REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 11
ARRET DU 12 JANVIER 2023
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/06567
N° Portalis 35L7-V-B7D-B7S7V
Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Novembre 2018 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 14/08626
APPELANT
Monsieur [R] [X]
La [Adresse 6]
[Localité 4]
né le [Date naissance 2] 1958 à [Localité 5] (France)
Représenté par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT - BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
ayant pour avocat plaidant Me Guillaume FOURRIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
Compagnie d'assurances ALLIANZ IARD
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155
assistée par Me Marceau GENIN, avocat au barreau de PARIS
CPAM DE L'ILE ET VILAINE
Cours Alliés
[Localité 3]
n'a pas constitué avocat
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre
Mme Nina TOUATI, présidente de chambre
Mme Dorothée DIBIE, conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nina Touati, présidente de chambre dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier lors des débats : Mme Roxanne THERASSE
ARRET :
- Réputé contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Françoise GILLY-ESCOFFIER, présidente de chambre et par Roxanne THERASSE, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Le 11 avril 2008, à Ding (Ille-et-Vilaine), [M] [X], alors âgé de 17 ans, a été victime d'un accident mortel de la circulation alors qu'il était passager d'un véhicule assuré auprès de la société Allianz IARD (la société Allianz).
Un examen psychiatrique amiable contradictoire des parents de la victime, Mme [L] [G] épouse [X] et M. [R] [X], a été réalisé par le Docteur [S] et le Docteur [Z] qui ont rendu leurs conclusions le 21 février 2011.
Par actes des 23 et 25 avril 2014, Mme [L] [G] épouse [X], M. [R] [X], ainsi que M. [E] [X], Mme [C] [X] épouse [V], Mme [J] [X], Mme [P] [B] [X], frère et soeurs d'[M] [X] ont assigné la société Allianz en indemnisation de leurs préjudices, en présence de la caisse primaire d'assurance maladie d'Ile-et-Vilaine (la CPAM).
Par un premier jugement du 21 février 2017, le tribunal de grande instance de Paris a, notamment :
- dit que le droit à indemnisation des victimes par ricochet à la suite de l'accident du 11 avril 2008 est entier,
- condamné la société Allianz à payer à Mme [L] [G] épouse [X] la somme de 35 536,67 euros en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites,
- condamné la société Allianz à payer à M. [R] [X] la somme de 54 268,60 euros en réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites,
- sursis à statuer, s'agissant du préjudice corporel de M. [R] [X], sur les postes de préjudice liés à la perte de gains professionnels futurs et à l'incidence professionnelle, dans l'attente de la production du relevé de créance définitive de la CPAM,
- condamné la société Allianz à payer au titre de leur préjudice d'affection,
- à Mme [L] [G] épouse [X], la somme de 30 000 euros
- à M. [R] [X], la somme de 30 000 euros
- à Mme [C] [X] épouse [V], la somme de 10 000 euros
- à Mme [J] [X], la somme de 10 000 euros
- à Mme [P] [B] [X], la somme de 10 000 euros
- à M. [E] [X], la somme de 10 000 euros,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- condamné la société Allianz à payer à Mme [L] [G] épouse [X] et à M. [R] [X] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre effectuée le 14 mars 2016 avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 21 juillet 2011 et jusqu'au 14 mars 2016,
- condamné la société Allianz aux dépens et à payer sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile :
- la somme de 2 000 euros à M. [R] [X],
- la somme de 2 000 euros à Mme [L] [G] épouse [X],
- la somme de 1 500 euros chacun à Mme [C] [X] épouse [V], Mme [J] [X], Mme [P] [B] [X] et M. [E] [X],
-ces sommes avec intérêts au taux légal à compter du jugement.
Par un second jugement du 20 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Paris a, au visa de son précédent jugement :
- vu l'absence de justification de l'absence de la perception ou de la non-perception d'indemnités de prévoyance, débouté M. [R] [X] de ses demandes formées au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle,
- dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens,
- dit que chaque partie conservera la charge des frais exposés par elle et non compris dans les dépens,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- déclaré le présent jugement commun à la CPAM,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Par déclaration du 22 mars 2019, M. [R] [X] a relevé appel de ce dernier jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes formées au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle et en ce qu'il a dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens et des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Par un arrêt du 10 juin 2021, la cour d'appel de Paris a :
- sursis à statuer sur l'indemnisation de M. [R] [X] au titre de sa perte de gains professionnels futurs, de son préjudice de retraite et de l'incidence professionnelle consécutifs à l'accident mortel de la circulation dont a été victime son fils, [M] [X], dans l'attente de la production du décompte des prestations d'invalidité versées par la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel des organismes de mutualité ou d'une attestation de cet organisme ou de celui qui lui a succédé attestant de l'absence de versement de prestations d'invalidité,
- ordonné le renvoi à la mise en état,
- réservé les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
La CPAM, bien que destinataire de la déclaration d'appel qui lui a été signifiée par acte du 13 juin 2019 à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Vu les conclusions de M. [R] [X], notifiées le 27 juin 2022, aux termes desquelles il demande à la cour de :
Vu la loi du 5 juillet 1985,
- infirmer le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 20 novembre 2018 et statuant à nouveau,
- condamner la société Allianz à verser à M. [R] [X] :
- la somme de 171 244 euros au titre de ses pertes de gains professionnels futurs après déduction de la créance de la CPAM
- la somme de 157 575 euros au titre de ses pertes de droits à retraite
- la somme de 90 000 euros au titre de son incidence professionnelle,
- condamner la société Allianz à lui verser la somme de 3 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la société Allianz aux entiers dépens.
Vu les conclusions de la société Allianz, notifiées le 2 septembre 2022, aux termes desquelles elle demande à la cour de :
Vu notamment les dispositions des articles 1er à 6 de la loi du 5 juillet 1985,
A titre principal,
- confirmer le jugement rendu le 20 novembre 2018 par le tribunal de grande instance de Paris,
En conséquence,
- débouter M. [R] [X] et les autres parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
A titre subsidiaire,
- surseoir à statuer dans l'attente de la mise en cause de la CPM et de la production de sa créance définitive,
A titre très subsidiaire,
- évaluer à la somme de 40 556,92 euros les pertes de gains professionnels futurs de M. [R] [X],
- débouter M. [R] [X] de sa demande formulée au titre de sa perte sur les droits à la retraire,
- débouter M. [R] [X] de sa réclamation présentée au titre de l'incidence professionnelle,
- débouter M. [R] [X] et les autres parties de toutes leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraire,
A titre infiniment subsidiaire,
- surseoir à statuer sur la perte sur les droits à la retraite alléguée dans l'attente de la production par M. [R] [X] des simulations de retraite susmentionnées dans le corps des présentes conclusions,
Dans tous les cas de figure,
- déclarer que chacune des parties conservera ses propres dépens,
- condamner M. [R] [X] à payer à la société Allianz la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La CPAM, à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée le 13 juin 2019, par acte d'huissier délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La cour d'appel de ce siège a dans son précédent arrêt du 10 juin 2021 sursis à statuer sur l'indemnisation de M. [R] [X] au titre de sa perte de gains professionnels futurs, de son préjudice de retraite et de l'incidence professionnelle consécutifs à l'accident mortel de la circulation dont a été victime son fils, [M] [X], dans l'attente de la production du décompte des prestations d'invalidité versées par la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel des organismes de mutualité ou d'une attestation de cet organisme ou de celui qui lui a succédé attestant de l'absence de versement de prestations d'invalidité.
M. [R] [X] fait valoir qu'il a pu obtenir de son ancien employeur, l'association ADAPEI d'Ille-et-Vilaine, qu'il établisse à partir des bulletins de paie le récapitulatif des prestations de prévoyance versées pour ses périodes d'arrêt de travail, qu'il résulte de ces données qu'il a perçu des indemnités de prévoyance d'un montant de 6 008,29 euros jusqu'en novembre 2011 inclus mais n'a bénéficié d'aucune prestation après cette date.
Il estime ainsi que son préjudice professionnel permanent peut être liquidé.
Il expose qu'il conserve à la suite de l'accident mortel de la circulation dont a été victime son fils des séquelles d'ordre psychiatrique justifiant selon le Docteur [S] un taux de déficit fonctionnel permanent de 10 %, qu'il a été placé en invalidité de 1ère catégorie à compter du 1er novembre 2010 et a repris depuis cette date son activité professionnelle de veilleur de nuit à mi-temps conformément aux préconisations du médecin du travail, que son état dépressif s'étant aggravé, il a été hospitalisé du 16 octobre 2014 au 21 novembre 2014 puis maintenu en arrêt de travail jusqu'au 17 mars 2015, date à laquelle il a été déclaré inapte à son poste par la médecine du travail puis licencié pour inaptitude ; il ajoute qu'il a été classé en invalidité de 2ème catégorie à compter du 2 février 2015.
Il sollicite au titre de ses pertes de gains professionnels futurs jusqu'à l'âge prévisible de son départ à la retraite à 65 ans une indemnité de 171 244 euros, après déduction des arrérages échus et du capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d'invalidité servie par la CPAM ainsi qu'une indemnité d'un montant 157 575 euros au titre de sa perte de droits à la retraite et une somme distincte de 90 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.
La société Allianz objecte que M. [X] n'a pas déféré aux demandes de la cour et que le courriel de l'ancien employeur de M. [X] est dénué de toute force probante.
Elle conclut ainsi à titre principal à la confirmation du jugement qui a débouté M. [R] [X] de ses demandes d'indemnisation au titre des pertes de gains professionnels futurs et de l'incidence professionnelle.
Elle sollicite à titre subsidiaire un nouveau sursis à statuer dans l'attente de la mise en cause de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel des organismes de mutualité et de la production de sa créance définitive.
Elle demande à titre plus subsidiaire d'évaluer le poste de préjudice des pertes de gains professionnel futurs à la somme de 40 556,92 reuros après imputation des arrérages échus et à échoir de la pension d'invalidité servie par la CPAM et de débouter M. [R] [X] de ses réclamations au titre de la perte de droits à la retraire et de l'incidence professionnelle.
Sur ce, il résulte des dispositions des articles 29 et 31 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 que les prestations d'invalidité servies par les groupements mutualistes, régis par le code de la mutualité, les institutions de prévoyance régies par le code de la sécurité sociale ou le code rural et les sociétés d'assurance régies par le code des assurances, qui ouvrent droit à un recours subrogatoire, doivent s'imputer sur les pertes de gains professionnels et l'incidence professionnelle incluant le préjudice de retraite qu'elles ont vocation à indemniser.
Dans le cas de l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats notamment d'une lettre de la CPAM en date du 9 mars 2015 et du décompte définitif de la créance de cet organisme de sécurité sociale en date du 16 mars 2017, qu'à la suite de l'accident mortel de la circulation dont a été victime son fils, M. [R] [X] a présenté un syndrome dépressif, qu'il a été placé par la CPAM en invalidité de 1ère catégorie à compter du 1er novembre 2010, correspondant à la date de consolidation retenue par l'expert, le Docteur [S], puis en invalidité de 2ème catégorie à compter du 2 février 2015.
Il ressort des stipulations du contrat de travail de M. [R] [X] et de ses bulletins de paie antérieurs à l'accident, que ce contrat était régi par la convention collective nationale de travail des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées du 15 mars 1996 (CCN 66), laquelle prévoit dans son avenant n° 300 du 30 septembre 2005, modifié, la mise en oeuvre d'un régime complémentaire de prévoyance incluant des prestations en cas d'invalidité en complément de celles versées par la sécurité sociale.
Le contrat de travail de M. [X] en date du 20 mars 2000 mentionne expressément que le salarié bénéficie dans les conditions définies par la CCN 66 du régime de retraite et de prévoyance géré par la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel des organismes de mutualité (CPM).
Le bulletin de paie du mois de décembre 2007 versé aux débats fait quant à lui référence aux cotisations salariales et patronales relatives à l'adhésion de M. [R] [X] à un contrat de prévoyance souscrit par l'employeur, non plus auprès de la CPM mais auprès de l'institution de prévoyance AG2R prévoyance (AG2R prévoyance).
Contrairement aux exigences de la cour, M. [R] [X] n'a pas produit un décompte des prestations d'invalidité versées au titre du contrat de prévoyance souscrit par son employeur ou un document de l'organisme assureur attestant de l'absence de versement de prestations d'invalidité.
Le document établi par l'association ADAPEI d'Ille-et-Vilaine (pièce n° 77) qui se borne à récapituler le montant des prestations de prévoyance versées directement par l'employeur au salarié telles qu'elles figurent sur les bulletins de paie sans indication relative à leur nature (prestation d'incapacité de travail ou d'invalidité), ne permet nullement d'établir que contrairement aux stipulations de la convention collective aucune prestation d'invalidité n'a été versée par l'organisme assureur directement entre les mains de M. [R] [X] en complément de la pension d'invalidité servie par la CPAM après le mois de novembre 2011.
Les postes de préjudice dont M. [R] [X] sollicite l'indemnisation ne pouvant être liquidés sans que soit communiqué le décompte des prestations d'invalidité versées au titre du régime de prévoyance auquel M. [R] [X] était adhérent avant l'accident ou une attestation de l'organisme assureur démontrant l'absence de versement de prestations d'invalidité, il convient de constater que la cause du sursis précédemment ordonné n'a pas disparu et que celui-ci doit être maintenu, ses termes étant précisés, et de réserver les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe ,
Dit que la cause du sursis ordonné par arrêt du 10 juin 2022 n'a pas disparu,
Invite M. [R] [X] à produire le décompte des prestations d'invalidité versées par la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel des organismes de mutualité ou par tout organisme assureur lui ayant succédé, notamment l'institution de prévoyance AG2R prévoyance ou une attestation de l'organisme assureur attestant de l'absence de versement de prestations d'invalidité,
Ordonne le renvoi à la mise en état,
Réserve les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE