La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/01/2023 | FRANCE | N°20/05425

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 12 janvier 2023, 20/05425


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 12 JANVIER 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05425 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBVW3



Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019000622





APPELANTE



SA SOCIETE D'ARMEMENT ET DE TRANSPORTS agissant poursui

tes et diligences de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 310 288 162

[Adresse 3]

[Localité 1]



Repr...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 12 JANVIER 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05425 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBVW3

Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Mars 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019000622

APPELANTE

SA SOCIETE D'ARMEMENT ET DE TRANSPORTS agissant poursuites et diligences de tous représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de BORDEAUX sous le numéro 310 288 162

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me François TEYTAUD de l'AARPI TEYTAUD-SALEH, avocat au barreau de PARIS, toque J125, avocat postulant

Assistée de Me Henri DE RICHEMONT, avocat au barreau de PARIS, toque J 054, avocat plaidant

INTIMEE

SAS RESTAURANTS ET SITES agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 349 812 867

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Florence GUERRE de la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque L0018 avocat postulant

Assistée de Me Marion LAMBERT-BARRET de la SELARL ALDEBARAN, avocat au barreau de PARIS, toque K0030, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5.5

Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre

Madame Christine SOUDRY, Conseillère

qui en ont délibéré un rapport a été présenté à l'audience par Madame [L] [M] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile

Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE

ARRÊT :

- Contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Yulia TREFILOVA, Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

******

Faits et procédure :

La société Socatra est armateur. Elle vient aujourd'hui aux droits de la société Socapar puis de la société Socassets, dont le nom commercial est Compagnie des Bateaux à Roue.

La société Restaurants et Sites vient aujourd'hui aux droits de la Société Européenne des Bars Restaurants (ci-après, la société « Eurobar »).

Le 05 mars 2008, une Convention d'Exploitation a été conclue entre la société Compagnie des Bateaux à Roue (actuelle société Socatra) et la société Eurobar (actuelle société Restaurants et Sites), aux termes de laquelle la première a donné en location trois bateaux à la société Eurobar.

Cette Convention a été conclue pour une durée prenant effet le 06 mars 2008 et s'achevant le 28 février 2017. Le preneur pouvait prolonger la convention d'un an jusqu'au 28 février 2018.

Une clause de la convention stipulait que dans l'hypothèse où la société Eurobar ne levait pas l'option permettant de prolonger la convention pour une année supplémentaire ou ne présentait pas à la Compagnie des Bateaux à Roue un successeur acceptable, la société Eurobar était alors redevable d'une indemnité de 800.000 euros HT.

Le 28 juillet 2015, un avenant à la Convention d'Exploitation du 05 mars 2008 a été conclu entre la société Socapar (Compagnie des Bateaux à Roue et actuelle société Socatra) et la société Restaurants et Sites. La société Socapar a autorisé la société Restaurants et Sites (société Eurobar) à confier la sous-exploitation des bateaux à la société Comedia Marine. La société Restaurants et Sites a présenté cette dernière à la société Socapar en qualité de sucesseur.

Le 1er septembre 2015, une Convention d'Exploitation a été signée entre les sociétés Socapar et Comedia Marine, pour une entrée en vigueur au 1er mars 2017.

En mars 2017, les sociétés Socapar et Comedia Marine ont mis un terme à leur relation contractuelle par la signature d'une transaction.

Considérant que les conditions suspensives prévues dans la convention d'exploitation du 28 juillet 2015 conclue entre les sociétés Socapar et Restaurants et Sites n'avaient pas été levées et que dès lors, toutes les dispositions de la convention d'exploitation du 5 mars 2008 devaient recevoir application, la société Socatra, (anciennement Socapar puis Socassets), a mis en demeure, par lettre recommandée du 10 mai 2017 avec avis de réception, la société Restaurants et Sites de payer l'indemnité de 800.000 euros prévue par la convention d'exploitation ainsi que la somme de 1.057.006,12 euros représentant le complément de loyers.

Par acte d'huissier de justice en date du 25 octobre 2017, la société Socatra a fait assigner la société Restaurants et Sites devant le tribunal de commerce de Paris afin que cette dernière soit condamnée à lui verser ces sommes.

Par jugement du 02 mars 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

Débouté la SA Société d'Armement et de Transports - Socatra de sa demande de condamnation de la SAS Restaurants et sites au paiement d'une indemnité de 800.000 euros HT ;

Débouté la SA Société d'Armement et de Transports ' Socatra de sa demande de condamnation de la SAS Restaurants et sites au paiement de la somme de 1.057.006,12 euros TTC ;

Condamné la SA Société d'Armement et de Transports ' Socatra à restituer à la SAS Restaurants et sites une somme de 244.154,70 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2017 date de la mise en demeure, sous astreinte de 500 euros par semaine de retard, et ce à compter du 8ème jour de la signification du présent jugement, pendant un délai de 60 jours, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit, débouté la SAS Restaurants et sites pour le surplus de sa demande ;

Condamné la SA Société d'Armement et de Transports ' Socatra à payer à la SAS Restaurants et sites une somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires ;

Condamné la SA Société d'Armement et de Transports ' Socatra aux dépens, liquidés à la somme de 112,08 euros dont 18,47 euros de TVA ;

Ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration du 21 avril 2020, la société d'Armement et de Transports a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

Débouté la société Socatra de ses demandes tendant à voir la société Restaurants et Sites condamnée à lui payer une indemnité de 800.000 euros HT en application des dispositions de l'article VII de la Convention d'Exploitation du 5 mars 2008 et la somme de 1.057.006,12 euros TTC au titre du rappel des loyers dus en vertu de la Convention d'Exploitation du 5 mars 2008 ainsi que la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamné l'appelante à payer à la société Restaurants et Sites la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 24 juin 2022, la société d'Armement et de Transport (la société Socatra) demande à la cour de :

Vu l'article 1134 du code civil,

Juger qu'en vertu des dispositions de l'article 7 de la Convention d'Exploitation du 5 mars 2008, Restaurants et Sites ne pouvait être dispensée de régler l'indemnité de 800.000 euros qu'à condition de présenter à Socatra un « successeur acceptable ».

Juger que, dans l'avenant n°4 du 5 mars 2008, Restaurants et Sites a présenté Comedia Marine « en qualité de successeur dans l'exploitation des bateaux à roue ».

Juger que Comedia Marine ayant résilié la Convention d'Exploitation avec Socatra en date du 1er septembre 2015 dès son entrée en vigueur le 1er mars 2007, elle ne peut avoir la qualité de successeur.

Juger que la condition suspensive prévue à l'article 3 de l'avenant n°4 du 28 juillet 2015 ne peut être levée que si, en vertu de la Convention d'Exploitation conclue entre Socapar et Comedia Marine en date du 1er septembre 2015, Comedia Marine succède effectivement à Restaurants et Sites.

Juger que la condition suspensive prévue dans la Convention du 5 mars 2008 n'a pu être levée compte tenu du fait que Comedia Marine n'a pas succédé à Restaurants et Sites.

Juger que le fait que Comedia Marine n'ait pas succédé à Restaurants et Sites a créé une rupture dans l'équilibre prévu à la Convention du 5 mars 2008 au seul détriment et préjudice de la société Socatra.

Infirmer en conséquence le jugement entrepris uniquement en ce qu'il a débouté la société Socatra de ses demandes à l'encontre de la société Restaurants et Sites.

Juger en conséquence que les dispositions de la Convention d'Exploitation du 5 mars 2008 doivent recevoir application.

En conséquence, condamner Restaurants et Sites à payer la somme de 800.000 euros en application des dispositions de l'article 7 de la Convention d'Exploitation du 5 mars 2008.

Condamner Restaurants et Sites à payer la somme de 1.057.006,12 euros au titre du rappel des loyers, toujours en application de la Convention d'Exploitation du 5 mars 2008, dont les dispositions doivent recevoir application.

Condamner la société Restaurants et Sites à payer la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 9 juin 2022, la société Restaurants et Sites demande à la cour de :

Vu les articles 1103, 1104, 1304, 1199 et 1165 du code civil,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu la Convention d'Exploitation et son avenant n°4,

Vu le jugement rendu le 2 mars 2020 par le tribunal de commerce de Paris,

Confirmer le jugement rendu le 2 mars 2020 par le tribunal de commerce de Paris ;

Et statuant à nouveau, et y ajoutant au besoin :

Condamner la société Socatra à verser à la société Restaurants et Sites la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

En tout état de cause,

Débouter la société Socatra de toutes demandes, fins et conclusions.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 30 juin 2022.

MOTIFS

Sur les limites de l'appel

Il n'a pas été interjeté appel de la disposition du jugement ayant condamné la SA Société d'Armement et de Transports ' Socatra à restituer à la SAS Restaurants et sites une somme de 244.154,70 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter du 7 juin 2017, date de la mise en demeure, sous astreinte de 500 euros par semaine de retard, et ce à compter du 8ème jour de la signification du présent jugement, pendant un délai de 60 jours, passé lequel délai il sera à nouveau fait droit, et ayant débouté la SAS Restaurants et sites pour le surplus de sa demande.

Cette disposition ne fait pas partie de l'appel.

Sur la demande de la société Socatra en paiement de la somme de 800 000 euros

L'article 1134 code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

L'article 1168 dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, énonce que l'obligation est conditionnelle lorsqu'on la fait dépendre d'un événement futur et incertain, soit en la suspendant jusqu'à ce que l'événement arrive, soit en la résiliant, selon que l'événement arrivera ou n'arrivera pas.

L'article 1165 code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, énonce que les conventions n'ont d'effet qu'entre les parties contractantes ; elles ne nuisent point au tiers, et elles ne lui profitent que dans le cas prévu par l'article 1121.

Le 5 mars 2008, la société Socapar devenue la société Socatra a signé avec la société Eurobar devenue la société Restaurant et Sites une Convention d'exploitation portant sur :

-les conditions d'affrètement des trois bateaux Mississipi, Tennessee et River Palace pour un total de 450 sorties par an, afin que la société Eurobar organise à bord des bateaux des évènements (séminaires, réceptions, déjeuners, dîners-croisières, mariages...) comprenant une prestation de navigation sur la Seine et des prestations de restauration ;

-la mise à disposition en faveur de la société Eurobar des surfaces amodiées par le Port Autonome de [Localité 5] où les trois navires sont amarrés ;

-la mise à disposition au bénéfice de la société Eurobar des pontons et des locaux de la société Socapar.

Il était stipulé à l'article 7 de la Convention d'Exploitation du 5 mars 2008 que : « Dans l'hypothèse où la Convention d'amodiation conclue entre CBR [Socatra]et le Port Autonome de [Localité 5] au titre des espaces Port de [4] serait renouvelée ou prorogée au-delà du 28 février 2017, et où, Eurobar [Restaurants et Sites] n'aurait pas levé l'option lui permettant de prolonger les accords pour une année supplémentaire, ainsi qu'il est stipulé à l'article 2 ci-dessus, ou bien n'aurait pas présenté à CBR un successeur acceptable par celle-ci, Alors Eurobar serait redevable envers CBR d'une indemnité de 800 000 € HT ».

Le 28 juillet 2015, la société Socatra et la société Restaurant et Sites ont signé un avenant n° 4 à la convention d'exploitation du 5 mars 2008 aux termes duquel il était exposé que la société Comédia Marine, filiale de la société Moma Group, était intéressée pour assurer l'exploitation des bateaux à roues.

Cet Avenant, entré en vigueur dès sa signature avait principalement pour objet :

- d'autoriser la société Restaurants et Sites à confier la sous-exploitation des bateaux à un nouveau sous-exploitant : la société Comedia Marine, à compter du 1er septembre 2015 jusqu'au 28 février 2017, date de la fin de la Convention d'Exploitation de 2008 ;

- de présenter la société Comedia Marine en qualité de successeur à la société Socatra en vue de la reprise de l'exploitation entre 2017 et 2020 ;

- d'amender les dispositions de la Convention d'Exploitation de 2008 relatives aux modalités de restitution du dépôt de garantie et au montant du loyer dû par la société Restaurants et Sites à la société Socatra, si cette dernière acceptait la société Comedia Marine comme successeur et signait avec cette entité une convention d'exploitation pour 2017/2020.

Cet avenant prévoyait deux conditions suspensives stipulées à l'article III.1, qui consistaient en :

' la conclusion d'une convention d'exploitation entre les sociétés Socatra et Comedia Marine, pour la période 2017 à 2020, cette condition devant être levée au plus tard le 1er septembre 2015 ;

' le renouvellement au moins jusqu'en 2020 des autorisations d'occupation temporaire délivrées par le Port Autonome de [4] à Socatra.

La société Socatra a signé le 1er septembre 2015 avec la société Comedia Marine une convention d'exploitation pour la période 2017 à 2020. Les autorisations prévues par la seconde condition suspensive ont également été obtenues.

Il était stipulé que si les conditions suspensives étaient levées, les parties modifieraient le montant du loyer en application de l'article III.3 de l'avenant n°4, l'article III.2 de l'Avenant n°4, prévoyant les modalités de restitution du dépôt de garantie.

La société Socatra oppose à la société Restaurant et Sites le fait qu'elle ne lui a pas présenté une candidate qui en avait la qualité et susceptible de lui succéder. Elle reproche à la société Restaurant et Sites de lui avoir dissimulé les difficultés liées à des impayés de loyers de la société Comedia Marine et a versé aux débats un courriel en date du 27 juillet 2016 adressé à M. [C] [Z] du groupe Elior dont dépend la société Restaurant et Sites par M. [B] [J] de la société Moma Group, dont dépend la société Comedia Marine, dans lequel il écrit : « Je note que suite à notre entretien téléphonique, la procédure en cours au niveau d'Elior va être suspendue. »

La société Socatra ne peut justifier d'aucun impayé de loyer de la société Comedia Marine antérieur à la signature de la convention du 1er septembre 2015 puisqu'il résulte de l'avenant n°4 que la convention de sous exploitation entre la société Restaurants et Sites et la société Comedia Marine a également débuté le 1er septembre 2015. Dès juillet 2016, la société Comedia Marine a informé tant le groupe Elior (Restaurants et Sites) que la société Socapar (Socatra) de ses difficultés de paiement en leur adressant le courrier suivant : « je vous confirme que la Compagnie des Bateaux à Roue est dans l'incapacité de faire face à ses échéances de loyers. Dans ces conditions nous avons d'ores et déjà sollicité un RDV auprès de Socapar pour début septembre afin que nous puissions trouver une issue à cette problématique.»

La société Comedia Marine a sollicité à deux reprises le 27 juillet et le 4 octobre 2016 auprès de la société Socatra la révision du loyer ce qui lui a été refusé. Il sera fait observer que l'information relative aux difficultés financières de la société Comedia Marine a été diffusée au mois de juillet 2016 postérieurement à la signature du contrat avec la société Socatra, le 1er septembre 2015.

Il résulte du protocole d'accord transactionnel en date du 22 mars 2017 que la société Comedia Marine a indiqué avoir rencontré un certain nombre de difficultés imprévisibles, notamment en raison des attentats survenus à [Localité 5] en novembre 2015 (ayant entraîné une baisse brutale et imprévisible du tourisme à [Localité 5]) et des crues majeures de la Seine (ayant affecté significativement l'exploitation des bateaux en mai juin 2016).

Ces événements sont postérieurs à la signature de l'annexe n° 4 en date du 28 juillet 2015 et les difficultés de la société Comedia Marine ne pouvaient donc être connues de la société Restaurant et Sites lorsqu'elle a présenté cette candidate aux termes de la convention en date du 1er septembre 1015 à la société Socatra.

La qualité de professionnelle avertie ou non de la société Socatra qui indique qu'elle a accepté de signer la convention du 1er septembre 2015 uniquement car la société Comedia Marine lui a été présentée par la société Restaurant et Sites, est sans incidence quant à la résolution du présent litige. En effet, la société Restaurant et Sites a elle-même choisi la société Comedia Marine comme sous exploitante des bateaux ce qui implique qu'elle la considérait comme fiable et que les difficultés rencontrées par celle-ci n'était pas prévisibles.

Il résulte de l'avenant n° 4 à la convention du 28 juillet 2015 la clause suivante : 'les accords sont conclus en considération de la qualité de Comedia Marine en tant que filiale de la société Moma groupe, au sens des dispositions de l'article L.233 ' 3 du code de commerce. »

Au paragraphe suivant il est précisé : 'Comedia Marine remettra à Socapar [Socatra] à la signature des accords une lettre de cautionnement de la société Moma Group, cautionnement devant être autonome, sans bénéfice de discussion et de division à hauteur de l'intégralité des sommes dues ou à devoir par Comedia Marine au titre des accords, principal et accessoires.'

En signant la convention d'exploitation en date du 1er septembre 2015 avec la société Comedia Marine, la société Socatra l'a choisie comme successeur de la société Restaurants et Sites. En prévoyant une lettre de cautionnement de sa maison-mère, la société Moma groupe, la société Socatra s'assurait de la garantie du paiement des loyers.

Au vu de ces éléments, la société Comedia Marine apparaissait comme une candidate sérieuse en qualité de successeur de la société Restaurants et Sites. Il sera ajouté que la société Comedia Marine a été proposée à la société Socatra qui était libre d'accepter ou de refuser cette candidature.

Postérieurement à la signature de cet avenant n°4, la société Restaurants et Sites n'est plus intervenue dans les relations entre la société Socatra et la société Comedia Marine, et n'a pas été associée aux conventions signées entre celles-ci.

La convention du 1er septembre 2015 renferme à l'article VI une clause de sauvegarde stipulant que « si des circonstances imprévisibles à la date de conclusion des accords survenaient au cours de l'exécution de ceux-ci, qui auraient pour effet de rendre leur exécution plus onéreuse pour l'une ou l'autre des parties ou plus difficiles par rapport à l'équilibre initial trouvé entre les parties, celles-ci conviennent de se réunir dans les plus brefs délais pour renégocier de bonne foi les termes de l'accord afin d'en rétablir l'équilibre initial. »

Cette clause, invoquée par la société Comedia Marine, n'est pas opposable à la société Restaurants et Sites dont la garantie n'a pas été sollicitée lors de la signature de la convention du 1er septembre 2015 entre la société Socatra et la société Comedia Marine. Les difficultés financières rencontrées par cette dernière, liées au contexte économique, ne pouvaient avoir pour but d'annuler la présentation comme successeur de la société Comedia Marine à la société Socatra qui l'a acceptée.

Le 1er mars 2017, date d'entrée en vigueur de cette convention d'exploitation, la société Comedia Marine a annoncé à la société Socatra qu'elle allait former une demande de résolution judiciaire du contrat.

La société Comedia Marine et la société Socatra ainsi que la société Moma Group ont signé un protocole d'accord transactionnel le 22 mars 2017 aux termes duquel il était mentionné que la société Restaurant et Sites avait présenté à la société Socatra la société Comedia Marine, que les accords passés se trouvaient résiliés de plein droit, que la société Comedia Marine était autorisée à exploiter les bateaux durant trois mois soit jusqu'au 30 juin 2017 en contrepartie du versement de sommes forfaitaires.

La société Restaurant et Sites n'a pas été associée à ce protocole d'accord qui ne lui est pas opposable.

La société Socatra estime que la condition suspensive », prévue à l'article III.1 de l'avenant n°4 à la Convention d'Exploitation du 5 mars 2008, et prévoyant la conclusion d'une Convention d'Exploitation entre elle-même et Comedia Marine pour la période du 1er mars 2017 au 31 août 2020 ne s'est pas réalisée en ce que la convention souscrite a été résiliée.

Cependant, l'article 7 de la Convention d'Exploitation du 5 mars 2008 soumet le versement de l'indemnité de 800 000 € HT à l'absence de levée de l'option par la société Restaurants et Sites lui permettant de prolonger les accords pour une année supplémentaire, ou bien en l'absence de présentation à la société Socatra d'un successeur acceptable par celle-ci.

La société Restaurants et Sites a présenté un successeur à la société Socatra qui l'a accepté puisqu'elle lui a consenti une convention d'exploitation. Les événements et les accords postérieurs à cette convention ne sont pas opposables à la société Restaurant et Sites, la convention précisant que dans tous les autres cas, aucune indemnité ne sera due par l'une ou l'autre des parties.

En acceptant de signer une convention le 1er septembre 2015 avec la société Comedia Marine, et en l'acceptant comme successeur, la société Socatra a rendu l'obligation de verser l'indemnité de 800 000 € HT sans objet puisque l'option a été levée.

En signant une transaction avec la société Comedia Marine et la société Moma Group, pour mettre fin à la convention d'exploitation du 1er septembre 2015 et en régler les conséquences, sans intervention de la société Restaurants et Sites, la société Socatra a démontré qu'elle était désormais la cocontractante de la société Comedia Marine. Cette dernière a d'ailleurs invoqué la clause de sauvegarde incluse dans la convention d'exploitation du 1er septembre 2015 pour obtenir une révision du loyer prévue dans cette convention ce qui a été refusé par la société Socatra. Contrairement à ce qu'affirme celle-ci, le cautionnement de la société Moma Group intervenait pour le paiement des loyers dus en vertu de la convention du 1er septembre 2015.

La société Socatra ne peut se prévaloir d'une rupture de l'équilibre de la convention d'exploitation du 15 mars 2008 du fait de la résiliation de la convention du 1er septembre 2015, ayant accepté cette résiliation en signant le protocole d'accord.

Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Socatra en paiement de la somme de 800 000 euros.

Sur le rappel des loyers

Il résulte de l'avenant n°4 que la diminution du montant des loyers accordée à la société Restaurants et Sites était soumise à la réalisation des deux conditions suspensives suivantes :

la signature d'une convention d'exploitation entre la société Socatra et la société Comedia Marine pour la période du 1er mars 2017 au 31 août 2020 ;

la prorogation ou le renouvellement des autorisations délivrées par le port autonome de [Localité 5].

Les autorisations ont été accordées et la convention d'exploitation entre la société Socatra et la société Comedia Marine pour la période du 1er mars au 31 août 2020 a été signée le 01 septembre 2015, une réduction des loyers ayant été consentie à la société Restaurants et Sites.

Il a été démontré que la résiliation de cette convention du 01 septembre 2015 est intervenue d'un commun accord entre les parties qui ont signé un protocole d'accord sans que la responsabilité de la société Restaurants et Sites puisse être engagée.

La diminution du loyer accordée à la société Restaurants et Sites ne peut donc donner lieu à restitution. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

La société Socatra qui succombe sera condamnée aux dépens d'appel et devra verser à la société Restaurants et Sites la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

Dans la limite de l'appel,

CONFIRME le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 2 mars 2020,

CONDAMNE la Société d'Armement et de Transports (Socatra) à verser à la société Restaurants et Sites la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la Société d'Armement et de Transports (Socatra) aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 20/05425
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.05425 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award