RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 06 Janvier 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/07840 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B55KS
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/01449
APPELANTE
URSSAF ILE DE FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 5]
[Localité 3]
représentée par Mme [C] [U] en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
S.A.R.L. [4]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Delphine PANNETIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 1701
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2022, en audience publique et en double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre et M. Gilles REVELLES, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Gilles REVELLES, Conseiller, pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre, légitimement empêché, et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par l'Urssaf Ile de France (l'Urssaf) d'un jugement rendu le 15 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la société [4] (la société).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suite à un contrôle de législations portant sur la période allant du 01er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'Urssaf a notifié à la société une lettre d'observations du 05 novembre 2015 retenant divers chefs de redressement et trois observations pour l'avenir, dont celles visées au point n°13 relative à la « Retraite supplémentaire : non respect du caractère collectif - travailleurs étrangers », et au point n°15 relative aux « Frais professionnels non justifiés-principes généraux- forfait de 12 €-observation »; le 15 décembre 2015, une décision administrative a été adressée à la société pour confirmer les trois observations pour l'avenir portées à la lettre d'observations; après avoir vainement saisi la commission de recours amiable (la CRA) de sa contestation de cette décision administrative, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, lequel par jugement du 15 mars 2018, a :
-ordonné la jonction des procédures,
-dit l'action de la société recevable et bien-fondée ,
-annulé la lettre intitulée « confirmation d'observations suite à contrôle » du 15 décembre 2015,
-annulé la décision de la CRA du 20 décembre 2016,
-annulé les observations pour l'avenir n°13 à 15,
et ce aux motifs essentiels que :
.l'Urssaf n'établit pas que la réponse des inspecteurs aux observations émises par la société suite à la lettre d'observations a bien été reçue par la société, pas plus que la date de cette réception, laquelle doit intervenir avant l'envoi de la décision administrative de confirmation d'observations pour l'avenir qui fait grief au cotisant, de sorte que le contradictoire n'a pas été respecté.
.la qualité du signataire de la décision administrative n'est pas mentionnée et l'organisme ne justifie pas de la délégation de pouvoir donnée au signataire.
L'Urssaf a le 23 juin 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 23 mai 2018.
Par ses conclusions écrites déposées par son représentant qui les a oralement développées à l'audience, l'Urssaf demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :
-juger la décision administrative du 15 décembre 2015 régulière en la forme,
-confirmer le bien fondé de l'observation pour l'avenir formulée sous le point n°13 de la lettre d'observations intitulé « Retraite supplémentaire : non respect du caractère collectif - travailleurs étrangers-observation »
-confirmer le bien fondé de l'observation pour l'avenir formulée sous le point n°15 de la lettre d'observations intitulé « Frais professionnels non justifiés-Forfait de 12 € »,
-confirmer la décision de la CRA du 20 décembre 2016,
-condamner la société à lui payer la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
Par ses conclusions écrites déposées par son avocat qui les a oralement développées à l'audience, la société demande à la cour de :
Au principal,
-juger qu'à défaut pour elle d'avoir réceptionné le courrier de réponse des Inspecteurs à sa contestation du 4 décembre 2015, et à défaut pour l'Urssaf de pouvoir établir qu'une réponse a effectivement été apportée, la procédure contradictoire n'a pas été respectée et la confirmation d'observations datée du 15 décembre 2015 doit être annulée,
-juger que la confirmation d'observations datée du 15 décembre 2015 est nulle sur la forme,
-confirmer en conséquence le jugement déféré ;
Au subsidiaire,
-juger que l'observation pour l'avenir n°13 relative au régime de retraite supplémentaire est injustifiée,
-juger que l'observation pour l'avenir n°15 relative au forfait de 12 € est injustifiée,
-annuler par conséquent la lettre intitulée « confirmation d'observations suite à contrôle » du 15 décembre 2015 à hauteur de ces deux observations,
-annuler la décision de la CRA en ce qu'elle a rejeté son recours s'agissant de la contestation de ces deux observations ;
En tout état de cause, condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
Pour un exposé complet des moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe le 03 novembre 2022 qu'elles ont respectivement oralement développées à l'audience.
SUR CE, LA COUR
Sur le défaut de réception de la réponse des inspecteurs suite à la contestation de la société
L'appelante fait valoir que :
-elle s'est vue notifier une décision administrative de confirmation d'observations datée du 15 décembre 2015 sans avoir reçu au préalable la réponse des inspecteurs à son courrier du 04 décembre 2015, le contradictoire étant violé et la procédure en conséquence nulle.
-seul l'avis de réception de la Poste établi à la remise de la lettre vaut preuve, à l'exclusion de tout autre document.
-l'Urssaf ne répond pas sur ce point.
L'Urssaf ne fait valoir aucun moyen en réplique.
Selon l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale applicable « (') A l'issue du contrôle, les inspecteurs du recouvrement communiquent à l'employeur ou au travailleur indépendant un document daté et signé par eux mentionnant l'objet du contrôle, les documents consultés, la période vérifiée et la date de la fin du contrôle. Ce document mentionne, s'il y a lieu, les observations faites au cours du contrôle, (...). Il indique également au cotisant qu'il dispose d'un délai de trente jours pour répondre par lettre recommandée avec accusé de réception, à ces observations et qu'il a, pour ce faire, la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix.
En l'absence de réponse de l'employeur ou du travailleur indépendant dans le délai de trente jours, l'organisme de recouvrement peut engager la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement.
Lorsque l'employeur ou le travailleur indépendant a répondu aux observations avant la fin du délai imparti, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et pénalités faisant l'objet du redressement ne peut intervenir avant l'expiration de ce délai et avant qu'il ait été répondu par l'inspecteur du recouvrement aux observations de l'employeur ou du travailleur indépendant.
L'inspecteur du recouvrement transmet à l'organisme chargé de la mise en recouvrement le procès-verbal de contrôle faisant état de ses observations, accompagné, s'il y a lieu, de la réponse de l'intéressé et de son propre courrier en réponse. (...) »
Suite à la lettre d'observations du 05 novembre 2015 (pièce n°1 de l'Urssaf), la société a par courrier daté du 04 décembre 2015 (pièce n° 2 de la société) répondu à ladite lettre d'observations ; l'Urssaf a notifié à la société (pièce n°3 de l'Urssaf) une lettre de
« confirmation d'observations suite à contrôle » datée du 15 décembre 2015.
L'Urssaf produit en pièce n°2 copie d'un courrier à destination de la société, daté du 10 décembre 2015, de réponse « aux observations formulées par lettre du 4 décembre 2015, reçue en nos services le 9 décembre 2015 », concluant à un « Maintien intégral du redressement », courrier mentionnant avoir été transmis par « Recommandé avec AR n° 2C 070 889 6842 0 » ; est joint à la copie de ce courrier du 10 décembre 2015 la copie d'un courrier de la Poste « Branche Services Courrier-Colis » daté du 13 décembre 2016 relatif à l'envoi recommandé « n° 2C 070 889 6842 0 » par lequel elle répond à l'Urssaf « (') Je tiens à vous rassurer : votre envoi a été distribué le 14/12/2015 (...) »
Il apparaît ainsi que :
-les inspecteurs de l'Urssaf ont adressé la lettre d'observations le 05 novembre 2015 ;
-la société a fait valoir ses propres observations par courrier du 04 décembre 2015 ;
-l'Urssaf y a répondu par lettre du 10 décembre 2015 dont copie est produite aux débats, et n'a adressé la décision administrative que le 15 décembre 2015, étant précisé que l'Urssaf aurait même pu adresser sa réponse du 10 décembre 2015 par courrier simple (2e Civ., 12 mars 2015, pourvoi n° 14-16.019 ).
La procédure fixée à l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale a donc été respectée et le moyen de nullité ne peut donc pas prospérer.
Sur la validité de la décision administrative du 15 décembre 2015
L'Urssaf fait valoir que :
-il résulte des articles R 122-3 et D 243-6 du code de la sécurité sociale que le directeur peut déléguer une partie de ses pouvoirs, ainsi que sa signature à des agents de l'organisme ;
-la Cour de cassation n'a jamais considéré comme cause de nullité d'une mise en demeure l'omission des mentions prévues par l'article 4 § 2 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dès lors que celle-ci précise la dénomination de l'organisme qui l'a émise ;
-cette jurisprudence est évidemment applicable aux décisions administratives émanant des services de l'Urssaf, dont les décisions de confirmation d'observations suite à contrôle.
-en l'espèce, la décision administrative critiquée comporte la signature et la qualité (« le Directeur ou son délégataire »), ainsi que la mention manuscrite de son nom (« [G] [K] [P] ») et précise la dénomination de l'organisme qui l'a émise (« Urssaf Ile de France ») ; cette décision est dès lors régulière.
La société réplique que :
-la lettre de confirmation d'observations comporte une erreur substantielle de forme lui retirant toute valeur de décision administrative : sa signature par une seule personne dont l'identité n'est pas claire et dont la qualité n'a pas été précisée ;
-cette lettre doit être signée par le Directeur de l'Urssaf, ou à défaut par une personne titulaire d'une délégation de pouvoir ; or en l'espèce, il n'est pas indiqué si le signataire est le Directeur ou un délégataire, le nom du Directeur n'est pas reconnaissable sur le document, il n'est pas indiqué une signature pour ordre, ni fait référence à une délégation de signature.
-de plus, l'identité et la qualité du signataire doivent être indiquées sur la décision en application de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, depuis inscrit à l'article L 212-1 du CRPA, disposition légale impérative vis à vis des décisions administratives, étant précisé que la mise en demeure n'est pas considérée comme un acte administratif ;
-en l'espèce, l'identité du signataire était illisible et la qualité du signataire inconnue.
-à hauteur d'appel, l'Urssaf ne fait toujours pas référence dans le présent dossier à l'existence d'une délégation, notamment au profit de Mme [P].
En l'espèce, la lettre de « confirmation d'observations suite à contrôle « datée du 15 décembre 2015 (pièce n°1 de L'Urssaf et n°1 de la société) est à l'entête de l' « URSSAF ILE-DE-FRANCE » et se termine par : « Le directeur ou son délégataire », suivie de l'identité du signataire portée manuscritement indiquant pour sa partie lisible : « M. ' [P] », puis d'une signature.
Aucun élément n'établit que « M. ' [P] » était Directeur de l'organisme à la date de signature de la décision administrative du 15 décembre 2015.
L'Urssaf ne justifie pas dans le présent dossier, face à la contestation de la société, que
« M. ' [P] » était titulaire d'une délégation de pouvoir ou de signature lui permettant de pouvoir signer la lettre de « confirmation d'observations suite à contrôle » datée du 15 décembre 2015, n'ayant pas produit ni communiqué dans le présent dossier et dans le cadre de la présente procédure de délégation de pouvoir ou de signature au profit de « M. ' [P] »
Dans ces conditions, il n'est pas établi au cas d'espèce que la lettre de « confirmation d'observations suite à contrôle » datée du 15 décembre 2015 ait été signée par une personne habilitée pour ce faire.
Ainsi la décision administrative de « confirmation d'observations suite à contrôle » du 15 décembre 2015, laquelle fait grief à la société dès lors qu'elle l'exposait notamment aux majorations prévues à l'article L. 243-7-6 du code de la sécurité sociale, est irrégulière, peu important en la matière qu'une telle décision administrative ait été prise à l'entête de l'
« URSSAF ILE-DE-FRANCE » , cette seule mention étant insuffisante à valoir habilitation de son signataire pour le faire.
Le jugement sera donc confirmé.
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE l'appel recevable ;
CONFIRME le jugement déféré ;
DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties ;
CONDAMNE l'Urssaf Ile de France aux dépens d'appel.
La greffière Pour le président empêché