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06/01/2023 | FRANCE | N°18/09686

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 06 janvier 2023, 18/09686


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 06 Janvier 2023



(n° , 11 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09686 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HTJ



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 16-01315/B



APPELANTE

SAS [14]

[Adresse 16]

[Localité 7]

représentée par

Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172



INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 12]

[Localité 8]

représentée par Mme [G] [L] en vertu d'un pouvoir général



PARTIES INTERV...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 06 Janvier 2023

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/09686 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B6HTJ

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 14 Mai 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 16-01315/B

APPELANTE

SAS [14]

[Adresse 16]

[Localité 7]

représentée par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

INTIMEE

URSSAF ILE DE FRANCE

[Adresse 12]

[Localité 8]

représentée par Mme [G] [L] en vertu d'un pouvoir général

PARTIES INTERVENANTES

Monsieur [P] [I]

[Adresse 1]

[Localité 4]

non comparant, non représenté

Monsieur [E] [S]

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 9]

non comparant, non représenté

Monsieur [X] [A]

[Adresse 3]

[Localité 5]

assisté par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

Monsieur [N] [R] [H]

[Adresse 2]

[Localité 6]

assisté par Me Eric SEGOND, avocat au barreau de PARIS, toque : P0172

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2022, en audience publique et en double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre et M. Gilles REVELLES, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

M. Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Gilles REVELLES, Conseiller, pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre, légitimement emêché, et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par la société [14] (la société) d'un jugement rendu le 14 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à l'Urssaf Ile de France (l'Urssaf).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Suite à un contrôle de législations portant sur la période allant du 01er janvier 2012 au 31 décembre 2013, l'Urssaf a notifié à la société une lettre d'observations du 10 juin 2015 retenant 14 chefs de redressement entraînant un rappel en principal de 35 042 €.

Par ailleurs, lors de ce contrôle, à l'examen de la comptabilité de l'entreprise, l'inspecteur du recouvrement a constaté que la société versait des sommes à des personnes physiques en contrepartie de prestations de services visant à effectuer des livraisons de marchandises à sa clientèle et pour son compte ; l'inspecteur du recouvrement a notifié une seconde lettre d'observations du 10 juin 2015, informant l'employeur que la vérification entraînait un rappel de cotisations et contributions sociales d'un montant total de 38 196 €, auquel s'ajoutait la somme de 9 549 € correspondant à la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé prévue à l'article L243-7-7 du Code de sécurité sociale.

L'employeur a fait valoir ses observations par courriers du 23 juillet 2015, auquel l'Inspecteur a répondu le 2 septembre 2015, maintenant l'intégralité de ses constatations et redressements.

La société a été mise en demeure le 01 er octobre 2015, d'avoir à payer la somme de 35 043 € de cotisations et 5 493 € de majorations de retard provisoires au titre du contrôle comptable d'assiette. Elle a également été mise en demeure le 05 octobre 2015, d'avoir à payer au titre du travail dissimulé, la somme de 38 197 euros de cotisations, outre 9 549 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire de l'article L243-7-7 et 5 584 euros de majorations de retard provisoires.

Après vaine saisine de la commission de recours amiable, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, lequel par jugement du 14 mai 2018, a :

-dit l'action de la société recevable mais mal fondée;

-débouté la société de l'ensemble de ses demandes;

-confirmé le chef de redressement n°3 relatif au versement transport-condition d'effectif pour un montant de 6 604 € pour la période du 1 er janvier 2013 au 31 décembre 2013;

-confirmé le chef de redressement n°4 relatif au forfait social et participation patronale aux régimes de prévoyance au 1er janvier 2012 pour un montant de 193 € pour la période du 1 er janvier 2013 au 31 mars 2013;

-confirmé le chef de redressement n°14 relatif à l'intéressement-défaut d'enregistrement de l'accord d'intéressement pour un montant de 2 593 € pour la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012;

-confirmé le chef de redressement n°15 relatif à l'assujettissement et affiliation au régime général - remise en cause du statut « d'autoentrepreneur» pour un montant de 47 745 € pour la période du 1 er janvier 2012 au 31 décembre 2013;

-condamné la société à payer à l'Urssaf la somme de 38 197 € au titre des cotisations, la somme de 9 549 € au titre des majorations de redressement et la somme de 5 584 € au titre des majorations de retard pour la période du 1 er janvier 2012 au 31 décembre 2013;

-rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires;

-ordonné l'exécution provisoire du jugement.

La société a le 06 août 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 23 juillet 2018.

Par ses conclusions écrites déposées par son avocat qui les a oralement développées à l'audience, la société demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :

-annuler le redressement, de même que la mise en demeure du 05 octobre 2015.

-annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable.

-annuler la décision explicite de rejet de la commission de recours amiable en date du 30 septembre 2016.

-laisser les dépens à la charge de l'Urssaf.

La société fait valoir pour l'essentiel que :

-l'Urssaf ne s'est pas basée sur des constatations à proprement parler, mais sur des interprétations ou des déductions qui ne pouvaient fonder le redressement contesté, d'autant moins qu'elles ne se trouvaient étayées par aucune pièce, ni plus généralement par aucun élément objectif.

-les constatations de l'agent de contrôle, qui n'ont pas porté sur la réalité des faits, mais des aspects essentiellement comptables, s'avèrent erronées.

-sur le point n°3, le calcul de l'Urssaf ne tient pas compte de toutes les données sur la situation réelle des salariés: les départs et les mutations chaque mois doivent être pris en compte pour que l'effectif des présents corresponde à la réalité . Les personnes relevant d'une situation spécifique, tels les contrats de professionnalisation, comme Mme [W] ou Mme [M], ne doivent pas être comptabilisées dans les effectifs. En outre M. [D] a quitté la société le 10 février 2012, ne rentrant donc plus dans les effectifs à partir de ce mois. M. [Y] a quant à lui quitté la Société le 29 février 2012, tandis que M. [Z] et Mme [T] sont partis de l'entreprise le 30 janvier 2012 : ces quatre salariés ne peuvent donc être comptabilisés dans l'effectif pour l'année considérée. M. [B], avant d'être intégré dans les effectifs salariés à partir du 1 er octobre 2012, avait un statut de mandataire social (Directeur Général Adjoint), ne peut donc être antérieurement comptabilisé dans les effectifs. Il se déduit de ces éléments que l'effectif à retenir était de 8,9 personnes, autrement dit, inférieur à 9 personnes, les cotisations de transport n'étant dès lors plus applicables. De plus, les règles de lissage n'ont donc pas été appliquées par l'Urssaf, alors que leur application aurait dû exclure en l'espèce le paiement de la cotisation transport pour les années 2011, 2012 et même 2013, l'effectif salarié de la Société n'ayant pas excédé 9 personnes.

-sur le point n°4, l'effectif étant inférieur à 9 personnes à partir du second trimestre 2012, la cotisation 2013 au forfait social n'est pas due (193 €).

-sur le point n°14, elle s'est régulièrement acquittée de toutes les formalités de dépôt lui permettant de bénéficier des exonérations sociales et fiscales en matière d'accord d'intéressement dont l'octroi est subordonné à l'accomplissement régulier desdites formalités. Notamment, elle a convoqué une réunion extraordinaire du CE le 21 juin 2012 pour faire homologuer un avenant à l'accord d'intéressement et a adressé le 22 juin 2012 toutes les pièces nécessaires à la DIRECCTE ; elle a donc répondu aux interrogations de cette dernière et le redressement s'avère injustifié de ce chef, comme elle l'a vainement fait valoir auprès de l'Urssaf, de la Commission de Recours Amiable, puis du tribunal.

-sur les auto-entrepreneurs, dont deux sont d'anciens salariés de la société avec laquelle ils n'avaient cependant plus aucun lien salarial, ils n'interviennent que de façon occasionnelle, irrégulière, aléatoire et ont d'autres clients. Les conditions de fait de leurs activités n'ont pas été analysées, et l'inspecteur, sous couvert de constatations énonce de simples suppositions. La qualité d'anciens salariés d'une filiale de l'entreprise est insuffisante à caractériser à elle seule une prétendue subordination. M. [A] travaillait avec son propre camion. Les transporteurs n'étaient amenés à porter des tenues de protections spécifiques que lorsqu'ils pénétraient dans les installations de la société soumises aux règles d'hygiène alimentaire. Les auto entrepreneurs restaient libres d'effectuer ou non les courses proposées, voire de travailler avec d'autres donneurs d'ordre s'ils le souhaitaient. Elle n'a tiré aucun avantage financier en recourant à des auto-entrepreneurs, le coût salarial d'une journée de travail (86,53 €) étant analogue à celui d'une prestation journalière facturée par l'auto-entrepreneur.

Par ses conclusions écrites d' « intimés » déposées par son représentant qui les a oralement développées à l'audience, l'Urssaf demande à la cour de :

-juger que la société était redevable de la contribution versement transport au titre des années 2012 et 2013,

-juger que la société était redevable du forfait social calculé sur la participation patronale aux régimes de prévoyance au titre des années 2012 et 2013,

-juger que l'accord d'intéressement du 6 juillet 2011 et son avenant du 6 juillet 2012 n'ont pas fait l'objet de dépôt à la DIRECCTE, et qu'en conséquence les sommes allouées en application de cet accord doivent entrer dans l'assiette des cotisations et contributions sociales,

-juger qu'il y a lieu de remettre en cause le statut d'autoentrepreneurs et que les rémunérations versées devaient être assujetties aux cotisations et contributions du régime général de sécurité sociale en raison de l'existence d'un lien de subordination justifiant l'application du statut de salarié,

Par conséquent

-confirmer la décision de la commission de recours amiable du 30 septembre 2016,

-confirmer le jugement déféré,

-constater que malgré sa demande reconventionnelle formulée au titre du contrôle comptable d'assiette, le tribunal n'a prononcé que la condamnation des sommes dues au titre du constat de travail dissimulé,

-par conséquent, condamner reconventionnellement la société aux sommes restant dues au titre du contrôle comptable d'assiette pour la période du 1 er janvier 2012 au 31 décembre 2013, soit 29.051 euros de cotisations et contributions sociales et 5.493 euros au titre des majorations de retard provisoires,

-rejeter toutes les demandes de la société,

-condamner la société au paiement de la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'Urssaf fait valoir en substance que :

-sur le point n°3, la computation des effectifs effectuées par l'inspecteur du recouvrement doit être retenue, notamment au regard de Mmes et MM. [B], [W] (à compter de la fin de son contrat de professionnalisation), [F], le [C], [T] et [Y], salariés présents jusqu'en fin de mois.

-sur le point n°14, la société n'a pas transmis à la Direccte, malgré la demande de cette dernière, les précisions et documents sollicités de l'employeur pour permettre l'enregistrement de l'accord d'intéressement du 6 juillet 2011 ; la société fait d'ailleurs référence à un avenant de juin 2012 qu'elle ne prouve pas avoir adressé à la Direccte qui indique ne pas l'avoir reçu ; dès lors le redressement est justifié.

-les éléments retenus par l'inspecteur caractérisent un détournement dustatut d'auto-entrepreneur, les conditions d'exercice de l'activité des 4 « autoentrepreneurs » étant caractéristiques d'un lien de subordination exclusif du statut d'auto-entrepreneur.

M. [A] [X], régulièrement appelé en intervention forcé « en qualité d'auto-entrepreneur » par renvoi contradictoire de l'audience du 07 avril 2022, a comparu en personne à l'audience du 03 novembre 2022 et a été entendu en ses observations.

M. [R] [H] [N], régulièrement appelé en intervention forcé « en qualité d'auto-entrepreneur » par acte d'huissier de justice, a comparu en personne à l'audience du 03 novembre 2022 et a été entendu en ses observations.

M. [I] [P], régulièrement appelé en intervention forcé « en qualité d'auto-entrepreneur » par renvoi contradictoire de l'audience du 07 avril 2022, n'a pas comparu à l'audience du 03 novembre 2022 et ne s'y est pas fait représenter .

M. [S] [E], régulièrement appelé en intervention forcé « en qualité d'auto-entrepreneur » par renvoi contradictoire de l'audience du 07 avril 2022, n'a pas comparu à l'audience du 03 novembre 2022 et ne s'y est pas fait représenter .

Pour un exposé complet des moyens de la société et de l'Urssaf, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe le 03 novembre 2022 qu'elles ont respectivement oralement développées à l'audience.

SUR CE, LA COUR

Sur le chef de redressement n°3 relatif au « versement transport-condition d'effectif à compter du 01/01/2010. (Entreprise employant plus de 9 salariés)

L'inspecteur du recouvrement a constaté à la lettre d'observations (pièce n°1 de la société) :

« La SAS [14] occupe 14,725 salariés en 2011 (effectif de référence pour déterminer l'effectif de 2012).

La SAS [14] occupe 10,716 salariés en 2012 (effectif de référence pour déterminer l'effectif de 2013).

Il s'ensuit que sur les années contrôlées, l'employeur est assujetti au versement transport car il emploie plus de 9 salariés sur les exercices concernés.

Bases de régularisations Année 2012

Base brute Sécurité Sociale = 470 525 (470525 x 1,70 %)

Année 2013

Base brute Sécurité Sociale = 377 898 (198579 x 1,70 % et 179319 x 1,80 %)

Régularisations envisagées à ce titre » : 2012 : 7 999 € ; 2013 : 6 604 € .

Suite aux observations de la société du 23 juillet 2015 contestant uniquement l'effectif pour 2012 (pièce n°3-1 de l'Urssaf), l'inspecteur du recouvrement a précisé à son courrier de réponse du 02 septembre 2015 (pièce n°4 de la société) : «Selon le décompte de l'effectif de l'entreprise effectué à partir des données figurant sur la DADS 2012, la SARL [14] occupe: - 10,716 salariés en 2012 (effectif de référence pour déterminer l'effectif de 2013).

Pour calculer l'effectif moyen 2012 qui sert de référence pour déterminer l'effectif de 2013 afin de savoir si l'entreprise est oui ou non assujettie à la cotisation versement transport, il convient avant de faire la moyenne arithmétique sur les 12 mois de l'année, de prendre les salariés de 2012 présents au dernier jour du mois, pour 1 s'ils sont employés à temps plein; au prorata temporis lorsqu'ils travaillent à temps partiel et de tenir compte des entrées et sorties en cours d'année. Il est à noter que M. [B] [O], DG adjoint et directeur commercial de la société et pour lequel l'assurance chômage est applicable compte pour 1 dans l'effectif. En revarièhe, M. [J] [V], Président (mandataire social) n'est pas comptabilisé de même que les apprentis qui ne sont pas pris en compte dans le décompte de l'effectif tant qu'ils sont sous contrat d'apprentissage validé par l'organisme compétent.

L'addition de l'effectif de l'entreprise fin de mois aboutit à 128,60 sur l'année (Cf. détail du calcul de l'effectif 2012 à partir de la DADS ci-joint *); soit 10,716 en effectif moyen (128,60/12), quand bien même cet effectif devient-il égal à 9 courant octobre 2012 pour finir à 9 au 31/12/2012.

Il s'ensuit que sur les années contrôlées, l'employeur est assujetti au versement transport car il emploie plus de 9 salariés sur l'exercice 2013. »

Ainsi, M. [B], qui a perçu une rémunération régulière et a cotisé à l'assurance chomage de 2006 à 2013 comme directeur adjoint et directeur commercial devait effectivement être comptabilisé dans les effectifs 2012 au titre du versement transport.

M. [D] n'a été comptabilisé que jusqu'en janvier 2012 (inclus).

Mmes et MM. [F], le [C], [T] et [Y], ont été légitimement comptabilisés dans les effectifs jusqu'en janvier 2012 inclus pour les trois derniers et de février 2012 inclus pour la première dès lors qu'il est établi qu'ils étaient présents dans l'entreprise jusqu'en fin de mois (31 janvier ou 29 février inclus).

Mme [W] n'a été comptabilisée qu'à compter du 1er août 2012 (fin de son contrat de professionnalisation au 31 juillet 2012).

Mme [M], employée à temps partiel a été retenu à 0,2 unités pour les mois de janvier et février 2012 dès lors qu'il n'a pas été établi qu'elle intervenait sous contrat de professionnalisation, les pièces n°25 et 26 de la société étant insuffisantes à y pourvoir.

Enfin, aucune référence à un quelconque « lissage » n'apparait dans le courrier d'observations de la société du 23 juillet 2015 (pièce n°3-1 de l'Urssaf) et le tableau qui y était joint, étant rappelé qu'il ne peut être tenu compte que des pièces et éléments contraires aux constatations de l'inspecteur apportés par la société contrôlée antérieurement à la clôture du contrôle, soit à l'issue de la période contradictoire telle que définie à l'article R. 243-59 du Code de la sécurité sociale ( : Cass. 2e civ., 7 janv. 2021, n° 19-19.395).

Le redressement sera donc confirmé.

Sur le le chef de redressement n°4 relatif au « forfait social et participation patronale aux régimes de prévoyance au 1er janvier 2012 (assiette forfait social totalement ou partiellement erronée)

L'inspecteur du recouvrement a constaté à la lettre d'observations (pièce n°1 de la société) :

« La SAS [14] occupe 17,15 salariés au 31/12/2011 (effectif de référence pour déterminer l'assujettissement au forfait social 2012).

La SAS [14] occupe 9 salariés au 31/12/2012 (effectif de référence pour déterminer l'assujettissement au forfait social 2013).

Il s'ensuit que l'employeur est assujetti au forfait social jusqu'au 31/03/2013.

Pour l'exercice 2012, l'employeur a omis de cotiser au forfait social.

Pour l'exercice 2013, l'assiette du forfait social est partiellement erronée.

Bases de régularisations

Année 2012

Total parts patronales finançant les régimes de prévoyance + frais de santé ([10] Santé et [15] Santé) + portabilité = 10831 €. (...)

Année 2013

Total parts patronales finançant les régimes de prévoyance + frais de santé ([10] Santé et [15] Santé) + portabilité (arrêtées au 31/03/2013) = 2 411 €. (...)

Soit les régularisations suivantes: (...) Total 2012 : 866€ (') Total 2013 : 193 €»

En l'espèce, seule « la cotisation 2013 au forfait social » est contestée.

L'inspecteur du recouvrement ayant correctement apprécié l'effectif de référence pour déterminer l'assujettissement au forfait social 2013, le redressement sera confirmé.

Sur le chef de redressement n°14 relatif à l'intéressement : formalités de dépôt de l'accord-défaut d'enregistrement de l'accord d'intéressement conclu le 07/06/2011

L'inspecteur du recouvrement a constaté à la lettre d'observations (pièce n°1 de la société) :

« La SAS [14] a souhaité mettre en place un accord d'intéressement. Pour ce faire, l'entreprise a conclu un accord d'intéressement, le 6 juillet 2011.

Cet accord a été déposé auprès de la Direction Régionale des Entreprises, de la Concurrence, de la Consommation, du Travail et de l'Emploi (DIRECCTE).

Le 7 mai 2012, le Service dépôt des accords fait valoir des observations relatives à l'accord d'intéressement conclu le 06/07/2011, notamment par rapport à plusieurs points de la réglementation nécessitant des corrections et/ou des précisions quant à la rédaction de l'accord d'intéressement afin d'en permettre son enregistrement :

1- Conclusion de l'accord (Article 3312-5 du Code du Travail);

2- Institutions représentatives du personnel (Article L 3312-2 du Code du Travail);

3- Bénéficiaires (Article L 3342-1 du Code du Travail);

4 - Calcul de l'intéressement (Article L 3314-2 du Code du Travail).

Or les documents demandés dans le courrier du 7 mai 2012 n'ont pas été envoyés.

Il s'ensuit que l'accord d'intéressement de la SAS [14] conclu le 6 juillet 2011 n'a pas été enregistré auprès de la DIRECCTE.

Un nouveau courrier en date du 26/09/2012 a été envoyé à l'entreprise confirmant les termes du courrier du 07/05/2012.

Concernant l'avenant du 20/06/2012, celui-ci n'a pas été transmis aux Services dépôt des accords de la DIRECCTE.

L'entreprise n'a donc pas satisfait à toutes ses obligations en matière de formalités concourant il l'enregistrement de l'accord d'intéressement, conclu le 06/07/2011 et qui produit ses effets pour une durée de 3 exercices comptables à compter de celui ouvert au 01/03/2011.

Par conséquent, les sommes versées en application de l'accord d'intéressement, conclu le 06/07/2011, déposé mais non enregistré par la DIRECCTE, car entaché d'irrégularités dans sa rédaction, ne peuvent bénéficier des exonérations légales au titre de l'intéressement.

Ces sommes constituent des compléments de rémunération à intégrer dans l'assiette des cotisations sociales, conformément à l'article L.242-1 du code de la Sécurité sociale.

Sur la période contrôlée, seule l'année 2012 a fait l'objet d'un versement au titre de l'intéressement 2011/2012 : Montant de l'intéressement = 5 200 € (') régularisations (') : 2 593 € ».

Ainsi, à réception de l'accord d'intéressement du 06 juillet 2011, la Direccte a sollicité de la société des corrections et/ou des précisions sur quatre points quant à la rédaction de l'accord d'intéressement par courrier du 07 mai 2012, réitéré le 26 septembre 2012. L'inspecteur du recouvrement a constaté que la Direccte l'avait informé n'avoir eu aucune réponse de la société.

La société produit notamment (sa pièce n°12) copie d'un courrier de réponse à la « Direccte Bobigny » du 15 mai 2012, ainsi (sa pièce n° 15) qu'un avenant à l'accord d'intéressement du 20 juin 2012 apportant des précisions quant au calcul de l'intéressement, et enfin (sa pièce n°16) copie d'un courrier d'envoi à la « Direccte Bobigny » dudit avenant du 22 juin 2012 .

Cependant, force est de constater, face à la position de la Direccte indiquant n'avoir reçu aucune réponse à ses courriers des 07 mai et 26 septembre 2012, et ne pas avoir réceptionné l'avenant du 20 juin 2012, que la société ne justifie pas en l'espèce par le contenu de ses productions (et notamment par ses pièces n°12 à 16), à défaut d'accusé d'envoi postal ou de réception, avoir expédié à la Direccte les courriers du 15 mai 2012 et du 22 juin 2012 dont elle se prévaut.

Dans ces conditions, elle n'établit pas s'être régulièrement acquittée de toutes les formalités de dépôt lui permettant de bénéficier des exonérations liées à l'accord d'intéressement et à son avenant dont l'octroi est subordonné à l'accomplissement régulier desdites formalités.

Le redressement sera donc confirmé.

Sur le chef de redressement relatif à l' »assujettissement et affiliation au régime général (remise en cause du statut « d'autoentrepreneur» et requalificationdes sommes en salaires) »

Il résulte des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale qu'entrent dans l'assiette de cotisations sociales toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion de leur travail, ainsi que tous les autres avantages en argent et en nature et les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.

En vertu de l'article L. 8221-6 du code du travail, applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, les auto-entrepreneurs sont des travailleurs indépendants, et sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail ; cette présomption légale de non salariat peut cependant être détruite s'il est rapporté la preuve que ces auto-entrepreneurs "fournissent directement ou par une personne interposée des prestations [...] dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci"

La qualité de salarié, assujetti au régime général en application de l'article L 311-2 du même code, implique nécessairement l'existence d'un lien juridique de subordination du travailleur à la personne qui l'emploie, lien caractéristique de l'existence d'un contrat de travail. L'existence d'un contrat de travail ne dépend pas de la volonté exprimée par les parties ou de la dénomination qu'elles ont donné à leur convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs. L'existence d'un lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les éventuels manquements de l'intéressé, la charge de la preuve de l'existence d'un contrat incombant à celui qui s'en prévaut.

Le redressement réalisé au titre d'un travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié, ayant pour objet exclusif le recouvrement des cotisations afférentes à cet emploi, ne nécessite pas d'établir l'intention frauduleuse de l'employeur.

En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement a constaté à la lettre d'observations (pièce n°1 de la société) :

« A l'examen de la comptabilité de l'entreprise, compte "Achats, études et prestations de services", il apparaît des sommes versées à des personnes physiques (livreurs) en contrepartie de prestations de services visant à effectuer des livraisons de marchandises à la clientèle de la Société SAS [14] et pour son compte.

Il convient de rappeler que la SAS [14] est une Holding qui a pour filiale la SARL [13] (dont l'activité consiste dans la fabrication et la vente de pâtisserie fraicheur).

L'analyse des factures présentes en COMPTABILITE de la SAS [14] (compte « Achats, Etudes et Prestations de services ») a permis de mettre en avant diverses situations:

- 1/ [A] [X]

Personne physique (livreur extérieur) avec le statut d'auto-entrepreneur immatriculé comme tel avec déclaration.

Facture de prestations de services réalisées pour le compte de la SAS [14] (prestations unitaires quantité x tarif).

II est à noter que ce prestataire vient au siège de la Société [14] récupérer le camion de livraisons [13] (filiale) pour effectuer les tournées chez les clients de l'entreprise.

- 2/ [R] [H] [N]

Personne physique (livreur extérieur) avec le statut d'auto-entrepreneur immatriculé comme tel mais sans déclaration.

Facture de prestations de services réalisées pour le compte de la SAS [14] (prestations unitaires quantité x tarif + courses additionnelles + remboursement de frais)

Il est à noter que ce prestataire vient au siège de la Société [14] récupérer le camion de livraisons [13] (filiale) pour effectuer les tournées chez les clients de l'entreprise.

- 3/ [I] [P]

Personne physique (livreur ex salarié [13] retraité) avec le statut d'auto-entrepreneur immatriculé comme tel avec déclaration.

Facture de prestations de services réalisées pour le compte de la SAS [14] (prestations unitaires quantité x tarif + courses additionnelles).

Il est à noter que ce prestataire vient au siège de la Société [14] récupérer le camion de livraisons [13] (filiale) pour effectuer les tournées chez les clients de l'entreprise.

- 4/ [S] [E]

Personne physique (livreur ex salarié [13] retraité) avec le statut d'auto-entrepreneur immatriculé comme tel sur la période contrôlée mais sans déclaration.

Facture de prestations de services réalisées pour le compte de la SAS [14] (prestations unitaires quantité x tarif),

II est à noter que ce prestataire vient au siège de la Société [14] récupérer le camion de livraisons [13] (filiale) pour effectuer les tournées chez les clients de l'entreprise.

Des constats effectués, il ressort :

-Que M. [S] [E] et M. [I] [P] sont d'anciens salariés de la société [13], filiale de la SAS [14] (Holding), dans laquelle ils exerçaient les fonctions de chauffeur livreur pourle compte de la dite société.

-Qu'ils livrent les clients en fonction d'une tournée définie par la société [13] et la Holding SAS [14].

-Qu'ils utilisent les véhicules de la société [13] sans contrepartie,

-Qu'ils sont obligés de porter les tenues vestimentaires de la société.

-Que leur activité ne leur laisse pas la possibilité de développer leur propre clientèle.

Il en résulte que les conditions d'exercice de l'activité des personnes ci-dessus sont caractéristiques d'un lien de subordination tel que prévu par l'article L311-2 du code de la Sécurité sociale; cette situation étant exclusive du statut d'auto-entrepreneur".

Ce détournement de statut est constitutif d'une infraction de travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié telle que définie par l'article L 8221-5 du code du travail.

Il résulte de nos constats que la Société SAS [14] a volontairement soustrait des sommes relevant du régime général en détournant le statut d'auto-entrepreneur en vu de minorer ses déclarations sociales.

Les sommes versées en contrepartie de prestations de services sont donc requalifiées en salaires.

Des constats effectués, il ressort que c'est à tort que ces personnes ont bénéficié du statut d'autoentrepreneur.

Celui-ci est donc remis en cause pour l'ensemble des cas relevés. Les sommes versées en contrepartie de prestations de services sont donc requalifiées en salaires.

(...)

Il est donc procédé à la requalification en salaires des sommes versées aux « auto entrepreneurs » dont le statut est remis en cause.

Le chiffrage est opéré au réel, c'est-à-dire en prenant le montant des prestations de services telles qu'elles figurent sur la facturation (...).

Soit une assiette totale reconstituée de (') Soit les régularisations suivantes: (...) 38 196,00 € déterminé comme suit (...) »

Ainsi, l'inspecteur du recouvrement a constaté que chacun des 04 auto-entrepreneurs vient au siège de la Société récupérer le camion de livraisons [13] (filiale de la société) pour effectuer les tournées chez les clients de l'entreprise, toutes les prestations de livraison transport étant effectuées au moyen du camion de livraison (refrigéré) de l'entreprise ; malgré les affirmations en partie contraire de la société, aucun élément tiré des productions des parties ne remet en cause ce constat.

Force est donc de constater que dans leur relation respective avec la société, chacun des 04 auto-entrepreneurs « livreurs/transporteurs » étaient dépourvus de moyens de transport appropriés pour réaliser leur prestation pour la société, laquelle les leurs fournissait ; les quatre auto-entrepreneurs« livreurs/transporteurs » étaient donc totalement dépendants de la société pour réaliser matériellement leur prestation de transport /livraison pour le compte de celle-ci.

L'inspecteur du recouvrement, comme il l'a confirmé dans son courrier de réponse à observations du 02 septembre 2015 (pièce n° 4 de la société) a par ailleurs constaté que :

-trois des auto-entrepreneurs n'avaient pas déclaré d'autres sources de revenus que celles résultant de leur activité respective de livraisons de marchandises à la clientèle de la Société pour le compte de celle-ci, n'ayant pas de clientèle propre et distincte,

-pour le quatrième, M. [A], la quasi-totalité des prestations déclarées à l'Urssaf sous son compte auto-entrepreneur recouvrait celles facturées pour le compte de la société, n'ayant pratiquement pas de clientèle propre et distincte.

Malgré les affirmations en partie contraire de la société, aucun élément tiré des productions des parties ne remet en cause ce constat.

Ainsi, il apparaît que les 04 auto-entrepreneurs étaient placés dans une situation de dépendance économique à l'égard de la société qui leur fournissait la totalité ou la quasi-totalité de leur activité, peu important en la matière que celle-ci ne corresponde pas à un temps plein et soit réalisée de façon irrégulière et aléatoire.

Les quatre auto-entrepreneurs étaient donc placés sur la période redressée dans une situation de totale dépendance à l'égard de la société pour organiser et matériellement exécuter leurs prestations respectives pour la société, étant au surplus précisé que M. [A] a précisé à l'audience que sur les années 2012-2013 il n'avait pas d'ordinateur et que c'était la secrétaire de la société [14] qui « faisait » sa comptabilité et ses factures.

Ainsi, l'Urssaf établit que chacun des quatre auto-entrepreneurs étaient sur la période controlée placés dans un lien de subordination juridique à l'égard de la société, puisqu'ils travaillaient respectivement, à travers les « prestations » réalisées pour le compte de la société, sous l'autorité de celle-ci qui leur donnait des ordres et des directives quant à chaque prestation à réaliser, leur en fournissait les moyens essentiels et nécessaires, en contrôlait l'exécution et pouvait sanctionner les éventuels manquements de chacun des intéressés placés dans une situation de dépendance économique vis à vis d'elle (par cessation de leur relation), peu important en la matière que la société n'ait pu éventuellement tirer « aucun avantage financier en recourant à des auto-entrepreneurs ».

Le redressement opéré de ce chef sera donc confirmé.

Sur les autres demandes

Le jugement déféré sera confirmé et il sera également fait droit à la demande reconventionnelle formulée par l'Urssaf au titre du contrôle comptable d'assiette.

La société sera condamnée à payer à l'Urssaf la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

DECLARE l'appel recevable ;

CONFIRME le jugement déféré ;

Y ADDITANT ;

CONDAMNE la société [14] à payer à l'Urssaf Ile de France les sommes de 29 051 euros de cotisations et contributions sociales et de 5 493 euros de majorations de retard provisoires, sommes restant dues au titre du contrôle comptable d'assiette pour la période du 01er janvier 2012 au 31 décembre 2013.

CONDAMNE la société [14] à payer à l'Urssaf Ile de France la somme de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.

CONDAMNE la société [14] aux dépens d'appel.

La greffière Pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 18/09686
Date de la décision : 06/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-06;18.09686 ?
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