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12/01/2023 | FRANCE | N°21/09180

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 12 janvier 2023, 21/09180


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 12 JANVIER 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09180 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDVJW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2021 -TJ de PARIS - RG n°19/03901



APPELANTE



S.A.S. SOCIETE IMMOBILIERE DU MARAIS

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Brigitte BEAUMONT de la S

ELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0372

assistée par Me Aziza BENALI, avocat au barreau de PARIS



INTIMEES



Madame [L] [S]

[Adresse 1]

[Localité 6]

née...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/09180 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDVJW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2021 -TJ de PARIS - RG n°19/03901

APPELANTE

S.A.S. SOCIETE IMMOBILIERE DU MARAIS

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentée par Me Brigitte BEAUMONT de la SELEURL CABINET BRIGITTE BEAUMONT, avocat au barreau de PARIS, toque : A0372

assistée par Me Aziza BENALI, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

Madame [L] [S]

[Adresse 1]

[Localité 6]

née le [Date naissance 3] 1934 à [Localité 10] (Algérie)

Représentée par Me Isabelle DUQUESNE CLERC, avocat au barreau de PARIS, toque : A0895

Assistée par Me Clémentine SOULIÉ, avocat au barreau de PARIS

S.A.R.L. METATIS

[Adresse 5]

[Localité 9]

Représentée et assistée par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0564

S.A. BPCE IARD

CHABAN

[Localité 8]

Représentée et assistée par Me Hervé REGOLI, avocat au barreau de PARIS, toque : A0564

MUTUELLE GENERALE DE L'EDUCATION NATIONALE

[Adresse 4]

[Localité 7]

N'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 29 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Nina TOUATI, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 février 2016, Mme [L] [S], alors âgée de 82 ans, locataire d'un appartement dépendant d'un immeuble situé [Adresse 1] appartenant à la société immobilière du Marais, a fait une chute au bas des escaliers du hall de l'immeuble, cette chute étant due, selon elle, à la présence d'une plaque métallique sur le sol.

Au jour de l'accident, des travaux de modernisation de l'ascenseur de l'immeuble étaient en cours, leur réalisation ayant été sous-traitée à la société Metatis, assurée auprès de la société BPCE IARD (la société BPCE).

Par actes d'huissier en date des 22, 25 et 26 mars 2019, Mme [S] à fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris, la société Metatis, la société BPCE et la Mutuelle générale de l'éducation nationale (la MGEN), tiers payeur, afin d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices.

Par acte d'huissier du 9 janvier 2020, elle a fait assigner la société immobilière du Marais devant la même juridiction aux mêmes fins.

Par un jugement rendu le 16 mars 2021, le tribunal judiciaire de Paris a :

- débouté Mme [S] de sa demande de condamnation solidaire de la société Metatis et de son assureur, la société BPCE, à indemniser son préjudice causé par l'accident du 16 février 2016,

- débouté la société immobilière du Marais de sa demande visant à retenir une faute civile commise par Mme [S],

- condamné la société immobilière du Marais à indemniser Mme [S] du préjudice causé par l'accident du 16 février 2016,

- débouté la société immobilière du Marais de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Metatis et de la société BPCE,

- ordonné une expertise médicale, confiée au Docteur [O], avec mission d'usage,

- débouté Mme [S] de sa demande de condamnation de la société immobilière du Marais à lui verser une provision à valoir sur la réparation de son préjudice,

- déclaré irrecevable comme dépourvue d'intérêt la demande en déclaration de jugement commun,

- condamné Mme [S] aux dépens exposés par la société Metatis et la société BPCE avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Hervé Régoli conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

- mis hors de cause pour la suite du litige la société Metatis et la société BPCE,

- sur la liquidation du préjudice, les dépens relatifs à l'instance entre Mme [S] et la société immobilière du Marais et l'indemnité fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, renvoyé l'affaire devant la 19ème chambre du tribunal,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- ordonné la suppression de l'affaire du rôle de la 4ème chambre 1ère section et sa transmission à la 19ème chambre de ce tribunal.

Par déclaration du 12 mai 2021, la société immobilière du Marais a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a retenu sa responsabilité, débouté Mme [S] de sa demande de condamnation solidaire de la société Metatis et de son assureur, la société BPCE, débouté la société immobilière du Marais de sa demande visant à retenir une faute de Mme [S], condamné la société immobilière du Marais à indemniser Mme [S] du préjudice causé par l'accident du 16 février 2016, débouté la société immobilière du Marais de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Metatis et de la société BPCE, ordonné une expertise et mis hors de cause pour la suite du litige la société Metatis et la société BPCE.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de la société immobilière du Marais, notifiées le 19 novembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 9 du code de procédure civile,

Vu les articles 1242, alinéa 1, et 1353 du code civil,

- recevoir la société immobilière du Marais en son appel et ses écritures ; la déclarer bien fondée,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- retenu la responsabilité de la société immobilière du Marais

- débouté Mme [S] et sa demande de condamnation solidaire de la société Metatis et de son assureur la société BPCE à l'indemniser de son préjudice causé par l'accident du 16 février 2016

- débouté la société immobilière du Marais de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Metatis et de la société BPCE

- ordonné une expertise

- mis hors de cause pour la suite du litige la société Metatis et la société BPCE,

Et, statuant à nouveau,

- déclarer Mme [S] mal fondée en l'intégralité de ses demandes dirigées à l'encontre de la société immobilière du Marais ; l'en débouter purement et simplement,

En conséquence,

- mettre hors de cause la société immobilière du Marais,

- débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions contre elle,

- condamner Mme [S] à payer à la société immobilière du Marais la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner aux entiers dépens dont distraction au profit de la Selarl cabinet Beaumont représentée par Maître Brigitte Beaumont, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

- déclarer la société Metatis et son assureur, la société BPCE, tenus de répondre directement de l'intégralité du dommage allégué par Mme [S],

- les condamner in solidum à relever et garantir la société immobilière du Marais de toutes condamnations susceptibles d'être prononcées à son encontre, en sa qualité de propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 1], au profit de Mme [S],

Sous cette nécessaire garantie,

- déclarer que Mme [S] a contribué à la réalisation de son propre dommage,

En conséquence,

- prononcer un partage de responsabilité, dont une part prépondérante sera laissée à la charge de Mme [S],

- ordonner que Mme [S] conserve à sa charge une très large part de responsabilité,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de provision à valoir sur le dommage allégué par Mme [S] et mis à sa charge les frais de consignation à valoir sur la rémunération de l'expert judiciaire,

- renvoyer l'affaire devant le tribunal judiciaire pour la poursuite de la procédure,

En tout état de cause,

- débouter toutes parties de toutes demandes, fins et conclusions dirigées contre elle,

- condamner in solidum la société Metatis et la société BPCE, ou tout succombant, à verser à la société immobilière du Marais la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- les condamner in solidum aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Cabinet Beaumont représentée par Maître Brigitte Beaumont, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions de Mme [S], notifiées le 21 septembre 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour de :

Vu l'article 1384, alinéa 1, (ancien) du code civil,

- déclarer Mme [S] recevable et bien fondée en ses demandes,

Y faisant droit,

- confirmer le jugement rendu le 16 mars 2021, en ce qu'il a dit que «l'objet du dommage» était identifié et que son rôle causal dans la chute de Mme [S] était démontré,

Subsidiairement,

- infirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [S] et ses demandes de condamnation à l'encontre de la société Metatis et de la société BPCE,

- infirmer le jugement sur la mise hors de cause de la société Metatis et de la société BPCE,

- infirmer le jugement sur la condamnation de Mme [S] à indemniser la société Metatis et la société BPCE des dépens d'instance,

Et, statuant à nouveau,

- condamner in solidum la société Metatis, en qualité de gardien, et la société BPCE, son assureur, à indemniser les préjudices de Mme [S],

En tout état de cause,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les défendeurs de leur demande visant à retenir une faute de la victime et dire que son indemnisation doit être intégrale,

- confirmer le jugement sur la désignation de l'expert et la mission d'expertise dans toutes ses dispositions,

- infirmer le jugement sur la demande de provision,

Et, statuant à nouveau,

- condamner tout succombant à verser à Mme [S] la somme de 10 000 euros à titre de provision à valoir sur l'indemnisation de ses préjudices,

- déclarer irrecevables toutes demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais de première instance, que le tribunal a réservées,

- condamner tout succombant à régler à Mme [S] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel,

- condamner tout succombant à rembourser à Mme [S] le montant des dépens d'appel engagés par elle,

- déclarer l'arrêt commun à la MGEN,

- débouter la société immobilière du Marais, la société Metatis et la société BPCE de toutes leurs demandes, fins et prétentions contraires.

Vu les conclusions de la société Metatis et de la société BPCE, notifiées le 10 novembre 2021, aux termes desquelles elles demandent à la cour de :

- réformer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris en ce qu'il a accueilli les demandes indemnitaires de Mme [S],

- débouter cette dernière de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, faute pour elle de rapporter les circonstances précises de sa chute,

Subsidiairement,

- confirmer le jugement en ce qu'il n'a retenu que la seule responsabilité de la société immobilière du Marais et en ce qu'il a purement et mis hors de cause la société Metatis et la société BPCE,

En conséquence,

- débouter la société immobilière du Marais de sa demande en garantie formée à l'encontre de la société Metatis et de la société BPCE et de ses demandes de condamnation à lui verser une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens,

- mettre hors de cause la société Metatis et de la société BPCE,

- condamner la société immobilière du Marais à payer aux sociétés Metatis et BPCE une indemnité de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de la première instance et d'appel.

La MGEN, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 21 juillet 2022, par acte d'huissier délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.

La cour a invité les parties a conclure par note en délibéré sur le moyen relevé d'office tiré de ce qu'en vertu du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, le locataire qui dispose d'une action contractuelle contre son bailleur, tenu de le garantir des vices et défectuosités des éléments d'équipement communs et de lui assurer la jouissance paisible de ceux-ci, ne peut agir contre celui-ci sur le fondement des dispositions de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil.

Elle a également sollicité la production du contrat de bail dont Mme [S] est titulaire.

La société immobilière du Marais, Mme [S], ainsi que la société Metatis et son assureur, la société BPCE, ont fait valoir leurs observations respectivement par notes en délibéré en date des 8 décembre 2022, 21 octobre 2022 et 8 décembre 2022 à la lecture desquelles il conviendra de se reporter.

Mme [S] a produit une copie du contrat de location conclu en 1975 par son époux avec la société du Bazar de l'hôtel de ville, devenue la société Immobilière du Marais, bail dont elle est co-titulaire en application de l'article 1751 du code civil.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la responsabilité de la société Immobilière du Marais

Le tribunal a retenu que la société Immobilière du Marais était responsable des dommages subis par Mme [S] en sa qualité de gardienne du sol sur lequel elle avait glissé en raison de la présence anormale d'une grille métallique.

La société Immobilière du Marais qui ne conteste pas, dans sa note en délibéré, qu'en application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, sa responsabilité ne peut être recherchée que sur le fondement contractuel, soutient d'abord que Mme [S] échoue dans l'administration de la preuve qui lui incombe de la matérialité des faits et des circonstances de l'accident.

Elle avance que l'attestation établie par M. [D] selon laquelle Mme [S] aurait glissé sur une plaque métallique posée à terre par l'ascensoriste ne présente pas de garantie suffisantes de crédibilité, qu'elle ne mentionne pas la date des faits rapportés et ne comporte pas la mention selon laquelle le témoin a connaissance qu'une fausse attestation de sa part l'exposerait à des sanctions pénales.

Elle estime que cette attestation est par ailleurs contredite par tous les autres témoins dont aucun ne fait état de la présence de M. [D] sur les lieux et relève que dans le compte rendu d'hospitalisation de Mme [S], il est fait état d'une chute par maladresse.

La société Immobilière du Marais fait valoir ensuite que le bailleur n'est tenu à l'égard du locataire d'aucune obligation de sécurité de résultat, de sorte qu'il incombe à Mme [S] de démontrer qu'elle a manqué à son obligation de sécurité.

Sur ce point, la société Immobilière du Marais fait observer que, même en retenant que Mme [S] a chuté en raison de la présence sur le sol d'une grille métallique, ce constat ne saurait qualifier un manquement à l'obligation de sécurité de moyen du bailleur qui ne peut assurer une surveillance constante des lieux et répondre du comportement épisodique d'un locataire ou d'un entrepreneur qui laisserait un objet dans les parties communes.

La société immobilière du Marais invoque à titre subsidiaire comme cause d'exonération partielle de sa responsabilité, la faute de la victime ayant concouru à la réalisation de son propre de dommage ; elle fait valoir que compte tenu de son âge de 82 ans, Mme [S] aurait dû redoubler de prudence et de vigilance dans ses déplacements, alors qu'elle n'ignorait pas que l'ascenseur était en travaux.

Mme [S] qui ne conteste pas dans sa note en délibéré l'application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle fait valoir que la société Immobilière du Marais est responsable des conséquences dommageables de sa chute sur le terrain contractuel.

Elle soutient d'abord que l'obligation d'entretien du bailleur prévue à l'article 1719 du code civil s'étend à l'entretien et à la sécurité des parties communes permettant l'accès aux locaux pris à bail et qu'il s'entend non seulement de l'entretien que le bailleur doit assurer personnellement mais aussi de celui qu'il a pu mettre contractuellement à la charge d'autres personnes.

Elle ajoute qu'il résulte des comptes rendus de chantier communiqués en cause d'appel qu'il devait être procédé à la dépose du grillage extérieur de l'ascenseur, que ce grillage en croisillon a été enlevé et posé au sol en bas de l'escalier par la société Metatis, provoquant la chute de Mme [S] comme en attestent, un voisin, M. [D] qui a assisté à la scène et Mme [P], arrivée juste après.

Elle soutient que la société Metatis n'a pas mis en oeuvre les règles élémentaires de sécurité en entreposant la grille extérieure de l'ascenseur de couleur crème sur le sol du hall d'immeuble, juste en bas de l'escalier, après un virage et en fin de rampe et en déduit que la société Immobilière du Marais, responsable des entreprises qu'elle mandate et de la sécurité des locataires, comme de la jouissance paisible des lieux, doit être déclarée responsable des dommages qu'elle a subis.

Les sociétés Metatis et BPCE soutiennent pour des motifs similaires à ceux développés par la société Immobilière du Marais que les circonstances de l'accident restent indéterminées et font valoir, à titre subsidiaire, que si Mme [S] n'était pas déboutée purement et simplement de ses demandes, la responsabilité du propriétaire de l'immeuble serait seule engagée tant sur le fondement de l'article 1719 du code civil que sur celui de l'article 1721 du même code.

******

En application du principe de non cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle, Mme [S], co-titulaire du bail à usage principal d'habitation conclu entre son époux et la société Bazar de l'hôtel de ville, devenue la société Immobilière du Marais, ne peut rechercher la responsabilité du bailleur que sur le fondement de la responsabilité contractuelle et non sur celui des dispositions de l'article 1384, alinéa 1, devenu 1242, alinéa 1, du code civil.

Si le bailleur n'est tenu d'aucune obligation de résultat concernant la sécurité du locataire, il est tenu en application de l'article 1719 du code civil d'entretenir la chose louée en état de service à l'usage pour laquelle elle a été louée, cette obligation s'étendant lorsque comme en l'espèce le bailleur est propriétaire de l'immeuble entier à l'entretien des parties communes permettant d'accéder aux lieux loués.

Il est tenu en vertu de ce même texte d'assurer au locataire la jouissance paisible des parties communes et éléments d'équipement commun.

Par ailleurs, comme le relève justement Mme [S], l'obligation d'entretien prévue à l'article 1719 du code civil s'entend non seulement de l'entretien qu'il doit assurer personnellement, mais également de celui qu'il a contractuellement mis à la charge d'autres personnes.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que la société Immobilière du Marais a conclu avec la société Cepa ascenseur un marché de travaux portant sur la modernisation de l'ascenseur de l'immeuble de l'immeuble, lesquels ont été sous-traités en partie à la société Metatis.

Selon le marché de travaux, l'entrepreneur devait prendre toutes les mesures de sécurité utiles et réglementaires pour éviter les accidents et désordres, le maître d'oeuvre ayant rappelé dans un compte tendu de travaux versé aux débats (pièce n° 15 de la société Immobilière du Maris) l'obligation de nettoyage rigoureux et quotidien de la cage d'escalier et de la mise en sécurité des personnes s'agissant de travaux en site occupé.

Il est constant que le 16 février 2016, jour de l'accident dont a été victime Mme [S], les travaux de rénovation de l'ascenseur étaient en cours.

S'agissant des circonstances de la chute de Mme [S], un voisin, M. [D] a établi une attestation aux termes de laquelle il indique avoir vu Mme [S] glisser sur une plaque métallique posée sur le sol et laissée à terre par l'ascensoriste ; il précise que Mme [S] est tombée lourdement et qu'il lui a porté assistance.

Si cette attestation n'est pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile dont il y a lieu de rappeler qu'elles ne sont pas prescrites à peine de nullité, elle présente des garanties suffisantes de crédibilité dans la mesure où elle émane d'un tiers et que M. [D] a joint à son attestation une copie de sa pièce d'identité.

Mme [P], cousine de Mme [S], indique dans l'attestation qu'elle a établie le 20 septembre 2016, que, le 16 février 2016, elle avait rendez-vous avec Mme [S] à 15 heures dans le hall de l'immeuble et qu'en arrivant elle l'a trouvée allongée sur les marches de l'escalier, qu'elle venait de tomber et se plaignait d'un violent mal au bras ; elle ajoute que des ouvriers qui effectuaient des travaux sur l'ascenseur étaient présents, qu'il y avait au sol une plaque métallique perforée, qu'une personne est montée prévenir son mari, M. [S], qui l'a conduite à l'hôpital, ce que confirme le compte rendu d'hospitalisation versé aux débats.

Mme [P] n'étant arrivée sur place qu'après la chute de sa cousine, son témoignage n'est en rien contraire à celui de M. [D] dont aucun élément ne permet de déterminer la durée de son intervention auprès de la victime.

A lecture des comptes rendus de chantier versés aux débats, il apparaît qu'il devait être procédé à la dépose du grillage métallique extérieur de l'ascenseur de couleur crème, ce qui permet de corroborer les déclarations de M. [D] et de Mme [P] sur la présence de ce grillage sur le sol du hall de l'immeuble, grillage que les témoins ont décrit comme étant une plaque métallique pour l'un et une plaque métallique perforée pour l'autre, sans que cette différence de termes ne remettent en cause la portée de leurs témoignages.

Les attestations établies en septembre 2018, deux ans après les faits, par le gérant et un préposé de la société Metatis n'emportent pas la conviction de la cour, étant observé que le préposé, selon ses déclarations, travaillait dans les étages et n'a pas assisté à l'accident et que le gérant, se borne à indiquer qu'aucun objet appartenant à la société Matetis n'était entreposé par terre ou contre le mur, mais non qu'aucune partie du grillage de l'ascenseur n'avait été laissée sur le sol.

En outre l'indication dans le compte rendu opératoire versé aux débats d'une chute mécanique de la victime par «maladresse» permet seulement de témoigner de l'absence de chute due à un malaise.

Il est ainsi suffisamment établi que Mme [S] a glissé au bas des escaliers, qui au vu des photographies produites forment une courbe, sur le grillage en croisillon de couleur crème de l'ascenseur laissé sans précaution par la société Metatis sur un sol du hall de immeuble en carrelage de même couleur.

Il résulte des données qui précèdent que la société Immobilière du Marais doit répondre de la mauvaise exécution de l'entretien des parties communes lié aux travaux en zone occupée qu'elle avait confié contractuellement à société Cepa ascenseur, le sous-traitant de cette dernière, la société Metatis ayant laissé, au mépris des règles élémentaires de sécurité, une plaque du grillage extérieur de l'ascenseur sur le sol, au bas de l'escalier, entravant l'accès à la sortie de l'immeuble.

Par ailleurs, aucune faute d'imprudence ou de négligence n'est établie à l'encontre de Mme [S] qui n'avait pas à prendre de précaution particulière avant de s'engager aux bas des escaliers dans le hall de son immeuble, lequel devait normalement permettre un passage en toute sécurité pendant la durée des travaux.

Il convient ainsi de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Immobilière du Marais à indemniser Mme [S] du préjudice causé par l'accident du 16 février 2016.

Mme [S] ne recherchant la responsabilité de la société Metatis qu'à titre subsidiaire, sa demande est devenue sans objet compte tenu de la solution du litige.

Sur l'expertise et la provision

Mme [S] sollicite la confirmation du jugement en ce qui concerne la mesure d'expertise ordonnée mais son infirmation en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de provision, réclamant l'allocation d'une indemnité provisionnelle de 10 000 euros.

Il résulte des pièces médicales versées aux débats, notamment du compte-rendu d'hospitalisation du 17 février 2016, du compte-rendu-opératoire établi le 19 février 2016, du certificat médical établi par le Docteur [G] le 8 septembre 2016, que Mme [S] a présenté à la suite de l'accident du 16 février 2016 une fracture céphalo-tubérositaire droite et une fracture de glène nécessitant une réduction par ostéosynthèse.

Ces éléments justifient la mesure d'expertise médicale ordonnée par le tribunal dont les dispositions seront confirmées sur ce point.

Compte tenu de la nature et de l'importance des blessures, il convient, en infirmation du jugement, d'allouer à Mme [S] une indemnité provisionnelle de 10 000 euros, à valoir sur la réparation de ses préjudices.

Sur l'action en garantie de la société Immobilière du Marais

La société Immobilière du Marais demande à titre subsidiaire à être garantie par la société Metatis et la société BPCE des condamnations prononcées à son encontre en relevant que la société Metatis était responsable du bon déroulement des travaux de rénovation de l'ascenseur, et qu'il lui incombait de sécuriser le chantier.

Les sociétés Metatis et BPCE, qui contestent que la grille provenait de l'ascenseur, concluent à la confirmation du jugement qui a rejeté l'action en garantie de la société immobilière du Marais.

Sur ce, la société Immobilière du Marais ayant confié l'exécution des travaux de modernisation de l'ascenseur à la société Cepa ascenseur n'est pas liée contractuellement à la société Metatis, sous traitant, dont la responsabilité ne peut être engagée que sur le fondement de la responsabilité délictuelle.

Pour les motifs qui précèdent, il est établi que la société Metatis a commis une faute en lien de causalité avec les dommages subis par Mme [S] en laissant, au mépris des règles élémentaires de sécurité, une plaque du grillage extérieur de l'ascenseur sur le sol, au bas de l'escalier, entravant l'accès à la sortie de l'immeuble.

Son assureur, la société BCPE ne déniant pas sa garantie, il convient, en infirmation du jugement, de condamner in solidum la société Metatis et la société BPCE à relever et garantir la société Immobilière du Marais de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme [S].

Sur les demandes annexes

Il n'y a pas lieu de déclarer le présent arrêt commun à la MGEN qui est en la cause.

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles qui ont été réservés dans les rapports entre Mme [S] et la société Immobilière du Marais doivent être confirmées.

En revanche, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné Mme [S] aux dépens exposés par la société Metatis et la société BPCE, les dépens de première instance étant intégralement réservés.

La société Immobilière du Marais qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera, sous la garantie de la société Metatis et de la société BPCE, la charge des dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'équité commande, en application de l'article 700 du code de procédure civile, d'allouer à Mme [S] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour et à la société Immobilière du Marais la somme de 3 000 euros au même titre.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

- Confirme le jugement, hormis en ce qu'il a débouté Mme [L] [S] de sa demande de condamnation solidaire de la société Metatis et de la société BPCE IARD, à indemniser son préjudice causé par l'accident du 16 février 2016, débouté la société Immobilière du Marais de son appel en garantie formé à l'encontre de la société Metatis et de la société BPCE IARD, débouté Mme [L] [S] de sa demande de condamnation de la société Immobilière du Marais à lui verser une provision à valoir sur la réparation de son préjudice, condamné Mme [L] [S] aux dépens exposés par la société Metatis et la société BPCE IARD avec faculté de recouvrement direct au profit de Maître Hervé Régoli conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et en ce qu'il a mis hors de cause pour la suite du litige la société Metatis et la société BPCE IARD,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Constate que les demandes formées à titre subsidiaire par Mme [L] [S] à l'encontre de la société Metatis et de la société BPCE IARD sont devenues sans objet compte tenu de la solution du litige,

- Condamne la société Immobilière du Marais à payer à Mme [L] [S] une indemnité provisionnelle de 10 000 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice corporel,

- Condamne in solidum la société Metatis et la société BPCE IARD à relever et garantir la société Immobilière du Marais de toutes les condamnations prononcées à son encontre au profit de Mme [S],

- Condamne, en application de l'article 700 du code de procédure civile, la société Immobilière du Marais, sous la garantie de la société Metatis et de la société BPCE IARD, à payer à Mme [L] [S] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour,

- Condamne in solidum la société Metatis et la société BPCE IARD, en application de l'article 700 du code de procédure civile, à payer la société Immobilière du Marais la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamne la société Immobilière du Marais, sous la garantie de la société Metatis et de la société BPCE IARD, aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/09180
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;21.09180 ?
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