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11/01/2023 | FRANCE | N°20/01599

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 11 janvier 2023, 20/01599


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRET DU 11 JANVIER 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01599 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQBZ



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03366



APPELANTE



Madame [L] [G] [H]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Rep

résentée par Me Jérémie JARDONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1987



INTIME



Monsieur POLE EMPLOI agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domici...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRET DU 11 JANVIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/01599 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBQBZ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Décembre 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/03366

APPELANTE

Madame [L] [G] [H]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représentée par Me Jérémie JARDONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1987

INTIME

Monsieur POLE EMPLOI agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Marie-hélène DUJARDIN, avocat au barreau de PARIS, toque : D2153

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Monsieur Jean-François DE CHANVILLE, président

Madame Anne-Ga'l BLANC, conseillère

Madame Florence MARQUES, conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Victoria RENARD

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Jean-François DE CHANVILLE, Président de chambre et par Victoria RENARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSÉ DU LITIGE :

Mme [L] [G] [H], née le 25 janvier 1974, a été engagée par l'ANPE, en qualité d'agent temporaire du 1er septembre 2004 au 15 février 2005.

Elle a été embauchée par contrat à durée déterminée par l'ASSEDIC de l'Est Francilien comme agent hautement qualifié par contrat à durée déterminée sur la période du 15 février 2015 au 1er août 2005. La relation de travail s'est poursuivie selon contrat à durée indéterminée du 1er août 2005, la salariée étant promue 'technicien qualifié'.

A la suite de la loi du 1er août 2005 portant réforme du service public de l'emploi, Pôle Emploi a été créé le 19 décembre 2008 pour regrouper les personnels de l'ASSEDIC et de l'ANPE et le contrat de travail de Mme [L] [G] [H] a été transféré à cette nouvelle entité.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de Pôle Emploi (IDCC 2847).

Mme [L] [G] [H] a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 23 avril 2019, aux fins de voir constater que son ancienneté remonte au 1er septembre 2004 et se voir reconnaître le coefficient 245 du 1er avril 2017 au 1er juillet 2018 avec pour salaire de base mensuel la somme de 2.221,35 euros et le statut de «technicien» échelon D4 coefficient 623 à compter du 1er juillet 2018 avec pour salaire de base mensuel la somme de 2.252,99 euros. En conséquence, elle demande la condamnation de Pôle Emploi à lui payer les sommes suivantes :

- 2 712,78 euros de rappel de salaires au titre de la période du 1er avril 2017 au 1er juillet 2017 ;

- 2 916,30 euros de rappel de salaires au titre de la période écoulée du 1er juillet 2018 à avril 2019 ;

- 25 000 euros de dommages et intérêts pour discrimination ;

- 35 000 euros dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- 2 000 euros d'indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Enfin, il était demandé d'ordonner à Pôle Emploi de muter la demanderesse à l'agence d'[Localité 6].

Par jugement du 12 décembre 2019, auquel la cour se réfère pour l'exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, Mme [L] [G] [H] a été déboutée de ses prétentions et condamnée aux dépens.

Par déclaration du 21 février 2020, elle a interjeté appel.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 13 mai 2022, l'appelante, demande à la cour d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions.

Elle reprend ses demandes relatives à son coefficient et à la réévaluation de son salaire et sollicite la condamnation de l'intimée à lui verser les sommes suivantes :

- 2.712,78 euros de rappel de salaire au titre de la période écoulée du 1er avril 2017 au 1er juillet 2018, outre 271,28 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- 7.376,58 euros de rappel de salaire sur la période allant de juillet 2018 à juin 2022, outre 737,66 euros d'indemnité de congés payés y afférents ;

- soit un rappel de salaire total de 10.089,36 euros, outre 1.008,94 euros d'indemnité de congés payés afférents.

Elle demandait par ailleurs d'ordonner la communication par Pôle Emploi des entretiens d'évaluation ou de tout élément que la cour jugera utile relatifs aux salariés suivants : Mme [D] [B], Mme [F] [P], Mme [A] [T], M. [J] [N], Mme [M] [U], Mme [Z] [K], Mme [X] [E], M. [R] [V] [O], mais également de ceux d'un éventail représentatif d'une dizaine de salariés, arrivés à la même période que Mme [H] au sein de Pôle emploi à des fonctions équivalentes, le tout sur la période de 2007 à 2019.

Subsidiairement, elle prie la cour de condamner l'employeur à lui verser les sommes suivantes :

- 25.000 euros de dommages et intérêts pour discrimination et exécution déloyale du contrat de travail,

- 35.000 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral ;

- 10.000 euros de dommages et intérêts pour manquement à son obligation de sécurité.

En tout état de cause, Mme [L] [G] [H] sollicite l'allocation des sommes suivantes :

- 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile s'agissant des frais irrépétibles de première instance ;

- 3.000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;

- la capitalisation des intérêts ;

- et mise des dépens à la charge de Pôle Emploi.

Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 3 juin 2022, l'intimé demande à la cour de confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, de rejeter l'ensemble des prétentions adverses et de lui allouer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile avec mises des dépens à sa charge.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 7 juin 2022.

Pour un plus ample exposé des faits, des prétentions et des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS :

Sur l'ancienneté de Mme [L] [G] [H]

Mme [L] [G] [H] demande que soit reconnue en sa faveur une ancienneté au 1er septembre 2004, date de son embauche par l'ANPE, en se fondant sur la convention collective.

Pôle Emploi répond que si la loi du 13 février 2008 a imposé par suite du transfert du contrat de travail de l'ASSEDIC la reprise d'ancienneté au sein de celle-ci, tel n'était pas le cas de l'ancienneté acquise précédemment au sein de l'ANPE.

Sur ce

Aux termes du préambule de la convention collective nationale de Pôle Emploi, les parties conviennent que pour l'application de toutes les dispositions de celle-ci, l'ancienneté prise en compte comprend les périodes d'activité ou assimilées dans Pôle emploi auxquelles s'ajoute l'ancienneté acquise, le cas échéant, dans les institutions de l'assurance chômage et à l'Agence nationale pour l'emploi ainsi que dans tout autre organisme dont tout ou partie des missions intègrent Pôle emploi.

Il s'ensuit que c'est à juste titre que la salariée revendique une ancienneté remontant au 1er septembre 2004.

Sur le reclassement de Mme [L] [G] [H]

Mme [L] [G] [H] demande la reconnaissance du statut de technicien et du coefficient 245 du 1er avril 2017 au 1er juillet 2018, soit du droit à un salaire de base de 2221,35 euros et la condamnation en conséquence de Pôle Emploi à lui payer un rappel de salaire de 2 712,78 euros, puis à compter de l'entrée en vigueur le 1 juillet 2018 de l'accord du 22 novembre 2017 relatif à la classification des emplois, du coefficient D4 coefficient 623 jusqu'à avril 2019, soit le droit à un salaire de base de 2 252,99 euros et la condamnation en conséquence de Pôle Emploi à lui payer un rappel de salaire de 2916,30 euros. Elle prétend que l'employeur a bloqué son évolution et qu'elle n'a pu progresser que par suite de la saisine à deux reprises de la Commission nationale paritaire de conciliation prévue par l'article 39 de la convention collective et qu'elle a été freinée par l'insuffisance de formation.

Pôle Emploi objecte qu'il a toujours suivi les recommandations de la Commission nationale paritaire de conciliation saisie en 2013 et 2017 par Mme [L] [G] [H]. Il souligne que Mme [L] [G] [H] a régulièrement suivi des formations à l'exception de la période écoulée entre février 2019 et novembre 2020, pendant son arrêt maladie. Il explique que le ralentissement de la progression de la salariée passée les premières années s'explique par la plus grande exigence de maîtrise et de technicité dans l'évolution de la classification des emplois.

Sur ce

Il est de principe que, sous réserve d'une attribution volontaire par l'employeur, la qualification, mais également la catégorie à laquelle appartient un salarié, se détermine par rapport aux fonctions réellement exercées par celui-ci, sans que l'absence de contestation en amont puisse lui être opposée, les juges n'étant pas liés par la qualification figurant dans le contrat de travail. La charge de la preuve de la qualification revendiquée pèse sur le salarié.

Aux termes de l'accord du 22 novembre 2017 relatif à la classification, le niveau revendiqué par la salariée est attribué au salarié technicien c'est-à-dire au salarié qui assure le service nécessitant d'analyser de manière complète des situations professionnelles variées et complexes et de choisir parmi les moyens mis à disposition ceux à engager ainsi que les méthodes à mettre en oeuvre pour y répondre et coordonner son action avec des interlocuteurs internes/externes en s'adaptant à la diversité des situations et des personnes.

Les caractéristiques génériques et distinctives de ce niveau sont ainsi caractérisées par l'accord :

- complexité des situations professionnelles ;

- l'analyse complète des situations et problématiques de son domaine et l'environnement associé en vue du choix des moyens à engager et des méthodes à mettre en oeuvre ;

- la coordination d'informations élaborée internes ou externes à Pôle Emploi et analyse de leur indépendance ;

- la mobilisation d'une ou plusieurs techniques maîtrisées répondant aux exigences de l'emploi ;

- l'apport de conseils techniques sur le champs d'information concerné.

L'argumentation de la salariée ne porte pas sur la démonstration des qualités ainsi requises.

Les entretiens et évaluations de 2016 à 2018 font état d'un travail globalement de qualité, mais font ressortir notamment comme points d'amélioration : la faculté d'être conseiller ressources sur les questions complexes d'indemnisation : l'appréhension du champs de l'intermédiation ; l'appropriation des offres de séries ; la sécurisation de leur mise en oeuvre et la mobilisation des politiques de l'emploi ; le développement de son expertise sur l'évolution des métiers et dans le domaine digital ; une plus grande proactivité sur la demande ; l'élargissement de ses compétences et l'amélioration de la mise en valeur de ses propositions.

Donner globalement, sous certaines réserves, satisfaction à l'employeur à son niveau de classification, comme tel est le cas en l'espèce, ne signifie pas, contrairement à ce que soutient la salariée, qu'elle avait les qualités requises pour être classée au niveau supérieur.

Elle ne justifie pas remplir les conditions requises par la convention collective pour accéder au coefficient qu'elle revendique et sera déboutée de ses demandes de reclassement et de rappel de salaire subséquentes.

Sur la discrimination et l'égalité de traitement

Sur la discrimination

Mme [L] [G] [H] soutient faire l'objet de discrimination à raison des 'origines' et de la race' par le biais d'une absence d'évolution professionnelle, du refus de lui octroyer les formations qu'elle sollicitait, du manque de reconnaissance, de sa mise à l'écart dans la poursuite du projet de partenariat avec '100 000 rencontres solidaires', à la mise en oeuvre duquel elle avait pourtant participé en binôme avec une collègue, et du refus de prendre en compte ses demandes de mutation pour se rapprocher de son domicile.

Aux termes de l'article L 1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucune salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualiste, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

L'article L 1134-1 du Code du travail prévoit qu'en cas de litige relatif à l'application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

La salariée invoque une différence de traitement par référence à nombre de ses collègues, dont elle ne précise pas 'l'origine', ni la'race'. Elle n'établit aucun lien direct ou indirect entre la différence de traitement supposée et ses 'origines' ou sa 'race'.

Par suite, elle ne présente pas d'éléments laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte et la discrimination sera écartée.

Sur l'inégalité de traitement

Mme [L] [G] [H] prétend avoir subi une évolution plus lente que les autres dans sa carrière malgré ses demandes insistantes de promotion, au point de devoir, pour avancer, saisir par deux fois la Commission nationale paritaire de conciliation qui lui a donné satisfaction. Elle se compare à dix collègues qui, entrés dans l'institution après elle, ont mieux évolué qu'elle, voire ont un coefficient supérieur au sien qui est le coefficient 230. Elle reproche à Pôle Emploi de n'avoir pas communiqué les entretiens annuels de ces collègues et demande qu'il soit ordonné à l'employeur de les communiquer, ainsi que tout document utile à sa démonstration.

Sur ce

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles'L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

Sont considérés comme ayant une valeur égale par l'article L.3221-4 du code du travail les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse.

En application de l'article'1315 du code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Le fait que le salarié qui prétend être victime d'une différence de traitement et le salarié de référence soient classés dans la même catégorie professionnelle prévue par la convention collective applicable à leur emploi n'est pas, à lui seul, suffisant pour conclure que les deux travailleurs concernés accomplissent un même travail ou un travail auquel est attribuée une valeur égale au sens des textes et principes précités'; cette circonstance ne constitue qu'un indice parmi d'autres.

Mme [L] [G] [H] se compare à d'autres salariés d'une ancienneté comparable à la sienne qui ont obtenu plus rapidement qu'elle des promotions et se trouvent parfois actuellement classés à des coefficients supérieurs au sien.

Ceci caractérise une différence de traitement.

Toutefois, Mme [L] [G] [H] a obtenu l'échelon 220 en 2014 et l'échelon D 2 576 en 2019, à la suite d'un recours auprès de la Commission nationale paritaire de conciliation qui s'est ainsi prononcée partiellement favorablement à ses requêtes. Il ne peut pour autant en être tiré le signe d'un traitement inégalitaire, s'agissant d'un processus de règlement des litiges internes auquel ont pu avoir recours les collègues de Mme [L] [G] [H] auxquels celle-ci se compare et qu'elle n'a obtenu qu'une promotion d'un niveau, là où elle réclamait une promotion de trois niveaux. Les promotions n'ont jamais été accordées que pour l'avenir. Ainsi ces recours témoignent de ce qu'elle n'a subi aucun retard.

Par ailleurs, l'employeur justifie que d'autres salariés d'une ancienneté également similaire à celle de l'intéressée ont au contraire une progression moins rapide qu'elle. Par ailleurs, l'examen de la demande de reclassement établit que Mme [L] [G] [H] a eu une progression conforme à ses mérites. Dés lors, il n'est pas utile d'enjoindre à l'employeur de produire les évaluations des salariés en question, la progression se justifiant eu égard à la diversité des qualités de chacun.

En tout état de cause, il appartenait à Mme [L] [G] [H] d'obtenir en application de l'article 145 du Code de procédure civile ou au cours de la mise en état la condamnation de l'employeur à produire les évaluations des collègues auxquels elle est comparée, notamment par son employeur, si elle estimait ces pièces indispensables.

En l'état du dossier soumis à la cour, l'inégalité de traitement ne sera pas retenue en ce qui concerne l'évolution professionnelle et Mme [L] [G] [H] sera déboutée de sa demande de rappel de salaire.

Sur le harcèlement moral

Mme [L] [G] [H] sollicite la condamnation de Pôle Emploi à lui payer la somme de 25 000 euros en réparation du préjudice moral dont elle soutient avoir été victime et caractérisé selon elle par de multiples faits :

- l'absence de mesure prise par l'employeur à la suite des plaintes manifestée depuis 2013 via le logiciel prévu à cet effet pour mise en danger résultant du trop grand nombre d'allocataires confiés ;

- absence de réponse à ses alertes en ce que certains auraient essayé de l'embrasser et d'autres lui auraient suggéré de se rendre dans des endroits fréquentés par des prostituées ;

- son délaissement sans responsable d'équipe à plusieurs reprises ;

- le défaut de prise en compte de ses revendications liées à son insuffisante évolution professionnelle ;

- elle a dû supporter les rebuffades de ses collègues qui lui suggéraient d'aller voir un 'psy' ;

- elle a du affronter l'attitude agressive de son manager, M. [L], alors qu'elle était en entretien avec un allocataire ;

- ce supérieur hiérarchique n'a pas répondu à sa demande du 8 novembre 2018 relative à la bannette où elle rangeait ses affaires personnelles et qui avait disparu à la suite du déménagement des locaux ;

- elle s'est plainte de sa situation à plusieurs reprises et notamment le 9 novembre 2019 et le 11 février 2019, pour signaler qu'elle était victime de risque psychosociaux ;

- ceci l'aurait amenée à un épuisement professionnel avec arrêt de travail du 19 février 2019 et alertes du médecin du travail, ce qui n'a donné lieu comme remède qu'à une mutation professionnelle ;

- elle a dû saisir à deux reprises la Commission nationale paritaire de conciliation pour évoluer professionnellement ;

- les réunions d'équipe intervenaient le jeudi alors qu'elle était en télétravail ;

- elle a tenté de multiples candidatures de mobilité préconisées par le médecin du travail demeurées sans réponse.

Pôle Emploi répond que l'évolution professionnelle de l'intéressée est conforme à ses mérites et est ponctuée de réponses à ses demandes qui ont toutes été expliquées et que les griefs invoqués par l'intéressée, soit ne sont pas établis, soit ne sont pas significatifs et ne peuvent caractériser un harcèlement moral.

Sur ce

Aux termes de l'article L 1152-1 du Code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

L'article L 1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il convient donc d'examiner la matérialité des faits invoqués, de déterminer si pris isolément ou dans leur ensemble ils font présumer un harcèlement moral et si l'employeur justifie les agissements invoqués par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Les éléments de preuve fournis par Mme [L] [G] [H] sont généralement ses courriels et écrits nombreux, c'est-à-dire des preuves qu'elle s'est constituées à elle-même et donc non probants. De plus ces documents portent sur des faits bénins. L'attestation d'une élue ne fait état que des dires de la salariée.

Les éléments médicaux sont inopérants puisqu'ils reprennent seulement les dires de l'intéressée.

Il n'en demeure pas moins que Mme [L] [G] [H] n'a pas obtenu les formations qu'elle demandait, a obtenu des promotions par deux fois à la suite d'un recours devant la Commission nationale paritaire de conciliation et n'a eu la mutation à [Localité 6] sollicitée en février 2019, qu'en juin 2020.

Ces trois éléments sont de nature à caractériser un harcèlement moral, les autres qui ne sont pas démontrés ou apparaissent imprécis et bénins ne peuvent entrer dans la caractérisation d'un harcèlement moral.

Cependant, s'agissant du recours par deux fois à la Commission nationale paritaire de conciliation, ceux-ci ne reflètent que l'exercice d'un droit et manifestent qu'elle prétendait à des promotions supérieures à ce qu'a jugé cet organisme dont les avis ont été suivis par l'employeur.

S'agissant de la demande de mutation à [Localité 6], la salariée a obtenu satisfaction en juin 2021, alors que pourtant la mutation sollicitée était seulement jugée souhaitable par le médecin du travail. Cette demande a été formulée en février 2019, au début d'un arrêt maladie de février 2019 à novembre 2020. Ainsi, compte tenu de sa longue absence, de la limitation de la candidature de la salariée à un seul lieu et des exigences de la gestion d'une aussi importante entité, aucun retard ne peut être reproché à l'employeur. Une précédente mutation lui avait été accordée à sa demande du fait qu'elle ressentait mal son environnement professionnel.

S'agissant de la formation, il est justifié de l'ensemble des formations suivies par Mme [L], [G] [H], ce qui établit que l'employeur a répondu à son obligation en la matière. En effet, il n'apparaît pas que les formations qu'elle sollicitait devaient être retenues par l'employeur au regard de sa carrière et de ses besoins.

La demande de dommages-intérêts formée de ce chef doit être rejetée.

Sur le manquement à l'obligation de sécurité

Mme [L] [G] [H] sollicite la condamnation de Pôle Emploi à lui verser la somme de 10 000 euros de dommages-intérêts en réparation du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, au motif qu'il n'a pas fait droit aux demandes de mutation de la salariée de [Localité 7] Daviel à [Localité 6] alors qu'elle souffrait de son environnement de travail et que le poste convoité était plus près de chez elle.

Pôle Emploi soulève l'irrecevabilité de cette demande comme nouvelle en cause d'appel et objecte qu'il a été satisfait à la demande de mutation en cause.

Sur ce

La demande de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité est recevable au regard de l'article 566 du code de procédure civile comme complémentaire de la demande de dommages-intérêts pour discrimination et harcèlement moral.

Sur le fond, il a été rappelé que la mutation a été accordée à Mme [L] [G] [H] qui la sollicitait concomitamment à son arrêt maladie et qu'elle l'a obtenue peu de temps après la fin de cet arrêt, de sorte que l'employeur a bien pris la mesure dans un délai raisonnable.

L'employeur avait déjà accordé en 2013 à la salariée une mutation à [Localité 5] pour faire face à son malaise au sein de son milieu de travail.

Par suite la demande de dommages-intérêts pour manquement à cette obligation sera rejetée.

Sur l'application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il est équitable au regard de l'article 700 du code de procédure civile de rejeter les demandes de l'une et l'autre des parties au titre des frais irrépétibles de première instance et d'appel. La salariée qui succombe sur l'essentiel sera condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS :

La Cour statuant contradictoirement, par mise à disposition au greffe et en dernier ressort ;

Confirme le jugement déféré sauf sur la demande relative à l'ancienneté du salarié ;

Statuant à nouveau ;

Dit que l'ancienneté contractuelle de Mme [L] [G] [H] remonte au 1er septembre 2004 ;

Y ajoutant ;

Rejette la demande tendant à voir enjoindre à Pôle Emploi de communiquer les entretiens d'évaluation de différents salariés ;

Rejette les demandes en paiement d'indemnité de congés payés afférents aux rappels de salaires sollicités au titre de la période écoulée du 1er avril 2017 à avril 2019 ;

Déclare recevable la demande nouvelle en cause d'appel en paiement de dommages-intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité ;

Rejette cette demande ;

Rejette les demandes en paiement d'indemnité au titre des frais irrépétibles d'appel formées par les deux parties ;

Condamne Mme [L] [G] [H] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 20/01599
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;20.01599 ?
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