Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRET DU 11 JANVIER 2023
(n° 2023/ , 8 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05751 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCJWC
Décision déférée à la Cour : Jugement du 31 Juillet 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de PARIS - RG n° 17/05591
APPELANTS
Madame [O] [P] prise en sa qualité d'ayant-droit de Monsieur [F] [P]
[Adresse 4]
[Localité 7]
Madame [L] [Y] épouse [P] prise en sa qualité d'ayant-droit de Monsieur [F] [P]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Monsieur [E] [P] pris en sa qualité d'ayant droit de Monsieur [F] [P]
élisant domicile au cabinet de Me [B] [R] [W], [Adresse 1]
[Localité 5]
Représentés par Me Eloïse PHILIPPOT-REGNIER, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
S.A.S. SIACI SAINT HONORÉ
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Slim BEN ACHOUR, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 15 novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre
Madame Nadège BOSSARD, Conseillère
Monsieur Stéphane THERME, Conseiller
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire,
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
- signé par Madame Christine DA LUZ, Présidente de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :
M. [F] [P] a été engagé par la société SIACI selon contrat à durée indéterminée en date du 11 mai 1976 en qualité de chef de service.
En 2007, la société SIACI a fusionné avec la société Saint Honoré.
La SIACI Saint Honoré est une société de conseil et de courtage en assurance de biens et de personnes.
La convention collective applicable est celle des entreprises de courtage et/ou de réassurance.
En dernier lieu, M. [P] exerçait les fonctions de directeur de clientèle. Sa rémunération moyenne brute sur les 12 derniers mois s'élevait à 12.682 euros.
A compter du mois de juin 2015, M. [P] a été placé en arrêt maladie.
Le 1er septembre 2016, M. [P] a repris le travail à mi-temps thérapeutique. Le 4 octobre 2016, un avenant à son contrat de travail a prévu deux jours et demi de travail par semaine.
Le 2 mai 2017, M. [P] a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 17 mai 2017.
Par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 22 mai 2017, la société SIACI Saint Honoré a notifié à M. [P] son licenciement pour cause réelle et sérieuse.
M. [P] a été dispensé d'effectuer le préavis lequel lui a été rémunéré.
Par courrier du 6 juin 2017, M. [P] a contesté la mesure de licenciement.
Le 17 juillet 2017, M. [P] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de voir dire et juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse.
M. [P] est décédé le 14 janvier 2019.
Par jugement de départage du 31 juillet 2020, le conseil de prud'hommes de Paris a:
- dit le licenciement de M. [F] [P] sans cause réelle et sérieuse ;
- condamné la SAS SIACI Saint Honoré à payer à Mme [L] [Y] épouse [P], Mme [O] [P] et M. [E] [P] pris en leur qualité d'ayants droit de M. [F] [P] les sommes suivantes :
- Dommages et intérêts du mois de juin 2015 au mois de septembre 2016 : 25.000 euros
- Dommages et intérêts du mois de septembre 2016 au mois de mai 2017 : 25.000 euros
- Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 200.000 euros ;
- Indemnité pour frais irrépétibles : 2.000 euros ;
avec intérêts au taux légal à compter du jour du jugement ;
- condamné la SAS SIACI Saint Honoré à payer à Mme [L] [Y] épouse [P], Mme [O] [P] et M. [E] [P] pris en leur qualité d'ayants droit de M. [F] [P], l'intérêt légal ayant couru sur les intérêts sur une année ;
- condamné la SAS SIACI Saint Honoré aux dépens et la déboute de toute indemnité,
- débouté Mme [L] [Y] épouse [P], Mme [O] [P] et M. [E] [P] pris en leur qualité d'ayants droit de M. [F] [P] de leurs autres demandes.
Mme [L] [Y] épouse [P], Mme [O] [P] et M. [E] [P] pris en leur qualité d'ayants droit de M. [F] [P] ont interjeté appel le 2 septembre 2020.
Selon leurs dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 2 septembre 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [L] [Y] épouse [P], Mme [O] [P] et M. [E] [P] pris en leur qualité d'ayants droit de M. [F] [P] demandent à la cour de :
Infirmer partiellement le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 31 juillet 2020 et statuant à nouveau, de :
Juger que, de juin 2015 à septembre 2016, la SIACI Saint Honoré a manqué à ses obligations de sécurité de résultat et d'exécution de bonne foi du contrat de travail en contraignant M. [P] à travailler alors qu'il se trouvait en arrêt maladie ;
Juger que, de septembre 2016 à mai 2017, la SIACI Saint Honoré a manqué à ses obligations de sécurité de résultat et d'exécution de bonne foi du contrat de travail en ne permettant pas le respect effectif du mi-temps thérapeutique de M. [P] ;
Juger que le licenciement est intervenu après les demandes du salarié au sujet de la mise en 'uvre de l'aménagement thérapeutique de son temps de travail ;
Juger que la SIACI Saint Honoré ne rapporte pas la moindre preuve de propos injurieux, excessifs ou diffamatoires à l'endroit de l'employeur ou des membres de la Direction et qu'il est en conséquence abusivement reproché au salarié l'exercice de sa liberté d'expression ;
Juger que le reproche relatif à de « nombreuses heures improductives à discuter avec des collègues de sujets non professionnels » est infondé ;
Juger que le licenciement de M. [P] est nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
Condamner la SIACI Saint Honoré à verser à Mme [L] [Y] épouse [P], Mme [O] [P] et M. [E] [P] pris en leur qualité d'ayants droit de M. [F] [P] et ayant repris l'instance, les sommes suivantes :
o à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations de sécurité de résultat et d'exécution de bonne foi du contrat de travail, au regard du non-respect de son arrêt de travail de juin 2015 à septembre 2016 : 170.000€ ;
o à titre de dommages et intérêts pour manquement à ses obligations de sécurité de résultat et d'exécution de bonne foi du contrat de travail, au regard du non-respect de son temps partiel thérapeutique de septembre 2016 à mai 2017 : 55.000 € ;
o à titre d'indemnité pour licenciement nul et à défaut sans cause réelle et sérieuse : 680.736 € ;
o à titre de dommages intérêts pour licenciement vexatoire: 75.000 € ;
o au titre de l'article 700 du Code de procédure civile : 5.000 €.
Assortir les condamnations des intérêts légaux à compter de la saisine du conseil de prud'hommes en date du 17 juillet 2017 ;
Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du Code civil ;
Débouter SIACI Saint Honoré de ses demandes reconventionnelles ;
Condamner la SIACI Saint Honoré aux entiers dépens de l'instance.
Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 25 juillet 2022A, auxquelles la cour se réfère expressément, la société SIACI Saint Honoré demande de :
Au titre de la rupture du contrat de travail :
À titre principal,
- Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 31 juillet 2020 ;
Statuant à nouveau,
- Dire et juger le licenciement de M. [F] [P] fondé en droit ;
En conséquent,
- Débouter les ayants droit de M. [F] [P] de leurs demandes au titre du licenciement de M. [F] [P] et au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
À titre subsidiaire,
- Confirmer le jugement, limité aux quantums retenus par le conseil de prud'hommes ;
Au titre de l'allégation de licenciement vexatoire et préjudice d'image :
- Confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a débouté la partie demanderesse ;
Au titre de l'exécution du contrat de travail :
À titre principal,
- Infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société SIACI Saint Honoré au paiement de la somme de 25.000 € à deux reprises au titre des manquements à l'obligation de sécurité et exécution de bonne foi du contrat de travail ;
Statuant à nouveau,
- Débouter les ayants droit de M. [P] de leurs demandes ;
À titre subsidiaire,
- Confirmer la décision de première instance limitée aux quantums retenus par le conseil de prud'hommes ;
En tout état de cause,
- Condamner les ayants droit de M. [P] à verser à la société SIACI Saint Honoré la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 septembre 2022.
A l'audience et par demande adressée par voie électronique le 17 novembre 2022, la cour a sollicité les observations des parties sur le fondement des articles 16 et 442 du code de procédure civile par note en délibéré à adresser au plus tard le 22 novembre 2022 quant à la recevabilité de la demande nouvelle en appel tendant à voir juger le licenciement de M. [P] nul au regard des dispositions des articles 564 et 565 du code de procédure civile.
Par notes en délibéré reçues les 18 et 22 novembre 2022, les consorts [P] font valoir qu'est recevable en appel la demande en nullité du licenciement qui tend aux mêmes fins que la demande initiale au titre d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dès lors que ces demandes tendent à obtenir l'indemnisation des conséquences du licenciement qu'un salarié estime injustifié.
Par note en délibéré reçue le 21 novembre 2022, la société SIACI Saint Honoré a répondu que la demande tendant à voir juger le licenciement nul ne constitue ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire des prétentions à dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse soumises aux premiers juges et sollicite de la cour de juger irrecevables les demandes de nullité du licenciement et de dommages et intérêts pour nullité du licenciement.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de la demande nouvelle tendant à voir prononcer la nullité du licenciement :
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer
compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
L'article 565 prévoit toutefois que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.
En l'espèce, la demande nouvelle formée en appel par les consorts [P] visant à voir prononcer la nullité du licenciement et obtenir des dommages-intérêts tend à la même fin indemnitaire que la demande initialement formée visant à voir juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il importe peu dès lors que cette demande ne soit ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire des prétentions tendant à obtenir des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse soumises aux premiers juges.
La demande de nullité du licenciement, nouvelle en appel est recevable dans la mesure où elle tend aux mêmes fins indemnitaires que la demande initiale.
Sur le licenciement :
La lettre de licenciement est libellée comme suit :
« Suite à notre entretien préalable à une éventuelle mesure de licenciement, en date du 17 mai 2017, au cours duquel vous n'avez pas pu fournir d'explications satisfaisantes face aux motifs exposés, nous vous indiquons qu'après réflexion nous avons décidé de vous licencier.
Ainsi que [J] [V] et moi ([M] [Z], DRH) vous l'avons exposé lors de l'entretien, les motifs de licenciement sont les suivants :
votre comportement fréquent et répété de critique et de dénigrement exprimé devant d'autres collaborateurs concernant :
- les orientations stratégiques de l'entreprise
- les choix d'organisation,
- des personnes notamment des membres de la Direction Générale,
- d'autres directions notamment les directions techniques de la Direction IARD,
propage un climat de nature à démotiver les équipes d'une part et d'autre part vous amène à fonctionner en autarcie générant peu de collaboration avec les autres équipes.
Cette attitude est préjudiciable à la fois à l'ambiance de travail et également au bon suivi de certains comptes clients.
- Votre comportement fréquent et répété consistant à passer de nombreuses heures improductives à discuter avec des collègues de sujets non professionnels a un impact sur votre production nouvelle qui est inexistante et démotive le reste du personnel en termes d'exemplarité par rapport à votre statut de cadre hors classification.
Dans ces circonstances et compte tenu de votre positionnement énoncé ci-dessus de Cadre Hors Classification, vous nous contraignez à procéder à la rupture de votre contrat de travail pour cause réelle et sérieuse. »
Il résulte de l'article L. 1121-1 du code du travail que, sauf abus, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression, à laquelle seules des restrictions justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché peuvent être apportées.
En reprochant à M. [P] un 'comportement fréquent et répété de critique et de dénigrement exprimé devant d'autres collaborateurs concernant les orientations stratégiques de l'entreprise, les choix d'organisation, des personnes notamment des membres de la Direction Générale, d'autres directions notamment les directions techniques de la Direction IARD', l'employeur lui fait grief de l'usage de sa liberté d'expression.
L'employeur n'indique pas la nature des propos tenus ni leur date et ne produit aucune pièce, ni courriel, ni attestation, ni compte rendu de réunion, de nature à établir la tenue de propos excédant la liberté d'expression du salarié.
Le fait de reprocher au salarié un abus de sa liberté d'expression, sans nullement le caractériser, et ainsi l'exercice non abusif de sa liberté d'expression constitue une atteinte à une liberté fondamentale et un motif illicite de licenciement qui rend celui-ci nul. Il sera ajouté au jugement de ce chef.
Au regard de la demande nouvelle de nullité du licenciement formulée en appel, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a jugé le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur l'indemnité pour licenciement nul :
Le salarié victime d'un licenciement nul et qui ne réclame pas sa réintégration a droit, quelle que soit son ancienneté dans l'entreprise, d'une part, aux indemnités de rupture, d'autre part, à une indemnité réparant l'intégralité du préjudice résultant du caractère illicite du licenciement et au moins égale à six mois de salaire.
Au regard de l'ancienneté de M. [P] de 41 ans, de son âge et de son salaire mensuel brut moyen de 14 182 euros, le préjudice par lui subi du fait de son licenciement nul sera réparé par l'allocation de la somme de 370 000 euros.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a alloué une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur l'exécution déloyale et le manquement à l'obligation de sécurité :
Les ayants droit du salarié soutiennent que la SIACI Saint Honoré a manqué à son obligation d'exécution loyale du contrat de travail et à son obligation de sécurité en contraignant le salarié à travailler pendant son arrêt maladie de juin 2015 à septembre 2016 et en ne prenant aucune mesure permettant l'effectivité du temps partiel thérapeutique du salarié.
Il résulte des échanges de courriels versés aux débats que M. [P] était sollicité par ses collaborateurs une à trois fois au cours de chaque mois de son arrêt de travail, à l'exception des mois de décembre 2015 et mai 2016, afin qu'il leur donne un avis sur un dossier.
La société SIACI Saint Honoré ne démontre pas avoir pris des mesures pour remplacer M. [P] pendant son arrêt de travail et préserver ainsi sa santé.
En le sollicitant et en autorisant ses subordonnés à le solliciter non seulement au début de son arrêt de travail mais pendant les nombreux mois de celui-ci, la société a manqué à son obligation de sécurité.
Ce préjudice, qu'il appartient aux ayants droit de M. [P] de caractériser, ne saurait se confondre avec l'économie budgétaire réalisée par la société en ne recourant pas à un remplaçant.
Ce préjudice a consisté en un surcroît de fatigue et un préjudice moral à raison de l'absence de bénéfice effectif de son droit à arrêt de travail pour M. [P].
En réparation de ce préjudice, la société SIACI Saint Honoré est condamnée à payer aux ayant-droits de M. [P] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice subi au cours de la période de juin 2015 à septembre 2016.
Il résulte par ailleurs des courriels versés aux débats que M.[P] a dû travailler pendant ses journées de repos au cours de sa période de mi-temps thérapeutique, de septembre 2016 à mai 2017. L'employeur ne démontre pas avoir pris de mesure afin de réduire la charge de travail du salarié et préserver sa santé. Faute d'y avoir procédé, il a manqué à son obligation de sécurité.
Le préjudice ainsi subi par M. [P] au cours de la période de septembre 2016 à mai 2017 sera réparé par l'allocation de la somme de 5 000 euros.
Sur les dommages et intérêts pour circonstances vexatoires de la rupture :
La lettre notifiant à M. [P] son licenciement l'a également dispensé d'effectuer son préavis.
Les ayants droit de M. [P] font valoir que celui-ci s'est vu licencier de manière soudaine et brutale par un supérieur hiérarchique qui le connaissait depuis moins de trois mois et qui n'avait aucune connaissance du monde du courtage.
Ils soutiennent sans toutefois l'établir que M. [P] a dû subir cet affront au vu et au su de son équipe, à qui il n'aurait pas pu dire au revoir, de ses collègues, de ses clients, mais également des prestataires et notamment des assureurs avec lesquels il a collaboré tout au long de ses 41 années au sein de l'entreprise.
Il n'est dès lors pas démontré que M. [P] ait subi un préjudice distinct de celui réparé au titre de la perte de son emploi. La demande de dommages-intérêts est en conséquence rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.
Sur les intérêts :
L'indemnité pour licenciement nul produira intérêts à compter du présent arrêt.
Les dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité et d'exécution de bonne foi du contrat de travail produiront intérêts à compter du jugement du conseil de prud'hommes.
En application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts une fois échus sur une année entière.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :
La société SIACI Saint Honoré est condamnée aux dépens et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
La cour,
INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts pour circonstances brutales et vexatoires de la rupture,
LE CONFIRME de ce chef,
statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant,
JUGE le licenciement de M. [F] [P] nul,
CONDAMNE la société SIACI Saint Honoré à payer à Mme [L] [Y] épouse [P], Mme [O] [P] et M. [E] [P] pris en leur qualité d'ayants droit de M. [F] [P] les sommes de :
- 370 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l'obligation de sécurité au cours de la période de juin 2015 à septembre 2016, avec intérêts au taux légal à compter du jugement du conseil de prud'hommes,
- 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et manquement à l'obligation de sécurité au cours de la période de septembre 2016 à mai 2017, avec intérêts au taux légal à compter du conseil de prud'hommes,
ORDONNE la capitalisation des intérêts échus sur une année entière,
CONDAMNE la société SIACI Saint Honoré à payer à Mme [L] [Y] épouse [P], Mme [O] [P] et M. [E] [P] pris en leur qualité d'ayants droit de M. [F] [P] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la société SIACI Saint Honoré aux dépens d'appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE