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11/01/2023 | FRANCE | N°21/05389

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 11 janvier 2023, 21/05389


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 11 Janvier 2023

(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/05389 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3MX



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 13/01449

Arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Paris

Arrêt de cassation partielle rendu le 14 avril 2021 par

la Cour de cassation



DEMANDERESSE :



Mme [S] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le 17 Décembre 1968 à [Localité 3] MAROC

comparante en personne,...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 11 Janvier 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/05389 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CD3MX

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 06 Mai 2015 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS section RG n° 13/01449

Arrêt rendu le 31 mai 2018 par la cour d'appel de Paris

Arrêt de cassation partielle rendu le 14 avril 2021 par la Cour de cassation

DEMANDERESSE :

Mme [S] [N]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

née le 17 Décembre 1968 à [Localité 3] MAROC

comparante en personne, assistée de Me Rachel SAADA, avocat au barreau de PARIS, toque : W04

DEFENDERESSES :

GEODIS D&E Seine anciennement dénommée S.A.S. SEINE EXPRESS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 574 508 149

représentée par Me Martine RIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

GEODIS D&E Ile-de-France Services anciennement dénommée S.A.S. GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N° SIRET : 692 033 061

représentée par Me Martine RIOU, avocat au barreau de PARIS, toque : P0053

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre

Anne-Gaël BLANC, Conseillère

Florence MARQUES, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Victoria RENARD, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :

Suivant contrat de travail à durée indéterminée en date du'08 décembre 2008, Mme [S] [N] a été engagée par la SAS Seine Express, du Groupe Geodis, en qualité d'attachée commerciale, niveau agent de maîtrise.

Par courrier en date du 14 novembre 2011, Mme [S] [N] a reçu une proposition d'intégration au sein de la société GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES, autre société dudit groupe, en qualité de Responsable Grands Comptes Ile-de-France, et ce à compter du 1er janvier 2012, avec reprise d'ancienneté.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des transports routiers et activités auxiliaires du transport (IDCC 0016).

La société Geodis Ile de France Services occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Par courrier en date du 17 décembre 2012, Mme [S] [N] a fait l'objet d'un avertissement qu'elle a contesté par lettre remise en main propre le 24 janvier 2013.

Mme [S] [N] a fait l'objet, après convocation du 31 janvier 2013 et entretien préalable en date du 07 février 2013, d'un licenciement le 12 février 2013 pour faute simple, avec dispense d'exécuter son préavis rémunéré de trois mois.

Mme [S] [N] a saisi entretemps le conseil de prud'hommes de Paris, le 07 février 2013 aux fins notamment, de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de la société Géodis Ile de France Services, subsidiairement, juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse et voir prononcer l'annulation de la sanction disciplinaire du 17 décembre 2012. La salariée a également demandé la condamnation de la société Géodis Ile de France Services à lui payer diverses sommes, notamment au titre des heures supplémentaires et de la contrepartie obligatoire en repos.

La salariée a également formé des demandes au titre des heures supplémentaires, et de la contrepartie obligatoire en repos à l'encontre de la société Seine Express.

Elle a enfin sollicité la condamnation solidaire des sociétés à lui payer diverses sommes au titre de divers manquements et du travail dissimulé.

Par jugement du 06 mai 2015, le Conseil de prud'hommes de Paris, a :

- débouté Mme [N] de sa demande de résiliation judiciaire,

- requalifié le licenciement pour faute grave en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonné l'annulation de la sanction disciplinaire du 17 décembre 2012 sans contrepartie financière,

- condamné la SA GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES à payer à Mme [N] [S] les sommes suivantes':

* 27.090 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter du jour du prononcé du jugement,

* 700 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Mme [N] [S] du surplus de ses demandes,

- débouté la SA GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES de sa demande reconventionnelle et l'a condamné aux dépens.

Mme [S] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision.

Par arrêt en date du 31 mai 2018, la cour d'appel de Paris, a :

- confirmé le jugement déféré en ce qu'il a condamné la société GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES à payer à Madame [S] [N] 27.090 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, 700 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, les dépens et l'a déboutée de ses autres demandes,

- infirmé le jugement en ce qu'il a déclaré nulle la sanction disciplinaire du 17 décembre 2012,

Y ajoutant,

- débouté Madame [S] [N] du surplus de ses demandes,

-débouté la société GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES de sa demande reconventionnelle,

- débouté les sociétés GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES et SEINE EXPRESS de leurs demandes d'indemnités,

- ordonné le remboursement par la société GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES des indemnités de chômage versées à Madame [S] [N] dans la limite de trois mois d'indemnités,

- rappelé qu'une copie certifiée conforme du présent arrêt est adressée par le greffe à Pôle emploi,

- condamné Madame [S] [N] aux dépens d'appel.

La salariée s'est pourvue en cassation.

Par arrêt en date du 14 avril 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation, a':

- cassé et annulé l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 31 mai 2018, mais seulement en ce'qu'il a':

- débouté Mme [N] de ses demandes en paiement':

$gt; de diverses sommes à titre d'heures supplémentaires, de congés payés afférents, de contrepartie obligatoire en repos et de congés payés afférents,

$gt; de dommages-intérêts pour manquement relatif à l'absence de rémunération des heures supplémentaires,

$gt; d'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

$gt; de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- infirmé le jugement ayant déclaré nulle la sanction disciplinaire du 17 décembre 2012.

L'arrêt a remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant et les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée. Les sociétés Geodis Ile-de-France services et Seine Express ont été condamnées aux dépens.

La demande formée par les sociétés Geodis Ile-de-France services et Seine Express en application de l'article 700 du code de procédure civile a été rejetée et les sociétés ont été condamnées à payer à la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy la somme de 3.000 euros.

Par déclaration au greffe en date du 14 juin 2021, Mme [S] [N] a saisi la cour d'appel de renvoi.

Par conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 03 octobre 2022 visées par le greffier à l'audience, Mme [S] [N] demande à la cour de :

- confirmer le jugement en ce qu'il a annulé l'avertissement du 17 décembre 2012,

- infirmer le jugement pour le surplus,

En conséquence, statuant à nouveau,

- condamner la société SEINE EXPRESS à verser à Madame [N] les sommes suivantes :

* 117.916,66 € au titre des heures supplémentaires non rémunérées de 2009 à 2011,

* 11.791,66 € pour les congés payés afférents,

* 72.240,84 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos de 2009 à 2011,

* 7.224,08 € pour les congés payés afférents,

- condamner la société GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES à verser à Madame [N] les sommes suivantes :

* 60.287,65 € au titre des heures supplémentaires non rémunérées de 2012 à 2013,

* 6.028,76 € pour les congés payés afférents,

* 36.287,68 € au titre de la contrepartie obligatoire en repos de 2012 à 2013,

* 3.628,76 € pour les congés payés afférents,

- condamner solidairement la société SEINE EXPRESS et la société GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES à verser à Madame [N] les sommes suivantes :

* 4.515 € de dommages intérêts au titre du manquement relatif à l'absence de rémunération des heures supplémentaires,

* 54.567,26 € au titre de l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

* 10.000 € de dommages intérêts pour violation de l'obligation générale de sécurité,

* 10.000 € de dommages intérêts pour violation de la vie privée et familiale,

- ordonner la remise à Madame [N] de l'attestation Pôle emploi, d'un bulletin de salaire conforme aux condamnations, le tout sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir et par document, la Cour se réservant la faculté de liquider l'astreinte,

- condamner solidairement la société SEINE EXPRESS et la société GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES à verser à Madame [N] une indemnité de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- dire que les condamnations d'ordre salarial porteront intérêt légal à compter de leur date d'échéance avec capitalisation annuelle,

- dire que les autres condamnations porteront intérêt au taux légal à compter de la décision à intervenir avec capitalisation annuelle,

- condamner solidairement la société SEINE EXPRESS et la société GEODIS ILE DE FRANCE SERVICES aux entiers dépens.

Par conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 17 octobre 2022 visées par le greffier à l'audience, les sociétés Seine Express et Geodis Ile de France Services demandent à la cour de :

- infirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a annulé la sanction disciplinaire du 17 décembre 2012,

Et, statuant à nouveau':

- rejeter la demande d'annulation de l'avertissement du 17 décembre 2012,

- confirmer le jugement du Conseil de Prud'hommes de Paris en ce qu'il a débouté Madame [N] de ses demandes d'heures supplémentaires et indemnités subséquentes,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Madame [N] de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,

- débouté Madame [N] de sa nouvelle demande de dommages et intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale,

- condamner Madame [N] à verser à la société Geodis D&E Ile de France Services et la société Géodis D&E Seine la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner Madame [N] en tous les dépens.

L'affaire a été fixée à l'audience du 18 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION :

1- Sur la demande d'annulation de l'avertissement' en date du 17 décembre 2012

Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération, l'article L. 1332-4 du code du travail limitant à deux mois la prescription des faits fautifs.

En outre, l'article L. 1333-1 du code du travail édicte qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié, l'article L. 1333-2 du même code prévoyant qu'il peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.

En ce qui concerne le reproche relatif au dossier STMP, l'employeur ne justifie pas le grief selon lequel la salariée aurait utilisé une méthode de «'montage du dossier'» ne s'inscrivant pas dans la démarche de co-validation avec le directeur d'agence mise en place dans la société.

Aux termes de l'article L 1121-1 du code du travail, «'nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché'».

Il ne peut qu'être constaté que pour peu aimables qu'ils soient, voir acrimonieux en ce qui concerne le mail de la salariée du 30 novembre 2012 à 15h35, les courriels échangés les 29 et 30 novembre 2012 entre M. [S] [N] et M. [R] [V] ne contiennent aucun propos injurieux, excessif ou diffamatoire. Ils ne dépassent ainsi pas les limites de la liberté d'expression de la salariée, le seul fait de les avoir adressés en copie au directeur d'agence et à ses collaborateurs directs pour l'un, et au directeur commercial région pour l'autre n'étant pas de nature à modifier cette appréciation.

L'avertissement en date du 17 décembre 2012 est injustifié et doit être dés lors annulé.

Le jugement du conseil de prud'hommes de Paris en date du 6 mai 2015 est confirmé de ce chef.

2- Sur les demandes à l'encontre de la société Seine Express

2-1 Sur les heures supplémentaires pour les années de 2009 à 2011

Aux termes de son contrat de travail, le temps de travail de Mme [S] [N] était de 35 heures hebdomadaires.

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, c'est à dire des éléments de nature à fonder sa demande, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, même en l'absence d'accord express, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, la salariée produit des mails envoyés avant 9 heures et tard le soir. Elle produit également un décompte qui fixe à 19 heures par semaine ses heures supplémentaires, et verse aux débats des attestations selon lesquelles la salariée travaillait beaucoup, y compris le week-end ou tard le soir .

Au soutien de sa demande, la salariée expose également qu'elle avait des tâches administratives très chronophages et des conditions d'exercice très lourdes de ses fonctions commerciales, devant s'adapter à ses clients ( ex': grossistes de [Localité 4]).

Ce faisant, elle produit des éléments factuels suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies au-delà de'l'horaire légal ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse cependant, l'employeur se contente de constater que la salariée, pourtant dotée d'un caractère vindicatif, n'a jamais fait état d'heures supplémentaires, qu'il ne lui a jamais demandé d'en faire, qu'elle ne se trouvait d'ailleurs pas dans la situation d'en faire et que les mails versés aux débats ne permettent pas d'établir les 19 heures supplémentaires hebdomadaires qu'elle soutient avoir effectuées. La société conteste les attestations produites.

La société ne produit en revanche pas ses propres éléments de contrôle en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.

Il résulte par ailleurs des pièces produites que l'employeur était nécessairement informé de l'amplitude horaire du salarié, qu'il ne s'y était pas opposé et qu'il avait dès lors donné son accord tacite à la réalisation des heures litigieuses.

Toutefois, il est contradictoire de la part de la salariée de prétendre pouvoir fournir des mails sur certaines périodes pour expliquer les heures supplémentaires et pas sur d'autres.

Or pour le calcul des heures supplémentaires, la cour remarque que la salariée procède de manière forfaitaire, en extrapolant à partir des éléments en sa possession ( mails qu'elle produit). Pour l'année 2009, le premier mail produit est du 3 juin 2009. Pour l'année 2010, les mails vont du 4 janvier au 7 septembre.

Pour l'année 2011, les mails produits vont du 14 janvier au 20 décembre 2011.

Au regard des éléments produits , il y a lieu de retenir':

* 72 heures supplémentaires en 2009, soit, 2080,80 euros,

* 70 heures supplémentaires en 2010 soit 2512,30 euros,

* 39 heures supplémentaires en 2011 soit 2088,45 euros,

Il convient dès lors de condamner la société Seine Express à payer à M. [S] [N] la somme de 6.681,55 euros, outre 668,15 euros au titre de congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur ce point.

2-2 Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos de 2009 à 2011

Mme [N] n'a pas dépassé le quota autorisé annuellement d'heures supplémentaires, si bien qu'elle ne peut prétendre à une indemnité de ce chef.

Elle est déboutée de sa demande.

Le jugement est confirmé sur ce point

3- Sur les demandes à l'encontre de la société Geodis Ile de France Services

3-1 Sur les heures supplémentaires pour les années 2012 et 2013

Aux termes de son nouveau contrat de travail, le temps de travail de Mme [S] [N] était de 35 heures hebdomadaires.

Aux termes de l'article L. 3171-2 alinéa 1er du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Selon l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies, c'est à dire des éléments de nature à fonder sa demande, afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.

Par ailleurs, même en l'absence d'accord express, les heures supplémentaires justifiées par l'importance des tâches à accomplir ou réalisées avec l'accord tacite de l'employeur, qui ne pouvait en ignorer l'existence et qui ne s'y est pas opposé, doivent être payées.

En l'espèce, au soutien de ses prétentions, la salariée produit des mails envoyés avant 9 heures le matin et tard le soir. Elle produit également un décompte qui fixe à 27 heures par semaine ses heures supplémentaires, et verse aux débats des attestations selon lesquelles la salariée travaillait beaucoup, y compris le week-end ou tard le soir .

Au soutien de sa demande, la salariée expose également que ses nouvelles fonctions de responsable grands comptes ont encore plus aggravé ses conditions de travail, les tâches administratives étant encore plus nombreuses et toujours chronophages. Elle précise que les conditions d'exercice de ses fonctions commerciales se sont également alourdies et que des tâches supplémentaires lui ont été imposées ( ex': marché public UGAP).

Ce faisant, elle produit des éléments factuels suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'elle prétend avoir accomplies au-delà de'l'horaire légal ce qui permet à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En réponse cependant, l'employeur se contente de constater que la salariée, pourtant dotée d'un fort caractère , n'a jamais fait état d'heures supplémentaires, qu'il ne lui a jamais demandé dans faire et qu'elle ne se trouvait pas dans la situation d'en faire et que les mails versés aux débats ne permettent pas d'établir les 27 heures supplémentaires hebdomadaires qu'elle soutient avoir effectuées. La société conteste les attestations produites.

La société ne produit en revanche pas ses propres éléments de contrôle en sorte qu'il convient de retenir que des heures supplémentaires non rémunérées ont bien été effectuées.

Il résulte par ailleurs des pièces produites que l'employeur était nécessairement informé de l'amplitude horaire du salarié, qu'il ne s'y était pas opposé et qu'il avait dès lors donné son accord tacite à la réalisation des heures litigieuses.

Pour le calcul des heures supplémentaires, la cour fait la même observation que pour la période antérieure et remarque que la salariée procède là encore de manière forfaitaire, en extrapolant à partir des éléments en sa possession ( mails qu'elle produit) . Pour l'année 2012, le premier mail produit date du 31 janvier 2012 et le dernier du 18 décembre 2012.

Pour l'année 2013, il n'est justifié d'aucun mail.

Au regard des éléments produits il y a lieu de retenir 160 heures supplémentaires.

Il convient dès lors de condamner la société Geodis Ile de France Services à payer à M. [S] [N] la somme de 6.073,60 euros, outre celle de 607,36 euros au titre de congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur ce point.

3-2 Sur la demande au titre de la contrepartie obligatoire en repos de 2012 et 2013

Mme [N] n'a pas dépassé le quota autorisé annuellement d'heures supplémentaires pour l'année 2012 et aucune heure supplémentaire n'a été retenue pour 2013, si bien qu'elle ne peut prétendre à une indemnité de ce chef.

Elle est déboutée de sa demande.

Le jugement est confirmé sur ce chef.

4- Sur les demandes à l'encontre des deux sociétés

4-1 Sur la demande de dommages-intérêts pour absence de rémunération des heures supplémentaires

La salariée ne justifie pas que le non paiement de ses heures supplémentaires lui a causé un préjudice financier, la seule attestation de madame [O] [L] selon laquelle, à compter de 2012 elle allait «' récupérer ses enfants à l'école tous les soirs et les gardaient' jusqu'à 20h30 et même 21h30'» Mme [S] [N] lui ayant expliqué qu'elle ne pouvait plus payer l'assistante maternelle étant insuffisante.

Mme [S] [N] est déboutée de ce chef.

Le jugement est confirmé.

4-2 Sur l'indemnité pour travail dissimulé

L'article L.8221-5 du code du travail dispose qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.

L'article L.8223-1 du même code dispose quant à lui que, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Au cas d'espèce, il n'est pas rapporté la preuve d'un élément intentionnel de la part des sociétés.

La salariée est déboutée de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.

4-3 Sur la demande de dommages et intérêts pour violation de l'obligation générale de sécurité

En application de l'article L 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant notamment des actions de prévention des risques professionnels, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Mme [S] [N] soutient qu'elle a a été victime d'un syndrome anxieux réactionnel à compter d'octobre 2011, se manifestant notamment par l'apparition de problèmes dermatologiques sous forme de psoriasis, qu'elle impute à l'absence d'actions de prévention et de protection contre les risques psychosociaux de la part de son employeur.

La cour constate qu'il n'est pas justifié d'un lien entre la dégradation de santé de Mme [S] [N] et ses conditions de travail.

Elle est déboutée de sa demande de ce chef.

Le jugement est confirmé.

4-4 Sur la demande de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale

Les sociétés souligent qu'il s'agit là de demandes nouvelles dont la cour n'est pas saisie.

La cour constate qu'il existe un lien de dépendance nécessaire entre les demandes de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et la présente demande en ce qu'elle en est la conséquence.

Ainsi, les parties étant replacées dans la situation où elles se trouvaient avant l'arrêt cassé, le salarié pouvait modifier ou compléter ses demandes en lien avec l'exécution d'heures supplémentaires. Dès lors la demande est recevable.

Pour autant, il n'est pas justifié par la salariée du bien fondé de sa demande.

Elle doit en être déboutée.

5- Sur la remise des documents

Il convient d'ordonner la remise des bulletins de paie et de l'attestation pôle emploi conformes à la présente décision, celle-ci étant de droit, sans qu'il ne soit nécessaire de prononcer une astreinte.

6- Sur les intérêts et leur capitalisation

Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes.

Les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

7- Sur les autres demandes

Le jugement est confirmé sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

Parties perdantes, les société sont condamnées in solidum aux dépens d'appel.

L'équité commande de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel au profit de Mme [S] [N] ainsi qu'il sera dit au dispositif, sans qu'il n'y ait lieu à solidarité.

Les sociétés sont déboutées de leur demande respective au titre des frais irrépétibles en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS :

La cour, statuant après un arrêt de renvoi de la cour de cassation du 14 avril 2021,

Se déclare recevable la demande de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a annulé l'avertissement en date du 17 décembre 2012, débouté Mme [S] [N] de sa demande de rappel de salaire pour les heures supplémentaire 2013, de ses demandes au titre de la contrepartie obligatoire en repos et de ses demandes de dommages-intérêts pour pour absence de rémunération des heures supplémentaires et pour violation de l'obligation générale de sécurité, sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Annule l'avertissement en date du 17 décembre 2012,

Condamne la SAS Seine Express à payer à Mme [S] [N] la somme de 6.681,55 euros au titre des heures supplémentaires de 2009 à 2011, outre celle de 668,15 euros au titre de congés payés afférents,

Condamne la société Geodis Ile de France Services à payer à Mme [S] [N] la somme de 6.073,60 euros au titre des heures supplémentaires de 2012, outre celle de 607,36 euros au titre de congés payés afférents,

Déboute Mme [S] [N] de sa demande de dommages-intérêts pour violation du droit à la vie privée et familiale,

Ordonne à la SAS Seine Express de remettre à Mme [S] [N] une attestation destinée au Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans astreinte,

Ordonne à la société Geodis Ile de France Services de remettre à Mme [S] [N] une attestation destinée au Pôle Emploi et des bulletins de salaire conformes au présent arrêt dans un délai d'un mois à compter de sa signification, sans astreinte,

Rappelle que les sommes de nature salariale porteront intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

Dit que les intérêts seront capitalisés dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil,

Condamne la SAS Seine Express à payer à Mme [S] [N] la somme de 1.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Condamne la société Geodis Ile de France Services à payer à Mme [S] [N] la somme de 1.600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en cause d'appel,

Déboute la SAS Seine Express et la société Geodis Ile de France Services de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum la SAS Seine Express et la société Geodis Ile de France Services aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 21/05389
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;21.05389 ?
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