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12/01/2023 | FRANCE | N°21/12190

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 12 janvier 2023, 21/12190


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 12 JANVIER 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12190

N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6WN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2021 -TJ de BOBIGNY - RG n° 14/08231



APPELANT



Monsieur [X] [B]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 7]

né le [Date naissance 2] 1900 à [Localité 11]
>Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assisté par Me Benoît GUILLON, avocat au barreau de PARIS



INTIMEES



S.A. AIG EUROPE

[Adres...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/12190

N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6WN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Mai 2021 -TJ de BOBIGNY - RG n° 14/08231

APPELANT

Monsieur [X] [B]

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 7]

né le [Date naissance 2] 1900 à [Localité 11]

Représenté par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

assisté par Me Benoît GUILLON, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. AIG EUROPE

[Adresse 10]

[Localité 5]

Représentée par Me William FUMEY de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0002

assistée par Me Roxane ADJIMAN, avocat au barreau de PARIS

S.A. TRANSDEV

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me William FUMEY de la SELARL ROINÉ ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0002

assistée par Me Roxane ADJIMAN, avocat au barreau de PARIS

CPAM DE SEINE SAINT DENIS DENIS

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représentée par Me Maher NEMER de la SELARL BOSSU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : R295

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nina TOUATI dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, Présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 29 juin 2011 à [Localité 12] (93), M. [X] [B], alors qu'il traversait la chaussée a été renversé par un véhicule dont le conducteur a pris la fuite et n'a pu être identifié.

Exposant qu'étaient également impliqués dans l'accident deux autobus appartenant à la société Transdef, M. [B] a par acte d'huissier en date du 27 juin 2014 fait assigner cette société ainsi que son assureur la société AIG Europe Limited aux droits de laquelle se trouve la société AIG Europe SA (la société AIG), en présence de la caisse primaire d'assurance maladie de Seine-Saint-Denis (la CPAM) afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (le FGAO) est intervenu volontairement à l'instance.

Par un jugement du 17 juin 2017, le tribunal de grande instance de Bobigny a pour l'essentiel :

- dit que les bus de la société Transdef n'étaient pas impliqués dans l'accident dont M. [B] avait été victime le 29 juin 201,

- débouté en conséquence M. [B] de ses demandes à l'encontre de la société Transdef et de la société AIG,

- alloué à M. [B] une indemnité provisionnelle de 5 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,

- dit que cette indemnité provisionnelle sera versée par le FGAO,

- avant dire droit sur l'évaluation du préjudice de M. [B], ordonné une mesure d'expertise médicale avec mission d'usage.

L'expert, le professeur [F], a établi son rapport définitif le 26 février 2018.

Par un arrêt du 1er avril 2019 partiellement infirmatif et auquel il conviendra de se reporter pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la cour d'appel de Paris a, pour l'essentiel, mis hors de cause le FGAO, dit que les deux bus appartenant à la société Transdef étaient impliqués dans l'accident survenu le 29 juin 2011, condamné la société Transdev à indemniser M. [B] de son entier préjudice et à lui verser une provision complémentaire.

L'instance s'est poursuivie devant le tribunal judiciaire de Bobigny hors la présence du FGAO définitivement mis hors de cause.

Par jugement en date du 25 mai 2021, le tribunal judiciaire de Bobigny a :

- condamné «solidairement» la société Transdev et la société AIG à payer à M. [B] les sommes suivantes en réparation de son préjudice :

- dépenses de santé : 1 859,52 euros

- incidence universitaire : 1 000 euros

- aide tierce personne : 1 632 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 3 096,50 euros

- souffrances endurées : 9 000 euros

- préjudice esthétique temporaire : 300 euros

- déficit fonctionnel permanent : 6 800 euros

- préjudice esthétique définitif : 2 000 euros

- préjudice d'agrément : 2 000 euros,

- dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement et que devront être déduites les provisions versées,

- «débouté pour le surplus»,

- condamné la société Transdev et la société AIG à payer à la CPAM la somme de 22 437,60 euros pour les dépenses de santé avant consolidation, et celle de 2 878,10 euros pour les dépenses de santé après consolidation, avec intérêts au taux légal à compter de sa demande,

- condamné la société Transdev et la société AIG à payer à M. [B], la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et à la CPAM la somme de 800 euros au même titre,

- condamné la société Transdev et la société AIG aux dépens, avec application de l'article 699 du code de procédure civile au profit de la SCP B.Guillon et de la SELARL Bossu & Associés, avocats,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Par déclaration du 29 juin 2021, M. [B] a interjeté appel de cette décision en critiquant ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice scolaire, universitaire ou de formation et des souffrances endurées, et au rejet de sa demande d'application de la pénalité prévue à l'article L.211-13 du code des assurances.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de M. [B], notifiées le 30 août 2021, aux termes desquelles il demande à la cour de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- réformer le jugement entrepris sur la base de la déclaration d'appel de M. [B],

- ce faisant, condamner la société Transdev et la société AIG à verser à M. [B] :

- au titre du poste préjudice scolaire et universitaire ou de formation une somme de 15 000 euros

- au titre des souffrances endurées une somme de 18 000 euros,

- condamner la société AIG à verser à M. [B] les «indemnités» au double du taux légal depuis le 1er mars 2012, jusqu'à l'arrêt définitif sur la totalité de l'indemnité allouée résultant des sommes allouées par le tribunal et des sommes allouées par la cour sur les postes dont il est sollicité la réformation, avant imputation de la créance de la CPAM et des provisions servies,

- à titre subsidiaire, dire que l'indemnité offerte par la société AIG avant imputation de la créance de la CPAM et des provisions versées portera intérêts [au double du taux de l'intérêt légal] depuis le 1er mars 2021 jusqu'au 4 octobre 2019,

- condamner solidairement la société Transdev et la société AIG à verser à M. [B] une somme de 3 000 euros en cause d'appel en applications des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP Baechlin, avocat aux offres de droit, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile

- les débouter de toutes demandes, fins et conclusions plus amples et contraires,

- dire l'arrêt à intervenir commun à la CPAM.

Vu les conclusions de la société Transdev et de la société AIG, notifiées le 8 novembre 2021, aux termes desquelles elles demandent à la cour de :

Vu la loi n°85-677 du 5 juillet 1985,

Vu l'ancien article 1315 du code civil et le nouvel article 1353 du même code,

Vu les articles L. 211-8 et suivants du code des assurances,

- sur le préjudice scolaire, universitaire ou de formation :

- infirmer le jugement attaqué et, statuant à nouveau, débouter M. [B] au titre de ce poste de préjudice

- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a alloué 1 000 euros à M. [B] au titre du préjudice scolaire,

- sur les souffrances endurées :

- infirmer le jugement attaqué et, statuant à nouveau, limiter à 6 000 euros l'indemnité allouée à M. [B] à ce titre,

- sur le doublement des intérêts au taux légal :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a débouté M. [B] de sa demande au titre du doublement des intérêts au taux légal,

- sur les frais irrépétibles et les dépens :

- débouter M. [B] et la CPAM de leurs demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Vu les conclusions de la CPAM, notifiées le 10 septembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

- recevoir la CPAM en ses demandes et l'y déclarer bien fondée,

- dite et juger que la CPAM s'en rapporte quant au mérite de l'appel de M. [B],

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit aux demandes de la CPAM,

- condamner solidairement la société Transdev et la société AIG à verser à la CPAM la somme de 4 000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner également les mêmes aux dépens d'appel dont distraction au profit de la SELARL Bossu & Associés, avocats, et ce, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour n'est saisie par l'effet des appels principal et incident que des dispositions du jugement relatives à l'indemnisation du préjudice universitaire de M. [B] et des souffrances endurées et à l'application de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances, de sorte qu'il n'y a pas lieu de confirmer le jugement en ses dispositions relatives au recours subrogatoire de la CPAM au titre des dépenses de santé qui sont devenues définitives.

Sur les postes de préjudice discutés en cause d'appel

L'expert, le professeur [F], indique dans son rapport en date du 26 février 2018 que M. [B], ambidextre, a présenté à la suite de l'accident du 29 juin 2011 une luxation acromio-claviculaire fermée de stade 3 au niveau de l'épaule gauche, une fracture ouverte stade 1, déplacée, du tiers moyen-tiers inférieur des deux os de la jambe droite sans complication vasculo-nerveuse et qu'il conserve comme séquelles une petite saillie supérieure de l'extrémité externe de la clavicule gauche, une raideur en rotation interne d'un étage rachidien de l'épaule gauche, une diminution de la flexion du genou droit ainsi qu'un cal vicieux en rotation interne de 10 degrés de la jambe droite non gênant fonctionnellement.

Il conclut son rapport dans les termes suivants :

- déficit fonctionnel temporaire total du 29 juin 2011 au 2 septembre 2011 et du 22 septembre 2011 au 26 septembre 2011, correspondant aux deux périodes d'hospitalisation,

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux :

* de 50 % du 3 septembre 2011 au 21 septembre 2011,

* de 33 % du 26 septembre 2011 au 27 octobre 2011,

* de 25 % du 28 octobre 2011 au 28 décembre 2011,

* de 10 % du 29 décembre 2011 au 28 juin 2012,

- consolidation au 29 juin 2012

- souffrances endurées de 3,5/7

- préjudice esthétique temporaire de 2/7 du 3 septembre 2011 au 21 septembre 2011 et de 1,5/7 du 26 septembre 2011 au 27 octobre 2011

- déficit fonctionnel permanent de 4 %

- préjudice esthétique permanent de 1/7

- préjudice d'agrément pour la pratique du jogging

- pas de préjudice sexuel

- un besoin d'assistance par une tierce personne de 2 heures par jour du 3 septembre 2011 au 21 septembre 2011 et du 26 septembre 2011 au 27 octobre 2011

- «un préjudice universitaire qui sera à définir par le tribunal sous réserve d'examiner les notes du dernier trimestre de l'année universitaire 2010/2011 de M. [[B]] pour apprécier ses possibilités de passer en 2ème année de licence en droit».

- Préjudice scolaire, universitaire ou de formation

M. [B] qui était inscrit en première année de droit à l'université [Localité 9] 8 expose qu'en raison de l'accident, il n'a pas pu se présenter à la session de rattrapage du deuxième semestre de l'année universitaire 2010-2011 ouverte entre le 29 août et le 16 septembre 2011 et qu'il a ainsi perdu une chance de valider certaines unités de valeur qu'il devait repasser.

Il expose que par la suite il s'est réinscrit en première année pour l'année universitaire 2011-2012 mais n'a pas été en mesure de suivre tous les cours en raison de son état de santé, n'ayant pu assister qu'aux travaux dirigés.

Il ajoute que malgré les progrès réalisés, attestant de son potentiel académique, il n'a pu valider sa première année de droit à l'issue de l'année universitaire 2011-2012.

Il précise qu'il finalement réussi sa première année de droit et poursuivi ses études mais soutient qu'il a subi un retard de deux années dans son parcours académique imputable au moins pour partie à l'accident et au suivi médical imposé par celui-ci.

Il avance qu'il a incontestablement subi une perte de chance et relève que même s'il n'aurait peut-être pas été en mesure de rattraper toutes les matières dans lesquelles il avait échoué lors de la seconde session de l'année universitaire 2010-2011, il aurait pu sans l'accident consacrer ses efforts sur deux ou trois matières et les valider, ce qui aurait allégé son programme lors de son redoublement et constitué un gage de réussite.

Il conclut ainsi à l'infirmation du jugement qui a évalué son préjudice universitaire à la somme de 1 000 euros et réclame une indemnité de 15 000 euros correspondant à un retard d'une année pour l'entrée sur le marché du travail.

La société Transdev et la société AIG qui font observer que M. [B] n'a pas produit le relevé de notes du second semestre de l'année universitaire 2010-2011 font valoir qu'au regard du relevé de notes du premier semestre faisant apparaître des résultats très insuffisants avec un moyenne de 6,167/20, il n'est pas établi que les difficultés rencontrées par M. [B] dans son parcours universitaire soient en lien de causalité avec l'accident.

Elles concluent à titre subsidiaire que M. [B] ne peut invoquer qu'une perte de chance et estiment que l'indemnité de 1 000 euros allouée par le tribunal est parfaitement justifiée.

Sur ce, il ressort des pièces produites que M. [B] était inscrit au moment de l'accident survenu le 29 juin 2011 en première année de licence de droit à l'université [Localité 9] 8.

Il convient d'observer à titre liminaire que l'expert n'a pas formulé d'avis formel sur le plan médical concernant l'existence d'un préjudice universitaire qu'il a renvoyé à l'appréciation du tribunal et subordonné à l'examen des notes du «dernier trimestre de l'année universitaire 2010-2011» pour apprécier les possibilités de M. [B] de passer en 2ème année de licence de droit.

Selon le calendrier de l'année universitaire 2010-2011 versé aux débats, la totalité des cours de première année de droit avait été dispensée avant la survenance de l'accident et le jury qui devait se réunir au plus tard le 24 juin 2011 avait déjà délibéré sur les résultats de la première session.

Il résulte de ce même calendrier qu'une session de rattrapage devait avoir lieu entre le 29 août 2011 et le 16 septembre 2011, session à laquelle M. [B] n'a pu participer en raison de son hospitalisation jusqu'au 2 septembre 2011 et de la persistance d'un déficit fonctionnel temporaire au taux de 50 % entre le 3 septembre 2011 et le 16 septembre 2011, période au cours de laquelle l'expert a relevé que l'intéressé se déplaçait avec un appui partiel sur la jambe droite et une canne anglaise tenue à gauche, et bénéficiait d'une prescription d'antalgiques.

M. [B] verse aux débats le relevé des notes qu'il a obtenues lors de la première session de l'année universitaire 2010-2011, établi a posteriori le 17 avril 2018 par le directeur de l'UFR de droit de l'université [Localité 9] 8.

En dépit d'une erreur matérielle, ce relevé de notes ne se limite pas aux seuls enseignements dispensés au cours du premier semestre de l'année universitaire 2010-2011 ainsi qu'il résulte de l'examen comparé de ce relevé et de celui de l'année universitaire 2011-2012 permettant de constater que certaines matières comme la méthodologie, l'histoire de la République ou l'informatique relevaient du programme du second semestre et non du premier.

Ce relevé de notes témoigne de ce que les résultats obtenus par M. [B] étaient insuffisants avec des notes inférieures à la moyenne dans huit matières et une moyenne générale de 6,167/20 pour le premier semestre mais que l'intéressé avait dans quatre matières (introduction historique au droit, genèse de la sociologie, anglais, informatique) obtenu des notes supérieures à 10 définitivement acquises, lui permettant de disposer d'un crédit de 16 points.

M. [B], admis à redoubler, a été de nouveau inscrit en première année de licence de droit pour l'année universitaire 2011-2012.

Il ressort des constatations de l'expert que pendant cette période M. [B] a été hospitalisé du 22 septembre 2011 au 26 septembre 2011 pour une nouvelle intervention chirurgicale, qu'il a dû être immobilisé au niveau du membre supérieur gauche par un bandage de type Dujarrier jusqu'au 27 octobre 2011 et qu'il a bénéficié de nombreuses séances de kinésithérapie avant la date de consolidation fixée au 29 juin 2012.

Dans un certificat établi le 29 janvier 2012, le Docteur [N] du service de médecine préventive de l' Université [Localité 9] 8 a certifié qu'en raison de son état de santé, M. [B] n'avait pas pu suivre ses cours pendant la période du 1er septembre 2011 au 1er mai 2012.

Cette attestation doit toutefois être relativisée dans la mesure où, d'une part, selon l'attestation du directeur adjoint de l'UFR de droit de l'université [Localité 9] 8, M. [B] a suivi avec assiduité les cours de travaux dirigés obligatoires pendant l'année universitaire 2011-2012 et d'autre part, le déficit fonctionnel temporaire partiel de la victime n'était que de 10 % entre du 29 décembre 2011 et la date de consolidation.

En revanche, il est établi que M. [B] a été contraint de manquer les cours pendant sa seconde période d'hospitalisation et que le port d'un bandage de type Dujarrier et le temps consacré à ses séances de rééducation a eu une incidence péjorative sur la poursuite de ses études universitaires en 2011-2012 et sur son second ajournement avec une moyenne de 8,82/20.

Au vu de ces éléments, M. [B] justifie que l'accident lui a fait perdre une chance de valider des unités d'enseignement complémentaires lors de la session de rattrapage de l'année universitaire 2010-2011, de réussir sa première année de droit en deux ans à l'issue de l'année universitaire 2011-2012, et ainsi d'entrer sur le marché du travail une année avant l'âge auquel il aurait pu le faire, étant rappelé que toute perte de chance, même faible, est indemnisable.

Cette perte de chance dont l'importance doit être relativisée au regard des notes obtenues par M. [B] avant l'accident témoignant de certaines difficultés d'apprentissage indépendantes du fait dommageable mais également d'une progression continue et d'une assiduité dans le suivi des travaux dirigés sera évaluée sur la base d'un taux de perte de chance de 30 % à la somme de 4 500 euros (15 000 euros x 30 %).

Le jugement sera infirmé.

- Souffrances endurées

Ce poste de préjudice indemnise les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés que la victime endure pendant la maladie traumatique.

M. [B] sollicite en infirmation du jugement une indemnité de 18 000 euros en réparation de ce préjudice, coté 3,5/7 par l'expert, en évoquant au delà des souffrances physiques, l'inquiétude ressentie par rapport à son avenir académique ainsi que l'angoisse générée par l'incertitude quant à son indemnisation entretenue pendant presque sept ans.

La société Transdev et la société AIG qui concluent également à l'infirmation du jugement propose d'évaluer ce préjudice à la somme de 6 000 euros.

La société Axa estime que compte tenu de la durée de l'hospitalisation ainsi que de la durée de la rééducation, le taux retenu par l'expert amiable est excessif.

Sur ce, il a lieu de prendre en considération pour évaluer ce poste de préjudice, coté 3,5/7 par l'expert des souffrances physiques et psychiques et des troubles associés induits par le traumatisme initiale, par les différentes lésions, la pénibilité des soins, les deux hospitalisations et les nombreuses séances de rééducation.

En revanche les souffrances morales alléguées par M. [B] pour la période postérieure à la consolidation ne relèvent pas de ce poste de préjudice qui a été justement évalué par les premiers juges à la somme de 9 000 euros.

Le jugement sera confirmé, sauf à préciser qu'en l'absence de disposition légale ou réglementaire instituant une solidarité entre le responsable de l'accident et son assureur, la société Transdef et la société AIG sont seulement tenus in solidum au paiement de cette somme.

Sur le doublement du taux de l'intérêt légal

Le tribunal a débouté M. [B] de sa demande d'application de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances aux motifs que compte tenu des circonstances particulières du litige au cours duquel l'assureur avait d'abord été mis hors de cause puis condamné à garantie en cause d'appel, il y avait lieu de réduire à néant la pénalité pouvant être mise sa charge en l'absence d'offre formulée dans les délais impartis.

M. [B] qui conclut à l'infirmation du jugement sur ce point fait valoir que la société AIG n'a formulé aucune offre d'indemnisation dans les huit mois de l'accident dont il a été victime, soit avant le 1er mars 2012, rappelant que le versement de provisions en exécution d'une décision de justice ne vaut pas offre d'indemnisation provisionnelle.

Il soutient que l'offre d'indemnisation effectuée tardivement par voies de conclusions notifiées le 4 octobre 2019 devant le tribunal judiciaire de Bobigny est à la fois incomplète pour ne comporter aucune proposition d'indemnisation au titre du préjudice universitaire et manifestement insuffisante en ce qui concerne les souffrances endurées.

Il ajoute que le fait que le tribunal de grande instance de Bobigny ait mis hors de cause la société Transdef à la suite d'une appréciation erronée des circonstances de l'espèce ne saurait le priver du bénéfice des dispositions d'ordre public de la loi du 5 juillet 1985 et que l'assureur ne justifie d'aucune circonstance indépendante de sa volonté justifiant que la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances soit écartée ou réduite.

M. [B] sollicite ainsi la condamnation de la société AIG à lui payer les intérêts au double du taux l'intérêt légal sur le montant des indemnités allouées par le tribunal et par la cour avant imputation de la créance de la CPAM et déduction des provisions versées à compter du 1er mars 2012 et jusqu'à la date de l'arrêt devenu définitif.

Il conclut à titre subsidiaire à la condamnation de la société AIG à lui payer les intérêts au double du taux l'intérêt légal à compter du 1er mars 2012 et jusqu'au 4 octobre 2019 sur le montant de l'offre du 4 octobre 2019 avant déduction de la créance de la CPAM et des provisions versées.

La société AIG objecte que compte tenu du litige existant concernant l'implication des autobus assurés et de la teneur du jugement du 13 juin 2017 ayant écarté une telle implication, il incombait au FGAO de formuler une offre d'indemnisation à la victime.

Elle estime que M. [B] doit être débouté de sa demande de doublement des intérêts au taux légal dans la mesure où les véhicules qu'elle assurait n'étaient pas considérés comme étant impliqués dans l'accident au moment où l'offre d'indemnisation devait être émise.

A titre subsidiaire, elle soutient que le délai de huit mois pour formuler une offre au moins provisionnelle n'a pu commencer à courir qu'à compter de l'arrêt du 1er avril 2019 ayant jugé que les autobus assurés étaient impliqués dans l'accident et qu'elle a formulé une offre d'indemnisation par voie de conclusions du 4 octobre 2019 avant l'expiration de ce délai, de sorte que la pénalité n'est pas encourue.

Sur ce,

en application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu à son conjoint.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L.211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

En l'espèce, la contestation par la société AIG de l'implication des autobus de son assurée, la société Transdef, dans l'accident dont a été victime M. [B] ne la dispensait pas de faire une offre d'indemnisation dans les délais requis par la loi et cette dernière ne justifie d'aucune circonstance qui ne lui soit pas imputable pouvant justifier la réduction de la pénalité, étant observé que même en présence de telles circonstances la pénalité ne peut jamais être supprimée.

La société AIG qui n'invoque aucune des causes de suspension de délai prévues aux articles R. 211-29 et suivants du code des assurances, avait ainsi en application des textes rappelés ci-dessus la double obligation de présenter à M. [B] dont l'état n'était pas consolidé, une offre d'indemnisation provisionnelle dans le délai de 8 mois de l'accident et de lui faire ensuite une offre définitive dans le délai de 5 mois suivant la date à laquelle elle a été informée de la consolidation de son état, obligation à laquelle elle ne pouvait se soustraire aux motifs que le FGAO aurait dû présenter une offre à la victime, alors qu'en application de l'article L. 421-1 du code des assurances l'indemnisation par ce fonds revêt un caractère subsidiaire.

L'accident s'étant produit le 29 juin 2011, la société AIG devait faire une offre provisionnelle portant sur tous les éléments indemnisables du préjudice au plus tard le 1er mars 2012, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait.

La société AIG encourt ainsi la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances à compter du 2 mars 2012.

S'agissant de l'offre d'indemnisation définitive, le rapport d'expertise judiciaire du professeur [F] fixant la date de consolidation au 29 juin 2012 a été établi le 26 février 2018, l'expert précisant avoir adressé le 23 janvier 2018 un pré-rapport aux conseils des parties, notamment à celui de la société AIG, lesquels disposaient d'un délai de quatre semaines pour faire parvenir d'éventuels dires, ce qu'ils n'ont pas fait.

Il convient ainsi de retenir que la société AIG a eu connaissance des conclusions de l'expert concernant la date de conclusion au plus tard le 26 février 2018, de sorte que le délai dont elle disposait pour formuler une offre d'indemnisation définitive expirait le 26 août 2018.

La première offre d'indemnisation définitive dont la société AIG justifie a été présentée par voies de conclusions notifiées le 4 octobre 2019 devant les premiers juges.

Le caractère complet d'une offre d'indemnisation devant s'apprécier au regard des préjudices dont l'assureur avait connaissance à la date à laquelle elle a été formée, l'absence de proposition d'indemnisation au titre du préjudice universitaire ne peut être reprochée à la société AIG en l'état des conclusions particulièrement circonspectes de l'expert concernant l'existence d'un tel préjudice subordonné à l'examen par le tribunal des notes du «dernier trimestre de l'année universitaire 2010-2011» pour apprécier les possibilités de M. [B] de passer en 2ème année de licence de droit.

L'offre d'indemnisation du 4 octobre 2019 dont la teneur est rappelée dans le jugement déféré apparaît ainsi complète comme portant sur les éléments de préjudice dont l'assureur connaissait l'existence et n'est pas manifestement insuffisante dans la mesure où elle correspond à un peu plus de 70 % des sommes alloués par le tribunal et par la cour; elle constitue le terme de la pénalité encourue par la société AIG et son montant, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, en constitue l'assiette.

Il convient ainsi de condamner la société AIG à payer à M. [B] les intérêts au double du taux légal du 2 mars 2012 au 4 octobre 2019, sur le montant de l'offre du 4 octobre 2019 avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées.

Sur les demandes annexes

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Transdef et la société AIG qui succombent partiellement dans leurs prétentions et qui sont tenus à indemnisation supporteront la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande d'allouer en application de l'article 700 du code de procédure civile à M. [B] une indemnité de 3 000 euros et à la CPAM celle de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

- Confirme le jugement, hormis en ses dispositions relatives à l'indemnisation du préjudice universitaire de M. [X] [B] et à l'application de la pénalité prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances et sauf à préciser que la société Transdef et la société AIG Europe SA sont seulement tenues in solidum au paiement de l'indemnité allouée au titre des souffrances endurées,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne in solidum la société Transdef et la société AIG Europe SA à payer à M. [X] [B] une indemnité d'un montant de 4 500 euros au titre de son préjudice universitaire, provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire non déduites,

- Condamne la société AIG Europe SA à payer à M. [X] [B] les intérêts au double du taux légal les intérêts au double du taux légal sur le montant de l'offre sur le montant de l'offre du 4 octobre 2019 avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions à compter du 2 mars 2012 et jusqu'au 4 octobre 2019,

- Condamne in solidum la société Transdef et la société AIG Europe SA en application de l'article 700 du code de procédure civile à payer à M. [X] [B] une indemnité de 3 000 euros et à la caisse primaire d'assurance maladie de seine-Saint-Denis celle de 1 500 euros titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamne in solidum la société Transdef et la société AIG Europe aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/12190
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;21.12190 ?
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