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11/01/2023 | FRANCE | N°18/27808

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 5, 11 janvier 2023, 18/27808


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 5



ARRET DU 11 JANVIER 2023



(n° /2023, 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/27808 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B64PG



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2018 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° 2017060680





APPELANTE



SARL SPIRIT IMMOBILIER

[Adresse 3]

[Localité 5]



Représentée par Me Fabr

ice GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2613





INTIMEES



SA BANQUE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS QUE)

[Adresse 2]

[Localité 4]



Assistée et représentée par Me Bertrand MAHL de ...

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 5

ARRET DU 11 JANVIER 2023

(n° /2023, 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 18/27808 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B64PG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2018 -Tribunal de Commerce de Paris RG n° 2017060680

APPELANTE

SARL SPIRIT IMMOBILIER

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Fabrice GUILLOUX, avocat au barreau de PARIS, toque : C2613

INTIMEES

SA BANQUE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS QUE)

[Adresse 2]

[Localité 4]

Assistée et représentée par Me Bertrand MAHL de l'ASSOCIATION OLTRAMARE GANTELME MAHL, avocat au barreau de PARIS, toque : R032

SAS SOCIÉTÉ TAVARES RAVALEMENT PROJETÉ 'STRP'

[Adresse 1]

[Localité 6]

Assistée et représentée par Me Solange IEVA-GUENOUN de la SCP IEVA-GUENOUN/PAIN, avocat au barreau de MEAUX

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre

Madame Elise THEVENIN-SCOTT, conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, vice-présidente placée faisant fonction de conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Elise THEVENIN-SCOTT dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN

ARRET :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Ange SENTUCQ, présidente de chambre et par Céline RICHARD, greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DU LITIGE

La SARL SPIRIT IMMOBILIER a entendu réaliser, en qualité de maître d'ouvrage, une opération de construction d'un immeuble collectif de 31 logements à [Localité 7]. La maîtrise d''uvre était confiée à la SARL BPCC.

Dans ce cadre, le 28 décembre 2012, un marché de travaux portant notamment sur le lot « ravalement » a été passé avec la SARL AMPLITUDE BTP, entreprise principale.

Le 18 décembre 2013, la SARL AMPLITUDE BTP a signé un contrat de sous-traitance avec la SAS Société Tavares Ravalement Projeté (STRP) portant sur le lot « ravalement des façades et bardages bois » pour un prix de 186 000 euros HT, soit 222 456 euros TTC.

Par lettre du 24 décembre 2013, réceptionnée le 27 décembre 2013, une demande d'agrément du sous-traitant et des conditions de paiement a été adressée à la SARL SPIRIT IMMOBILIER, laquelle a fait retour de son acceptation par courrier du 27 janvier 2014.

Le 17 avril 2014, la SARL SPIRIT IMMOBILIER était destinataire d'une notification de cession de créance professionnelle émanant de la banque du bâtiment et des travaux publics (la banque BTP) portant sur la créance de la SARL AMPLITUDE BTP à son égard.

La réception de l'ouvrage a eu lieu le 30 mars 2015.

Le 15 juin 2015, la SARL SPIRIT IMMOBILIER recevait un avis à tiers détenteur portant sur des impôts dus par la SARL AMPLITUDE BTP à hauteur de 408 043,54 euros.

Le 20 juillet 2015 la liquidation judiciaire de la SARL AMPLITUDE BTP était prononcée.

C'est dans ce contexte que la SAS STRP a assigné la SARL SPIRIT IMMOBILIER devant le tribunal de commerce d'EVRY aux fins d'obtenir le règlement du solde du marché de sous-traitance à hauteur de 74 794,80 euros. Le même acte assigné également Maître Pascale HUILLE-ERAUD ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL AMPLITUDE BTP, mais sans qu'aucune demande ne soit formée à son égard.

Par acte d'huissier du 24 mars 2016, elle a attrait à la cause la banque BTP demandant que la cession de créance lui soit dite inopposable, et que la banque soit condamnée à lui verser la même somme.

Par un jugement du 8 mars 2017, le tribunal de commerce d'EVRY a :

Dit les exceptions d'incompétence recevables en la forme ;

S'est déclaré compétent ;

Sous réserve du contredit a renvoyé l'affaire au fond.

Par acte du 22 mars 2017, la SARL SPIRIT IMMOBILIER a formé un contredit à l'encontre de ce jugement et demandé que le tribunal de commerce d'EVRY soit déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Nanterre.

Par arrêt du 15 septembre 2017, la cour d'appel de PARIS a constaté l'absence de demande à l'égard de Maître Pascale HUILLE-ERAUD ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL AMPLITUDE BTP, et déclaré le tribunal de commerce d'EVRY incompétent au profit du tribunal de commerce de PARIS.

Par jugement du 19 octobre 2018, le tribunal de commerce de PARIS a :

Condamné la banque BTP à payer à la SAS STRP la somme de 58 295,82 euros avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure adressée à l'entreprise principale le 20 mars 2015 avec anatocisme ;

Condamné la SARL SPIRIT IMMOBILIER à relever indemne la banque BTP de toute condamnation prononcée à sa charge ;

Débouté les parties de l'ensemble de leurs demandes plus amples et contraires ;

Condamné la banque BTP à payer à la SAS STRP la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et la SARL SPIRIT IMMOBILIER à relever indemne la banque BTP sur ce montant ;

Ordonné l'exécution provisoire ;

Condamné la banque BTP aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 11 décembre 2018, la SARL SPIRIT IMMOBILIER a interjeté appel de cette décision.

Suivant dernières conclusions signifiées au RPVA le 26 juillet 2019, la SARL SPIRIT IMMOBILIER demande à la cour de :

INFIRMER le jugement en date du 19 octobre 2018 (RG 2017 060680) rendu par le Tribunal de commerce de Paris,

Statuant à nouveau :

DEBOUTER la société BTP BANQUE de ses demandes à l'encontre de la société SPIRIT IMMOBILIER et de son appel incident à l'encontre de la société SPIRIT IMMOBILIER ;

DEBOUTER la société SAS TAVARES RAVALEMENT PROJETE de ses demandes et de son appel incident à l'encontre de la société SPIRIT IMMOBILIER ;

CONDAMNER la société BTP BANQUE en tous les dépens de l'instance ainsi qu'à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Suivant dernières conclusions signifiées au RPVA le 9 juillet 2019, la banque BTP IMMOBILIER demande à la cour de :

INFIRMER le jugement entrepris en ce qu'il a emporté condamnation de la BTP au profit de la société SRTP.

Statuant à nouveau :

DEBOUTER la SARL SPIRIT IMMOBILIER de l'ensemble de ses prétentions.

À considérer que par impossible la Cour fasse très partiellement droit aux demandes formées à l'encontre de la BTP par la société SRTP, juger que ledit maître d'ouvrage doit répondre à due concurrence du préjudice qui en résulterait pour le cessionnaire et le condamner à relever indemne ledit cessionnaire de toute condamnation qui serait prononcée à sa charge au profit de la société SRTP.

CONDAMNER tout succombant à l'égard de la BTP à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel, dont distraction pour ceux le concernant au profit de Maître Bertrand MAHL, Avocat aux offres de droit, selon les modalités de l'article 699 du CPC.

Suivant dernières conclusions signifiées au RPVA le 9 juillet 2019, la SAS STRP demande à la cour de :

DONNER acte a la SAS STRP qu'elle s'en rapporte à la justice sur le bien-fondé de cet appel dès lors qu'elle entend obtenir la con'rmation du jugement qui a fait droit à son action contre la BTP BANQUE.

CONFIRMER le jugement en ce qu'il a accueilli la demande en paiement de la SAS STRP à l'encontre de la BTP BANQUE Voir déclarer inopposable a la SAS STRP la cession dc créance intervenue entre la BTP BANQUE et l'entrepreneur principal, la société AMPLITUDE BTP.

INFIRMER le jugement sur le quantum de la condamnation limitée à 58 295,82 euros TTC

Et statuant de nouveau :

DIRE ET JUGER recevable et bien fondée la SAS STRP en son appel incident à l'encontre dudit jugement ;

CONDAMNER la BTP BANQUE à payer l'intégralité de la créance de la SAS STRP, soit la somme de 74 794,80 euros TTC correspondant au solde restant dû sur le marché de la société STRP, assortie de l'intérêt au taux légal, à compter de la première mise en demeure adressée à l'entreprise principale le 20 mars 2015.

DIRE qu'il sera fait application de l'ancien article 1154 du Code Civil sur la capitalisation des intérêts.

A TITRE SUBSIDIAIRE,

CONDAMNER, en application de l'article 12 de la Loi du 31 décembre 1975, la SARL SPIRIT IMMOBILIER à payer à la SAS STRP ladite somme, outre l'intérêt au taux légal, à compter du 20 mars 2015 et la capitalisation des intérêts.

A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE,

DIRE que SARL SPIRIT IMMOBILIER a néanmoins engagé sa responsabilité, faute d'avoir véri'é l'existence d'un cautionnement garantissant le paiement du marché du sous-traitant.

DIRE que ce défaut dc vérification constitue une faute imputable exclusivement à la SARL SPIRIT IMMOBILIER qui est à l'origine du préjudice 'nancier subi par la SAS STRP.

Condamner la SARL SPIRIT IMMOBILIER à payer à la SAS STRP la somme de 74 794,80 euros TTC correspondant à son préjudice 'nancier, assortie dc l'intérêt au taux légal, à compter de la première mise en demeure adressée à l'entreprise principale le 20 mars 2015.

DIRE qu'il sera fait application de l'ancien article 1154 du Code Civil sur la capitalisation des intérêts.

DEBOUTER la société SPIRIT IMMOBILIER et la BTP BANQUE de toutes leurs 'ns et prétentions et conclusions dirigées à l'encontre de la SAS STRP.

CONFIRMER le jugement entrepris qui a alloué pour les frais dc première instance une somme de 3 500 euros à la SAS STRP en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER tout succombant à prendre en charge, en cas de recours à l'exécution forcée du jugement, les frais et droits prévus aux articles 10 et 16 du décret du 12 décembre 1996 relatif aux frais de recouvrement des Huissiers.

CONDAMNER tout succombant au paiement d'une somme de 3 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais d'appel, ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel, lesquels pourront être recouvrés par Me IEVA-GUENOUN, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 21 juin 2022 et l'audience de plaidoiries s'est tenue le 27 septembre 2022.

MOTIVATION

À titre liminaire, il convient de préciser qu'il sera fait application, en tant que de besoin, des dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, entrée en vigueur le 1er octobre 2016, dès lors que la relation contractuelle litigieuse repose sur un marché principal conclu le 28 décembre 2012 et un contrat de sous-traitance conclu le 18 décembre 2013.

Sur le solde du marché :

La SARL SPIRIT IMMOBILIER conteste à la fois le montant du solde dont la SAS STRP sollicite le paiement, à savoir la somme de 74 794,80 euros, mais également le montant retenu par le tribunal de commerce dans le jugement de première instance à hauteur de 58 295,82 euros.

Elle sollicite, au contraire, que soit retenu un solde limité à la somme de 44 479,23 euros reconnu par l'entreprise principale, la SARL AMPLITUDES BTP.

Sur ce point, la SAS STRP affirme que le solde du marché lui restant dû est d'un montant de 74 794,80 euros TTC correspondant, selon elle, au décompte général définitif (DGD) adressé à la SARL AMPLITUDES BTP le 5 mars 2015, tenant compte des travaux non-réalisés et déduits. Elle conteste, en revanche, le DGD établi le 31 mars 2015 par la SARL AMPLITUDES BTP, à hauteur de 44 479,23 euros. Elle souligne que sa créance a été déclarée à la procédure collective de la SARL AMPLITUDES BTP sans contestation, et que le mandataire liquidateur de la SARL AMPLITUDES BTP, appelé à la cause en première instance, ne s'est pas constitué, n'a pas conclu et donc ne s'est pas opposé aux demandes faites par elle.

La banque BTP, quant à elle, sollicite que toute demande en paiement de la SAS STRP soit écartée faute pour elle de rapporter la preuve du montant de sa créance. Elle précise, à ce titre, que la déclaration de sa créance sans observation du mandataire liquidateur ne vaut pas acquiescement, seule une lettre d'admission sans contestation ou une décision d'un juge commissaire ayant la valeur d'approbation d'une créance dans le cadre d'une procédure collective.

Réponse de la cour :

L'article 1134 du code civil énonce que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En application de l'article 1315 du code civil, il appartient à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l'espèce, il convient d'étudier les éléments de preuve produits par chaque partie pour déterminer le montant des sommes dues, celui versé, et d'en déduire le solde éventuellement restant dû à la SAS STRP.

Le montant total du marché sous-traité est établi à hauteur de 186 000 euros HT (après remise) ainsi que cela ressort du devis établi par la SAS STRP le 25 septembre 2013, montant repris dans la demande d'acceptation d'un sous-traitant établie par la SARL AMPLITUDES BTP à destination de la SARL SPIRIT IMMOBILIER.

S'agissant des modalités de règlement, le contrat de sous-traitance précise en son article 6-2 que le paiement du sous-traitant se fera par l'entreprise générale, c'est-à-dire la SARL AMPLITUDES BTP, dans le délai de 45 jours sur état de situation mensuelle comprenant les ouvrages exécutés sur la période considérée et adressé au plus tard le 25 de chaque mois. Sur chaque situation, il est appliqué une retenue de garantie de 5%, restituable en fin de chantier si le sous-traitant n'a fait l'objet d'aucune pénalité au titre du marché confié.

Le contrat de sous-traitance comporte, en outre, un article 3 relatif aux « Délais » précisant que le début des travaux sous-traités est fixé au 30 mai 2014, pour une durée de 4 mois, délai ne pouvant être prolongé que pour cas de force majeure ou d'intempéries. Le même article indique que la pénalité sera, en cas de retard, de 6% du prix du marché TTC/jour de retard.

Il convient de noter que la SARL SPIRIT IMMOBILIER ne produit aucune pièce comptable permettant de vérifier les paiements effectués par elle, mais qu'elle ne conteste pas que le lot sous-traité à la SAS STRP n'a pas été intégralement réglé.

Elle produit, en revanche, le cahier des clauses administratives générales applicables dont l'article 16-4 est relatif au décompte général définitif. Ce dernier indique :

Dans un délai d'un mois, à dater de la réception des travaux ('), l'entrepreneur doit établir et remettre au maître d''uvre le décompte définitif des sommes qu'il estime lui être dues en application de son marché.

La maîtrise d''uvre vérifie le décompte, établit le détail définitif et les transmet au maître d'ouvrage dans un délai de quinze jours.

Le maître d'ouvrage notifie le décompte définitif vérifié à l'entrepreneur dans un délai d'un mois.

L'entrepreneur dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signification pour présenter ses observations par écrit. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif.

Le maître d'ouvrage dispose d'un délai de quinze jours pour faire savoir, par écrit, s'il accepte ou non ces observations. Passé ce délai, il est réputé avoir définitivement rejeté les observations.

Si le décompte n'a pas été remis au maître d''uvre dans les conditions prévues, le maître d'ouvrage peut le faire établir par la maîtrise d''uvre, aux frais de l'entrepreneur, après une mise en demeure demeurée infructueuse dans un délai ne pouvant être inférieur à 10 jours.

A défaut pour l'entreprise d'avoir fourni, dans le délai prescrit, le décompte définitif, il sera établi à partir des seuls éléments en possession du maître d''uvre dans un délai de cent vingt jours. Dans ce cas, l'entrepreneur ne pourra élever aucune contestation.

La SAS STRP produit, pour sa part, les pièces suivantes :

Projet de décompte général définitif établi par elle-même le 5 mars 2015 à hauteur de 74 794,80 euros TTC (avant réception) et ne retenant aucune pénalité de retard.

Projet de décompte général définitif établi par la SARL AMPLITUDES BTP, le 30 mars 2015, et remis à la SAS STRP à l'issue de la réunion de réception du 13 avril 2015 concernant ses seuls travaux, projet établi à hauteur de 44 479,23 euros TTC incluant les retenues suivantes :

Pénalités de retard plafonnées à 5% : 9 300 euros

(Compte) Prorata - 2,8% : 2 972,76 euros

Nettoyage et enlèvement de matériaux : 2 750 euros

(Compte) Inter-entreprises : 15 950 euros

La réception des travaux est intervenue le 30 mars 2015, le décompte général définitif a été établi le jour même. Il n'est ni allégué, ni établi que ce décompte ait fait l'objet de modifications par le maître d''uvre ou de contestations par le maître d'ouvrage. Dans ces conditions, il est réputé être devenu définitif et intangible, et peut, à ce titre, être opposé au sous-traitant. Le solde du marché sera donc retenu à hauteur de 44 479,23 euros TTC. Le jugement sera infirmé en ce qu'il a avait retenu un montant supérieur.

II. Sur la demande en paiement du solde du marché et l'incidence du contrat de sous-traitance :

La SAS STRP fait valoir que le contrat de sous-traitance a été passé sans caution bancaire et sans délégation de paiement, en violation de l'article 13-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975. En conséquence, la cession de créance dont a bénéficié la banque BTP lui est, selon elle, inopposable, et elle peut, de ce fait, se faire restituer par le banquier.

La banque BTP, pour sa part, estime que la SAS STRP ne peut former de demande en paiement à son encontre dès lors qu'elle bénéficiait d'une action directe contre le maître d'ouvrage qu'elle a négligé d'exercer.

La SARL SPIRIT IMMOBILIER, enfin, fait valoir la même analyse que la SAS STRP aux fins de restitution par la banque.

Réponse de la cour :

Aux termes de l'article 12 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975, le sous-traitant dispose d'une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance. Copie de cette mise en demeure est adressée au maître de l'ouvrage.

Toute renonciation à l'action directe est réputée non écrite.

Cette action directe subsiste même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens, de règlement judiciaire ou de suspension provisoire des poursuites.

Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1799-1 du code civil sont applicables au sous-traitant qui remplit les conditions édictées au présent article.

En application de l'article 13-1 de la même loi, l'entrepreneur principal ne peut céder ou nantir les créances résultant du marché ou du contrat passé avec le maître de l'ouvrage qu'à concurrence des sommes qui lui sont dues au titre des travaux qu'il effectue personnellement.

Il peut, toutefois, céder ou nantir l'intégralité de ces créances sous réserve d'obtenir, préalablement et par écrit, le cautionnement personnel et solidaire visé à l'article 14 de la présente loi, vis-à-vis des sous-traitants.

La sanction du non-respect de l'article 13-1 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 n'est pas la nullité de la cession de créance mais son inopposabilité au sous-traitant.

En l'espèce, il n'est pas contesté qu'un contrat de sous-traitance a été conclu entre la SARL AMPLITUDES BTP et la SAS STRP le 18 décembre 2013. Il est également constant que la SAS STRP a fait l'objet d'un agrément par la SARL SPIRIT IMMOBILIER le 27 décembre 2013, et que la SARL AMPLITUDES BTP n'a jamais fourni la caution attendue.

Dans ces conditions, la cession de créance opérée est inopposable à la SAS STRP comme étant prise en violation de l'article 13-1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, et cette dernière peut l'invoquer y compris après paiement par le maître d'ouvrage, lui permettant alors de solliciter la restitution auprès du banquier bénéficiaire de la cession de créance.

Dans ces conditions, c'est à juste titre que le jugement a condamné au paiement la banque BTP, il sera confirmé sur ce point.

III. Sur la garantie de la banque BTP par la SARL SPIRIT IMMOBILIER

La banque BTP sollicite que la SARL SPIRIT IMMOBILIER soit condamnée à la relever indemne de toute condamnation prononcée contre elle au bénéfice de la SAS STRP dès lors que c'est par sa faute que celle-ci a fait l'objet d'un contrat de sous-traitance accepté malgré l'absence de caution.

La SARL SPIRIT IMMOBILIER, pour sa part affirme avoir fait le nécessaire pour obtenir la caution bancaire due par la SARL AMPLITUDES BTP au profit de la SAS STRP en sollicitant, en vain, celle-ci à plusieurs reprises.

Réponse de la cour :

En application de l'article 1382 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un préjudice, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, la sous-traitance a été présentée à la SARL SPIRIT IMMOBILIER le 24 décembre 2013 et acceptée dès le 27 décembre 2013 alors même que la SARL AMPLITUDES BTP ne fournissait pas de caution bancaire comme l'exige la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975. En agissant ainsi, et en poursuivant le chantier sans jamais obtenir la caution, la SARL SPIRIT IMMOBILIER a fait preuve de négligence fautive, négligence qui va conduire à la perte pour la banque BTP de sa créance puisqu'elle est condamnée à payer le sous-traitant.

En conséquence, le jugement de première instance ayant condamné la SARL SPIRIT IMMOBILIER à relever indemne de toute condamnation la banque BTP sera confirmé.

IV. Sur les autres demandes

Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le cadre de l'instance d'appel, la banque BTP sera condamnée à verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la SAS STRP, ainsi qu'aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné LA BANQUE BTP au règlement du solde des travaux réalisés par la SAS STRP,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la SARL SPIRIT IMMOBILIER à relever indemne la banque BTP de toute condamnation prononcée à sa charge,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la banque BTP au versement de la somme de 3 500 euros à la SAS STRP sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Y ajoutant,

CONDAMNE la banque BTP à verser à la SAS STRP la somme de 44 479,23 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la première mise en demeure en date du 20 mars 2015 ;

CONDAMNE la banque BTP à payer à la SAS STRP la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL SPIRIT IMMOBILIER à relever indemne la banque BTP de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la banque BTP aux entiers dépens d'appel avec distraction au profit de Maître Marie-Catherine VIGNES, avocat au barreau de Paris, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

La greffière, La Présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 18/27808
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;18.27808 ?
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