RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 13
ARRÊT DU 06 janvier 2023
(n° , 2 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/11275 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6QST
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Septembre 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 18/00420
APPELANTE
CPAM 67 - BAS RHIN ([Localité 12])
[Adresse 2]
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me Lucie DEVESA, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901
INTIMEE
SA [7]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentée par Me Thomas HUMBERT, avocat au barreau de PARIS, toque : L0305
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre
Madame Sophie BRINET, Présidente de chambre
Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller
Greffier : Madame Alice BLOYET, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le vendredi 09 décembre 2022, prorogé le vendredi 06 janvier 2023, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par Madame Laurence LE QUELLEC, Présidente de chambre et par Madame Alice BLOYET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) d'un jugement rendu le 11 septembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la SA [7] (la société).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que M. [W] [B] a été salarié au sein de la société de la société de [10] de 1950 à 1991 ; que cette société est devenue filiale d'[7] sous le dénomination [9] avant de faire l'objet d'une cession totale au profit de la société [7] ; que le 28 mars 2017, M. [B] a souscrit une déclaration de maladie professionnelle pour une "pleurésie exsudative" ; que le 25 septembre 2017, la caisse a pris en charge la maladie déclarée au titre du tableau n°30 des maladies professionnelles ; que M. [B] est décédé le 3 juillet 2017; que le 16 novembre 2017, la caisse a reconnu le caractère professionnel du décès ; qu'après vaine saine de la commission de recours amiable en inopposabilité de la décision de prise en charge de la pathologie, la société [7] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny du litige.
Par jugement en date du 11 septembre 2018, le tribunal a :
- dit l'action de la société recevable et bien fondée ;
- déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels de la maladie déclarée par M. [W] [B] le 17 mars 2017 ;
- déclaré inopposable à la société la décision de prise en charge, au titre de la législation sur les risques professionnels, du décès de M. [W] [B] le 3 juillet 2017 ;
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
- ordonné l'exécution provisoire de la décision.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que s'agissant de la décision de prise en charge de la maladie professionnelle du 17 mars 2017, la caisse ne démontre pas avoir adressé à la société [7] la lettre de clôture de l'instruction , la lettre de clôture en date du 5 septembre 2017 et la notification de prise en charge de la maladie professionnelle en date du 25 septembre 2017, ayant été adressées à la société de [10] ; que s'agissant de la décision de prise en charge du décès, la caisse ne démontre pas avoir adressé à la société [7] la lettre de clôture de l'instruction, la lettre de clôture en date du 27 octobre 2017 ayant été adressée à la société de [10].
La caisse a le 8 octobre 2018 interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la caisse demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :
- constater qu'elle a parfaitement respecté le principe du contradictoire à l'égard de la société [7], anciennement société de [10] ;
en conséquence,
- déclarer la décision de prise en charge, au titre du risque professionnel, de la maladie et du décès de M. [B] opposable à la société [7], anciennement société de [10].
La caisse fait valoir en substance que :
- l'envoi de la lettre de clôture permet de satisfaire aux exigences issues de l'article R.441-11 du code de la sécurité sociale ;
- l'employeur mentionné sur la déclaration de maladie professionnelle par M. [B], à savoir la société de [10], a été destinataire d'un courrier daté du 5 septembre 2017, l'informant de la fin de l'instruction du dossier et de la possibilité de venir consulter les pièces constitutives du dossier préalablement à la date de prise de décision ;
- il en a été de même lors de l'instruction du dossier décès de M. [B] ;
- la société [7], anciennement de [10] a eu connaissance de ces courriers, puisqu'elle s'est rapprochée de la caisse afin de venir consulter les pièces du dossier ;
- l'enquête administrative réalisée par un agent assermenté est intervenue au sein de la société [7] au [Adresse 4] (anciennement dénommée de [10]) ;
- il est donc établi que l'employeur de M. [B], la société de [10] ([9]) devenue [7] a bien été informée de la prise en charge de la maladie professionnelle de l'assuré ainsi que de son décès, après s'être déplacée pour venir consulter le dossier du salarié défunt ;
- la caisse a pleinement satisfait à l'obligation d'information mise à sa charge.
Par ses conclusions écrites soutenues oralement et déposées à l'audience par son conseil, la société demande à la cour, de :
- juger son recours recevable et fondé ;
- constater que la caisse n'a pas respecté les dispositions des articles R.441-11 et suivants du code de la sécurité sociale ;
- constater que le principe du contradictoire n'a donc pas été respecté par la caisse à l'égard de la société [7] ;
En conséquence,
- confirmer le jugement rendu ;
- juger que la prise en charge de la pathologie de M. [W] [B] du 25 septembre 2017 et la prise en charge de son décès le 16 novembre 2017, sont inopposables à la société [7] ;
- ordonner l'exécution provisoire.
La société [7] réplique en substance que :
- la caisse a opéré une confusion dans le cadre de son instruction, entre la société [7] et la société de [10], qui sont deux entités juridiquement distincte, la première étant propriétaire depuis le 1er avril 2004 de l'ancienne société de [10] située [Adresse 4], la seconde étant propriétaire de plusieurs entités et locaux dont ceux situés [Adresse 1] ;
- M. [W] [B] a été salarié au sein de la société de [10] reprise par la société [7], cependant, l'ensemble des courriers adressés par la caisse dans le cadre de l'instruction de la maladie professionnelle a été envoyé à la société de [10] et non pas à la société [7] ; à l'exception du courrier de prise en charge du décès du 16 novembre 2017, aucun courrier n'a été adressé à la société [7] ;
- la société [7] n'a jamais reçu ni le courrier de clôture du 5 septembre 2017, ni la décision de prise en charge du 25 septembre 2017, réceptionnés par la société de [10] ;
- postérieurement à la décision de prise en charge, la société [7] s'est rapprochée de la caisse et a constaté que l'ensemble des courriers avait été adressé à la société de [10] située [Adresse 1] ;
- l'accusé de réception d'un certificat médical faisant état du décès de M. [B] envoyé par la caisse à l'adresse située [Adresse 1] porte la mention " Merci de vérifier l'adresse destinataire. La personne concernée est inconnue dans nos services centre de formation de [Localité 11]" ; la caisse a toutefois adressé un courrier de consultation des pièces concernant le décès une fois encore à la société de [10] et non à la société [7] ; la société de [10] s'étant aperçue de l'erreur a transmis ce courrier à la société [7] ;
- ainsi la société [7] a pu consulter les pièces du dossier uniquement en rapport avec le décès ;
- le transfert du courrier ainsi que la consultation des pièces intervenue après la prise en charge de la pathologie du 25 septembre 2017 ne peuvent palier la carence de la caisse et venir régulariser à posteriori la procédure d'instruction relative à la pathologie ;
- aucune investigation n'ayant été valablement diligentée à l'égard de la société [7] et aucune enquête n'ayant été effectuée dans les locaux de l'entreprise, la caisse n'a pas respecté le principe du contradictoire à son égard ;
- l'obligation d'information est une formalité substantielle dont le non-respect doit être étudié au regard de la mise à disposition effective de l'entier dossier constitué par la caisse, et ce, avant la notification de sa décision ; en l'espèce, la caisse n'a pas respecté ses obligations.
Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe à l'audience du 18 octobre 2022 qu'elles ont respectivement soutenues oralement.
SUR CE :
L'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale, alinéa 3, dans sa version applicable au litige, dispose que : " Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13."
En l'espèce la caisse mentionne dans ses écritures que M. [W] [B] était salarié de 1950 à 1991 de de Dietrich Ferroviaire, [Adresse 4] devenue [9], devenue filiale d'[7] en date du 1er janvier 1999, avant de faire l'objet d'une cession totale le 1er avril 2004 au profit d'[7] , sis au [Adresse 4].
Force est de constater que le courrier de consultation du dossier avant décision sur maladie professionnelle en date du 5 septembre 2017, a été adressé à la société de [10] [Adresse 1] (pièce n° 3 de la caisse) et non à la société [7], sise au [Adresse 4] (anciennement de Dietrich Ferroviaire), employeur de M. [W] [B], entité juridique différente.
De même il convient de constater que le courrier de consultation du dossier avant décision sur le caractère professionnel du décès en date du 27 octobre 2017, a été adressé à De Dietrich Thermique [Adresse 1] (pièce n° 5 des productions de la caisse) et non à la société [7], sise au [Adresse 4].
Pourtant il résulte du courrier d'accusé de réception d'un certificat médical faisant état du décès daté du 23 octobre 2017 adressé par la caisse à de Dietrich Thermique [Adresse 1] que ladite société avait avisé la caisse de son erreur de destinataire en portant la mention "merci de vérifier l'adresse destinataire. La personne concerné est inconnue dans nos services Centre de Formation de [Localité 11]", ce qui aurait dû alerter la caisse.
La caisse ne saurait utilement se prévaloir de ce que la société [7] est venue consulter les pièces du dossier de M. [B] le 15 novembre 2017 (pièce n°6 des productions de la caisse), dès lors que cette consultation est postérieure à la prise en charge de la maladie professionnelle intervenue le 25 septembre 2017, laquelle de plus a été notifiée à la société de [10] et non à la société [7] (pièce n° 4 des productions de la caisse).
Il résulte par ailleurs de la "consultation des pièces d'un dossier de maladie professionnelle"
(pièce n° 6 de la caisse) que la société a pris connaissance des certificats médicaux rédigés par le médecin, de l'avis médical sur l'imputabilité du décès et non de l'ensemble des pièces du dossier de maladie professionnelle du 17 mars 2017, ni par suite de l'ensemble du dossier relatif au décès en lien avec cette maladie.
La caisse ne saurait non plus se prévaloir utilement de ce que l'enquête administrative serait intervenue au sein de la société [7] dès lors qu'il résulte de l'enquête clôturée le 1er septembre 2017 que si l'employeur est bien identifié comme étant la société Alstom Transport [Adresse 4], elle fait mention de la "synthèse du rapport du déclarant (décédé le 03/07/2017) et informations recueillies auprès de la conjointe du défunt" mais ne fait pas mention d'informations recueillies auprès de l'employeur.
Il résulte de ce qui précède que la caisse a méconnu ses obligations d'information à l'égard de la société employeur, de sorte que la décision de prise en charge de la maladie professionnelle et la décision de prise en charge du décès doivent être déclarées inopposable à la société, le jugement devant être confirmé de ce chef.
Succombant en son appel, la caisse sera tenue aux dépens.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR ,
DÉCLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions ;
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin aux dépens d'appel.
La greffière, La présidente,