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12/01/2023 | FRANCE | N°22/11756

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 12 janvier 2023, 22/11756


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 12 JANVIER 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11756 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAQF



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Février 2022 -Président du TJ de MEAUX- RG n° 22/00127





APPELANT



AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT



[Adresse 5]

[Adresse

5]

[Localité 8]



Représenté et assisté par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844







INTIMEE



S.N.C. ALTAREA COGEDIM IDF, RCS de PARIS...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11756 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAQF

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 Février 2022 -Président du TJ de MEAUX- RG n° 22/00127

APPELANT

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représenté et assisté par Me Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1844

INTIMEE

S.N.C. ALTAREA COGEDIM IDF, RCS de PARIS n°810 928 135, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 12]

[Localité 7]

Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assisté à l'audience par Me François-Xavier PIEMONT, substituant Me Jérôme BARBET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0465

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, devant Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thomas RONDEAU, Conseiller, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

La société Altarea Cogedim IDF a déposé le 31 mars 2021 une demande de permis de construire valant permis de démolir portant sur la démolition totale des constructions existantes, la construction d'un ensemble immobilier de 349 logements répartis sur six bâtiments et deux parkings en sous-sol (sur deux niveaux, soit 516 places de parking) et l'édification et la modification de clôtures sur les parcelles cadastrées AG [Cadastre 10], AG [Cadastre 11], AG [Cadastre 9] et AG [Cadastre 4] sises [Adresse 3] à [Localité 15] représentant une surface totale de 14.640 m².

Par arrêté daté du 15 décembre 2021, le maire de [Localité 15] a délivré à la société Altarea Cogedim IDF l'autorisation sollicitée.

Les travaux devaient débuter en avril 2022 avec une livraison prévue au 4ème trimestre de l'année 2024.

Le terrain d'assiette du projet (parcelles AG [Cadastre 10], AG [Cadastre 11], AG [Cadastre 9] et AG [Cadastre 4]) est bordé au nord par la [Adresse 17], à l'ouest parla [Adresse 18] et au sud par la [Adresse 16].

Suivant actes d'huissier en date des 22, 24, 25 et 27 janvier 2022, la société Altarea Cogedim IDF a fait assigner en référé, devant le tribunal judiciaire de Meaux, les propriétaires des parcelles voisines, outre les entités concernées par les voiries et les réseaux existants (réseau électrique, d'eau potable, de gaz, d'assainissement, de fibre optique et de téléphonie) ainsi que les intervenants à l'opération de construction aux fins de constat préventif préalable à la réalisation des travaux de construction, à ses frais avancés.

Par ordonnance réputée contradictoire du 18 février 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Meaux a :

- déclaré recevables les interventions volontaires de la société SFDE et de la société Lakatres ;

- mis hors de cause la société Veolia IDF ;

- rejeté la demande de mise hors de cause de l'agent judiciaire de l'Etat ;

- ordonné une expertise ;

- commis pour y procéder :

Mme [O] [L]

[Adresse 2]

[Localité 13]

Tel : [XXXXXXXX01]

Email : [Courriel 14]

avec mission habituelle de type 'référé préventif', la cour renvoyant à la décision pour le détail de la mission ;

- fixé à la somme de 10.000 euros la provision concernant les frais d'expertise qui devra être consignée par la partie demanderesse à la régie du Tribunal avant le 18 mars 2022 au plus tard ;

- dit, faute de consignation de la provision dans ce délai impératif, la désignation de l'expert sera caduque et de nul effet ;

- dit que l'exécution la mesure d'instruction sera suivie par le juge du service du contrôle des expertises, spécialement désigné à cette fin en application des articles 155 et 155-1 du code de procédure civile ;

- dit l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 232 à 255, 263 à 284-1 du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de chacun de ses pré-rapports et rapport au greffe du tribunal de grande instance de Meaux avant le 1er mars 2020 pour le pré-rapport relatif à l'état des existants, à I'issue de ses opérations pour le rapport définitif, sauf prorogation de ces délais dûment sollicitée en temps utile de manière motivée auprès du juge du contrôle ;

- condamné la société Altarea Cogedim IDF aux dépens ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par déclaration du 22 juin 2022, l'agent judiciaire de l'Etat a relevé appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté sa demande de mise hors de cause.

Dans ses conclusions remises le 11 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, l'agent judiciaire de l'Etat demande à la cour, au visa de l'article 490 du code de procédure civile, de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 et notamment son article 38, des les articles R. 2331-1 et R.2331-2 du code général de la propriété des personnes publiques, de :

- le juger recevable en son appel et bien-fondé en ses demandes ;

- infirmer l'ordonnance de référé réputée contradictoire et en premier ressort rendue par la vice-présidente placée au tribunal judiciaire de Meaux le 18 février 2022 (RG 22/00127) en ce que le juge a rejeté la demande de mise hors de cause de l'agent judiciaire de l'Etat ;

et statuant de nouveau,

- le mettre hors de cause ;

- juger que les demandes, fins et prétentions de la société Altarea Cogedim IDF sont mal fondées ;

en tout état de cause,

- condamner la société Altarea Cogedim IDF à lui verser la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la société Altarea Cogedim IDF aux dépens d'instance et d'appel.

L'agent judiciaire de l'Etat soutient en substance :

- que, pour décider son maintien dans la cause et donc de l'opposabilité des mesures d'expertise à son endroit, le juge des référés a retenu que la parcelle AI[Cadastre 6] voisine des travaux qui seront entrepris par la société Altarea Cogedim IDF appartient à l'Etat ainsi qu'il ressort des matrices cadastrales ;

- que le juge a cependant méconnu son mandat légal de représentation ; qu'il ressort de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 et de la jurisprudence que, dans la cadre d'une procédure devant les juridictions judiciaires, l'agent judiciaire de l'Etat ne peut être mis en cause dès lors qu'aucune demande indemnitaire n'est formée contre l'Etat et que tel n'est pas le cas de la seule demande d'expertise, qui ne constitue pas une demande pécuniaire ;

- qu'il ressort des dispositions des articles R. 2331-1 et R. 2331-2 du code de la propriété des personnes publiques et de l'article 38 de la loi du 3 avril 1955 que l'agent judiciaire de l'Etat n'est pas compétent pour représenter l'Etat dès lors que l'action a trait au domaine de l'Etat, c'est-à-dire les immeubles et meubles dont il est le propriétaire, celle-ci relevant de la compétence de France Domaine définie par le code général de la propriété des personnes publiques ; qu'ainsi, les actions qui auraient un lien avec la parcelle AI[Cadastre 6] dont l'Etat est propriétaire seraient suivies par France Domaine et non par l'agent judiciaire de l'Etat, quand bien même des demandes pécuniaires seraient formulées.

Dans ses conclusions remises le 12 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Altarea Cogedim IDF demande à la cour, au visa des articles 145, 696 et 700 du code de procédure civile, de :

- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice s'agissant de la demande d'infirmation partielle de l'ordonnance attaquée et de mise hors de cause de l'agent judiciaire de l'État ;

- débouter l'agent judiciaire de l'État de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens ;

- l'exonérer de toute condamnation ;

- condamner l'agent judiciaire de l'État, sur le fondement de l'article 696 code de procédure civile, à supporter la charge des dépens.

La société Altarea Cogedim IDF soutient en substance :

- que, si elle entend s'en rapporter une nouvelle fois à justice sur la demande de mise hors de cause de l'agent judiciaire de l'Etat, elle indique qu'eu égard à la mission de l'expert, l'ensemble des parties ont un intérêt à participer aux opérations d'expertise et que, notamment, il est dans l'intérêt de l'Etat que l'expertise porte sur la petite parcelle cadastrée sous le n°AI[Cadastre 6] dont il est propriétaire car, en cas de dommage allégué à la parcelle dont l'État est propriétaire, elle aurait en effet intérêt à lui opposer le constat avant travaux réalisé par l'expert judiciaire ;

- qu'elle conteste la demande formée par l'agent judiciaire de l'Etat au titre des frais et dépens rappelant que la procédure initiée par la concluante n'est qu'un référé préventif ayant pour objet, notamment, de préserver les intérêts de l'Etat en sa qualité de propriétaire de la petite section de voirie concernée ; qu'elle s'en est rapportée à justice et n'a formulé aucune demande à son encontre ; que l'agent judiciaire de l'Etat multiplie inutilement les procédures en vue d'obtenir sa mise hors de cause et elle argue plus particulièrement de l'inutilité de l'assignation devant le premier président de la cour d'appel de Paris sur le fondement de l'article 272 pour obtenir l'autorisation de relever appel ; qu'elle s'estime fondée à obtenir le débouté de l'agent judiciaire de l'Etat de l'ensemble de ses demandes au titre des dépens et frais irrépétibles, sollicitant au contraire qu'il soit mis à sa charge les dépens.

SUR CE LA COUR

Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé sur requête ou en référé.

L'article 145 suppose l'existence d'un motif légitime, c'est-à-dire un fait crédible et plausible, ne relevant pas de la simple hypothèse, qui présente un lien utile avec un litige potentiel futur dont l'objet et le fondement juridique sont suffisamment déterminés et dont la solution peut dépendre de la mesure d'instruction sollicitée, à condition que cette mesure ne porte pas une atteinte illégitime aux droits d'autrui. Elle doit être pertinente et utile.

Ainsi, si le demandeur à la mesure d'instruction n'a pas à démontrer l'existence des faits qu'il invoque puisque cette mesure in futurum est justement destinée à les établir, il doit néanmoins justifier d'éléments rendant crédibles ses suppositions et démontrer que le litige potentiel n'est pas manifestement voué à l'échec, la mesure devant être de nature à améliorer la situation probatoire du demandeur.

De plus, si la partie demanderesse dispose d'ores et déjà de moyens de preuve suffisants pour conserver ou établir la preuve des faits litigieux, la mesure d'instruction demandée est dépourvue de toute utilité et doit être rejetée.

Enfin, ni l'urgence ni l'absence de contestation sérieuse ne sont des conditions d'application de ce texte.

En l'espèce, l'appel ne porte que sur le maintien dans la cause de l'agent judiciaire de l'Etat.

Il sera observé sur ce point :

- que l'article 38 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 dispose, en son premier alinéa, que toute action portée devant les tribunaux de l'ordre judiciaire et tendant à faire déclarer l'Etat créancier ou débiteur pour des causes étrangères à l'impôt et au domaine doit, sauf exception prévue par la loi, être intentée à peine de nullité par ou contre l'agent judiciaire de l'Etat ;

- qu'une mesure d'expertise, ainsi que le fait valoir à juste titre l'appelant, n'est pas une demande pécuniaire formée contre l'Etat ;

- qu'il est aussi à juste titre fait état de ce qu'en toute hypothèse, en application des articles R. 2331-1 et R. 2331-2 du code général de la propriété des personnes publiques, les actions en lien avec une parcelle de l'Etat seraient suivies par l'administration chargée des domaines, à savoir France Domaine, et non par l'appelant.

Aussi, il y a lieu d'infirmer la décision entreprise en ses dispositions soumises à la cour et de mettre hors de cause l'agent judiciaire de l'Etat.

Les circonstances de l'affaire et la situation des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel.

La société intimée, même si elle s'en rapporte à justice, avait assigné en première instance l'agent judiciaire de l'Etat. Elle sera condamnée aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme l'ordonnance entreprise en ses dispositions soumises à la cour ;

Statuant à nouveau,

Met hors de cause l'Agent judiciaire de l'Etat ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne la société Altarea Cogedim IDF aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE

DE CHAMBRE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/11756
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;22.11756 ?
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