Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 2
ARRET DU 11 JANVIER 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/07474 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CFUST
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 17 Mars 2022 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 20/12302
APPELANTS
Monsieur [O] [P]
né le 14 juillet 1984 à [Localité 10] (57)
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représenté par Me Loren MAQUIN-JOFFRE de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau du VAL-DE-MARNE
Monsieur [M] [L]
né le 20 juillet 1979 à [Localité 9]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représenté par Me Loren MAQUIN-JOFFRE de la SELARL A.K.P.R., avocat au barreau du VAL-DE-MARNE
INTIMEE
Association SOLIHA [Localité 8] HAUTS DE SEINE VAL D'OISE (venant aux droits de la société A.G. COP. ASSISTANCE ET GESTION DE COPROPRIETE)
immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 414 530 949
[Adresse 3]
[Localité 6]
Représentée par Me Xavier GUITTON de l'AARPI AUDINEAU GUITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : D0502
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre
Mme Muriel PAGE, Conseillère
Mme Nathalie BRET, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre, et par Dominique CARMENT, greffière présente lors du prononcé.
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FAITS & PROCÉDURE
M. [O] [P] est propriétaire du lot n° 411 de l'état descriptif de division d'un ensemble immobilier régi par le statut de la copropriété des immeubles bâtis situé [Adresse 5] à [Localité 2]
M. [M] [L] est propriétaire, dans le même immeuble, du lot n°416.
Les fonctions de syndic ont été exercées par la société coopérative à responsabilité limitée A.G.COP. Assistance et Gestion de Copropriété (la société AGCOP) jusqu'au 30 juin 2014, date à laquelle la société à responsabilité limitée Advisoring Immobilier lui a succédé.
L'association SOLIHA [Localité 8] Hauts de Seine Val d'Oise vient aux droits de la société AGCOP.
M. [P] et M. [L] exposent que lors de l'assemblée générale du 21 décembre 2009, les copropriétaires ont voté d'importants travaux de réhabilitation de l'immeuble pour un montant de 399.600 € TTC ; que compte-tenu des subventions accordées au syndicat des copropriétaires, il a été décidé de procéder à un appel de fonds d'un montant de 180.000 € exigible au 30 janvier 2010 ; qu'il n'a pas été procédé aux travaux qui devaient démarrer courant 2ème trimestre 2011 et que l'appel de fonds a été détourné par la société AGCOP pour régler d'autres dépenses sur les autres bâtiments de la copropriété. Ils indiquent que pour pouvoir monter un nouveau dossier de subvention, les résolutions ayant décidé les travaux ont été annulées lors de l'assemblée générale du 28 juin 2013 et de nouveaux votes sont intervenus lors de l'assemblée générale du 16 décembre 2014 ; que pour autant, les copropriétaires qui avaient avancé des fonds n'ont pas été remboursés et doivent régler intégralement le coût des nouveaux appels de travaux.
C'est dans ces conditions que M. [P] et M. [L] ont, par acte d'huissier délivré le 1er décembre 2020, assigné l'association l'association SOLIHA [Localité 8] Hauts de Seine Val d'Oise (ci-après SOLIHA) en déclaration de responsabilité et réparation de leur préjudice.
L'association SOLIHA a saisi le juge de la mise en état d'un incident visant à voir déclarer irrecevable comme prescrite l'action engagée par MM [P] & [L].
Par ordonnance du 17 mars 2022 le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Paris a :
- déclaré irrecevable comme prescrite l'action de M. [O] [P] et M. [M] [L],
- condamné in solidum M. [O] [P] et M. [M] [L] aux dépens avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à l'association SOLIHA [Localité 8] Hauts de Seine Val d'Oise venant aux droits de la société AGCOP la somme
totale de 1.500 € par application de l'article 700 du même code.
M. [O] [P] & M. [M] [L] ont relevé appel de cette ordonnance par déclaration remise au greffe le 12 avril 2022.
La procédure devant la cour a été clôturée le 3 novembre 2022.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu les conclusions en date du 3 août 2022 par lesquelles M. [O] [P] & M. [M] [L], appelants, invitent la cour à :
- débouter l'association SOLIHA venant aux droits de la société AGCOP, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- infirmer l'ordonnanc entreprise,
- les déclarer recevable en leur action initiée à l'encontre de l'association SOLIHA venant aux droits de la société AGCOP suivant exploit daté du 1er décembre 2020,
- condamner l'association SOLIHA venant aux droits de la société AGCOP aux dépens, ainsi qu'à leur payer, à chacun, la somme de 1.500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Vu les conclusions en date du 19 juillet 2022 par lesquelles l'association SOLIHA [Localité 8] Hauts de Seine Val d'Oise, venant aux droits de la société AGCOP, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1240, 1991, 1993 et 2224 du code civil, de :
- confirmer l'ordonnance
- déclarer l'action initiée par M. [O] [P] et par M. [M] [L] frappée de prescription,
- débouter M. [O] [P] et M. [M] [L] de toutes leurs demandes, principales et accessoires, formées à son encontre,
- condamner M. [O] [P] et M. [M] [L] aux dépens d'appel avec application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à lui payer, chacun, la somme de 2.000 € par application de l'article 700 du même code ;
SUR CE,
La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel ;
En application de l'article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions ;
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action
L'article 789 du code de procédure civile prévoit en son 6° que le juge de la mise en état est compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir ;
L'article 122 du même code de procédure civile dispose que 'constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen aufond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée' ;
L'association SOLIHA fait valoir que l'action de MM [P] et [L] est une action personnelle à laquelle s'applique la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil ; que sa responsabilité est recherchée pour des décisions intervenues lors des assemblées générales des 28 juin 2013 et 16 décembre 2014 qui ont voté un nouveau budget pour les travaux votés lors de l'assernblée générale du 21 décembre 2009 ; elle fait courir le délai de prescription à compter de l'assemblée générale du 16 décembre 2014 et considère donc que l'action initiée le 1er décembre 2020 est prescrite ;
Elle soutient qu'aucun détournement de fonds n'a eu lieu, puisque les sommes ont été versées au syndicat des copropriétaires et non pas conservées par la société AGCOP ; que le counier du 27 septembre 2016 évoqué par MM [P] et [L] ne peut être considéré comme révélateur de leur préjudice et qu'ils ne pouvaient ignorer à la date du 23 juin 2013 l'état obéré de la trésorerie de la copropriété, eu égard au vote de la résolution n°87 et au fait qu'ils étaient investis dans la vie de la copropriété puisqu'ils étaient membres du conseil syndical ;
Elle souligne encore que les comptes de l'exercice 2013 ont été approuvés lors de l'assernblée générale du 16 décembre 2014 et que les résolutions 34 et 35 de cette assemblée générale faisaient état de la problématique ;
MM [P] et [L] répliquent que le point de départ du délai de prescription est le jour de la connaissance par le créancier des faits lui permettant d'exercer son droit ; que la responsabilité de l'association SOLIHA résulte du détournement de fonds opéré par la société AGCOP qui a affecté les fonds versés pour les travaux à une autre utilisation, pour combler la trésorerie du bâtiment du 1 passage Desgrais dont le taux de défaillance était plus important ; qu'ils n'ont eu connaissance de ce détournement qu'aprés avoir pris connaissance du courrier que la société SOREQA a adressé lc 27 septembre 2016 au conseiller spécial de l'architecture et de l'aménagement urbain de la mairie du [Localité 2], les procès verbaux des assemblées générales des 28 juin 2013 et 16 décembre 2014 n'informant pas les copropriétaires des détournements réalisés par la société AGCOP ; ils estiment que le point de départ de la prescription peut également être fixé au 10 décembre 2015, date de dissolution de la société AGCOP ;
Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 n'a pas vocation à s'appliquer ici puisque l'action de MM [P] et [L] n'est pas dirigée à l'encontre d'un ou de plusieurs copropriétaires, ou du syndicat des copropriétaires, mais à l'encontre de l'association SOLIHA venant aux droits de AGCOP prise en sa qualité de syndic ;
L'action de MM [P] et [L] tend en effet à rechercher la responsabilité de l'association SOLIHA, venant aux droits de AGCOP, pour les fautes que cette dernière a commises dans l'exercice de ses fonctions de syndic ;
Le délai de prescription de leur action relève donc des dispositions de droit commun de l'article 2224 du code civil aux termes duquel 'les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de l'exercer' ;
Le délai de prescription court à compter du jour où MM [P] et [L] ont eu connaissance, ou auraient du connaître, du fait que les fonds appelés pour les travaux votés lors de l'assemblée générale du 21 décembre 2009, d'un montant de 180.000 € exigible au 30 janvier 2010, ont été employés à d'autres fins par la société AGCOP ;
MM [P] et [L] font valoir qu'ils n'ont eu connaissance du 'détournement de fonds' opéré par la société AGCOP que par un courrier daté du 27 septembre 2016 dans lequel la directrice de la société SOREQA indique à M. [E] [R], sénateur de [Localité 8] et conseiller spécial en charge de l'architecture, de l'aménagement auprés du maire du [Localité 2] que 'la principale difficulté réside du fait que les sommes versées par les copropriétaires en règlement des appels travaux ont été utiliséspar le syndic de l'époque, Agcop, pour régler d'autres dépenses sur les autres bâtiments de la copropriété du [Adresse 1]. Ainsi, l'ensemble des copropriétaires de bonne foi ayant réglé leurs appels travaux ont subi une perte globale estimée à environ 100.000 €. Le remboursement de cette somme est à ce jour impossible compte tenu du manque de trésorerie de la copropriété' ;
Lors de l'assemblée générale du 28 juin 2013, les copropriétaires ont annulé les résolutions de l'assemblée générale du 21 décembre 2009 ayant voté des travaux ; en résolution n° 33 'Décision concernant l'annulation de la résolution n° 46 de l'assemblée générale du 21 décembre 2009 relative au financement des travaux de réhabilitation et de procéder au remboursement de l'appel de fonds y afférent d'un montant de 180.000 €', les copropriétaires ont décidé d'annuler cette résolution et il est dit que 'les conséquences financières restent valables notamment l'exigibilité des sommes qui seront reportées sur la résolution qui votera les nouveaux travaux du bâtiment G au [Adresse 5]';
Lors de la même assemblée générale, la résolution n°87, qui n'a pas fait l'objet d'un vote, a répondu à la demande de l'association culturelle orthodoxe de la trinité que 'le syndic s'engage à donner les explications par écrit sur l'emploi des fonds des travaux du [Adresse 5] soit environ 100.000 €, utilisé pour le démarrage d'autres travaux dans d'autres bâtiments en vue de ne pas faire perdre à la copropriété son droit à subvention' ;
Lors de l'assemblée générale du 16 décembre 2014, les deux résolutions suivantes ont fait l'objet d'un report :
- résolution n° 34 'Demande de M. [F] de désigner un avocat en vue d'assister le syndicat des copropriétaires pour régler juridiquement la question des comptes de travaux du [Adresse 5] [Localité 2] ; et éventuellement attaquer AGCOP pour la mauvaise gestion du fond des travaux du [Adresse 5] [Localité 2] (vote en charges bâtiment G)' ;
- résolution n° 37 'Demande de M. [F] concernant la reprise du montant payé par le bâtiment 7 et qui a servi à une destination autre que celle qui avait été prévue, ce qui constitue un détournement (art 24).
Historique
Attendu que
a) le budget des travaux prévus pour le bâtiment 7 s'élève désormais à 466.021, 61 € en comptant le budget complémentaire voté pour lever l'arrêté d'insalubrité et les travaux induits,
b) une somme d'environ 100.000 € a déjà été versée par les copropriétaires du bâtiment 7 (voir le point 83 du procès-verbal de l'AG du 28 juin 2013),
c) sans aucun accord des copropriétaires, cette somme a été affectée par le syndic AGCOP, en partie au budget travaux des autres bâtiments, et en partie au budget des charges générales et de la facture d'eau, ce qui est contraire à la loi,
d) il est indispensable de restaurer la confiance des copropriétaires, mis à mal par la gestion AGCOP, et de rétablir la justice.
L'assemblée générale après en avoir délibéré, décide de reporter cette résolution à la prochaine assemblée générale et demande de clarifier les comptes dans le premier trimestre 2015' ;
Il apparaît ainsi qu'à tout le moins à la date du 16 décembre 2014, MM [P] et [L] disposaient des informations qui figurent dans le courrier du 27 septembre 2016, selon lesquelles l'appel de fonds pour les travaux votés le 21 décembre 2009 avait été employé par la société AGCOP à une autre destination, ce fait fondant leur action en responsabilité ;
La date du 16 décembre 2014 constitue donc le point de départ du délai de prescription ;
Plus de cinq années s'étant écoulées entre cette date et le 1er décembre 2020, date de l'assignation, l'ordonnance doit être confirmée en ce qu'elle a déclaré l'action de MM [P] et [L] irrecevable comme prescrite ;
Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
MM [P] et [L], parties perdantes, doivent être condamnés in solidum aux dépens d'appel ainsi qu'à payer à l'association SOLIHA la somme supplémentaire globale de 2.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;
Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par MM [P] et [L] ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,
Confirme l'ordonnance ;
Y ajoutant,
Condamne in solidum M. [O] [P] et M. [M] [L] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à l'association SOLIHA [Localité 8] Hauts de Seine Val d'Oise la somme supplémentaire globale de 2.000 € par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;
Rejette toute autre demande.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT