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11/01/2023 | FRANCE | N°19/07513

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 11 janvier 2023, 19/07513


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 11 JANVIER 2023



(n° /2023, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07513 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7V5O



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG n°





APPELANTE



SARL TRD

[Adresse 1]

[Localité 7]
>

Assistée et représentée par Me Anthony BAUDIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0164





INTIMEE



SARL BW ARCHITECTURE

35 avenue du 14 juillet

[Localité 7]



Représentée par Me Sa...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 11 JANVIER 2023

(n° /2023, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07513 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7V5O

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Mars 2019 -Tribunal de Grande Instance de Bobigny - RG n°

APPELANTE

SARL TRD

[Adresse 1]

[Localité 7]

Assistée et représentée par Me Anthony BAUDIFFIER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0164

INTIMEE

SARL BW ARCHITECTURE

35 avenue du 14 juillet

[Localité 7]

Représentée par Me Sara CHARTIER, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Ange SENTUCQ, Présidente

Elise THEVENIN-SCOTT, Conseillère

Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère

Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, Présidente de chambre et par Céline RICHARD, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

FAITS ET PROCEDURE

Par référence à l'exposé des faits résultant du jugement il sera rappelé que suivant acte authentique en date du 28 décembre 2011, la sarl TRD, qui exerce une activité d'agence immobilière et de marchands de biens, a fait l'acquisition d'un terrain sis à [Adresse 2] pour un prix de 190 000 euros.

Dans 1e cadre du projet de construction d'un pavillon individuel sur ce terrain, la sarl TRD a saisi la société B.W Architecture, qui exerce une activité de maîtrise d'oeuvre et d'architecture, du dossier de permis de construire et son dépôt moyennant le paiement de la somme de 5 400 euros TTC au titre de ses honoraires.

La demande de permis de construire a été déposée le 7 mars 2014. Le service de la règlementation de la commune d'[Localité 7] a déclaré ce dossier incomplet et l'a finalement rejeté par décision du 9 juillet 2014 au motif de l'absence de régularisation des pièces manquantes.

Parallèlement, suivant acte authentique en date du 14 mars 2014, la sarl TRD a fait l'acquisition d'un pavillon d'habitation sis a [Adresse 6] pour un prix de 265 000 euros.

Le 7 juillet 2014 , la société B.W Architecture a déposé une demande de permis de construire pour la réalisation d'un immeuble collectif d'habitation de 25 logements et de 2 bureaux sur les terrains sis [Adresse 2].

Le 16 décembre 2014, le permis de construire a été délivré.

Suivant acte authentique en date du 27 février 2015, la sarl TRD a conclu avec Monsieur [Y], promoteur immobilier, une promesse de vente portant sur la cession au profit de ce dernier des terrains sis [Adresse 2], prévoyant le transfert par la sarl TRD à Monsieur [Y] du permis de construire précité.

Par arrêté du 30 mars 2015, le permis de construire délivré le 16 décembre 2014 à la sarl TRD a été transféré à Monsieur [Y]. Pour la bonne réalisation du projet immobilier précité par la SCI [Adresse 8] ,constituée à cette fin par Monsieur [Y], ce dernier devait encore procéder à l'acquisition des terrains sis [Adresse 4] appartenant a Monsieur [K].

Dans le cadre de la régularisation devant le notaire des actes de cession des terrains sis [Adresse 2] au profit de Monsieur [Y] et de Monsieur [K] des terrains sis [Adresse 4] permettant de réunir l'ensemble des terrains devant servir d'assiette au projet immobilier, la société B.W Architecture a fait opposition entre les mains du notaire à concurrence de la somme de 75 000 euros représentant selon cette dernière, le montant des honoraires dus au titre de la préparation du dossier de demande de permis de construire.

Cette opposition est restée infructueuse.

Le 26 janvier 2016, la signature définitive des actes authentiques de vente des terrains sis [Adresse 2] a été régularisée par la sarl TRD au profit de la SCI [Adresse 8] moyennant le prix de 800 000 euros.

Considérant que la sarl TRD lui était redevable de la somme de 75 000 euros au titre de ses honoraires, la société BWArchitecture l'a mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 27 janvier 2016 de régler cette somme.

Cette mise en demeure est restee infructueuse.

Par exploit d'huissier en date du 5 juillet 2017 la société B.W.Architecture a fait assigner la sarl TRD devant le Tribunal de Grande Instance de Bobigny en paiement, au visa des articles 1134, 1147 et 1153 alinéa 3 anciens du Code Civil :

1°) de la somme principale de 75 000 euros au titre des honoraires dus, assortie des intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 26 janvier 2016, date de la mise en demeure,

2°) de la somme de 15.000 Euros a titre de dommages-intérêts ,

3°) de la somme de 4.000 Euros à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du Code de Procedure Civile,

outre l'exécution provisoire de la décision à intervenir, la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'article 1154 du Code Civil et la condamnation de la sarl TRD aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Chartier en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Le Tribunal de Grande Instance de Bobigny a statué en ces termes :

Déclare la société B.W.Architecture recevable et partiellement bien fondée en ses prétentions,

Condamne la sarl TRD à payer à la société B.W.Architecture :

1°) la somme principale de 75.000 Euros, assortie des intérêts de retard calculés au taux légal à compter du 27 janvier 2016 , date de la mise en demeure vainement adressée par lettre recommandée avec accusé de réception , avec capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du Code Civil

2°) la somme de 4.000 Euros à titre d'indemnité de procédure sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile

Ordonne l'exécution provisoire du présent jugement ,

Condamne la sarl TRD aux entiers dépens dont distraction au profit de Me [R] en

application de l'article 699 du code de procédure civile.

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions et notamment la société B.WArchitecture

de sa demande en paiement de la somme de 15 .000 Euros à titre de dommages-intérêts et la sarl TRD de ses demandes en paiement des sommes de 30.000 Euros à titre de dommages-interêts et de 5000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SARL TRD a interjeté appel selon déclaration reçue au greffe de la cour le 8 avril 2010.

Par conclusions signifiées le 4 juillet 2019 la société TRD demande à la cour de :

Vu les articles 1353, 1359 et 1381 du Code civil ;

Vu le décret n°80-533 du 15 juillet 1980 ;

Vu l'article 561 du code de procédure civile ;

Vu les pièces versées aux débats.

INFIRMER le jugement en ce qu'il a condamné la société TRD à verser à la société B.W

ARCHITECTURE la somme principale de 75.000 € outre 4.000 € au titre de l'article 700

du code de procédure civile et débouté la société TRD de sa demande en paiement de la somme de 30.000 € à titre de dommages et intérêts ;

Et statuant sur le fond,

A titre principal,

REJETER la totalité des demandes de la société B.W ARCHITECTURE ;

CONDAMNER la société B.W ARCHITECTURE à verser une somme de 30.000 € à la

société TRD ;

A titre subsidiaire,

CONDAMNER la société TRD à verser, au maximum, une somme de 7.500 euros à la

société B.W ARCHITECTURE ;

CONDAMNER la société B.W ARCHITECTURE à verser une somme de 30.000 € à la

société TRD ;

ORDONNER la compensation entre ces condamnations ;

En tout état de cause,

CONDAMNER la société B.W ARCHITECTURE à verser à la société TRD une somme

d'un montant de 10.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les

entiers dépens.

Par conclusions sigbifiées par la voie électronique le 30 septembre 2019 la société BW Architecture demande à la cour de :

Vu les articles 1134, 1147 et 1153 alinéa 3 anciens du Code Civil,

Confirmer purement et simplement la décision entreprise,

Y ajoutant,

Condamner la Société TRD au paiement d'une somme de 6.000€ sur le fondement de

l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel,

Condamner la Société TRD au paiement des entiers dépens de l'instance avec bénéfice de

distraction au profit de Maître [R], avocat au barreau de Seine Saint Denis.

La clôture était prononcée par ordonnance du 21 juin 2022.

SUR QUOI,

LA COUR :

1- Sur l'obligation à paiement

Le tribunal, aux visas des articles 1134, 1315 du code civil et L 110-3 du code de commerce, a jugé que la société BW Architecture est recevable à rapporter la preuve de ses allégations par tous moyens, que cette dernière produit le permis de construire qu'elle a instruit et qui a finalement été accepté le 16 décembre 2014 où figure la sarl TRD en qualité de maître de l'ouvrage et qu'il résulte des attestations de Monsieur [K] et de Monsieur [Y] que ceux-ci ont abaissé le prix de vente de leurs terrains respectifs, la sarl TRD se prévalant notamment des frais d'architectes dont elle aurait à s'acquitter. Le tribunal a retenu que les attestations de Messieurs [C] et [F] font la preuve que les gérants des sociétés TRD et BW Architecture, habitués à travailler ensemble depuis de longues années, avaient convenu d'honoraires d'environ 75 000/80 000 euros ttc une fois le terrain vendu, ce montant étant conforme aux usages puisque représentant 2,5 % du montant du coût des travaux estimés à 2 500 000 euros alors que dans le cadre du projet de construction de maison individuelle abandonné, la société TRD s'était engagée à payer des honoraires représentant 7,5% ht du coût du projet.

La société TRD à l'appui de sa demande tendant à l'infirmation du jugement oppose,

sur la preuve des honoraires, au visa des dispositions de l'article L 110-1 du code de commerce qui excluent des actes de commerce, que les achats faits en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre en bloc ou par locaux, et, par extension, un contrat de prestation de service relatif à l'édification d'un immeuble, relèvent des dispositions du code civil or, selon les dispositions de l'article 1359 de ce même code, l'acte juridique portant sur une demande excédant le montant du seuil de 1 500 euros fixé par le décret n°80-533 du 15 juillet 1980 doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique.

Elle fait valoir que le tribunal a commis une erreur d'appréciation en forgeant son opinion sur la base d'un faisceau d'indices réducteurs et en excluant plusieurs éléments indispensables à la compréhension du dossier à savoir :

- l'absence de contrat écrit pour une prestation invoquée à hauteur de 75 000 euros n'a qu'un seul sens : aucune mission n'a été confiée à BW Architecture pour le dossier de permis de construire litigieux,

- la société BW Architecture est à l'initiative de cette opération à laquelle elle a associé Monsieur [Y] afin d'acquérir les terrains nécessaires à sa réalisation, ainsi la mission de conception du permis de construire dont BW Architecture demande le règlement a été chiffrée dans l'estimatif prévisionnel adressé à la SCI [Adresse 8] laquelle a obtenu une garantie financière auprès de la banque BCP visant l'intégralité des honoraires d'architecte dont la somme de 74 327,70 euros HT au titre de la conception du permis de construire.

Elle souligne le caractère mensonger des attestations : selon l'appelante, l'attestation de Monsieur [P] [C] est réfutée par le gérant de la société TRD qui n'a jamais confié à la société gérée par Monsieur [C], aujourd'hui en liquidation judiciaire, ce qu'il ne dit pas, la construction d'un immeuble collectif et l'attestation de Monsieur [T] [F] est mensongère car le gérant de la société TRD n'a pu lui proposer de lui vendre des terrains ne lui appartenant pas.

Elle oppose l'absence de relation d'ancienneté entre la société TRD et la société BW Architecture et fait valoir que le tribunal a considéré comme acquise l'ancienneté de cette relation alors que rien ne vient l'étayer.

Concernant le montant des honoraires, elle fait valoir que le tribunal s'est mépris sur le montant réclamé qui correspondrait plutôt, selon les usages de la profession, à une mission complète de conception incluant le suivi de chantier or, la société TRD n'était plus propriétaire du terrain au moment de la réalisation des travaux. Elle en déduit, au rappel des attestations établies par Monsieur [O] [N], Monsieur [E] et Monsieur [L] [B], qu'aucun honoraire n'a été prévu dans ce programme immobilier et très subsidiairement, au visa de l'article 11 du code de déontologie des architectes, s'agissant d'une mission limitée à la réalisation de plans de permis de construire, la société TRD demande à la cour de ramener les honoraires à 7 500 euros.

La société BW Architecture rappelle que son gérant Monsieur [U] entretient depuis plusieurs années des relations commerciales régulières avec le gérant de la société TRD, Monsieur [M], laquelle curieusement, les conteste pour la première fois à hauteur d'appel.

Elle indique avoir été mandatée par la société TRD pour procéder au dépôt du permis de construire d'une maison individuelle sur le terrain sis [Adresse 3], finalement abandonné par le maître de l'ouvrage, celui-ci ayant acquis, en cours d'instruction de sa demande, une parcelle sise au [Adresse 6] lui permettant d'envisager un projet de plus grande envergure s'il arrivait à convaincre Monsieur [K], propriétaire de la parcelle sise [Adresse 5], de lui céder le foncier.

C'est ainsi selon l'intimée que la société TRD lui a demandé de cesser ses précédentes diligences et de réaliser le dossier nécessaire au dépôt d'une demande de permis de construire portant sur la réalisation d'un ensemble immobilier à [Localité 7], [Adresse 2], projet d'envergure pour lequel elle a procédé à tous les relevés, dessiné tous les plans nécessaires à l'instruction de la demande de permis de construire : plan de masse, plans des sous-sols, plans des façades et pignons, implantations paysagères, notice descriptive, notice de sécurité, notice d'accessibilité PMR. Le permis de construire ayant été purgé de tout recours et la parcelle cédée avec des droits à consruire obtenus grâce au travail de la société BW Architecture, le permis a été transféré par arrêté du 21 avril 2015 et l'architecte s'est à bon droit inquiété du paiement de ses honoraires, en vain.

L'intimée souligne, au visa des attestations établies par Monsieur [I] [K], Monsieur [S] [Y], Monsieur [P] [C], que non seulement son intervention pour l'obtention du permis de construire est acquise mais que ses honoraires à hauteur d'une somme égale à environ 80 000 euros le sont aussi.

Sur la preuve, elle rappelle que s'agissant d'actes faits par une société de forme commerciale, même s'ils sont de nature civile, ils restent des actes de commerce à l'égard de la société TRD, les dispositions de l'article 1343 devenues 1359 du code civil n'ayant pas vocation à s'appliquer. Elle rappelle qu'il est d'usage entre les promoteurs et leurs architectes habituels de ne pas contracter par écrit et que lorsqu'elle n'est pas fixée par le contrat, la rémunération peut être déterminée par le juge en fonction des éléments de l'espèce.

Elle souligne que la réalité des prestations intellectuelles est acquise mais également le mandat donné à l'architecte par la société TRD qui s'évince du dossier de permis de construire, des conditions de revente des parcelles vendues avec un permis de construire préalable purgé de tout recours générant une plus-value qui a profité à la société TRD et des attestations produites.

Sur la détermination du quantum de l'obligation, elle observe que le précédent contrat par lequel la société TRD avait recouru à la maîtrise d'oeuvre de la société BW Architecture fait ressortir un accord sur des honoraires fixés à 7,5% du montant du projet pour le montage du dossier de permis de construire, ce qui est corroboré par les honoraires moyens des architectes relevés sur internet. Elle affrme qu'aucun élément ne vient au soutien des allégations de l'appelante selon lesquelles les attestations produites par la société BW Architecture seraient de pure complaisance alors que les attestations de Messieurs [N], [E] et [B] sont pour le moins douteuses au regard des relations étroites entretenues par ceux-ci avec le gérant de la société TRD.

Réponse de la cour :

1- La preuve du contrat d'architecte

Il sera à titre préliminaire observé que les dispositions des articles 1353 et 1359 du code civil dans leur version issue de l'Ordonnance du 10 février 2016 ne sont pas applicables au litige portant sur une prestation de dépôt de permis de construire intervenue le 1er juillet 2014, antérieurement à l'entrée en vigueur de l'Ordonnance à compter du 1er octobre 2016.

Selon les dispositions de l'article 1341 du code civil dans sa version en vigueur antérieurement au 1er octobre 2016, applicable au litige : ' ll doit être passé acte devant notaires ou sous signatures privées de toutes choses excédant une somme ou une valeur fixée par décret, même pour dépôts volontaires, et il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre. Le tout sans préjudice de ce qui est prescrit dans les lois relatives au commerce.'

Ces dispositions s'appliquent aux ventes de biens mobiliers et immobiliers et notamment, comme le rappelle avec raison la société TRD, aux achats faits en vue d'édifier un ou plusieurs bâtiments et de les vendre mais il ne saurait se déduire de ce texte qui réserve expressément la preuve des actes de commerces, une extension au contrat d'architecte s'agissant d'une prestation de service proposée en l'occurrence par une société commerciale à une autre société commerciale dont le tribunal a retenu à bon droit qu'elle pouvait être prouvée par tous moyens conformément aux dispositions de l'article L 110-3 du code de commerce même si son contenu et sa portée s'analysent selon les règles du code civil.

De ce chef le jugement sera confirmé.

2- L'existence du contrat

Selon les dispositions de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au litige :

' Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

Selon les dispositions de l'article 3 de la loi n°77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture :

« Quiconque désire entreprendre des travaux soumis à une autorisation de construire doit faire appel à un architecte pour établir le projet architectural faisant l'objet de la demande de permis de construire, sans préjudice du recours à d'autres personnes,

participant, soit individuellement, soit en équipe, à la conception. Cette obligation n'exclut pas le recours à un architecte pour des missions plus étendues.

Le projet architectural mentionné ci-dessus définit par des plans et documents écrits l'implantation des bâtiments, leur composition, leur organisation et l'expression de leur volume ainsi que le choix des matériaux et des couleurs.

Même si l'architecte n'assure pas la direction des travaux, le maître d'ouvrage doit le mettre en mesure dans des conditions fixées par le contrat, de s'assurer que les documents d'exécution et les ouvrages en cours de réalisation respectent les dispositions du projet architectural élaboré par ses soins. Si ces dispositions ne sont pas respectées, l'architecte en avertit le maître d'ouvrage.Sans préjudice de l'application de l'article 4 de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d''uvre privée, lorsque le maître d'ouvrage fait appel à d'autres prestataires pour participer aux côtés de l'architecte à la conception du projet, il peut confier à l'architecte les missions de coordination de l'ensemble des prestations et de représentation des prestataires. Le contrat prévoit en contrepartie la rémunération de l'architecte pour ces missions ainsi que la répartition des prestations et la responsabilité de chacun des prestataires ».

En l'espèce, la prestation accomplie par la SARL BW Architecture est établie par la réalisation du dossier de permis de construire pour le compte de la SARL TRD déposé à la mairie d'[Localité 7] le 7 juillet 2014 complété le 29 octobre 2014 sous le n° 93005 14 C0069 et accordé le 16 décembre 2014.

Ce dossier comporte :

- l'insertion dans le site

- les plans de façade au 1:100

- le plan de masse avant et après travaux 1:200

- les plans du sous-sol, du rez-de-chaussée et des 4 niveaux au 1:100

- la coupe par terrain, volet paysager, à court et long terme : 1:200

- le plan de l'immeuble en limite du terrain : 1:100

- les plans du pignon droit et du pignon gauche : 1:100

- 4 photographie des lieux avant travaux.

Il s'agit donc d'une prestation limitée aux études de conception, études d'esquisse et études d'avant-projet et d'assistance au dépôt du dossier de permis de construire.

Hormis l'attestation de Monsieur [I] [K], cessionnaire de la parcelle du [Adresse 5], qui a permis la réalisation du programme, lequel atteste avoir rencontré dans le cadre du projet Messieurs [M], architecte du projet gérant de la SARL BW Architecture et Monsieur [U] gérant de la SARL TRD, précisant que la négociation de l'achat de la parcelle a tenu compte des honoraires de l'architecte, du géomètre et des frais de permis de construire et a fait baisser de 50 000 euros le prix de la parcelle, les autres attestations, qui se limitent à faire état des relations régulières entretenues au plan professionnel par les gérants de la SARL TRD et de la SARL BW Architecture sont inopérantes à faire la preuve du prix des honoraires convenus pour cette mission limitée à la phase Avant Projet et Assistance au dépôt de permis de construire.

La preuve de la réalité de la prestation d'architecte est donc rapportée, cependant son prix doit être fixé en tenant compte de la nature des diligences accomplies et des usages de la profession or, contrairement à ce qui a été jugé, le calcul des honoraires en pourcentage des travaux est principalement utilisé selon les usages de la profession pour une mission d'architecture complète et se trouve inadapté au cas d'espèce s'agissant d'une mission limitée ainsi qu'il a été vu, qui a nécessité une instruction de plus de 5 mois pendant laquelle l'architecte a assisté le maître de l'ouvrage dans les différents échanges avec le service de l'urbanisme aux fins d'obtention du permis de construire. Ainsi les honoraires doivent tenir compte des diligences accomplies dans le cadre de l'instruction de la demande de permis de construire, de leur effectivité, du temps passé à la rédaction des plans d'esquisse et d'Avant-Projet et de la complexité du projet.

Au vu de l'ensemble de ces éléments et par comparaison avec les honoraires fixés lors de la première mission confiée à la société à la société BW Architecture pour le premier dépôt de permis de construire d'un pavillon individuel dont les honoraires avaient été fixés à 5 400 euros TTC, le montant des honoraires dus à l'architecte sera fixé sur infirmation à 10 000 euros TTC outre les intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

3- Les dommages et intérêts

Le tribunal a débouté la société BW Architecture de ce chef au motif qu'elle ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un préjudice distinct de celui réparé par la condamnation principale.

Il a également débouté la société TRD de sa demande de dommages et intérêts à défaut de preuve du manquement au devoir de loyauté et du préjudice en résultant.

La société TRD rappelle que la vente a été fortement retardée par les manoeuvres s'apparentant à des tentatives d'intimidation par lesquelles la société BW Architecture a tenté de s'opposer à la cession des terrains en opérant sa réclamation directement entre les mains du notaire.

La société BW Architecture fait valoir qu'il est impossible que son comportement soit à l'origine d'un retard car l'opposition à la libération du prix de vente par le notaire a été formée par courrier du 27 janvier 2016, 24 heures après la réalisation de la vente, le prix ayant été libéré de sorte qu'il s'agit d'une vaine tentative.

Réponse de la cour :

Chacune des parties succombant partiellement en ses demandes ne justifie d'aucun préjudice distinct de celui réparé par la présente instance.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté les parties de ce chef.

4- Les frais irrépétibles.

Sur infirmation, les dépens de première instance seront partagés par moitié entre les parties et la société BW Architecture déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles.

Chacune des parties en cause d'appel supportera la charge des frais irrépétibles et des dépens exposés.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement excepté en ce qu'il a statué sur les demandes de dommages et intérêts ,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE la société TRD à régler à la société BW Architecture la somme en principal de 10 000 euros TTC assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du présente arrêt ;

ORDONNE le partage des dépens de première instance par moitié entre les parties ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles exposés en première instance ;

DIT que chacune des parties en cause d'appel supportera la charge des frais irrépétibles et des dépens exposés.

CONFIRME le jugement du seul chef du rejet des demandes de dommages et intérêts.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 19/07513
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;19.07513 ?
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