Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 2
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/00879 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CE7XE
Décision déférée à la Cour : Arrêt du 06 Décembre 2021 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VILLENEUVE SAINT GEORGES
APPELANTE
S.A.S. OGIM
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
INTIMÉ
Monsieur [R] [D]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représenté par Me Valérie SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : C2116
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame LAGARDE Christine, conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur FOURMY Olivier, Premier président de chambre
Madame ALZEARI Marie-Paule, présidente
Madame LAGARDE Christine, conseillère
Greffière lors des débats : Mme CAILLIAU Alicia
ARRÊT :
- contradictoire
- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile
- signé par Olivier FOURMY, Premier président de chambre et par CAILLIAU Alicia, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [R] [D] a été engagé par la société Ogim (ci-après la 'Société') à compter du 8 décembre 1999 par contrat de travail à temps plein, en qualité de conducteur de travaux.
Il a été déclaré inapte définitivement à son poste, avec aucun reclassement possible dans l'entreprise, par décision de la médecine du travail en date du 23 mai 2021, notifiée à l'employeur le 25 mai 2021.
Suite à un entretien préalable à son licenciement qui s'est tenu le 23 juin 2021, M. [D] a été licencié pour inaptitude par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reçue le 6 juillet 2021.
Son ancienneté est de 21 ans et 10 mois.
La convention collective applicable est celle du bâtiment 'Cadres de la région parisienne'.
Par requête réceptionnée le 28 juillet 2021, M. [D] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges aux fins de voir condamner la Société à lui payer à titre de provision la somme de 80 334 euros au titre du solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Par ordonnance de référé rendue le 6 décembre 2021, le conseil de prud'hommes a statué dans les termes suivants :
« Dit qu'en présence d'une contestation sérieuse, il n'y a pas lieu à référé sur la fixation du salaire de référence et du mode de calcul pour établir l'indemnité conventionnelle de licenciement et invite les parties à mieux se pourvoir ;
Ordonne à la société OGIM, de verser à Monsieur [D] les sommes suivantes :
- 9.199,73 euros à titre de provision sur l'indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à une déduction d'acompte ;
- 500 euros au titre de l'article 700 du CPC ;
Donne acte à la société OGIM de la remise à l'audience à Monsieur [D] d'un chèque de 6.705 € ;
Ordonne à la société OGIM de remettre à Monsieur [D] une attestation Pôle emploi conforme à la présente ordonnance assortie d'une astreinte de 10 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente ordonnance ;
Dit qu'il se réserve le droit de liquider l'astreinte ;
Dit qu'il n'y a pas lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de la société OGIM au titre du remboursement des frais d'entretien du véhicule de société et de l'article 700 du CPC ».
La Société a interjeté appel de la décision le 22 décembre 2021.
PRÉTENTIONS
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 24 août 2022, la Société demande à la cour de :
« Vu les articles 1455-7 et suivants du code du travail
Débouter Monsieur [D] de son appel incident,
FIXER à la somme de 9.219,51 euros la moyenne des 12 derniers mois de salaire de Monsieur [D]
A titre principal
Infirmer l'Ordonnance de référé sauf en ce qu'elle a donné acte à la société OGIM de la remise à l'audience à Monsieur [D] d'un chèque de 6.705 €
Dire et juger que les demandes de Monsieur [D] sont totalement infondées
En conséquence
DÉBOUTER Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
A titre subsidiaire
Confirmer l'Ordonnance de référé en ce qu'elle a considéré que les demandes de Monsieur [D] se heurtaient à une contestation sérieuse et qu'il n'y a donc pas lieu à référé sur la fixation du salaire de référence et du mode de calcul pour établir l'indemnité conventionnelle de licenciement et invite les parties à mieux se pourvoir.
Infirmer l'Ordonnance de référé en ce qu'elle a condamné la société OGIM à verser à Monsieur [D] la somme de 9199,73 euros à titre de provision sur l'indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à une déduction d'acompte et ordonné à la société OGIM de remettre à Monsieur [D] une attestation Pôle emploi conforme à la présente ordonnance assortie d'une astreinte de 10 € par jour de retard à compter du 15ème jour suivant la notification de la présente ordonnance
En conséquence
Dire et juger que les demandes de Monsieur [D] se heurtent à des contestations sérieuses
Dire et juger qu'il n'y a pas lieu à Référé.
DÉBOUTER Monsieur [D] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions
Sur la demande reconventionnelle de la société OGIM
Infirmer l'Ordonnance de référé en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de la société OGIM au titre du remboursement des frais d'entretien du véhicule de société
En conséquence
CONDAMNER Monsieur [D] à rembourser à la société OGIM le coût des réparations de son véhicule de fonction soit la somme de 7.995,87 €.
CONDAMNER Monsieur [D] à payer à la société OGIM la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens ».
Par dernières conclusions transmises par RPVA le 26 juillet 2022, M. [D] demande à la cour de :
« DÉBOUTER la société OGIM de son appel, fin et conclusions.
CONFIRMER l'ordonnance du 6 décembre 2021 en ce qu'elle a condamné la société OGIM à payer à Monsieur [D] la somme de 9.199,73 euros à titre de provision sur l'indemnité conventionnelle de licenciement et de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du CPC.
DÉCLARER recevable et bien fondé l'appel incident formé par Monsieur [D],
Y faisant droit,
DIRE que le salaire de référence de Monsieur [D] à retenir pour le calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement est de 13.301 euros.
DIRE que la méthode de calcul de l'indemnité conventionnelle de licenciement définie par l'article 15 de la CCN applicable en l'espèce, à appliquer est la méthode de calcul est la plus favorable au salarié avec cumul des deux périodes.
Par conséquent, CONDAMNER la société OGIM SAS à payer à Monsieur [R] [D] le solde restant dû sur son indemnité de licenciement d'un montant de 75.903,49 euros.
ORDONNER la remise d'un bulletin de paie conforme.
CONDAMNER la société OGIM SAS à payer à Monsieur [R] [D] la somme 2500 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux dépens ».
La clôture a été prononcée le 21 octobre 2021.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux écritures déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur le salaire de référence et sur l'indemnité conventionnelle de licenciement
La Société fait valoir que :
- l'indemnité conventionnelle de licenciement s'élève à la somme de 80 286,55 euros versée au moyen de deux règlements : 73 581,16 euros lors du solde de tout compte et 6 705,39 euros à l'audience de plaidoirie, raison pour laquelle elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée n'étant plus redevable d'aucune somme ;
- la période à prendre en compte pour le calcul de la moyenne des 12/3 derniers mois de salaire précédant l'arrêt de travail pour maladie est la période d'avril 2019 à mars 2020 et la moyenne des salaires des 12 derniers mois, calcul le plus favorable, s'élève à 9 219,51 euros ;
- elle a réglé l'indemnité conventionnelle de licenciement en appliquant les articles 15 et 15 bis de la collective ;
- sur le solde de tout compte établi en juillet 2021, elle a déduit un acompte de 14'800 euros correspondant à un trop versé à son salarié en février 2020 et c'est donc par erreur que le conseil de prud'hommes a considéré qu'elle avait fait une erreur de calcul pour la condamner à une provision de 9 199,73 euros; afin de déterminer s'il y a eu ou non un trop versé de rémunération en février 2020, il faut rétablir le salaire net après impôt de M. [D] sans tenir compte de l'acompte erroné et déduire ensuite les règlements qu'elle a effectués.
M. [D] fait valoir que :
-les parties demeurent en désaccord sur le mode de calcul de son indemnité de licenciement et sur le salaire de référence ;
- la moyenne à retenir concernant le salaire de référence est de 13'031 euros et le calcul doit s'effectuer en prenant en compte le fait qu'il a été en arrêt de travail à compter du mois de mars 2019 ;
- le calcul de l'indemnité de licenciement s'élève à 140'333 euros selon l'application de l'article 15 de la convention collective, de sorte que son ancien employeur doit être condamné à lui payer un complément d'indemnité de licenciement de 64'429,51 euros ;
- sa méthode de calcul doit être entérinée par la cour dans la mesure où il n'est nulle part précisé dans le texte de l'article 15 de la convention collective que les périodes ne seraient pas cumulatives ;
- la déduction de 14'800 euros qui a été effectuée sur son solde de tout compte est illégale et ne correspond à rien alors qu'il a perçu en février 2020 une prime exceptionnelle d'un montant de 37'500 euros net par virement du 20 février 2020, indépendamment du paiement de son salaire du mois de février 2020 qui a été payé le 2 mars 2020, accompagné d'un bulletin de salaire non conforme à la réalité des sommes versées.
Sur ce,
Aux termes de l'article R. 1455-7 du contrat de travail, « dans le cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire ».
S'agissant du calcul du salaire de référence, il ressort des pièces produites aux débats que M. [D] a été en arrêt de travail à compter du 7 avril 2020 et non à compter du 20 mars 2020, ce qui ressort des informations figurant dans le « détail des prestations » de la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne, dans le document « paiement de BTP-prévoyance au titre de la garantie indemnités journalières » et dans le document intitulé « données télétransmises de l'avis d'arrêt de travail à l'assurance-maladie » fixant le point de départ de l'arrêt maladie « initial » au 7 avril 2020.
Dès lors, en l'absence de contestation sérieuse sur ce point, la période à prendre en compte pour le calcul de la moyenne des 12/3 derniers mois de salaire précédant l'arrêt de travail débute le 7 avril 2019 et il appartiendra aux parties d'effectuer les calculs utiles sur cette période.
Concernant le calcul de l'indemnité, les parties sont opposées sur l'interprétation de l'article 15 de la convention collective ce qui les conduit à ne pas appliquer la même méthode de calcul.
L'article 15 de la convention collective prévoit les dispositions suivantes intéressant le litige :
« Barème des indemnités de licenciement »
- de 0 à 5 ans: « MONTANT en fonction de la rémunération mensuelle moyenne calculée au paragraphe c de l'article 15 : Néant » ;
- de 5 à 10 ans : « 1 mois + 20/100 de mois par an au-dessus de 5 ans de présence » ;
- au-delà de 10 ans : « 2 mois + 50/100 de mois par an au-dessus de 10 ans de présence ».
La cour relève, tout comme le conseil de prud'hommes, que M. [D] fait application des dispositions prévues de 5 à 10 ans et aussi de celles prévues au-delà de 10 ans, ce qui le conduit à comptabiliser deux mois de salaires pour la période de 5 à 10 ans en plus des dispositions prévues au-dessus de 10 ans de présence, soit 2 mois+50% de mois par an au-delà de 10 ans.
La Société calcule quant à elle en se limitant aux dispositions prévues lorsque l'ancienneté est supérieure à 10 ans, soit 2 mois +50/100 de mois par an au-dessus de 10 ans de présence.
Il résulte des considérations qui précèdent que le premier juge a justement considéré que le litige porte sur deux mois de salaire, (qui correspondent à la prise en compte du calcul de la période de 5 à 10 ans) et que l'interprétation que font les parties de cette disposition conventionnelle ne relève pas de l'appréciation de la juridiction des référés.
S'agissant de la somme de 14 800 euros déduite du solde de tout compte, force est de constater que l'analyse du bien-fondé de cette déduction nécessite de rétablir le salaire net avant impôt, d'apprécier si le virement effectué par la Société et dont le montant n'a pas été repris dans la fiche de paye de février 2020 correspond à une prime exceptionnelle ou non, en tout ou en partie ou non.
Il en résulte qu'en présence d'une contestation sérieuse portant tant sur l'existence de cette créance, que sur son montant, l'ordonnance déférée mérite infirmation en ce qu'elle a fait droit à la demande de M. [D] en condamnant la Société à lui payer une provision à ce titre.
Le conseil de prud'hommes doit être confirmé en ce qu'il a « dit n'y avoir lieu à référer sur la fixation du salaire de référence », ce qui résulte non seulement des considérations figurant aux différents développements ci-dessus mais aussi de la nécessité de déterminer « la rémunération moyenne » servant d'assiette au calcul de la prime de licenciement en application des dispositions de la convention collective.
Sur la restitution du véhicule
La Société fait valoir que M. [D] a restitué le 6 août 2021, dans un état déplorable, le véhicule de fonction qu'il a conservé pendant 18 mois à environ 161 000 km alors que le contrat d'entretien se finissait à 160 000 km ce qui a généré un coût de réparation de 7 995,87 euros qu'il lui appartient de lui rembourser.
M. [D] oppose que la demande de la Société est dénuée de tout fondement alors qu'il a toujours fait le nécessaire lorsque le véhicule était endommagé et lorsqu'il en était le conducteur, alors que le véhicule a été conduit par d'autres salariés de l'entreprise.
Sur ce,
Le contrat de travail prévoit qu'un véhicule de la Société est mis à disposition de M. [D]. Pour autant, ainsi que l'a justement retenu le premier juge, aucune convention ne prévoit les règles d'utilisation et d'entretien des véhicules confiés.
Si les photos produites au débat démontrent des dégradations de la carrosserie, force est de constater aussi, qu'outre des interventions sur la carrosserie du véhicule, les devis produits portent aussi sur d'autres prestations d'entretien normal d'un véhicule, telles que les « remplacements faisceaux moteurs », des interventions sur le filtre à particules, le remplacement d'une courroie, le remplacement d'une cartouche de filtre à gasoil », le remplacement du filtre à pollen et celui des disques et des plaquettes de freins.
La société a produit des attestations de trois salariés, établies sous le même modèle, aux termes desquelles ces derniers précisent avoir été surpris de l'état du véhicule restitué alors que M. [D] est soigneux et maniaque avec le matériel.
Il s'évince de ces constatations que la demande de remboursement des frais de réparation et d'entretien se heurte à l'évidence à une contestation sérieuse qu'il n'appartient pas au juge des référés de trancher de sorte que l'ordonnance sera confirmée sur ce point.
L'ordonnance déférée sera aussi confirmée en ce qu'elle a condamné la Société aux dépens et à payer à M. [D] une somme au titre de ses frais de procédure, ce dernier ayant dû engager une action aux fins de voir obtenir un complément d'indemnité de licenciement, ce qui a conduit la Société à lui remettre un chèque à la barre lors de l'audience devant le conseil de prud'hommes, pour le montant qu'elle ne contestait pas.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
M. [D], qui succombe, supportera les dépens de la procédure d'appel.
Les parties seront déboutées de leur demande au titre des frais de procédure.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
Confirme l'ordonnance de référé en date du 6 décembre 2021du conseil de prud'hommes de Villeneuve-Saint-Georges sauf :
- en ce qu'il a condamné la société Ogim à payer à M. [R] [D] la somme de 9 199,73 euros à titre de provision sur l'indemnité conventionnelle de licenciement correspondant à une déduction d'acompte ;
- en ce qu'il a ordonné à la société Ogim de remettre à M. [R] [D] « une attestation Pôle emploi conforme à la présente ordonnance » ;
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute M. [R] [D] de sa demande de provision ;
Condamne M. [R] [D] aux dépens de la procédure d'appel ;
Déboute les parties de leur demande respective d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La greffière, Le président,