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06/01/2023 | FRANCE | N°18/13238

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 13, 06 janvier 2023, 18/13238


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13



ARRÊT DU 06 janvier 2023



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13238 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ZND



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/04968



APPELANTE

L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE venant aux droits de L'ÉTABLISSEMENT

PUBLIC FONCIER DES HAUTS-DE-SEINE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me My-kim YANG PAYA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0498 substitué par Me Benoît ROSE...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 06 janvier 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/13238 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6ZND

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 25 Octobre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 17/04968

APPELANTE

L'ETABLISSEMENT PUBLIC FONCIER D'ILE-DE-FRANCE venant aux droits de L'ÉTABLISSEMENT PUBLIC FONCIER DES HAUTS-DE-SEINE

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me My-kim YANG PAYA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0498 substitué par Me Benoît ROSEIRO, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

URSSAF PROVENCE-ALPES-CÔTE D'AZUR venant aux droits de LA CAISSE NATIONALE DELEGUEE POUR LA SECURITE SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDEPENDANTS

Sise [Adresse 6]

[Localité 1]

représentée par Me Lionel ASSOUS-LEGRAND, avocat au barreau de PARIS, toque : G0759

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre

Monsieur Raoul CARBONARO, Président de chambre

Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller

Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 21 octobre 2022, prorogé le vendredi 18 novembre 2022, puis au vendredi 09 décembre 2022, et au vendredi 06 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par l'établissement public à caractère industriel et commercial Établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF), venant aux droits de l'établissement public foncier des Hauts-de-Seine, ci-après l'Épic, d'un jugement rendu le 25 octobre 2018, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à l'Urssaf Provence-Alpes-Côtes d'Azur venant aux droits de la Caisse nationale du RSI, ci-après l'Urssaf.

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

L'Épic, venant aux droits de l'établissement public foncier des Hauts-de-Seine créé par décret du 13 septembre 2006, a pour objet la mise en place de stratégies foncières afin de mobiliser du foncier et favoriser le développement durable et la lutte contre l'étalement urbain.

Par mises en demeure des 28 juin 2016 et 21 juin 2017, l'Urssaf a réclamé paiement à l'Épic des sommes respectives de 359'058'euros et 217'190'euros au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés ([4]) au titre de ses activités concurrentielles.

Le 2 novembre 2017, l'Urssaf a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris d'une demande en paiement des sommes objet des deux mises en demeure.

Par jugement du 25 octobre 2018, le tribunal a':

-'Validé les mises en demeure des 28 juin 2016 et 21 juin 2017';

-'Condamné l'Épic à verser à l'Urssaf la somme de 359'058'euros au titre de la [4] 2016 et celle de 217'190'euros au titre de la [4] 2017 sans préjudice des majorations ayant couru';

-'Condamné l'Épic à verser à l'Urssaf la somme de 1'500'euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

-'Ordonné l'exécution provisoire.

Pour statuer ainsi, le tribunal a retenu que l'activité de l'Épic doit être qualifiée de concurrentielle dès lors qu'il peut rivaliser avec d'autres entreprises et opérateurs privés pouvant réaliser les mêmes opérations, qu'il peut acheter des terrains et des bâtiments, les réhabiliter et les aménager, les revendre, qu'il contribue à développer l'offre de logements neufs, notamment dans les secteurs où le rythme de construction ne suffit pas à répondre à la demande en région parisienne, où l'insuffisance d'offre de foncier est flagrante. Le tribunal a également retenu que l'acquisition de terrains, au besoin en utilisant des prérogatives de puissance publique (préemption-expropriation), se fait au détriment d'autres intervenants sur le marché immobilier qui peuvent réaliser les mêmes opérations, ce qui caractérise une activité concurrentielle et que l'absence de caractère lucratif de cette activité et la poursuite d'un objectif d'intérêt public était sans emport.

L'Épic a interjeté appel le 20 novembre 2018 de ce jugement qui lui avait été notifié le 30 octobre 2018.

Par ses conclusions oralement développées à l'audience par son conseil et adressées à la cour le 12 septembre par voie postale après y avoir été autorisé et sans opposition de l'Urssaf, l'Épic demande à la cour de':

-'Infirmer le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale en date du 25 octobre 2018';

-'Constater qu'il n'exerce pas d'activité concurrentielle';

-'Rappeler que la charge de la preuve de l'assujettissement à la [4] pèse sur l'organisme de sécurité sociale qui en sollicite le versement';

En conséquence,

-'Dire et juger en application des articles L.'651-1 et L.'245-13 du code de la sécurité sociale qu'il n'est pas soumis à la contribution sociale de solidarité des sociétés au titre des années 2016 et 2017';

En tout état de cause,

-'Condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 5'000'euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.

L'Épic fait valoir pour l'essentiel que':

-'La [4] est à la charge des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle';

-'En retenant une notion d'activité concurrentielle au regard du code général des impôts en matière de TVA, l'Urssaf commet une erreur d'interprétation en ce que la [4] est applicable aux personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle et non aux personnes morales de droit public soumises à la TVA';

-'Sans aucun fondement textuel, l'Urssaf assimile donc complètement et de manière erronée activité concurrentielle et activité soumise à la TVA, alors que la réforme de l'article L.'651-1 du code de la sécurité sociale a retenu comme critère l'activité concurrentielle et non plus l'activité soumise à la TVA, afin de «'redonner toute sa portée à la volonté du législateur, en rendant imposable à la [4] les entreprises et organismes publics, uniquement pour leur activité concurrentielle'»';

-'Le paiement de la TVA par l'Épic n'est pas une preuve dirimante d'une activité concurrentielle';

-'Ses missions concrètes, notamment comme régulateur du marché ou son fonctionnement financier, par exemple la non-facturation des frais de fonctionnement aux collectivités, sont autant de preuves de l'absence d'activités concurrentielles';

-'L'Urssaf elle-même l'admet dans ses écritures de première instance et partant reconnaît que le critère d'assujettissement à la [4] n'est pas le fait que l'activité soit soumise à la TVA';

-'L'Urssaf a choisi une lecture très simplificatrice du texte pour ne pas avoir à chercher le bon critère de distinction entre activité concurrentielle et non concurrentielle et c'est à tort que dans une lettre de mars 2008 elle a déclaré que les personnes morales de droit public doivent déclarer «'l'ensemble de leurs opérations concurrentielles entrant dans le champ d'application de la TVA, imposées ou exonérées'»';

-'Au cas d'espèce, l'Urssaf ne démontre pas en quoi son activité est concurrentielle, procède par affirmation sans démontrer la nature concurrentielle de son activité et se contente de constater l'existence d'un assujettissement à la TVA pour procéder au redressement, alors que la soumission à la TVA ne démontre pas en soi l'existence d'une activité concurrentielle, comme c'était le cas autrefois pour [5] dont l'activité était soumise à la TVA sans être pour autant dans le secteur concurrentiel';

-'Il n'y a pas automaticité d'assujettissement à la [4] dès lors que le prétendu assujetti se livre à des opérations entrant dans le champ d'application de la TVA';

-'Au cas d'espèce, en exerçant une activité ne relevant pas du domaine concurrentiel il ne tire aucun profit de son activité et ne pourra pas de ce fait être assujetti à la [4]';

-'L'Urssaf raisonne par extrapolation en déduisant l'exercice d'une activité concurrentielle du seul assujettissement à la TVA alors que cet assujettissement procède de l'exercice d'une activité économique non nécessairement concurrentielle';

-'L'Urssaf ne peut pas valablement soutenir que ses activités sont «'nécessairement'» concurrentielles alors qu'il ressort clairement de la jurisprudence qu'il doit être démontré que les Épics exercent de telles activités';

-'La concurrence correspond à la situation dans laquelle se trouve une personne ou une entreprise par rapport à une ou plusieurs autres lorsque, tout en faisant des profits, elle peut rivaliser avec elle en offrant un service ou un produit au moins équivalent pour un prix au moins égal comme l'a rappelé la cour d'appel de Paris le 7 novembre 2013';

-'Est concurrentiel ce qui est soumis à la concurrence, résulte du jeu de la concurrence et est soumis à l'initiative concurrente ;

-'Au cas d'espèce, il doit donc être démontré que': 1/ il fait des profits'; 2/ se trouve dans une situation où il peut rivaliser avec d'autres personnes ou entreprises'; 3/ offre un produit ou un service au moins équivalent pour un prix au moins égal';

-'Au regard de la définition de la notion d'activité concurrentielle la cour ne peut être qu'interpellée par l'arrêt rendu le 29 novembre 2018 par la Cour de cassation';

-'En réalité il convient de souligner que dans cette affaire similaire, la Cour de cassation n'a pu examiner que ce qui avait été débattu devant la cour d'appel et n'avait donc pas tous les éléments permettant d'identifier l'absence d'activité concurrentielle du concluant';

-'Au cas présent, le concluant a pris soin de préciser et de démontrer que son activité ne peut être en aucun cas qualifiée de concurrentielle';

-'Il exerce une mission d'intérêt général en ce qu'il joue un rôle de régulateur d'un marché déprimé ou de secteurs de marché en situation d'obsolescence et son activité permet de remettre sur les marchés des fonciers recyclés, preuve de l'absence d'activité concurrentielle';

-'Sa mission consiste à faire pour le compte de l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, les études nécessaires pour préparer les opérations immobilières, activité qui n'est pas en soi génératrice de chiffre d'affaires, et intervient en amont, avant l'opération d'aménagement';

-'Son rôle s'apparente à une délégation de service public et ne peut se placer dans le champ concurrentiel puisque de fait il n'est pas dans la même situation que les acteurs de droit privé et ne poursuit pas le même objectif';

-'Il intervient également à la demande des collectivités locales après avoir signé une convention d'intervention foncière avec la commune et en cas de besoin avec l'intercommunalité, autre preuve de l'absence d'activité concurrentielle';

-'Il acquiert les terrains à la demande et pour le compte des communes, de l'intercommunalité ou de l'État et des établissements publics d'aménagement qui sont seuls responsables de la définition du projet et qui choisiront l'aménageur ou opérateur qui réalisera les travaux d'aménagement et de construction';

-'Il est doté des outils d'urbanisme que peut lui déléguer la commune comme les droits de préemption et d'expropriation';

-'Toute acquisition est donc soumise à l'avis des domaines, les biens étant achetés avec de l'argent public';

-'Il a donc pour objet de faciliter et de préparer, pour le compte de l'État, ou des collectivités territoriales, l'aménagement en menant des opérations immobilières et foncières qui ne s'inscrivent pas dans le domaine concurrentiel';

-'Hors champ concurrentiel, il bénéficie de prérogatives de puissances publiques (droits de préemption et d'expropriation) et exerce une mission sociale';

-'Il n'est pas placé dans la même situation que les acteurs privés et bénéficie de pouvoirs exorbitants le plaçant au-dessus des autres acteurs du marché et il n'est pas raisonnable de soutenir qu'il est en concurrence avec des personnes morales qui ne sont pas placées dans la même situation et qui n'ont pas les mêmes pouvoirs que lui';

-'Il est financé par la taxe spéciale d'équipement (TSE) par application du code général des impôts, autre preuve de l'absence d'activité concurrentielle';

-'La TSE est due par toute personne physique ou morale assujettie aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d'habitation ou à la cotisation foncière des entreprises dans les communes situées dans un ressort géographique donné';

-'Cet impôt spécifique est destiné à faciliter la mission que lui donne son statut et ne peut bénéficier à une personne morale entrant dans le champ d'une activité concurrentielle';

-'Dans le cadre de sa mission il ne réalise ni bénéfice ni perte'; il n'a pas vocation à tirer de plus-value de ses activités mais doit concourir à stabiliser les prix fonciers dans son périmètre d'intervention'; il n'a pas non plus vocation à subventionner les opérations déficitaires'; les subventions liées au foncier qu'il est susceptible de percevoir directement sont répercutées intégralement sur le prix de revente';

-'La règle générale est donc la revente des biens acquis, aux collectivités ou opérateurs qu'elle désigne, au prix de revient des opérations, sans aucune facturation des frais de fonctionnement, les éléments constitutifs du prix de revient sont classiquement les suivants': Frais d'acquisition foncière majorée des frais annexes'; Dépenses techniques de remise en état des sols'; Dépenses externes d'études pré opérationnelles ou référentiel foncier'; Dépenses de gestion supportées par lui-même diminuées des recettes éventuelles de gestion encaissées pendant la durée du portage'; Frais financiers correspondant à des emprunts spécifiques éventuels adossés au projet'; Dépenses internes d'études et de conduite d'opération';

-'Au cas d'espèce, il s'agit pour l'Urssaf de démontrer qu'il existe une obligation pesant sur l'établissement public et qu'il est redevable de la [4]';

-'Mais l'Urssaf tente audacieusement d'inverser la charge de la preuve de l'assujettissement à la [4] en prétendant qu'il revient à l'établissement public de démontrer qu'il n'a exercé aucune activité concurrentielle en 2016 et 2017';

-'La jurisprudence utilisée par l'Urssaf ne s'applique pas à l'espèce puisqu'elle ne fait pas référence à l'assujettissement à la [4] et qu'il s'agissait de démontrer la possibilité de bénéficier d'un allégement de charges sociales';

-'Ici, il ne s'agit pas d'une demande d'allégement de cotisations puisque de fait il n'est pas soumis à une telle cotisation et ce n'est que s'il avait sollicité le bénéfice d'un allègement de son obligation qu'il lui aurait incombé de rapporter la preuve qu'il réunissait les conditions lui permettant de l'obtenir.

Par ses conclusions écrites déposées à l'audience par son conseil qui les a oralement développées, l'Urssaf demande à la cour de':

-'Dire et juger mal fondé l'appel de l'Épic';

En conséquence,

-'Confirmer le jugement rendu le 25 octobre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris en toutes ses dispositions';

-'Condamner l'Épic à lui verser la somme de 5'000'euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

En réplique, l'Urssaf fait valoir en substance que':

-'L'assiette de la [4] est constituée par le chiffre d'affaires entrant dans le champ d'application des taxes sur le chiffre d'affaires, c'est-à-dire par l'addition des sommes déclarées en vue de la liquidation et du reversement de la TVA au trésor public qu'elles soient imposables ou exonérées';

-'Les établissements publics sont assujettis à' la [4] en application de l'article L.'651-1, 4°, du code de la sécurité sociale et, depuis le 1er janvier 2008, dans les limites de leur activité concurrentielle';

-'Par lettre circulaire de mars 2008, les personnes morales de droit public ont été avisées qu'en application de la nouvelle loi elles devaient dorénavant déclarer au titre des contributions exigibles l'ensemble de leurs opérations concurrentielles entrant dans le champ d'application de la TVA, imposées ou exonérées';

-'En dépit de l'arrêt rendu par la Cour de cassation à son encontre le 29 novembre 2018 au titre de la [4] 2011, l'Épic a unilatéralement considéré qu'il n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L.'651-1, 4°, du code de la sécurité sociale et s'est abstenu de procéder à ses déclarations de chiffre d'affaires auprès de l'organisme au titre de la [4]';

-'L'Épic a donc fait l'objet d'une procédure de redressement et a reçu deux mises en demeure';

-'À défaut de tout règlement des sommes dues, un recours a été introduit devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris aux fins de validation des mises en demeure et de condamnation au paiement des sommes en cause';

-'Il est constant que l'Épic est assujetti à la [4] et doit s'acquitter des sommes réclamées par voie de mise en demeure dès lors que': ses activités sont concurrentielles du fait de leur assujettissement à la TVA (pour l'ensemble de ses activités qui sont toutes déclarées en lignes 1 et 5 des imprimés CA3 -TVA-), peu important l'exercice d'une mission d'intérêt général ou l'absence de profit réalisé'; ses activités sont concurrentielles par leur nature (opérations de portage et d'expertise foncière), peu important qu'elles soient déficitaires ou non'; il est défaillant dans l'administration de la preuve contraire, étant rappelé que les dispositions de l'alinéa 5 de l'article L.'651-5 du code de la sécurité sociale qui constituent une dérogation à l'assiette de droit commun de la [4] doivent être appliquées strictement.

Pour un exposé complet des moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

SUR CE':

Antérieurement à la loi n°2007-1786 du 19 décembre 2007, l'article L.'651-1 du code de la sécurité sociale soumettait notamment à la [4] les personnes morales de droit public, dans la mesure où elles étaient assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 256 B du code général des impôts.

L'article 256 B dispose que les personnes morales de droit public ne sont pas assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée pour l'activité de leurs services administratifs, sociaux, éducatifs, culturels et sportifs lorsque leur non-assujettissement n'entraîne pas de distorsions dans les conditions de la concurrence.

Modifié par la loi n°2007-1786 du 19 décembre 2007, l'article L.'651-1, 4°, du code de la sécurité sociale dispose désormais que sont soumis à la [4] les personnes morales de droit public «'dans les limites de leur activité concurrentielle'».

Ainsi, selon l'article L.'651-1, 4° du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction modifiée par la loi n°2007-1786 du 19 décembre 2007, applicable à la date d'exigibilité des contributions litigieuses, la contribution sociale de solidarité des sociétés est à la charge, notamment, des personnes morales de droit public dans les limites de leur activité concurrentielle.

Le décret n°2006-1140 du 13 septembre 2006 portant création de l'Épic en cause, dans sa version applicable au litige (pièce n°13 de l'Urssaf), dispose notamment en':

-'son article 1':

«'À compter du 1er janvier 2016, l'établissement public foncier de l'État dénommé Établissement public foncier d'Île-de-France est compétent sur l'ensemble du territoire de la région d'Île-de-France.'»

-'son article 2':

«'Conformément aux dispositions de l'article L.'321-1 du code de l'urbanisme, l'établissement est habilité à procéder à toutes acquisitions foncières et opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement. Il peut aussi effectuer les études et travaux nécessaires à leur accomplissement et, le cas échéant, participer à leur financement.

«'Ces missions peuvent être réalisées par l'établissement public foncier soit pour son compte ou celui de l'État et de ses établissements publics, soit pour le compte des collectivités territoriales et de leurs groupements, ou de leurs établissements publics en application de conventions passées avec eux. Pour les opérations réalisées pour le compte des collectivités territoriales, de leurs groupements, ou de leurs établissements publics, ces conventions prévoient obligatoirement la garantie de rachat des biens acquis par l'établissement public foncier et, le cas échéant, la garantie de l'emprunt souscrit.

«'Lorsqu'il intervient au titre de la préservation des espaces naturels et agricoles, l'établissement public foncier coopère avec la société d'aménagement foncier et d'établissement rural d'Île-de-France et les autres organismes chargés de la préservation de ces espaces, dans le cadre de conventions.'»

-'en son article 3':

«'Les activités de l'établissement s'exercent dans le cadre d'un programme pluriannuel d'intervention prévu aux articles L.'321-5 et suivants du code de l'urbanisme, élaboré, approuvé et mis en 'uvre conformément aux dispositions des articles R.*'321-13, R.*'321-15 et R.*'321-16 du même code.'»

-'en son article 4':

«'Pour la réalisation des missions définies à l'article 2, l'établissement peut recourir aux procédures mentionnées à l'article L.'321-4 du code de l'urbanisme, qu'il s'agisse du recours à l'expropriation ou de l'exercice des droits de préemption et de priorité. Il dispose également du droit de préemption prévu par le 9° de l'article L.'143-2 du code rural et de la pêche maritime.'»

-'en son article 16':

«'Les ressources de l'établissement comprennent':

«'1° Toute ressource fiscale spécifique autorisée par la loi';

«'2° Les dotations, subventions, avances, fonds de concours ou participations apportées par l'Union Européenne, l'État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les sociétés nationales ainsi que toutes personnes publiques ou privées intéressées';

«'3° Le produit des emprunts';

«'4° Les subventions obtenues au lieu et place des collectivités territoriales, établissements publics et sociétés intéressés en exécution des conventions passées avec ceux-ci';

«'5° Le produit de la vente des biens meubles et immeubles';

«'6° Les revenus nets de ses biens meubles et immeubles';

«'7° Les dons et legs';

«'8° Les rémunérations de prestations de service et les remboursements d'avances et de préfinancements divers consentis par l'établissement';

«'9° Toutes les ressources autorisées par les lois et règlements.'»

L'Extrait Kbis de l'Épic n'est pas versé aux débats. Seules les rémunérations de ses activités et la TSE sont invoquées par l'Épic au titre de ses ressources sans détail de ces dernières.

Le fait que les activités en litige entrent ou non dans le champ de la TVA est, contrairement à ce qu'avance l'Urssaf, inopérant pour qualifier celles-ci.

Cependant, constitue une activité concurrentielle toute activité économique consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné. Dès lors qu'un opérateur effectue des opérations financières, commerciales, immobilières et mobilières en vue de la réalisation de ses objectifs, il est susceptible d'offrir des biens ou des services sur le marché en concurrence avec d'autres opérateurs, et ce quels que soient la nature publique ou privée de l'opérateur, son mode de financement, l'absence de but lucratif, ainsi que sa finalité, éventuellement sociale ou culturelle, et ce même dans des domaines recouvrant l'immobilier et l'aménagement urbain.

Relève ainsi d'une activité concurrentielle, toute activité économique d'offre de biens ou de services susceptible d'avoir une conséquence anticoncurrentielle, potentielle ou réelle.

En l'espèce, les activités de l'Épic liées aux acquisitions foncières et opérations immobilières et foncières de nature à faciliter l'aménagement, aux études et travaux nécessaires à leur accomplissement et, le cas échéant, à leur financement, peu important que ce soit pour son compte ou celui de l'État et de ses établissements publics, soit pour le compte des collectivités territoriales et de leurs groupements, ou de leurs établissements publics en application de conventions passées avec eux, avec la garantie de rachat des biens acquis par l'Épic et, le cas échéant, la garantie de l'emprunt souscrit, interviennent de fait dans un cadre concurrentiel et rentrent, en raison de leur nature financière, commerciale et immobilière, en concurrence possible avec celles développées par de nombreux acteurs du marché immobilier qui réalisent notamment dans la région parisienne, des opérations similaires, l'absence de recherche d'un profit (qui découle des statuts de l'Épic) et la poursuite d'objectifs d'intérêt public et d'utilité sociale décrits à son décret de création n'étant pas en contradiction avec le caractère concurrentiel de son activité. Lesdites activités, nonobstant la circonstance que l'offre de biens et services est faite sans but lucratif, peuvent donc être exercées par d'autres opérateurs sur un marché concurrentiel.

L'absence de bénéfices ou de pertes alléguée de l'ensemble des activités visées par l'Épic, prises indistinctement, est insuffisante à établir le caractère non concurrentiel des activités présentées comme telles par l'intéressé. Par ailleurs, l'Épic qui pourtant s'en prévaut, ne justifie pas avoir développé des prérogatives de puissance publique dans l'exercice des activités en litige, ni par préemption ni par expropriation, étant observé que ces deux instruments sont précisément conçus pour faire obstacle à certains effets de la concurrence et agissent donc nécessairement en rivalité avec d'autres opérateurs économiques sur un marché normalement concurrentiel.

L'Épic qui se prévaut de l'absence de profit (ni bénéfices ni pertes) de ses activités n'offre pas d'établir en l'espèce par ses écritures et productions l'équilibre financier de ses activités, étant observé qu'un tel équilibre n'est pas de nature à établir que ce type d'activités économiques empêcherait ou dissuaderait d'autres acteurs économiques du marché immobilier de s'y livrer. L'absence de recherche du profit n'équivaut pas à l'absence de caractère concurrentiel d'une activité par ailleurs en équilibre financier.

L'Épic ne procède d'ailleurs à ses écritures et par ses pièces à aucune analyse précise et détaillée desdites activités à l'effet de faire ressortir celles qui seraient en lien avec sa mission de service public social sans attrait ni intérêt économique pour d'autres acteurs du marché de l'immobilier. Par exemple la non-facturation des frais de fonctionnement aux collectivités n'est pas une preuve de l'absence d'activités concurrentielles dès lors que l'Épic finance ses frais de fonctionnement par d'autres sources définies à son décret de création et que sans ces sources il serait nécessairement dans l'obligation de procéder autrement dès lors qu'il revendique l'équilibre financier par l'absence de déficit et de profit, étant seulement ajouté qu'en finançant par d'autres voies ses frais de fonctionnement, l'Épic contribue à diminuer les prix pour réguler, comme il le revendique, le marché immobilier et donc jouer sur la concurrence propre à ce marché en tirant les prix à la baisse.

Par ses activités de caractère immobilier lui procurant des produits et recettes sur un marché fortement concurrentiel par nature, l'Épic a donc une activité concurrentielle. S'il fait valoir avoir été créé en 2006 pour réaliser ou rendre réalisables des activités spécifiques qui ne pourraient pas être assumées par un ou des opérateurs privés, n'étant pas en rivalité avec eux par une offre de services ou produits au moins équivalents pour un prix au moins égal, il apparaît cependant que l'absence de profitabilité n'implique pas l'absence d'activité concurrentielle réelle ou potentielle. De même sa mission d'intérêt général de régulateur d'un marché déprimé ou de secteurs de marché en situation d'obsolescence et son activité de remise sur le marché des fonciers recyclés n'est pas une preuve de l'absence d'activité concurrentielle de l'Épic mais au contraire une activité s'insérant dans la concurrence avec d'autres acteurs économiques afin de modifier un jeu concurrentiel, de sorte que son activité est nécessairement concurrentielle pour ces acteurs économiques dont l'action est en conséquence modifiée par l'intervention de l'Épic.

L'Épic rivalise donc avec d'autres opérateurs privés qui peuvent ou pourraient réaliser des opérations de même nature, en offrant un service ou une prestation équivalents dès lors qu'il acquiert des terrains et des bâtiments en vue de leur réhabilitation ou de leur aménagement pour des opérations d'urbanisme menées par des collectivités locales, qu'il finance des études de faisabilité, qu'il procéde à des travaux d'aménagement, de démolition, de dépollution, de désamiantage, et qu'il revend les terrains et bâtiments aux collectivités ou aux opérateurs choisis par elles.

Dans le contexte du marché de la région parisienne qu'il soit déprimé ou en situation d'obsolescence et de l'activité de remise sur le marché de fonciers recyclés, il ne peut pas être considéré que les biens que l'Épic acquiert, au besoin par préemption ou expropriation comme il l'allègue, ne sont pas convoités par aucun autre acteur économique du marché de l'immobilier et que, sans son intervention, ils seraient restés à l'état de friche ou de terrains impropres à la construction.

L'intervention de l'Épic pour rendre réalisable dans des conditions économiquement raisonnables une opération d'aménagement en fait un intermédiaire ou un prestataire de services qu'il ne conteste pas facturer à la collectivité locale, peu importe que les frais de fonctionnement ne soient pas pris en compte. Si l'Épic est financé par la TSE, il l'est aussi selon son décret de création par la rémunération de ses prestations de services, par des produits financiers, par le produit de son patrimoine, par le produit de la vente ou rétrocession des biens et des droits mobiliers et immobiliers et peut recourir au marché financier.

L'activité concurrentielle de l'Épic recouvre donc toutes les activités lui procurant des produits et recettes, peu important qu'ils soient soumis ou non à la TVA, sa mission de service public et le caractère globalement non profitable de l'activité qu'elle invoque uniquement en réplique à l'Urssaf ne permettant pas de remettre utilement en cause ce constat.

Dans ces conditions, en présence d'une telle activité concurrentielle, c'est à juste titre que l'organisme social a adressé à l'Épic deux mises en demeure les 28 juin 2016 et 21 juin 2017 pour lui réclamer paiement des sommes respectives de 359'058'euros et 217'190'euros au titre de la contribution sociale de solidarité des société ([4]) au titre de ses activités concurrentielles, étant précisé que l'Épic ne discute pas dans ses écritures d'appel le montant des rectifications calculées par l'Urssaf, ni les mode et assiette de calcul retenus pour ce faire par l'organisme dans les conditions de l'article L.'651-5 du code de la sécurité sociale.

Le jugement sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

L'Épic sera condamné aux dépens d'appel.

En outre, l'Épic sera condamné à payer à l'Urssaf une somme de 1'500 euros au titre des frais irrépétibles et sa propre demande à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS':

LA COUR,

DECLARE l'appel recevable';

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions';

CONDAMNE l'établissement public à caractère industriel et commercial Établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF), venant aux droits de l'établissement public foncier des Hauts-de-Seine, à verser à l'Urssaf Provence-Alpes-Côtes d'Azur, Recouvrement [4], venant aux droits de la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, département [4], la somme de 1'500'euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

DÉBOUTE l'établissement public à caractère industriel et commercial Établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF), venant aux droits de l'établissement public foncier des Hauts-de-Seine, de ses demandes, y compris sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';

CONDAMNE l'établissement public à caractère industriel et commercial Établissement public foncier d'Île-de-France (EPFIF), venant aux droits de l'établissement public foncier des Hauts-de-Seine, aux dépens d'appel.

La greffière, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 13
Numéro d'arrêt : 18/13238
Date de la décision : 06/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-06;18.13238 ?
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