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11/01/2023 | FRANCE | N°20/03872

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 11 janvier 2023, 20/03872


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 11 JANVIER 2023



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03872 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6RA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F17/00335



APPELANT



Monsieur [C] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]
>Représenté par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709



INTIMEE



S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE Prise en la personne de son représentant légal en exercice d...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 11 JANVIER 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/03872 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CB6RA

Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage de BOBIGNY - RG n° F17/00335

APPELANT

Monsieur [C] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Sandrine BOURDAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0709

INTIMEE

S.A.S. AUCHAN HYPERMARCHE Prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Romain ZANNOU, avocat au barreau de PARIS, toque : A0113

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

M. [C] [D] , né le 11 juin 1986, a été engagé par la société Auchan hypermarché, par un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 9 septembre 2013 en qualité d'employé de magasin bricolage.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire (IDCC 2216).

En dernier lieu, M. [D] occupait la fonction d'employé qualifié libre service.

Par lettre datée du 8 octobre 2016, M. [D] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 20 octobre 2016 et lui a notifié sa mise à pied conservatoire.

L'employeur a licencié M. [D] pour faute grave par lettre datée du 25 octobre 2016 dans les termes suivants :

'Non respect de l'article 5.1 du règlement intérieur : « Il est interdit de soustraire du

matériel ou des produits appartenant à l'entreprise. »

En effet, le 7 octobre 2016, un box de téléphonie éventré ainsi que quatre boites d'emballage de téléphone SAMSUNG et HUAWEI ont été découverts dans la zone réservée où vous travailliez avec Madame [H] [O]. Vous étiez les deux seules personnes à travailler sur cette zone de l'arrivée de ce box intact au constat de la disparition des téléphones par M. [M].

Le 7 octobre au soir, M. [S] [E], responsable sécurité, et M. [M] ont décidé de vous recevoir tous les deux. Vous aviez cependant, en ce qui vous concerne, déjà quitté votre poste.

Messieurs [E] et [M] ont écouté les déclarations de Madame [O] qui a dit avoir vu « quelqu'un mettre au moins une batterie de téléphone

dans son blouson » et acquiescé quand on lui a demandé s'il s'agissait de vous. Elle ne semblait à ce moment n'émettre aucun doute sur votre participation à la disparition des téléphones. M. [E] a donc demandé à Madame [O], en possession de votre numéro de téléphone, de vous appeler et de vous demander de les rapporter au magasin.

Madame [O] vous a appelé et vous lui avez répondu que « vous alliez réfléchir. »

M. [E] a demandé à Madame [O] si elle voulait bien lui donner votre

numéro de téléphone et de vous prévenir par SMS qu'il allait vous appeler.

Au téléphone, M. [E] vous a expliqué les faits et demandé si vous aviez déjà vendu les téléphones portables. Vous avez répondu « non ». Il vous a ensuite demandé combien de téléphones vous aviez en votre possession, vous avez répondu « deux ». M. [E] vous a proposé de les rapporter à Auchan [Localité 5] ou même Auchan [Localité 6] si vous préfériez. Vous avez dit préférer [Localité 6]. M. [E] vous demande alors combien de temps vous pouvez vous y rendre, vous répondez que vous prenez la route tout de suite puis subitement vous vous ravisez et dites que vous ne viendrez pas. M. [E] se déplace quand même au magasin de [Localité 6], vous rappelle et vous lui confirmez que vous ne viendrez pas.

Au cours de l'entretien du 20 octobre 2016, vous avez nié tous les faits qui vous sont reprochés. Vous nous avez dit « ne rien à voir là-dedans. » que tout était « faux » et que M. [E] et M. [M] avaient « menti ». A la question de savoir pourquoi, vous nous avez dit, très énervé, que vous étiez un « bouc émissaire ».

Quand on vous a questionné sur le fait qu'un témoin vous avait vu « mettre au moins une

batterie de téléphone portable dans votre blouson », vous avez également dit que c'était un Mensonge puis dit que « c'était peut-être n'importe quoi, de la monnaie par exemple. »

Vous affirmez ne pas avoir touché, ni vu les emballages de téléphone retrouvé au fond de la benne. On vous voit malgré tout mettre le carton contenant les emballages dans la benne sur une vidéo.

Quant au box de téléphonie que vous avez sorti intact de l'ascenseur et qui ne devait pas se trouver là, vous nous dites ne pas l'avoir vraiment identifié et positionné comme toutes les autres palettes « au même endroit, dans la continuité des autres palettes. » Quand on vous fait remarquer que vous l'avez positionné selon la vidéo entre deux racks à l'écart, vous dites que c'est faux.

Vos déclarations sont en opposition totale avec les constats que nous avons pu faire que ce soit en visionnant les vidéos ou en interrogeant les différents témoins' ».

A la date du licenciement, la société Auchan hypermarché occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Contestant la légitimité de son licenciement et réclamant diverses indemnités, M. [D] a saisi le 9 février 2017 le conseil de prud'hommes de Bobigny qui, par jugement du 13 décembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties a déclaré le licenciement fondé sur une faute grave et a débouté M. [C] [D] de l'ensemble de ses demandes et a condamné M. [C] [D] aux dépens. Les autres demandes des parties ont été rejetées.

Par déclaration du 1er juillet 2020, M. [D] a interjeté appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 29 septembre 2020, M. [D] demande à la cour d'infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de dire et juger que son licenciement pour faute grave est sans cause réelle et sérieuse et par conséquent, de condamner l'intimée à lui payer :

- à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire du 8 octobre au 25 octobre 2016 : 647,64 euros,

- au titre de congés payés y afférant : 64,76 euros,

- à titre de rappel d'indemnité compensatrice de préavis : 3 193 euros,

- au titre des congés payés y afférant : 319,30 euros,

- à titre d'indemnité légale de licenciement : 1 037,72 euros,

- à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L 1235-3 du Code du travail, 13 000 euros,

- en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais et honoraires d'avocat exposés en première instance 2.000 euros,

En tout état de cause, de condamner la société Auchan hypermarché à lui payer la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure en appel et aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions, adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 22 décembre 2020, l'employeur demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner l'appelant à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022 et l'affaire a été fixée à l'audience du 5 septembre 2022 à 13h30.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

1 : Sur les pièces 11 et 12 de la société Auchan hypermarché

M. [C] [D] demande que soient écartées des débats les pièces 11 et 12 produites par la société Auchan hypermarché à savoir un procés-verbal de compte rendu d'infraction relatant les images vidéos extraites d'un système de vidéo surveillance et un procés-verbal d'huissier qui décrit certaines images de cette vidéo.

Il soutient qu'il s'agit d'un mode de preuve illicite dans la mesure où la société a déclaré un système de vidéo protection et non de vidéo surveillance et n'a pas informé le comité d'entreprise de l'ensemble des buts poursuivis par ce système à savoir surveiller les salariés pour pouvoir en user à des fins disciplinaires.

La société Auchan hypermarché répond qu'elle a respecté toutes les conditions légales et jurisprudentielles de nature à assurer la licéité de la vidéo surveillance.

Sur ce

Les dispositifs litigieux filment non pas la voie publique et les lieux ouverts au public, ce qui serait une vidéo protection, mais des lieux non ouverts au public à savoir des lieux de stockage dans le cas considéré, ce qui est un système de vidéo surveillance.

À l'intérieur d'une entreprise, l'employeur peut utiliser un système de vidéo surveillance à des fins de sécurité des biens et des personnes, à titre dissuasif ou pour identifier les auteurs de vols de dégradations ou d'agressions. Son droit doit respecter les principes suivants :

- le respect des droits et des libertés individuelles du salarié et notamment le droit au respect de la vie privée ;

- le dispositif de contrôle doit faire l'objet d'une information des salariés, d'une consultation du comité d'entreprise et d'une déclaration à la Cnil ;

- le contrôle doit être justifié par un intérêt légitime comme la productivité, la sécurité, l'image de l'entreprise et ne pas être excessif.

Les caméras peuvent filmer les zones où de la marchandise ou des biens de valeur sont entreposés. Elles ne doivent pas filmer les employés sur leur poste de travail, sauf circonstances particulières comme la surveillance d'entrepôt stockant des biens de valeurs au sein duquel travaillent des manutentionnaires.

En l'espèce, la videosurveillance de lieux de stockage permettait de contrôler de manière proportionnée les éventuelles et dégradations et vols par toute personne, y compris par les salariés.

La vidéosurveillance sur les sites d'Auchan a fait l'objet d'une déclaration à la CNIL le 4 septembre 2015.

Le procès-verbal de réunion du comité d'établissement du 23 septembre 2014 montre que cet organe a été informé sur le système de videosurveillance et vidéo protection.

Ce document précise que les agents disposent d'une cartographie des endroits sensibles comme devant particulièrement être dotés de caméras, ce qui implique que les salariés eux-mêmes, au-delà du comité d'entreprise, étaient informés. Cette information était rappelée par des affichages que le constat d'huissier du 7 octobre 2017 relève sur les lieux où étaient déployées les caméras. Des attestations de MM. [N] et [G] et [K] certifient que l'affectation des caméras était régulièrement évoquée au cours des réunions du CHSCT et que tous les salariés connaissaient l'existence de ce dispositif depuis l'ouverture du magasin.

Ainsi les salariés de l'établissement étaient informés à la date des faits de l'existence de la vidéo surveillance et celle-ci était proportionnée à l'exigence de sécurité des personnes et des biens dans des lieux de stockage d'objets notamment comme en l'espèce, d'une certaine valeur et dits 'sensibles'.

Dés lors qu'elle avait déposé plainte pour vol, le refus opposé à M. [C] [D] par l'employeur à l'accès à l'enregistrement et l'atteinte ainsi portée à la protection de la vie privée, était justifiée par l'exigence de la conservation des preuves, requises par la plainte déposée le 11 octobre 2016, par la société et qui impliquait de laisser aux services enquêteurs la maîtrise la communication avec le mise en cause. En tout état de cause, l'intéressé en a eu connaissance par le biais du procés-verbal de constat d'huissier qui en fait une description fouillée.

Il suit de ces développements que le système de vidéo surveillance des lieux de stockage en cause est licite.

2 : Sur la faute grave

La société Auchan hypermarché fait grief au salarié d'avoir volé deux téléphones portables, alors qu'il était chargé de les transporter.

M. [C] [D] conteste les faits.

Sur ce

Il résulte des articles L. 1234 - 1 et L. 1234 -9 du code du travail que, lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n'a droit ni à préavis ni à indemnité de licenciement.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié d'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

Adoptant les motifs précis du premier juge et notamment son analyse du procès-verbal d'huissier du 22 août 2018, la cour retient la faute grave et rejette par conséquent les demandes en paiement de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, de rappel de salaire sur mise à pied, d'indemnité de préavis, d'indemnité de congés payés y afférents, d'indemnité de licenciement.

3 : Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de condamner M. [C] [D] qui succombe à verser à la société Auchan hypermarché la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel. Les autres demandes formées de ces chefs, par les parties seront rejetées.

Les dépens seront mis à la charge de M. [C] [D].

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant ;

Condamne M. [C] [D] à payer à la société Auchan hypermarché la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel

Rejette la demande de M. [C] [D] au titre des frais irrépétibles d'appel ;

Condamne M. [C] [D] aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/03872
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;20.03872 ?
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