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12/01/2023 | FRANCE | N°21/05596

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 11, 12 janvier 2023, 21/05596


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 11



ARRET DU 12 JANVIER 2023



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05596

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLIO



Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er février 2021 -TJ de PARIS - RG n° 18/09653



APPELANTS



Madame [Z] [H] [R]

[Adresse 12]

[Localité 1] (ESPAGNE)

née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 14] - [Local

ité 1] (Espagne)

Représentée par Me David WINTER de la SELARL CABINET MONTMARTRE, avocat au barreau de PARIS

Assistée par Me Valentina DECARNIN, avocat au barreau de PARIS



Madame [K] [G] ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 12 JANVIER 2023

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/05596

N° Portalis 35L7-V-B7F-CDLIO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 1er février 2021 -TJ de PARIS - RG n° 18/09653

APPELANTS

Madame [Z] [H] [R]

[Adresse 12]

[Localité 1] (ESPAGNE)

née le [Date naissance 4] 1966 à [Localité 14] - [Localité 1] (Espagne)

Représentée par Me David WINTER de la SELARL CABINET MONTMARTRE, avocat au barreau de PARIS

Assistée par Me Valentina DECARNIN, avocat au barreau de PARIS

Madame [K] [G] [L] [H]

[Adresse 12]

[Localité 1] - ESPAGNE

née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 1] (Espagne)

Représentée par Me David WINTER de la SELARL CABINET MONTMARTRE, avocat au barreau de PARIS

Assistée par Me Valentina DECARNIN, avocat au barreau de PARIS

Monsieur [J] [L] [H]

[Adresse 11]

[Localité 1] - ESPAGNE

né le [Date naissance 7] 1987 à [Localité 1] (Espagne)

Représenté par Me David WINTER de la SELARL CABINET MONTMARTRE, avocat au barreau de PARIS

Assisté par Me Valentina DECARNIN, avocat au barreau de PARIS

INTIMEES

S.A. AXA FRANCE IARD

[Adresse 8]

[Localité 10]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistée par Me Aurélie VIMONT, avocat au barreau de PARIS

BUREAU CENTRAL FRANCAIS représentant la compagnie KRAVAG

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Stéphanie MOISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1710

Entreprise GEORG GLANZ TRANSPORTE

[Adresse 13]

[Localité 5] (ALLEMAGNE)

Représentée par Me Stéphanie MOISSON, avocat au barreau de PARIS, toque : E1710

BUREAU CENTRAL FRANCAIS en qualité de représentant de la Compagnie PLUS ULTRA SEGUROS

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentée par Me Clément MICHAU de l'AARPI PENNEC & MICHAU Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0586

assistée par Me Peggy TOURRET, avocat au barreau de PARIS

Société PLUS ULTRA SEGUROS

Sis [Adresse 15]

[Localité 6] (ESPAGNE)

Représentée par Me Clément MICHAU de l'AARPI PENNEC & MICHAU Avocats Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : A0586

assistée par Me Peggy TOURRET, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE

ARRET :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 16 décembre 2015 sur l'autoroute A10 au niveau de la commune de Chatay (28) est survenu un accident de la circulation entre le véhicule de marque Citroën conduit par M. [O] [S] et assuré auprès de la société Axa France IARD (la société Axa), le poids-lourd appartenant à la société Georg Glanz Transporte conduit par M. [F] [C] et assuré auprès de la société allemande Kravag et un poids-lourd appartenant à la société Isabel Alonso, conduit en alternance par [J] [L] [B] et M. [N] [T] [V] et assuré auprès de la société espagnole Ultra Plus Seguros.

[J] [L] [B] est décédé des suites de cet accident et M. [T] [V] a été grièvement blessé.

Par exploits des 8 et 16 août 2018 Mme [Z] [H] [R], veuve de [J] [L] [B], et leurs enfants Mme [K] [G] [L] [H] et M. [J] [L] [H] (les consorts [H]) ont assigné la société Axa et le Bureau central français (le BCF) représentant en France de la société Kravag devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins d'indemnisation de leurs préjudices.

Par acte en date du 4 décembre 2018, la société Axa a appelé en la cause le BCF représentant en France la société Plus Ultra Seguros.

Les deux instances ont été jointes.

Par jugement rendu le 1er février 2021, le tribunal judiciaire de Paris, a :

- reçu la société Plus Ultra Seguros en son intervention volontaire ainsi que la société Georg Glanz Transporte,

- dit que le véhicule assuré auprès de la société Axa est impliqué dans la survenance de l'accident du 16 décembre 2015,

- dit que le véhicule assuré auprès de la société Kravag, représentée par le BCF est impliqué dans la survenance de l'accident du 16 décembre 2015,

- dit que la qualité de conducteur de véhicule de [J] [L] [B] au moment de l'accident est établie,

- dit que la faute commise par [J] [L] [B] au moment de l'accident est établie,

- dit que la faute commise par [J] [L] [B] réduit de 50 % son droit à indemnisation,

- condamné in solidum la société Axa et le BCF représentant la société Kravag à payer, en deniers ou quittance, provisions non déduites, en réparation de leurs préjudices d'affection, à :

- Mme [Z] [H] [R] la somme de 15 000 euros

- M. [J] [L] [H] la somme de 8 000 euros

- Mme [K] [G] [L] [H] la somme de 8 000 euros,

- débouté les parties de leurs demandes au titre des souffrances endurées par [J] [L] [B]

- sursis à statuer sur la demande de Mme [Z] [H] [R] au titre de son préjudice économique,

- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 4 mai 2020 à 10 h 00 pour production par Mme [Z] [H] [R] des justificatifs de son préjudices économique (avis d'imposition et justificatifs des prestations perçues),

- condamné in solidum la société Axa et le BCF représentant la société Kravag à payer aux consorts [H] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre effectuée le 11 septembre 2019, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 16 septembre 2016 et jusqu'au 11 septembre 2019,

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

- dit que la société Axa devra relever et garantir l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre du BCF représentant la société Kravag dont l'implication justifiant la mise en cause,

- condamné le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros à payer :

- la somme de 16 542,40 euros au BCF représentant la société Kravag

- la somme de 1 000 euros à la société Georg Glanz Transport,

- condamné la société Axa aux dépens et à payer aux consorts [H] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à l'égard d'autres parties,

- dit que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 23 mars 2021, enregistrée sous le numéro RG 21/05596 les consorts [H] ont interjeté appel de cette décision en la critiquant expressément d'une part, en ce qu'elle a estimé établie la qualité de conducteur de [J] [L] [B], a réduit de 50 % son droit à indemnisation, d'autre part, en ses dispositions relatives à l'indemnisation de leur préjudice d'affection, au rejet de leur demande au titre des souffrances endurées par leur auteur et à la condamnation solidaire de la société Axa et du BCF au titre du doublement du taux de l'intérêt légal.

Par déclaration du 1er avril 2021 enregistrée sous le numéro RG 21/6229 le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros ont interjeté appel de ce même jugement, en visant expressément ses dispositions suivantes :

'- condamne le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros à payer :

- la somme de 16 542,40 euros au BCF représentant la société Kravag

- la somme de 1 000 euros à la société Georg Glanz Transport,

- déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires'.

Ces procédures ont été jointes pour être suivies sous le numéro 21/05596 par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 16 décembre 2021.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Vu les conclusions d'appelant et les conclusions d'intimés des consorts [H], notifiées le 18 mai 2021 et le 28 juin 2021, aux termes desquelles ils demandent à la cour de :

Vu la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985,

Vu les articles L.211-8 à L.211-25 du code des assurances,

Vu les articles 1153 et suivants du code civil,

- dire les consorts [H] recevables et bien fondés en leur appel,

et, par conséquent,

- confirmer le jugement du tribunal judiciaire de Paris en date du 1er février 2021 en ce qu'il a :

- dit que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil

- dit que la société Axa devra relever et garantir l'ensemble des condamnations prononcées à l'encontre du BCF représentant la société Kravag dont l'implication justifiait la mise en cause,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que la qualité de conducteur de véhicule de [J] [L] [B] au moment de l'accident est établie

- dit que la faute commise par [J] [L] [B] réduit de 50% son droit à indemnisation,

- condamné in solidum la société Axa et le BCF représentant la société Kravag à payer, en deniers ou quittance provisions non déduites, en réparation de leurs préjudices d'affection, à :

- Mme [Z] [H] [R] la somme de 15 000 euros

- M. [J] [L] [H], la somme de 8 000 euros

- Mme [K] [G] [L] [H], la somme de 8 000 euros,

- débouté les parties de leurs demandes au titre des souffrances endurées par [J] [L] [B],

- condamné in solidum la société Axa et le BCF représentant la société Kravag à payer aux consorts [H] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre effectuée le 11 septembre 2019, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 16 septembre 2016 et jusqu'au 11 septembre 2019,

et, statuant à nouveau sur l'ensemble de ces éléments,

à titre principal,

- dire que la qualité de passager de véhicule de [J] [L] [B] au moment de l'accident est établie et que le droit à indemnisation de ses ayants droit est total,

à titre subsidiaire,

- dire, dans l'hypothèse où [J] [L] [B] serait reconnu conducteur, qu'aucune faute ne peut lui être reprochée et que le droit à indemnisation de ses ayants droit est total,

en conséquence,

- condamner le BCF représentant la société Kravag et la société Axa à indemniser, en deniers ou quittance, le préjudice des appelants de la manière suivante, au titre de leur qualité d'ayants droit de la victime, [J] [L] [B] :

- mémoire en ce qui concerne la perte économique de Mme [Z] [H] [R]

- 50 000 euros pour Mme [Z] [H] [R], se décomposant de la manière suivante : 20 000 euros pour les souffrances endurées par la victime avant son décès et 30 000 euros au titre du préjudice d'affection

- 50 000 euros pour Mme [K] [G] [L] [H], se décomposant de la manière suivante : 20 000 euros pour les souffrances endurées par la victime avant son décès et 30 000 euros au titre du préjudice d'affection

- 50 000 euros pour M. [J] [L] [H], se décomposant de la manière suivante : 20 000 euros pour les souffrances endurées par la victime avant son décès et 30 000 euros au titre du préjudice d'affection,

- soit une somme totale, dans l'attente des éléments sur la perte économique, de 150 000 euros, augmentée des intérêts au double du taux légal à compter de l'expiration du délai prévu à l'article L.211-9 du code des assurances, soit le 16 août 2016,

- ordonner la capitalisation des intérêts, en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- condamner le BCF représentant la société Kravag et la société Axa à payer à chaque requérant la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner le BCF représentant de la société Kravag et la société Axa aux dépens, à recouvrer par Maître David Winter, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions de la société Axa, notifiées le 9 juillet 2021, aux termes desquelles elle demande à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu le principe de réparation intégrale sans perte ni profit,

Vu les articles R.414-6 et R.413-17 du code de la route,

Vu les articles 1240 et 1346 du code civil,

- constater que la qualité de conducteur du défunt est bien établie au regard des témoignages de M. [T] [V], le pompier M. [A] (prépondérant) et la feuille d'enregistrement du véhicule,

- dire que les fautes commises par le défunt (défaut de maîtrise, vitesse excessive eu égard aux circonstances et dépassement par la droite) sont de nature à réduire de moitié son droit à indemnisation, limitation opposable à ses ayants droit,

- constater que le rapport unilatéral de M. [X] [Y] n'est pas de nature à remettre en cause l'analyse du tribunal ni ne peut prévaloir sur les éléments objectifs du procès-verbal et notamment les feuilles d'enregistrements et témoignages de M. [A] (sur la qualité de conducteur du défunt) et M. [D] (sur les fautes de conduite),

- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, tant sur la qualité de conducteur, que la réduction de moitié du doit à indemnisation et la liquidation des préjudices,

- condamner in solidum les consorts [H] au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

à titre très subsidiaire, si qualité de passager transporté devait être reconnue au défunt par extraordinaire,

- juger que la charge finale du sinistre sera supportée par moitié entre le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros, et la société Axa selon les articles 1240 et 1346 du code civil,

- condamner le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros à garantir la société Axa à hauteur de 50 % de toutes les indemnités versées en règlement de ce sinistre,

- confirmer le montant des indemnités allouées sous réserve du droit à indemnisation au visa de la loi du 5 juillet 1985,

- statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction au profit de la SCP Grapotte Benetreau en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Vu les conclusions du BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et de la société Plus Ultra Seguros, notifiées le 21 septembre 2021, par lesquelles ils demandent à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu les articles 1346, 1240 et suivants du code civil,

Vu les articles L.235-1, R.413-17, R.416-9 et R.417-9 du code de la route,

Vu les articles L.211-9 et L.211-13 du code des assurances,

Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

' sur les demandes des consorts [H] :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

- déclaré le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros recevables et bien fondées en leurs demandes,

- dit que la qualité de conducteur de véhicule de [J] [L] [B] au moment de l'accident est établie,

- débouté la société Axa et le BCF représentant la société Kravag et toutes autres parties de leur recours à l'encontre du BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et de la société Plus Ultra Seguros, au titre des préjudices des ayants droit de M. [L] [B],

- débouté le BCF représentant la société Kravag de sa demande de mise hors de cause,

- rejeté la demande des consorts [L] [H] au titre des souffrances endurées par [J] [L] [B] avant son décès,

subsidiairement, si [J] [L] [B] était considéré comme passager du poids-lourd espagnol,

- juger que l'accident est intervenu du fait des graves fautes commises par M. [S] et M. [C],

- juger que le conducteur du poids-lourd espagnol n'a commis aucune faute causale dans l'accident,

par conséquent,

- juger que le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros ne sera tenu à aucune charge finale du sinistre,

- débouter la société Axa et le BCF représentant la société Kravag de leurs demandes de condamnation du BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et de la société Plus Ultra Seguros à prendre en charge les conséquences dommageables de l'accident,

- débouter la société Axa de sa demande en garantie,

subsidiairement,

- limiter le recours de la société Axa et du BCF représentant la société Kravag, à l'encontre du BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros, à un maximum de 25 % de la charge finale du sinistre,

- liquider les préjudices des consorts [H] comme il suit :

- souffrances endurées par [J] [L] [B] avant son décès : rejet

- pertes de revenus : sursis à statuer

- préjudice d'affection :

- Mme [Z] [H] [R] : 20 000 euros

- Mme [K] [G] [L] [H] : 8 000 euros

- M. [J] [L] [H] : 8 000 euros,

- doublement des intérêts légaux : rejet,

- rejeter la demande de doublement des intérêts au taux légal,

subsidiairement,

- dire que le doublement des intérêts ne commence à courir qu'à compter du 16 septembre 2016 et jusqu'au 22 mars 2019,

- rejeter la demande de capitalisation des intérêts,

' sur les demandes du BCF représentant la société Kravag et de la société Georg Glanz Transporte,

- infirmer le jugement dont appel,

et statuant à nouveau,

- dire et juger que le droit à indemnisation de M. [C] et de tout subrogé est exclu,

- débouter le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte de leurs demandes,

subsidiairement,

- limiter le droit à indemnisation de M. [C] à 50%,

- constater que le principe comme le montant des sommes versées par le BCF représentant la société Kravag et par la société Georg Glanz Transporte ne sont pas justifiés,

- constater que la preuve de la subrogation n'est pas rapportée par le BCF représentant la société Kravag,

- débouter le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte de leurs demandes,

en tout état de cause,

- condamner la société Axa à relever et garantir le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros de toutes condamnations,

subsidiairement,

- condamner la société Axa à relever et garantir le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros à hauteur de 75 % de toutes condamnations,

' en tout état de cause,

- condamner la société Axa et le BCF représentant la société Kravag à relever et garantir le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros de toutes condamnations,

- condamner in solidum le BCF représentant la société Kravag, la société Georg Glanz Transporte, la société Axa ou tout autre succombant à verser à la société Plus Ultra Seguros la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la première instance,

- condamner in solidum le BCF représentant la société Kravag, la société Georg Glanz Transporte, la société Axa ou tout autre succombant à verser à la société Plus Ultra Seguros la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

- débouter le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouter le BCF représentant la société Kravag, la société Georg Glanz Transporte, la société Axa et toute autre partie de toutes demandes, fins, prétentions à l'encontre du BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et de la société Plus Ultra Seguros.

Vu les conclusions du BCF représentant la société Kravag et de la société Georg Glanz Transporte, notifiées le 16 juillet 2021, aux termes desquelles ils demandent à la cour, de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

Vu les dispositions de l'article L.121-12 du code des assurances,

- dire mal fondés l'appel des consorts [H] et l'appel incident du BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et de la société Plus Ultra Seguros,

- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- rejeter toutes les demandes formées contre le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte,

à titre subsidiaire,

- si la cour devait infirmer le jugement et retenir une responsabilité de l'ensemble routier de M. [C] dans la survenance de l'accident, le préjudice des ayants droit sera fixé de la façon suivante :

- souffrances endurées : rejet

- pertes de revenus : réservées

- préjudice d'affection :

- Mme [Z] [H] [R] : 15 000 euros

- Mme [M] [L] [H] : 8 000 euros

- M. [J] [L] [H] : 8 000 euros

- doublement des intérêts légaux : rejet,

- condamner le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens, dont le recouvrement pourra être effectué par Maître Stéphanie Moisson, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la qualité de conducteur ou de piéton de [J] [L] [B]

Le tribunal a retenu que le procès-verbal de gendarmerie démontrait que [J] [L] [B] était le conducteur du poids-lourd appartenant à la société Isabel Alonso et assuré auprès de la société espagnole Ultra Plus Seguros.

Les consorts [H] soutiennent que [J] [L] [B] était passager du poids lourd au moment de l'accident en s'appuyant d'une part, sur les déclarations des personnes intervenues en premier sur les lieux et ayant pu constater elles-mêmes la position des victimes, à savoir les deux membres de l'équipe de secours, M. [P] et M. [I] et le sapeur-pompier M. [A], et d'autre part, sur un rapport d'expertise réalisé à leur demande par M. [E] [X] [Y], expert judiciaire auprès des tribunaux espagnols, traduit de l'espagnol, qui a analysé les blessures subies par [J] [L] [B].

Le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros font valoir que le rapport d'expertise produit en cause d'appel établi cinq ans après les faits ne permet pas de remettre en cause les conclusions de l'enquête pénale et que le jugement qui est fondé doit être confirmé.

La société Axa estime que la qualité de conducteur de [J] [L] [B] au moment de l'accident est établie par le témoignage de son passager M. [T] [V] et par celui du responsable des secours M. [A] ainsi que par la feuille d'enregistrement placée sur le plateau supérieur dédié au conducteur et au nom de [J] [L] [B].

Sur ce, les gendarmes ont noté dans leur procès-verbal que lors de la remise d'une convocation à M. [T] [V] celui-ci leur avait déclaré qu'il était passager du poids lourd et dormait depuis la dernière pause quelques minutes avant l'accident et que [J] [L] [B] était le conducteur au moment de l'accident.

M. [A], pompier, a précisé qu'il était arrivé sur place à 22 heures, qu'il avait pris le commandement des opérations de secours et avait constaté qu'une victime 'ceinturée au volant du Volvo FH' était décédée et qu'il restait à prendre en charge une victime blessée grave qui se trouvait au fond de la cabine, que cette dernière avait été extraite rapidement en raison d'un arrêt cardiaque lors de sa désincarcération.

Il ressort de ce même procès-verbal que le poids lourd apparentant à la société Isabel Alonso et assuré auprès de la société Plus Ultra Seguros était de marque Volvo type FH.

Par ailleurs les gendarmes ont constaté que l'analyse de l'appareil analogique de contrôle situé dans le poids lourd de marque Volvo avait révélé que sur le plateau supérieur dédié au conducteur du véhicule se trouvait une feuille d'enregistrement au nom de [J] [L] [B] alors que sur le plateau inférieur consacré au convoyeur se trouvait une feuille d'enregistrement au nom de M. [T] [V].

Il résulte de ces données précises et concordantes que [J] [L] [B] était au moment de l'accident conducteur du poids lourd assuré auprès de la société Plus Ultra Seguros, et ce nonobstant les conclusions de l'expert officieux mandaté par les consorts [H] qui a établi son rapport plus de cinq ans après l'accident et sur pièces, en se fondant notamment sur une analyse des blessures de [J] [L] [B], qui ne sont pas de nature à remettre en cause les déclarations circonstanciées des témoins et les constatations faites par les gendarmes.

Le jugement doit être confirmé.

Sur la faute invoquée à l'encontre de [J] [L] [B]

Le tribunal a estimé que [J] [L] [B] avait commis une faute de conduite en ne s'arrêtant pas à la vue du véhicule arrêté devant lui.

Les consorts [H] soutiennent que [J] [L] [B] n'a commis aucune faute en lien de causalité avec 'l'accident' ; ils avancent que cette faute n'est pas prouvée dans la mesure où aucun témoin n'a pu décrire précisément ce qu'il s'est passé, que les tests d'alcoolémie pratiqués sur [J] [L] [B] se sont révélés négatifs et que rien n'indique que le camion roulait à une vitesse anormalement élevée ; ils se fondent également sur le rapport de M. [E] [X] [Y] qui a conclu que [J] [L] [B] n'a commis aucune faute.

Le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros font valoir que le seul fait que le poids lourd espagnol ait heurté le véhicule qui le précédait est insuffisant à établir une faute de conduite de son conducteur et que ce dernier ne pouvait pas éviter l'accident.

Ils précisent que la collision s'est déroulée en pleine nuit alors que le véhicule conduit par M. [C] était arrêté au milieu des voies de circulation sans qu'un triangle de signalisation ait été posé, et qu'ainsi le conducteur du poids lourd espagnol n'a pu apercevoir le véhicule arrêtée qu'au dernier moment et n'a pas été en mesure d'effectuer une manoeuvre d'évitement alors que sur sa gauche se trouvait un véhicule léger et qu'étant espagnol il n'a pas pu comprendre le sens de l'alerte radio diffusée sur la chaîne de radio 'Autoroute FM'.

Ils ajoutent que le conducteur du poids lourd roulait à une vitesse adaptée de 90 km/h.

Le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte arguent de ce que le poids lourd espagnol a commis une faute en ne s'arrêtant pas à la vue du véhicule léger et du poids lourd allemand accidentés, alors que l'accident ne venait pas de se produire et que les véhicules le précédant avaient pu passer ; ils affirment que le conducteur du poids lourd espagnol avait le temps de procéder à une manoeuvre de freinage puis d'arrêt ou de se déporter vers la gauche dans une manoeuvre de dépassement, mais qu'il n'a pas ralenti ni respecté les précautions d'usage en cas de danger.

Ils ajoutent que la violence du choc ayant entraîné la quasi destruction de la cabine témoigne de la vitesse excessive du poids lourd.

La société Axa soutient que le véhicule conduit par [J] [L] [B] a effectué un dépassement prohibé par la droite sans ralentir, et que sa vitesse de 90 km/h démontrée par l'analyse du chronotachygraphe n'était pas adaptée ; elle affirme qu'aucun témoin n'a évoqué la présence d'un véhicule qui aurait gêné le poids lourd espagnol.

Sur ce, en vertu de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, d'application autonome, le conducteur victime d'un accident de la circulation est indemnisé des dommages qu'il a subis sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice qui a pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation et qui doit s'apprécier en faisant abstraction du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué.

En l'espèce, lorsqu'il a été entendu par les gendarmes, M. [C], conducteur du poids lourd appartenant à la société Georg Glanz Transporte a indiqué qu'il circulait sur l'autoroute A 10 lorsqu'il avait vu une voiture qui roulait 100 mètres environ devant lui à une vitesse qu'il évaluait à 120 km/h dans la voie centrale partir soudainement sur la gauche, percuter le mur central de l'autoroute puis repartir vers la droite, aller dans le fossé, faire des tonneaux puis revenir dans la première voie de circulation en finissant sa course environ 40 m devant lui.

Il a précisé s'être arrêté sur la première voie de circulation, avoir actionné ses feux de détresse pour protéger les lieux de l'accident puis être descendu de son véhicule pour porter secours, qu'un camion s'était arrêté devant la voiture pour apporter de l'éclairage, qu'au même instant il avait entendu un énorme bruit et vu un poids lourd percuter le sien.

Il a enfin indiqué qu'il n'avait pas entendu de bruit de freinage et qu'il ne comprenait pas que son camion ait été percuté alors que les autres voitures et camions avaient ralenti et s'étaient déportés sur la gauche.

M. [W] [D], a déclaré qu'il circulait au volant de sa voiture lorsqu'il avait entendu sur 'Autoroute FM' qu'un véhicule était immobilisé sur la voie de droite, qu'en arrivant à proximité des lieux, il avait aperçu des feux de détresse sur la voie du milieu, que tout en ralentissant il s'était rendu compte qu'il s'agissait des feux de détresse d'un camion de couleur sombre, que lui-même roulait sur la voie la plus à gauche, qu'il avait continué à ralentir et s'était trouvé à côté d'un camion blanc qui ne semblait pas ralentir, qu'il était quasiment arrêté lorsqu'il avait vu un nuage de poussière et avait entendu un énorme bruit.

M. [S] et M. [T] [V] n'ont pu fournir aucune explication sur les circonstances de l'accident.

Les gendarmes ont relevé que la cabine du poids lourd que conduisait [J] [L] [B] était complètement déformée, détruite, 'n'avait plus de forme' ce que confirment les photographies annexées à leur procès-verbal.

Il ressort de l'ensemble des éléments qui précèdent que [J] [L] [B] n'a pas ralenti à la vue du poids lourd conduit par M. [C] qui était à l'arrêt et avait enclenché ses feux de détresse, ce qui l'a placé dans l'impossibilité de s'arrêter et l'a amené à percuter ce poids lourd à vitesse élevée, alors que le danger était signalé et visible pour les usagers, les autres conducteurs de véhicules et camions ayant eu le temps de ralentir puis éventuellement, comme l'a fait M. [D], de s'arrêter.

[J] [L] [B] n'a ainsi pas adapté sa vitesse aux conditions de la circulation et cette faute est intervenue dans la survenance de son décès.

En revanche, il n'est aucunement démontré que [J] [L] [B] a opéré un dépassement par la droite, alors que s'il s'est trouvé en amont du véhicule de M. [D], c'est parce que celui-ci a ralenti et que lui-même ne l'a pas fait.

La faute commise par [J] [L] [B], eu égard à sa gravité, justifie la réduction du droit à indemnisation de ses ayants droit, non à concurrence de 50 % mais à proportion de 25 %.

Il en résulte que le jugement doit être infirmé et que la société Axa d'une part, et le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte, d'autre part, doivent être condamnés in solidum à indemniser les préjudices subis par les consorts [H] à concurrence de 75 %.

Sur les préjudices des consorts [H]

Le tribunal a sursis à statuer sur l'évaluation du préjudice économique de Mme [Z] [H] [R] et la cour n'est pas saisie de cette disposition du jugement.

Sur les souffrances endurées par [J] [L] [B] avant son décès

Le tribunal a rejeté cette demande au motif que tous les éléments de procédure démontraient que [J] [L] [B] était décédé immédiatement dans l'accident.

Les consorts [H] soutiennent que [J] [L] [B] n'est pas décédé immédiatement, qu'il a subi des souffrances physiques et morales du fait de ses blessures et de la conscience de l'imminence de sa mort.

Le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros opposent que la charge de la preuve du préjudice qu'ils invoquent repose sur les consorts [H] et qu'en toute hypothèse l'enquête de gendarmerie et le rapport officieux dont se prévalent les consorts [H] démontrent que [J] [L] [B] est décédé sur le coup de l'accident.

Le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte répondent que selon le rapport d'enquête [J] [L] [B] est décédé sur le coup et qu'il n'est pas établi qu'il aurait eu conscience de sa propre mort.

La société Axa conclut à la confirmation du jugement dans la mesure où rien ne démontre, vu la violence du choc, que le décès de [J] [L] [B] n'a pas été immédiat et qu'il a eu conscience de ses souffrances et de sa mort imminente.

Sur ce, il ressort de la procédure pénale, de la violence du choc, et de l'expertise unilatérale réalisée à la demande des consorts [L] par un médecin espagnol, que [J] [L] [B] a subi une fracture instantanée avec séparation complète du corps de la deuxième vertèbre cervicale et séparation complète de la troisième vertèbre cervicales ; il résulte de ces éléments que [J] [L] [B] est décédé immédiatement dans l'accident de sorte que les demandes d'indemnisation de préjudices qu'il aurait personnellement subis, dont les souffrances morales résultant de la représentation de sa mort imminente qui supposent l'existence d'un état de conscience, ne sont pas fondées.

Le jugement doit être confirmé.

Sur les préjudices d'affection

Eu égard aux lien d'affection unissant Mme [Z] [H] [R] à [J] [L] [B] et à la durée de leur mariage, soit 19 ans, telle qu'elle ressort du certificat de mariage produit aux débats, le préjudice d'affection subi par Mme [Z] [H] [R] du fait du décès de son époux doit être évalué à 26 000 euros.

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 25 %, la somme de 19 500 euros revient à Mme [Z] [H] [R].

Eu égard aux lien d'affection unissant Mme [K] [G] [L] [H] et M. [J] [L] [H] à leur père, [J] [L] [B], le préjudice d'affection subi par chacun des enfants doit être évalué à la somme de 12 000 euros.

Après application de la réduction du droit à indemnisation de 25 %, la somme de 9 000 euros revient tant à Mme [K] [G] [L] [H] qu'à M. [J] [L] [H].

Sur l'indemnisation du préjudice matériel de la société Georg Glanz Transporte

Le tribunal a condamné le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros a indemniser le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte des préjudices subis à la suite de l'accident après avoir considéré que M. [C] n'avait commis aucune faute dans la mesure où il s'était arrêté sur la voie de droite derrière le véhicule de M. [S], pour le sécuriser.

Le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros soutiennent que M. [S] a commis des fautes graves d'une part, en perdant le contrôle de son véhicule, en infraction avec l'article R. 413-17 du code de la route, à la suite d'un état de fatigue avancé, dû à une journée particulièrement stressante (entretien d'embauche) et à une longue période de conduite (300km en continu ave embouteillages à plusieurs reprises) et d'autre part, en immobilisant son véhicule au milieu des voies de circulation.

Ils ajoutent que M. [S] a été contrôlé positif aux amphétamines, violant les dispositions des articles L. 235-1 et suivants du code de la route.

Ils avancent par ailleurs que M. [C] a commis une faute excluant tout droit à indemnisation au profit de son assureur, ou à défaut, limitant son droit à 50 %, en empiétant sur la quasi-totalité des files de circulation avant l'accident et en omettant d'installer une présignalisation.

Ils relèvent en outre le fait que le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte ne rapportent pas la preuve des préjudices subis et de la subrogation de l'assureur par les pièces communiquées rédigées en allemand et anglais et non traduites.

Le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte concluent à la conformation du jugement en ce qu'il a estimé que M. [C] n'avait pas commis de faute en affirmant qu'il avait immobilisé son poids lourd sur la voie de droite et que si le procès-verbal de synthèse positionne celui-ci en travers des voies, c'est après le choc violent avec le poids lourd espagnol, de sorte que cette indication n'est pas déterminante de la position du véhicule avant l'accident ; ils ajoutent que la mise en place d'un triangle de pré-signalisation aurait représenté un danger pour M. [C] qui a pu s'en dispenser dans la mesure où il a actionné ses feux de détresse ; ils précisent par ailleurs que les assureurs étrangers ne sont pas soumis aux dispositions du code des assurances français et qu'il n'est pas d'usage que les assureurs allemands fassent signer des quittances subrogatives de règlement.

Sur ce, il résulte de l'article 5 de la loi du 5 juillet 1985 'Lorsque le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'en est pas le propriétaire, la faute de ce conducteur peut être opposée au propriétaire pour l'indemnisation des dommages causés à son véhicule. Le propriétaire dispose d'un recours contre le conducteur'.

Le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros contestent la condamnation du BCF représentant la société Plus Ultra Seguros à indemniser le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte de leurs préjudices consécutifs à l'accident.

Sur ce point et sur les fautes reprochées à M. [C], conducteur du véhicule assuré par la société Georg Glanz Transporte, il résulte du procès-verbal de gendarmerie que M. [S] et M. [U] [V] ont déclaré ne pouvoir fournir aucune explication sur les circonstances de l'accident.

En revanche, ainsi que mentionné ci-avant, M. [C] a précisé s'être arrêté sur la première voie de circulation (voie la plus à droite) et avoir actionné ses feux de détresse pour protéger les lieux de l'accident ; M. [D], ainsi que mentionné plus haut, a déclaré qu'il circulait au volant de sa voiture lorsqu'il avait entendu sur 'Autoroute FM' qu'un véhicule était immobilisé sur la voie de droite, qu'en arrivant à proximité des lieux, il avait aperçu des feux de détresse sur la voie du milieu, que tout en ralentissant il s'était rendu compte qu'il s'agissait des feux de détresse d'un camion de couleur sombre, que lui-même roulait sur la voie la plus à gauche, qu'il avait continué à ralentir et s'était trouvé à côté d'un camion blanc qui ne semblait pas ralentir, qu'il était quasiment arrêté lorsqu'il avait vu un nuage de poussière et avait entendu un énorme bruit.

Si à leur arrivée sur les lieux les gendarmes ont constaté que la remorque du poids lourd conduit par M. [C] était située en travers des voies de circulation, c'est après la survenance du choc violent avec le poids lourd que conduisait [J] [L] [B] ; les gendarmes ont ainsi mentionné dans leur procès-verbal que la représentation de la remorque sur le croquis résultait de l'état de celle-ci après l'accident le choc ayant propulsé verticalement celle-ci contre le plateau du tracteur et aucun élément ne permet d'affirmer que M. [C] avait positionné son poids lourd en travers des voies.

En revanche, M. [C] qui avait arrêté son poids lourd sur la chaussée était tenu, nonobstant la mise en fonctionnement de ses feux de détresse, de mettre en place à 30 mètres au moins de son véhicule, un triangle de présignalisation conformément à l'article R. 416-19 du code de la route et à l'arrêté du 30 septembre 2008, étant précisé que le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte ne démontrent pas que cette mesure de sécurité était de nature à le mettre en danger.

Eu égard à sa gravité la faute de conduite commise par M. [C] doit être considérée comme étant intervenue à proportion de 25 % dans la réalisation du préjudice matériel de la société Georg Glanz Transporte, sorte que les préjudices subis par la société Georg Glanz Transporte et par la société Kravag, si elle est subrogée dans les droits de celle-ci ou dispose d'un recours à raison des prestations qu'elle lui a versées, doivent être indemnisés à concurrence de 75 %.

Il ressort des documents produits aux débats par le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte, et des éléments du procès-verbal de gendarmerie, notamment des photos du poids lourd appartenant à la société Georg Glanz Transporte, qui y sont annexées, qui corroborent les données de l'expertise du véhicule que la valeur de remplacement du tracteur doit être fixée à 24 800 euros, que le prix de l'épave doit être évalué à 14 201,68 euros et que les frais de remorquage se sont élevés à 3 396 euros.

Le préjudice matériel correspond aux détériorations du tracteur et à son remorquage doit donc être évalué au total à la somme de 13 994,32 euros.

Par ailleurs la cour est en mesure au vu de ces mêmes éléments de fixer le préjudice matériel correspondant aux détériorations de la remorque à la somme de 3 200 euros.

Le préjudice matériel total subi par la société Georg Glanz Transporte s'est ainsi élevé à la somme de 17 194,32 euros.

Les conditions et l'étendue du recours du BCF, représentant la société Kravag, assureur de la société Georg Glanz Transporte, à l'encontre du BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et de la société Plus Ultra Seguros sont déterminées par le droit du contrat d'assurance, à savoir le droit allemand.

En vertu de l'article 116 du Sozialgesetzbuch, Liv. 10 (code social allemand), 'le droit à dommages-intérêts résultant de dispositions légales autres', ce qui correspond en l'espèce aux dispositions de la loi française régissant le régime d'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, 'est transféré de plein droit à l'assureur ou à l'organisme d'aide sociale, dans la mesure où celui-ci doit servir des prestations en raison du sinistre et où ces prestations servent à remédier à un dommage du même genre et se réfèrent à la même période comme les dommages-intérêts dus par la personne responsable'.

Par ailleurs il est prévu par l'article 86 du versicherungvetragrecht (code des assurances allemand) s'agissant du droit de subrogation de l'assureur que 'dans le cas où l'assuré dispose d'un droit en réparation contre un tiers, ce droit passe à l'assureur, dans la mesure où celui-ci a indemnisé le préjudice'.

Les droits que la société Georg Glanz Transporte, victime, tient de la loi française ont donc été transférés directement à la société Kravag, dans la mesure où elle a dû verser à cette société des prestations ou une indemnité indemnisant le préjudice matériel résultant des détériorations occasionnées à son poids lourd et des frais de remorquage.

Il convient d'ordonner la réouverture des débats, d'inviter les parties à s'expliquer sur les éléments énoncés ci-dessus et d'inviter le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte à produire aux débats le contrat d'assurance les liant.

Sur les demandes de garantie

Le recours de l'assureur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation qui a indemnisé les dommages causés à un tiers s'exerce contre l'assureur d'un autre véhicule impliqué sur le fondement des articles 1382 et 1240 et 1346 du code civil.

La contribution à la dette a lieu en proportion des fautes respectives des conducteurs des véhicules impliqués ou en l'absence de faute prouvée, à parts égales.

En l'espèce, il a été vu ci-avant que [J] [L] [B] et M. [C] ont chacun commis une faute, le premier en omettant d'adapter sa vitesse aux conditions de la circulation, le second en omettant de placer à distance de son poids lourd arrêté un triangle de présignalisation.

M. [C], a indiqué qu'il circulait sur l'autoroute A 10 lorsqu'il avait vu une voiture qui roulait 100 mètres environ devant lui, à une vitesse qu'il évaluait à 120 km/h, dans la voie centrale partir soudainement sur la gauche, percuter le mur central de l'autoroute puis repartir vers la droite, aller dans le fossé, faire des tonneaux puis revenir dans la première voie de circulation en finissant sa course environ 40 m devant lui.

Il s'évince de ces éléments que M. [S] a manqué de vigilance et a omis d'adapter sa vitesse aux conditions de la circulation la nuit sur autoroute en infraction avec l'article R. 413-17 du code de la route ; en revanche, si le dépistage salivaire de la consommation de produits stupéfiants a révélé que M. [S] avait consommé des amphétamines, il n'est aucunement établi que celle-ci a été à l'origine ou a participé à son manque de vigilance.

Eu égard à la gravité des fautes respectivement commises par M. [S], conducteur du véhicule assuré par la société Axa et par M. [C], conducteur du poids lourd assuré par le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte, qui sont intervenues dans la réalisation de l'accident, la société Axa d'une part et le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte et la société Plus Ultra Seguros de 50 % des condamnations prononcées à leur encontre.

Sur le doublement des intérêts légaux

Le tribunal a considéré qu'une offre devait être faite avant le 16 septembre 2016 compte tenu de la date de l'accident et que l'assureur n'en avait fait une que par conclusions du 11 septembre 2019.

Les consorts [H] sollicitent l'application de la pénalité à compter du 16 août 2016.

La société Axa rétorque que le délai d'offre est augmenté d'un mois pour les victimes résidant à l'étranger en vertu des articles R. 211-31 et R. 211-32 du code des assurances.

Le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte estiment que la société Kravag n'était pas tenue de formuler une offre d'indemnisation dans la mesure où une exclusion du droit à indemnisation avait été opposée.

Sur ce, en application de l'article L. 211-9 du code des assurances, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime, lorsque la responsabilité, n'est pas contestée, et le dommage entièrement quantifié, une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande.

Une offre d'indemnité comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident.

En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers, et s'il y a lieu à son conjoint.

L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime et l'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis, étant précisé que le délai applicable est celui qui est le plus favorable à la victime, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal, en vertu de l'article L.211-13 du même code, à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur.

Les dispositions précitées bénéficient à la victime directe ou à l'héritier de celle-ci pour le préjudice de son auteur ou son préjudice propre.

Il en résulte que la société Axa et la société Kravag avaient, en application des textes rappelés ci-dessus, l'obligation de présenter aux consorts [H], héritiers de [J] [L] [B] ayant subi un préjudice en lien direct et certain avec l'accident, une offre d'indemnisation dans le délai de 8 mois suivant la date de l'accident, [J] [L] [B] étant décédé immédiatement, soit au plus tard le 16 août 2016, étant précisé que si le droit à indemnisation de celui-ci était contesté cela ne dispensait pas les assureurs de présenter une offre d'indemnisation et que les articles R. 211-29 à R. 211-36 du code des assurances ne prévoient pas la suspension ou la prorogation du délai de l'offre dans l'hypothèse où l'une des parties réside à l'étranger.

Il est acquis aux débats que la première offre d'indemnisation a été faite aux consorts [H] par conclusions du 11 septembre 2019, dont le caractère complet et non manifestement insuffisant n'est pas dénié.

Il y a lieu en conséquence de condamner in solidum la société Axa et le BCF représentant la société Kravag à verser aux consorts [H] les intérêts au double du taux légal courus du 17 août 2016 au 11 septembre 2019 sur le montant de l'offre faite par conclusions du 11 septembre 2019, avant déduction des provisions versées.

Il convient de dire que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

Il y a lieu de réserver les dépens et frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement par arrêt contradictoire par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel

- Confirme le jugement en ce qu'il a dit que la qualité de conducteur de [J] [L] [B] au moment de l'accident est établie, en ce qu'il a rejeté la demande de Mme [Z] [H] [R], Mme [K] [G] [L] [H] et M. [J] [L] [H] au titre des souffrances endurées par [J] [L] [B], et sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

- Infirme le jugement sur l'étendue du droit à indemnisation de [J] [L] [B], l'indemnisation des préjudices d'affection subis par les proches de [J] [L] [B] et le doublement des intérêts légaux,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Dit que la faute de conduite commise par [J] [L] [B] réduit de 25 % le droit à indemnisation de ses ayants droit,

- Condamne in solidum la société Axa, d'une part, le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte, d'autre part, au paiement des sommes suivantes, provisions et sommes versées en vertu de l'exécution provisoire non déduites :

- Mme [Z] [H] [R] : 19 500 euros

- M. [J] [L] [H] : 9 000 euros

- Mme [K] [G] [L] [H] : 9 000 euros,

- Condamne in solidum la société Axa, d'une part, le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte, d'autre part à verser à Mme [Z] [H] [R], M. [J] [L] [H] et Mme [K] [G] [L] [H] les intérêts au double du taux légal courus du 17 août 2016 au 11 septembre 2019 sur le montant de l'offre faite par conclusions du 11 septembre 2019, avant déduction des provisions versées, avec capitalisation conformément à l'article 1343-2 du code civil,

- Condamne la société Axa d'une part et le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros, d'autre part, à garantir le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros à concurrence chacun de 50 % des condamnations éventuelles à intervenir à leur encontre au rofit du BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte,

- Évalue le préjudice matériel subi par la société Georg Glanz Transporte à la suite de l'accident à la somme de 17 194,32 euros,

Avant dire droit sur les demandes de condamnation à paiement du BCF représentant la société Kravag et de la société Georg Glanz Transporte et sur le recours en garantie formé par le BCF représentant la société Plus Ultra Seguros et la société Plus Ultra Seguros,

- Ordonne la réouverture des débats à l'audience du 20 avril 2023 à 14 heures (Salle d'audience Tocqueville, Escalier Z, 4ème étage)

- Invite les parties à conclure sur :

- l'application au litige :

- des dispositions de l'article 116 du Sozialgesetzbuch, Liv. 10, selon lesquelles 'le droit à dommages-intérêts résultant de dispositions légales autres', ce qui correspond en l'espèce aux dispositions de la loi française régissant le régime d'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, 'est transféré de plein droit à l'assureur ou à l'organisme d'aide sociale, dans la mesure où celui-ci doit servir des prestations en raison du sinistre et où ces prestations servent à remédier à un dommage du même genre et se réfèrent à la même période comme les dommages-intérêts dus par la personne responsable

- de celles de l'article 86 du versicherungvetragrecht (code des assurances allemand) s'agissant du droit de subrogation de l'assureur que 'dans le cas où l'assuré dispose d'un droit en réparation contre un tiers, ce droit passe à l'assureur, dans la mesure où celui-ci a indemnisé le préjudice',

- le fait que les droits que la société Georg Glanz Transporte, victime, tient de la loi française ont été transférés directement à la société Kravag, dans la mesure où elle a dû verser à cette société des prestations ou une indemnité indemnisant le préjudice matériel résultant des détériorations occasionnées à son poids lourd et des frais de remorquage,

- Invite le BCF représentant la société Kravag et la société Georg Glanz Transporte à communiquer le contrat d'assurances les liant,

- Réserve les dépens d'appel et l'application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 21/05596
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;21.05596 ?
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