RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 13
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 09 Janvier 2023
(n° , pages)
N°de répertoire général : N° RG 20/09252 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCA6N
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Sophie VALAY-BRIERE, Première Présidente de chambre, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assistée de Justine FOURNIER, greffière lors des débats et de Florence GREGORI, greffière lors de la mise à disposition avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 07 Juillet 2020 par:
M. [W] [Z]
demeurant [Adresse 1] ;
Comparant
Assisté par Me Ivan ROMERO - avocat au barreau de Paris (E2251) - présent
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'Agent Judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 05 Décembre 2022 ;
Entendus Me Ivan ROMERO représentant M. [W] [Z], Me Sandrine BOURDAIS, substitué par Me DUGUES Célia avocat représentant l'Agent Judiciaire de l'Etat, ainsi que Monsieur Madame Anne BOUCHET, Substitut Général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R.26 à R40-7 du Code de Procédure Pénale ;
* * *
M. [W] [Z], de nationalité française, mis en examen du chef de complicité de tentative d'assassinat, a été placé en détention provisoire à la maison d'arrêt de [Localité 3] puis à la maison d'arrêt de [Localité 2] du 1er décembre 2016 au 19 septembre 2017, date à laquelle il a été placé sous contrôle judiciaire par le magistrat instructeur.
Par jugement du 7 octobre 2019, le tribunal correctionnel l'a relaxé des fins de la poursuite.
Cette décision est définitive selon certificat de non appel en date du 9 mars 2022.
Le 1er avril 2020, M. [Z] a adressé une requête au premier président de la cour d'appel de Paris en vue d'être indemnisé de sa détention provisoire, en application de l'article 149 du code de procédure pénale.
Il sollicite dans sa requête, développée oralement, les sommes suivantes :
- 20 000 euros au titre de son préjudice moral,
- 2 000 euros au titre de son préjudice matériel.
Dans ses dernières écritures déposées le 23 février 2022 et soutenues à l'audience, l'agent judiciaire de l'Etat demande au premier président de la cour d'appel de fixer la durée de la détention provisoire indemnisable à huit mois et dix-neuf jours, M. [Z] ayant été détenu pour autre cause durant un mois, de ramener l'indemnité qui sera allouée à M. [Z] en réparation de son préjudice matériel à de plus justes proportions et celle allouée en réparation de son préjudice moral à la somme de 15 000 euros.
Le procureur général, reprenant oralement à l'audience les termes de ses conclusions notifiées le 23 août 2022, conclut à la recevabilité de la requête pour une détention d'une durée de huit mois et vingt-trois jours et à la réparation du préjudice moral tenant compte de son jeune âge, d'une absence d'incarcération antérieure et de la surpopulation.
Le requérant a eu la parole en dernier.
SUR CE,
Sur la recevabilité
Au regard des dispositions des articles 149, 149-1, 149-2 et R.26 du code de procédure pénale, la personne qui a fait l'objet d'une détention provisoire au cours d'une procédure terminée à son égard par une décision de non-lieu, relaxe ou acquittement devenue définitive, a droit, à sa demande, à la réparation intégrale du préjudice moral et matériel que lui a causé cette détention. Il lui appartient dans les six mois de cette décision, de saisir le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle celle-ci a été prononcée, par une requête, signée de sa main ou d'un mandataire, remise contre récépissé ou par lettre recommandée avec accusé de réception au greffe de la cour d'appel.
Cette requête doit contenir l'exposé des faits, le montant de la réparation demandée et toutes indications utiles prévues à l'article R.26 du même code.
M. [Z] a présenté sa requête aux fins d'indemnisation le 1er avril 2020, dans le délai de six mois suivant le jour où la décision de relaxe est devenue définitive comme en atteste le certificat de non appel produit ; cette requête est signée par son avocat et la décision de relaxe n'est pas fondée sur un des cas d'exclusion visé à l'article 149 du code de procédure pénale.
La demande de M. [Z] est donc recevable au titre d'une détention provisoire indemnisable du 1er décembre 2016 au 19 septembre 2017. Toutefois celui-ci ayant été détenu pour une autre cause du 14 juin 2017 au 7 juillet 2017, la période indemnisable est de huit mois et vingt-trois jours soit du 1er décembre 2016 au 13 juin 2017 puis du 8 juillet 2017 au 19 septembre 2017.
Sur l'indemnisation
- Le préjudice moral
A la date de son incarcération, M. [Z], qui était âgé de 18 ans, vivait chez ses parents. Il était célibataire et sans enfant.
Il a subi un choc carcéral certain qui n'a pas été amoindri par une précédente incarcération. Il s'est au contraire trouvé aggravé par la séparation familiale subie et par des conditions d'incarcération difficiles à la maison d'arrêt de [Localité 3], dont la surpopulation et les mauvaises conditions d'hygiène corrélatives, impactant nécessairement le quotidien de chaque détenu, sont problématiques au regard de l'obligation de respect des droits fondamentaux et de la dignité des personnes incarcérées dans l'établissement, ainsi qu'il ressort du rapport du contrôleur général des lieux de privation de libertés de mars 2017 faisant suite à une visite effectuée en septembre 2016, soit concomitamment à la détention subie par M. [Z].
En revanche, il ne saurait être tenu compte des violences qu'il décrit en l'absence d'éléments probants quant à l'origine de celles-ci.
Une somme de 18 000 euros lui sera par conséquent allouée en réparation de son préjudice moral.
- Le préjudice matériel
Le requérant justifie qu'il était scolarisé en terminale professionnelle lors de son incarcération. La détention subie du 13 décembre 2016 au 13 juin 2017 l'a privé de la chance de se présenter et donc de réussir l'examen de son baccalauréat professionnel.
Au regard des bulletins de notes produits qui font état d'une moyenne de 6,05 au troisième trimestre de l'année scolaire 2015-2016 et de 10,67 pour le premier trimestre de l'année 2016-2017, il sera fait droit à la demande formée à hauteur de 2 000 euros à ce titre.
PAR CES MOTIFS,
Déclarons la requête de M. [Z] recevable,
Lui allouons les sommes suivantes :
- 18 000 euros en réparation de son préjudice moral,
- 2 000 euros en réparation de son préjudice matériel,
Laissons la charge des dépens à l'Etat.
Décision rendue le 09 Janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE MAGISTRAT DÉLÉGUÉ