La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/01/2023 | FRANCE | N°21/01487

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 11 janvier 2023, 21/01487


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 11 JANVIER 2023

(n° , 2 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01487 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEPJ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section Encadrement - RG n° F19/00095





APPELANTE



SAS DERICHEBOURG PROPRETE IDF NOR

D

[Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Geoffrey CENNAMO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0750







INTIMÉ



Monsieur [E] [S]

[Adresse 5...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 11 JANVIER 2023

(n° , 2 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01487 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDEPJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Janvier 2021 - Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BOBIGNY - Section Encadrement - RG n° F19/00095

APPELANTE

SAS DERICHEBOURG PROPRETE IDF NORD

[Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Geoffrey CENNAMO, avocat au barreau de PARIS, toque : B0750

INTIMÉ

Monsieur [E] [S]

[Adresse 5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Catherine SCHLEEF, avocat au barreau de PARIS, toque : C1909

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 31 Octobre 2022,en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M Stéphane MEYER, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Stéphane MEYER, président de chambre

Mme Valérie BLANCHET, conseillère

M. Fabrice MORILLO, conseiller

Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Stéphane MEYER, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Monsieur [E] [S] a été engagé par la société Derichebourg Propreté IDF-Nord, pour une durée indéterminée à compter du 8 avril 2001, en qualité de responsable d'exploitation, avec le statut de cadre.

Il était titulaire de divers mandats de représentation du personnel, notamment celui de membre du comité d'entreprise.

La relation de travail est régie par la convention collective des entreprises de propreté.

La société Derichebourg Propreté a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Bobigny par requête du 23 janvier 2019 afin que soit ordonné à Monsieur [S] de lui communiquer les indications sur les activités pour lesquelles ses heures de délégation ont été utilisées de janvier 2018 à juin 2018. Monsieur [S] a formé une demande reconventionnelle en paiement d'heures de délégation. Par ordonnance du 17 mai 2019, la formation de référé a rejeté les demandes des deux parties.

Par arrêt infirmatif du 21 janvier 2021, la cour d'appel de Paris a fait droit à la demande de la société Derichebourg Propreté en infirmant l'ordonnance et a confirmé celle-ci en ce qu'elle avait rejeté la demande reconventionnelle de Monsieur [S].

Le 14 novembre 2019, la société Derichebourg a notifié à Monsieur [S] son licenciement pour faute, après avoir obtenu l'autorisation de l'inspecteur du travail, autorisation actuellement contestée devant le tribunal administratif, la procédure étant actuellement pendante.

Le 10 janvier 2019, Monsieur [S] a saisi au fond le conseil de prud'hommes de Bobigny et formé des demandes en paiement d'heures de délégation, de repos compensateurs et de dommages et intérêts pour discrimination syndicale et harcèlement moral. De son côté, la société Derichebourg Propreté a formé à titre reconventionnel des demandes de remboursement d'heures de délégation et au titre des contreparties en repos obligatoires.

Par jugement du 13 janvier 2021, le conseil de prud'hommes de Bobigny a condamné la société Derichebourg Propreté à payer à Monsieur [S] les sommes suivantes et a débouté les parties de leurs autres demandes :

- au titre des heures de délégation pour août 2018 : 940,13 € ;

- au titre des heures de délégation pour septembre 2018 : 1 515,35 € ;

- au titre des heures de délégation pour octobre 2018 : 868,38 € ;

- au titre des heures de délégation pour novembre 2018 : 865,90 € ;

- 33 jours de repos compensateur outre 4 h 30 de récupération au titre des repos compensateurs légaux : 5 828,63 € ;

- dommages et intérêts pour non-respect des dispositions légales : 2 000 € ;

- indemnité pour frais de procédure : 2 000 € ;

- les intérêts au taux légal.

La société Derichebourg Propreté a régulièrement interjeté appel de ce jugement par déclaration du 19 janvier 2021, en visant expressément les dispositions critiquées.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 juin 2021, la société Derichebourg Propreté demande l'infirmation du jugement, le rejet des demandes de Monsieur [S] et sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :

- remboursement des heures de délégation indemnisées entre janvier et juin 2018 : 9 463,74 € ;

- contreparties en repos obligatoire dont a bénéficié Monsieur [S] : 1 336,20 € ;

- indemnité pour frais de procédure : 2 000 € ;

- dommages et intérêts pour procédure abusive : 3 000 €.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, la société Derichebourg Propreté fait valoir que :

- Monsieur [S] ayant fait l'objet d'arrêts travail du 20 août 2018 au 11 mars 2019, le paiement des heures de délégation était subordonné à une autorisation préalable du médecin traitant, dont il ne rapporte pas la preuve ;

- pendant les autres périodes, Monsieur [S] a bénéficié d'une compensation intégrale de ses heures de délégation, en repos majoré, conformément à l'accord collectif en vigueur ;

- les griefs de harcèlement moral et de discrimination syndicale ne sont pas fondés ;

- elle est fondée à demander le remboursement des heures de délégation entre le 1er janvier et le 30 juin 2018, Monsieur [S] n'ayant pas fourni de précisions quant à ses activités pendant cette période ;

- Monsieur [S] a abusé de son droit d'agir en justice.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 mai 2021, Monsieur [S] demande la confirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées, son infirmation en ce qu'il l'a débouté de ses autres demandes, le rejet des demandes de la société Derichebourg Propreté et sa condamnation :

- à lui remettre des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir ;

- à lui octroyer 33 jours de repos compensateur outre 4h30 de récupération au titre des repos compensateurs légaux ;

- à lui payer 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour discrimination syndicale, non respect des dispositions légales applicables aux mandats et harcèlement moral ;

- ainsi qu'une indemnité pour frais de procédure de 2 000 €.

Au soutien de ses demandes et en réplique à l'argumentation adverse, Monsieur [S] expose que :

- les représentants du personnel peuvent utiliser leurs heures de délégation tant durant leurs heures habituelles de travail qu'en dehors et, ainsi que l'a jugé le conseil de prud'hommes, il prouve avoir fourni à l'employeur des autorisations de son médecin personnel pour les utiliser pendant ses arrêts de travail ;

- en s'acharnant régulièrement sur lui en lui adressant régulièrement des courriers de contrôle de ses heures de délégation et en ne les leur payant pas, la société Derichebourg Propreté a commis à son encontre des actes de discrimination syndicale et de harcèlement moral, à l'origine d'une dégradation de son état de santé ;

- ayant dépassé le contingent d'heures supplémentaires, il est fondé à obtenir paiement de repos compensateurs.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 18 octobre 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions.

* * *

MOTIFS

Sur la demande en paiement des heures de délégation et sur les demandes afférentes

Ainsi que Monsieur [S] le rappelle à juste titre, les salariés titulaires de mandats de représentation du personnel sont libres d'utiliser leurs heures de délégation pendant les périodes de suspension du contrat et les périodes de repos et le paiement des heures de délégation prises en dehors de l'horaire normal de travail en raison des nécessités du mandat se fait en heures supplémentaires pour celles excédant la durée légale du travail, ces heures ouvrant droit, en cas de dépassement du contingent annuel, à la contrepartie obligatoire en repos.

Cependant, ainsi que le relève, également à juste titre la société Derichebourg Propreté IDF-Nord, il résulte des dispositions des articles L.321-1-5° et L323-6 du code de la sécurité sociale et des articles L2143-17, L.2315-3 et L.2325-7 du code du travail, d'une part, que l'attribution d'indemnités journalières à l'assuré se trouvant dans l'incapacité physique de continuer ou de reprendre le travail est subordonnée à l'obligation pour le bénéficiaire de s'abstenir de toute activité non autorisée, et, d'autre part, que les heures de délégation sont de plein droit considérées comme temps de travail. Il s'ensuit que l'exercice de son activité de représentation par le représentant du personnel ou d'un syndicat, dont le mandat n'est pas suspendu, ne peut ouvrir droit à indemnisation que s'il a été préalablement autorisé par le médecin traitant.

En l'espèce, Monsieur [S] ne conteste pas avoir fait l'objet d'arrêt de travail de manière ininterrompue du 20 août 2018 au 11 mars 2019.

Or, il ne produit pas d'autorisation préalable d'un médecin.

Le jugement doit donc être infirmé en ce qu'il a fait droit à ses demandes en paiement au titre d'heures de délégation relatives à cette période, de repos compensateurs afférents et de dommages et intérêts pour inobservation des prescriptions légales et il convient de débouter Monsieur [S] de sa demande de remise des bulletins de paie correspondants.

Sur la demande de remboursement, par la société Derichebourg Propreté IDF-Nord, des heures de délégation de janvier à juin 2018 et des contreparties en repos afférentes

Si les représentants du personnel sont présumés faire une bonne utilisation de leur crédit d'heures et si ces heures sont considérées de plein droit comme temps de travail devant être payées aux échéances normales par l'employeur, ce dernier, une fois qu'il s'est acquitté du paiement de ces heures, est en droit de demander au salarié, au besoin par voie judiciaire, des précisions sur les activités exercées pendant les heures correspondantes.

A défaut de réponse précise du salarié, l'employeur est fondé à obtenir remboursement des sommes réglées au titre des heures de délégation.

En l'espèce, par arrêt infirmatif du 21 janvier 2021, la présente juridiction a enjoint à Monsieur [S] de remettre à la société Derichebourg Propreté IDF-Nord par lettre recommandée adressée avant l'expiration du délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt, la liste des activités correspondant aux heures de délégation effectuées sur la période de janvier à juin 2018 inclus.

Monsieur [S] ne prouve, ni même n'allègue, avoir déféré à cette décision.

Par conséquent, la société Derichebourg Propreté IDF-Nord est fondée à obtenir le remboursement des sommes versées au titre des heures de délégation pendant cette période, soit 9 463,74 €, outre les repos afférents de 1 336,20 €.

Sur l'allégation de discrimination

Aux termes de l'article L. 1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, en raison, notamment, de ses activités syndicales.

L'article L. 1134-1 du même code dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance de ces dispositions, le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

En l'espèce, Monsieur [S] expose que la société Derichebourg Propreté IDF-Nord s'est acharnée sur lui en lui adressant régulièrement des courriers de contrôle de ses heures de délégation ou en ne les payant pas.

Cependant, il résulte des explications qui précèdent que l'employeur était fondé à lui demander des précisions sur l'utilisation de ses heures de délégation en dehors de son temps de travail et à ne pas payer celles réclamées au titre de la période correspondant à ses arrêts de travail.

Monsieur [S] soutient ensuite qu'il a eu la désagréable impression d'être davantage contrôlé que ses collègues non syndiqués alors qu'il respectait parfaitement sa mission.

Cette allégation, présentée par le salarié lui-même comme de nature subjective, n'est accompagnée d'aucune précision et n'est étayée par aucun élément matériel.

Monsieur [S] fait également valoir que l'employeur a tardé à adresser la déclaration d'accident de travail le concernant à la caisse primaire d'assurance maladie.

Cependant, la société Derichebourg Propreté IDF-Nord justifie avoir adressée la feuille d'accident du travail à la CPAM le 11 septembre 2018, soit le jour même de la réception du certificat médical initial de Monsieur [S], l'accident déclaré datant du 7 septembre 2018.

Enfin, Monsieur [S] fait valoir que la société Derichebourg Propreté IDF-Nord "n'aurait pas" remis l'attestation de salaires, de sorte que la sécurité sociale n'a pas encore pris position sur le caractère professionnel de l'arrêt de travail.

Cependant, la CPAM a refusé de reconnaître le caractère professionnel de l'accident du travail de Monsieur [S] par une décision du 12 février 2019.

Par conséquent, même pris dans leur ensemble, les élément présentés par Monsieur [S] ne laissent pas supposer l'existence d'une discrimination.

Sur l'allégation de harcèlement moral

Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement et au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces faits ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il juge utiles.

En l'espèce, les éléments de fait présentés par Monsieur [S] au soutien de son allégation de harcèlement moral sont les mêmes que ceux présentés au titre de la discrimination et il résulte des explications qui précèdent qu'ils sont dépourvus de toute pertinence.

Par conséquent, même pris dans leur ensemble, les éléments présentés par Monsieur [S] ne laissent pas supposer l'existence d'un harcèlement moral.

Sur les autres demandes

Bien, que l'action engagée par Monsieur [S] ne soit pas fondée, il n'est pas établi que ce dernier, qui a pu se méprendre sur ses droits, a abusé de son droit d'agir en justice.

La société Derichebourg Propreté IDF-Nord doit donc être déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il convient de condamner Monsieur [S] à payer à la société Derichebourg Propreté IDF-Nord une indemnité destinée à couvrir les frais non compris dans les dépens qu'elle a dû engager pour assurer la défense de ses intérêts et qu'il y a lieu de fixer à 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [E] [S] de sa demande de dommages et intérêts pour discrimination et harcèlement moral ;

Statuant à nouveau sur les points infirmés ;

Déboute Monsieur [E] [S] de ses demandes ;

Condamne Monsieur [E] [S] à payer à la société Derichebourg Propreté IDF-Nord les sommes suivantes :

- remboursement des heures de délégation indemnisées entre janvier et juin 2018 : 9 463,74 € ;

- contreparties en repos obligatoire dont a bénéficié Monsieur [S] : 1 336,20 € ;

- indemnité pour frais de procédure : 500 € ;

Déboute la société Derichebourg Propreté de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Condamne Monsieur [E] [S] aux dépens de première instance et d'appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 21/01487
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;21.01487 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award