La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2023 | FRANCE | N°22/11663

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 12 janvier 2023, 22/11663


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 12 JANVIER 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11663 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAGF



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Décembre 2021 -Tribunal de proximité de SAINT DENIS - RG n° 12-21-1341





APPELANT



M. [U] [C]



[Adresse 1]

Chambre

n° 275

[Localité 4]



Représenté par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/013305 du 10/06/2022 accordée ...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11663 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGAGF

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Décembre 2021 -Tribunal de proximité de SAINT DENIS - RG n° 12-21-1341

APPELANT

M. [U] [C]

[Adresse 1]

Chambre n° 275

[Localité 4]

Représenté par Me Isabelle DELMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1647

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/013305 du 10/06/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

S.A. ADOMA, RCS de PARIS n°B788 058 030, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée et assistée par Me Sylvie JOUAN de la SCP JOUAN WATELET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0226

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, devant Thomas RONDEAU, Conseiller chargé du rapport conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Thomas RONDEAU, Conseiller, pour la Présidente de chambre empêchée et par Saveria MAUREL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat de résidence du 11 janvier 1999, la société Sonacotra a attribué à M. [C] le logement n°A275 situé [Adresse 1]), moyennant une redevance mensuelle révisable de 1.450 francs.

Par acte d'huissier en date du 16 février 2021, la société Adoma, venant aux droits de la société Sonacotra, a signifié au locataire une mise en demeure de faire cesser l'occupation des lieux par des tiers sous 48 heures.

Par ordonnance sur requête en date du 16 mars 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Saint-Denis a autorisé la société Adoma à constater l'état d'occupation de son bien et à faire intervenir un huissier afin de relever l'identité des occupants.

Par procès-verbal de constat sur ordonnance en date du 30 avril 2021, l'huissier a constaté qu'un homme lui avait ouvert la porte indiquant se nommer M. [C]. Il a également justifié de son identité en présentant son titre de séjour. Il a également été constaté la présence d'une femme dans les lieux qui a indiqué se nommer Mme [O]. M. [C] a précisé qu'il l'hébergeait depuis environ six ans.

Par acte d'huissier du octobre 2021, la société Adoma a fait assigner M. [C] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny, siégeant au tribunal de proximité de Saint-Denis, statuant en référé aux fins de voir constater son maintien dans les lieux sans droit ni titre, ordonner son expulsion et celle de tous occupants de son chef avec l'assistance de la force publique, le condamner au paiement provisionnel d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant de la redevance mensuelle à compter de l'expiration de son contrat et jusqu'à libération effective des lieux, le condamner au paiement de la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par ordonnance de référé réputée contradictoire du 15 décembre 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny, siégeant au tribunal de proximité de Saint-Denis, a :

- renvoyé les parties à se pourvoir au principal, cependant dès présent, vu l'absence de contestation sérieuse ;

- constaté la résiliation du contrat de résidence liant les parties à compter de la présente ordonnance, ordonné à défaut de départ volontaire, l'expulsion de M. [C], ainsi que de celle de tous occupants de son chef du logement n° [Cadastre 5], situé [Adresse 1], et ce au besoin avec le concours de la force publique, à l'expiration d'un délai de deux mois suivant la signification d'un commandement d'avoir libérer les lieux, avec le cas échéant la séquestration des meubles et objets mobiliers pouvant se trouver dans les lieux et leur transfert au garde-meubles aux frais avancés par le défendeur ;

- condamné M. [C] à payer à titre provisionnel, à la société Adoma une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle équivalente à une fois la redevance mensuelle à compter de la présente ordonnance et jusqu'à la date de son départ effectif ;

- débouté la société Adoma du surplus de ses demandes ;

- condamné M. [C] à payer à la société Adoma la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné M. [C] aux dépens ;

- rappelé que la présente ordonnance bénéficie de droit de l'exécution provisoire.

Par déclaration du 21 juin 2022, M. [C] a relevé appel de cette décision.

Dans ses conclusions remises le 17 juillet 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, M. [C] demande à la cour de :

- infirmer l'ordonnance entreprise dans la mesure où il existe une contestation sérieuse soulevée par lui ;

- dire en l'espèce n'y avoir lieu à résiliation du contrat liant les parties dans la mesure où il existe une contestation sérieuse et tant que le juge du fond n'aura pas statué sur la validité des clauses du contrat ;

- renvoyer les parties au fond ;

- réserver les dépens.

M. [C] soutient en substance :

- qu'il existe une contrariété entre les dispositions contractuelles fondant l'action de la société Adoma et celles d'ordre public résultant des articles L.633-1 à l.633-5 et R.633-1 à R.633-9 du code de la construction et de l'habitation ; que notamment l'article L.633-4 dudit code accorde aux personnes logées le droit d'héberger temporairement des tiers dans les conditions et modalités qui sont précisées et déterminées par l'article R.633-9 du même code ; que son contrat, à l'article 8, interdit, de manière générale et absolue, en dépit de cette réglementation d'ordre public, d'héberger aucune personne de manière définitive ou temporaire, à titre onéreux ou à titre gratuit ;

- qu'il indique aussi qu'il n'héberge pas quotidiennement Mme [O], de sorte que cela ne peut être considéré comme un hébergement habituel contraire aux dispositions de l'article 8 du règlement intérieur.

Dans ses conclusions remises le 17 août 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Adoma demande à la cour, au visa de l'article L. 633-2 du code la construction et de l'habitation, des articles R.633-3 et R. 633-9 du code de la construction et de l'habitation, de l'article 835 du code de procédure civile, de :

- dire et juger M. [C] mal fondé en son appel ;

en conséquence,

- l'en débouter ;

- confirmer l'ordonnance rendue le 15 décembre 2021 dans toutes ses dispositions ;

- condamner M. [C] au paiement de la somme de 800 euros d'indemnité procédurale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- le condamner aux dépens.

La société Adoma soutient en substance :

- que son action se fonde sur les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile et non celles de l'article 834 du même code ; qu'ainsi il s'agit pour le juge d'apprécier si le trouble invoqué est manifestement illicite, analyse à laquelle le premier juge a procédé ;

- que la réglementation des foyers-logements et des résidences sociales est prévue par les articles R.633-1 et R.633-9 du code de la construction et de l'habitation, issues de la loi SRU du 12 décembre 2000 et de son décret d'application du 23 novembre 2007 ; qu'elle est donc postérieure au contrat de M. [C] ; que face à l'entrée en vigueur de cette législation, elle a proposé à M. [C], le 12 décembre 2008, sous contrôle d'huissier, de signer un avenant à son contrat ou un nouveau contrat prenant en compte notamment la nouvelle législation et le prévenant par ailleurs que le nouveau règlement intérieur les prenait en considération et qu'il avait été affiché dans l'établissement.

- que l'article R.633-9 du code de la construction et de l'habitation prévoit que le résident ne peut héberger un tiers que provisoirement et qu'il doit, au préalable, en informer le gestionnaire à qui il doit déclarer la date d'arrivée de son invité et son identité et que celles-ci ont été prises en compte dans le règlement intérieur susvisé, affiché dans la résidence comme l'a constaté l'huissier de justice le 30 avril 2021 et que celui-ci faisait partie intégrante du contrat, M. [C] l'ayant signé ;

- que M. [C] n'a pas donné suite à sa mise en demeure du 16 février 2021 et qu'il ressort du procès-verbal de constat du 30 avril 2021 que l'huissier a été accueilli par le résident, une femme étant allongée dans le lit et déclarant s'appeler Mme [O] ; que M. [C] l'hébergeait depuis plusieurs années, ce qu'il conteste aujourd'hui ;

- que M. [C] était ainsi informé de la teneur du règlement intérieur qui prévoyait notamment aux articles 9 et 10 l'interdiction de mise à disposition du logement à un tiers, que l'hébergement ne peut excéder trois mois par an dans l'établissement pour une même personne hébergé, avec obligation pour la personne logée d'informer le gestionnaire de l'arrivée des personnes qu'il héberge ; qu'en tout état de cause il s'agit d'un hébergement illicite, quelle qu'en soit la durée, ne lui ayant pas été déclaré en amont, ce contrairement aux dispositions légales reprises dans le règlement intérieur signé par le résident.

SUR CE LA COUR

En application de l'article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remises en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans tous les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le maintien d'un résident dans un foyer d'hébergement, alors qu'il est devenu occupant sans droit ni titre en application d'une clause résolutoire de plein droit, caractérise un trouble manifestement illicite. A tout le moins, l'obligation de quitter les lieux est non sérieusement contestable.

En l'espèce, M. [C] fait état de ce que son contrat de résidence, signé le 11 juillet 1999, stipule en son article 8 qu'il lui est interdit d'héberger toute personne, de manière définitive ou temporaire, à titre onéreux ou à titre gratuit.

Il estime ainsi pouvoir opposer à la société intimée une contestation sérieuse tirée de l'irrégularité du contrat, en ce que l'article L. 633-4 du code de la construction et de l'habitation accorde aux personnes titulaires de ce type de contrat un droit d'héberger temporairement un tiers selon les modalités de l'article R. 633-9 du même code, étant rappelé que cet article dispose notamment que le règlement intérieur prévoit l'obligation, pour la personne logée, d'informer le gestionnaire de l'arrivée des personnes qu'il héberge, en lui déclarant préalablement leur identité.

Par ailleurs, M. [C] indique aussi qu'il n'aurait hébergé Mme [O] que très ponctuellement, dans une optique de 'dépannage', de sorte que ne saurait lui être reproché un hébergement habituel au sens de l'article 8 du règlement intérieur.

Force est toutefois de relever que la SA Adoma lui oppose valablement :

- que le contrat, signé en 1999, est antérieur à l'entrée en vigueur de la réglementation des foyers-logements et des résidences sociales, issue de la loi du 13 décembre 2000 et du décret du 23 novembre 2007, décret à l'origine des articles R. 633-1 à R.633-9 du code de la construction et de l'habitation ;

- qu'un avenant contractuel a d'abord été proposé à M. [C] sur ce point (pièce 3), en vain, mais que, surtout, le règlement intérieur de la résidence, dont l'affichage a été constaté dans l'établissement par constat d'huissier de justice (pièce 6), a pris en compte les nouvelles dispositions pour mettre en place un droit d'hébergement réglementé, soit trois mois avec obligation d'informer le gestionnaire de l'identité et de l'arrivée des personnes hébergées ;

- que, par mise en demeure signifiée le 16 février 2021 (pièce 4), M. [C] a été informé des dispositions applicables du règlement intérieur, le mettant en demeure de faire cesser l'hébergement dans les 48 heures ;

- que, selon procès-verbal de constat d'huissier de justice du 30 avril 2021, a été constatée la présence dans le logement de Mme [O], M. [C] indiquant l'héberger depuis environ six ans, de sorte que cet hébergement apparaît pérenne et non ponctuel, étant relevé que M. [C] ne verse aucune pièce sur le caractère de dépannage de l'hébergement qu'il allègue désormais dans ses écritures ;

- que, dans ces circonstances, sans qu'il n'y ait lieu à une interprétation du contrat qui excéderait les pouvoirs du juge des référés, il apparaît que M. [C] a hébergé une tierce personne en violation du règlement intérieur du foyer, le contrat prévoyant bien en outre la possibilité de saisir le juge des référés aux fins de faire constater la résiliation en cas de manquement aux obligations.

Ainsi, le caractère manifestement illicite du trouble invoqué résulte bien de l'absence de toute déclaration d'hébergement telle que prévue par le règlement intérieur, alors que le tiers apparaît en outre avoir été hébergé pendant six ans.

Il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge.

En appel, l'équité et la situation des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [C], qui succombe, sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l'ordonnance entreprise ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne M. [U] [C] aux dépens d'appel qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

LA GREFFIÈRE POUR LA PRESIDENTE

DE CHAMBRE EMPÊCHÉE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/11663
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;22.11663 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award