que l'expertise a notamment pour objet de déterminer, en procédant aux investigations nécessaires, si le terrain en question est atteint d'une pollution et, dans l'affirmative, d'en déterminer l'origine, la nature, d'en indiquer la date d'apparition probable, le siège et l'importance, d'en rechercher les causes ;

- qu'elle vise aussi à déterminer si possible les intervenants à l'origine de leur dissémination dans l'air, le sol, le sous-sol, la nappe phréatique ;

- que, dans ces circonstances, la SAS Cenexi justifie non seulement du lien suffisant entre le litige originaire et ses prétentions à l'égard de la SAS Roche, mais aussi de son intérêt à agir, la SAS Roche, ancienne exploitante du site, étant à même de fournir des éléments techniques à l'expert pour examiner l'origine de la pollution ;

- que l'expert précise d'ailleurs, dans sa note aux parties du 4 octobre 2022, que la présence de la société Roche aux opérations d'expertise était utile, étant aussi observé par Cenexi que, si elle a pu récupérer la documentation relative aux activités pharmaceutiques, périmètre de l'apport d'actifs, elle n'est en toute hypothèse pas en possession des documents strictement relatifs aux activités chimiques, la cour renvoyant sur ce point à la motivation particulièrement développée du premier juge ;

- que la société Roche, qui fait valoir que la documentation remise par elle serait suffisante, ne justifie pas pour autant l'affirmation selon laquelle elle ne disposerait d'aucune autre information utile à communiquer ;

- que l'expert a sur ce point précisé (cf. compte-rendu de réunion du 23 septembre 2022 et note aux parties du 4 octobre 2022) que la présence de certains solvants spécifiques et atypiques en relation avec les synthèses organiques menées par la société Roche nécessite l'exploitation des données historiques détenues par cette dernière société, de sorte que les documents déjà remis (rapport d'évaluation simplifiée des risques de 2002 notamment) ne sont pas suffisants, peu important aussi que des anciens employés de Roche travaillent désormais pour Cenexi ;

- que les rapports établis en janvier et avril 2021 (Suez Remédiation) et en février 2022 (Ramboll), s'ils renseignent sur l'état de site, ne sauraient rendre inutile l'expertise judiciaire, menée au contradictoire des parties, incluant la société Roche ;

- que c'est ainsi bien la société Cenexi, en tant que propriétaire du site concerné par l'opération menée par l'EPFIF, qui dispose d'un intérêt à voir attraire la société Roche aux opérations, la mission confiée à l'expert incluant, contrairement à ce qu'indique l'appelante, la recherche des causes de la pollution et donc nécessairement des personnes pouvant en être à l'origine ;

- que la mission est aussi de nature à permettre le cas échéant une action de Cenexi contre Roche, puisqu'il est demandé à l'expert de fournir tous les éléments techniques ou de fait de nature à permettre le cas échéant à la juridiction compétente, d'évaluer l'ensemble des préjudices directs ou indirects, actuels et futurs qui en résultent, en prenant en considération la charge incombant à chacun des intervenants et de déterminer les incidences de la pollution éventuellement découverte sur la valeur des biens en question ;

- que, dès lors et contrairement à ce qu'indique l'appelante, la mission confiée à l'expert ne se limite pas à l'évaluation de la valeur de l'ensemble immobilier par le juge de l'expropriation mais concerne aussi les préjudices liés à la pollution constatée ;

- qu'ainsi, la société Cenexi a à juste titre assigné en intervention forcée la société Roche dans le cadre de la décision entreprise ;

- que, par ailleurs, les conditions de l'article 145 du code de procédure civile sont également parfaitement réunies, eu égard d'abord aux motifs déjà rappelés ci-avant ;

- que la société Roche ne peut être suivie lorsqu'elle estime que toute action de la société Cenexi à son encontre serait manifestement vouée à l'échec du fait de la prescription de cinq ans, alors qu'il lui est opposé par Cenexi qu'elle n'a eu connaissance du rapport de diagnostic environnemental qu'à compter de 2021 concernant la zone inexploitée ;

- que, de même, Roche serait susceptible d'engager sa responsabilité contractuelle si les informations fournies lors de l'apport partiel d'actifs s'avéraient inexactes, de sorte que, là encore, une éventuelle action n'est pas nécessairement vouée à l'échec.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, la cour ne peut que constater d'une part l'utilité de l'intervention forcée délivrée et d'autre part le caractère légitime de la mise dans la cause de la société Roche sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, les éléments de fait présentés par la société Cenexi (pollution d'un site pour lequel elle ne dispose que d'informations partielles, site autrefois exploité par Roche, expertise en cours sur la pollution) étant suffisamment crédibles, le litige potentiel n'étant pas manifestement voué à l'échec et la mesure étant de nature à améliorer la situation probatoire de la SAS Cenexi, sans qu'il n'y ait lieu pour mémoire à ce stade d'apprécier le bien-fondé de l'argumentation développée.

Enfin, contrairement à ce qu'indique la société Roche, l'ordonnance entreprise est tout à fait motivée au sens de l'article 455 du code de procédure civile, le juge ayant, sans renverser la charge de la preuve, vérifié l'intérêt de Cenexi à assigner Roche, outre l'existence des conditions de l'article 145 du code de procédure civile, Roche ne sollicitant d'ailleurs pas l'annulation de la décision à hauteur d'appel.

Aussi, l'ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions soumises à la cour, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.

A hauteur d'appel, la SAS Roche devra indemniser la SAS Cenexi pour ses frais non répétibles exposés et sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour ;

Y ajoutant,

Condamne la SAS Roche à verser à la SAS Cenexi la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SAS Roche aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la société Lexavoué Paris-Versailles.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE

DE CHAMBRE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/11808
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;22.11808 ?
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