RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 06 Janvier 2023
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 18/07821 - N° Portalis 35L7-V-B7C-B55HX
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 15 Mars 2018 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BOBIGNY RG n° 17/01441
APPELANTE
URSSAF ILE DE FRANCE
Division des recours amiables et judiciaires
[Adresse 10]
[Localité 3]
représentée par Mme [J] [S] en vertu d'un pouvoir général
INTIMEE
SAS [7]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Delphine PANNETIER, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, toque : NAN 1701
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2022, en audience publique et en double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre et M. Gilles REVELLES, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
M. Pascal PEDRON, Président de chambre
M. Gilles REVELLES, Conseiller
M. Gilles BUFFET, Conseiller
Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé
par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
-signé par M. Gilles REVELLES, Conseiller pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre, légitimement empêché, et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La cour statue sur l'appel interjeté par l'Urssaf Ile de France (l'Urssaf) d'un jugement rendu le 15 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny dans un litige l'opposant à la société [6], devenue [7] (la société).
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Suite à un contrôle de législations portant sur la période allant du 01er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'Urssaf a notifié à la société une lettre d'observations du 05 novembre 2015 retenant divers chefs de redressement et trois observations pour l'avenir, dont celle visée au point n°13 relative à la « Retraite supplémentaire : non respect du caractère collectif - travailleurs étrangers » maintenues à l'issue de la période contradictoire ; le 15 décembre 2015, une décision administrative a été adressée à la société pour confirmer les observations pour l'avenir portées en points n°12 à 14 de la lettre d'observations; après avoir vainement saisi la commission de recours amiable (la CRA) de sa contestation de cette décision administrative, la société a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny, lequel par jugement du 15 mars 2018, a :
-ordonné la jonction des recours,
-annulé la lettre intitulée « confirmation d'observations suite à contrôle » du 15 décembre 2015,
-annulé la décision de la CRA du 20 décembre 2016,
-annulé les observations 12, 13 et 14,
et ce au motif essentiel que la qualité du signataire de la décision administrative n'est pas mentionnée et que l'organisme ne justifie pas de la délégation de pouvoir donnée au signataire.
L'Urssaf a le 22 juin 2018 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 24 mai 2018.
Par ses conclusions écrites déposées par son représentant qui les a oralement développées à l'audience, l'Urssaf demande à la cour, par voie d'infirmation du jugement déféré, de :
-juger la décision administrative du 15 décembre 2015 régulière en la forme,
-confirmer le bien fondé de l'observation pour l'avenir formulée sous le point n°13 de la lettre d'observations,
-confirmer la décision de la CRA du 20 décembre 2016,
-condamner la société à lui payer la somme de1 500 € au titre des frais irrépétibles.
Par ses conclusions écrites déposées par son avocat qui les a oralement développées à l'audience, la société demande à la cour de :
Au principal,
-juger que la confirmation d'observations datée du 15 décembre 2015 est nulle sur la forme,
-confirmer en conséquence le jugement déféré ;
Au subsidiaire,
-juger que l'observation pour l'avenir n°13 relative au régime de retraite supplémentaire est injustifiée,
-annuler par conséquent la lettre intitulée « confirmation d'observations suite à contrôle » du 15 décembre 2015 à hauteur de cette observation,
-annuler la décision de la CRA en ce qu'elle a rejeté son recours s'agissant de la contestation de cette observation ;
En tout état de cause, condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 1 500 € au titre des frais irrépétibles.
Pour un exposé complet des moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe le 03 novembre 2022 qu'elles ont respectivement oralement développées à l'audience.
SUR CE, LA COUR
Sur la validité de la décision administrative du 15 décembre 2015
L'Urssaf fait valoir que :
-il résulte des articles R 122-3 et D 243-6 du code de la sécurité sociale que le directeur peut déléguer une partie de ses pouvoirs, ainsi que sa signature à des agents de l'organisme ;
-la Cour de cassation n'a jamais considéré comme cause de nullité d'une mise en demeure l'omission des mentions prévues par l'article 4 § 2 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, dès lors que celle-ci précise la dénomination de l'organisme qui l'a émise ;
-cette jurisprudence est évidemment applicable aux décisions administratives émanant des services de l'Urssaf, dont les décisions de confirmation d'observations suite à contrôle.
-en l'espèce, la décision administrative critiquée comporte la signature et la qualité (« le Directeur ou son délégataire »), ainsi que la mention manuscrite de son nom (« [L] [Y] [O] ») et précise la dénomination de l'organisme qui l'a émise (« Urssaf Ile de France ») ; cette décision est dès lors régulière.
La société réplique que :
-la lettre de confirmation d'observations comporte une erreur substantielle de forme lui retirant toute valeur de décision administrative : sa signature par une seule personne dont l'identité n'est pas claire et dont la qualité n'a pas été précisée ;
-cette lettre doit être signée par le Directeur de l'Urssaf, ou à défaut par une personne titulaire d'une délégation de pouvoir ; or en l'espèce, il n'est pas indiqué si le signataire est le Directeur ou un délégataire, le nom du Directeur n'est pas reconnaissable sur le document, il n'est pas indiqué une signature pour ordre, ni fait référence à une délégation de signature.
-de plus, l'identité et la qualité du signataire doivent être indiquées sur la décision en application de l'article 4 de la loi du 12 avril 2000, depuis inscrit à l'article L 212-1 du CRPA, disposition légale impérative vis à vis des décisions administratives, étant précisé que la mise en demeure n'est pas considérée comme un acte administratif ;
-en l'espèce, l'identité du signataire était illisible et la qualité du signataire inconnue.
-à hauteur d'appel, l'Urssaf produit plus de 06 ans après la décision, une délégation de signature du Directeur à Mme [O]. Cependant, l'identité des signatures sur la délégation et la décision contestée n'est pas établie, comme présentant des différences significatives ; la mention du nom et du prénom de la personne signataire de la décision n'est pas lisible ; la fonction exercée par le signataire de la décision n'est pas indiquée ; et la production d'une délégation est tardive, l'Urssaf étant tenue de justifier de la régularité de ses décisions sans attendre la dernière étape contentieuse, et ce de la même façon que l'organisme impose aux cotisants de ne pas attendre la procédure d'appel pour produire des documents nécessaires à la justification de leur pratique.
-elle n'a donc pas été mise en mesure de savoir à quel titre la personne signataire de la décision était susceptible d'être habilitée à la prendre, impliquant ainsi un doute sur la légitimité de cette décision.
La lettre de « confirmation d'observations suite à contrôle » datée du 15 décembre 2015 (pièce n°5 de L'Urssaf et n°4 de la société) est à l'entête de l' « URSSAF ILE-DE-FRANCE » et se termine par : « Le directeur ou son délégataire », suivie de l'identité du signataire portée manuscritement indiquant pour sa partie lisible : « M. ' [O] », puis d'une signature.
L'Urssaf produit en pièce n°9 la délégation de signature de M. [F] à Mme [O], prise en application des articles L 122-1, R 122-3 et D 253-6 du code de la sécurité sociale, établie le 02 février 2015, par laquelle M. [I] [F], directeur de l'Urssaf Ile de France, donne délégation de signature à Mme [O] [L] [Y], manager de secteur, à l'effet notamment de « -Signer, après l'expiration du délai prévu à l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale, les décisions administratives enjoignant aux cotisants de se conformer pour l'avenir aux prescriptions formulées par les inspecteurs du recouvrement dans les lettres d'observations émises à l'issue des contrôles ».
Il résulte de ces deux documents que :
-les signatures portées sous le nom de [O] dans chacun de ces deux documents ne présentent pas de différences significatives, mais au contraire une similitude affirmée permettant de retenir qu'elles sont similaires et émanent de la même personne, à savoir Mme [O]
-la lettre du 15 décembre 2015 est signée par « Le directeur ou son délégataire », dont l'identité y est indiquée comme étant celle de Mme [O].
Ainsi, aucun doute n'existe sur le fait que la lettre de « confirmation d'observations suite à contrôle » datée du 15 décembre 2015 à l'entête de l' URSSAF ILE-DE-FRANCE a été signée par Mme [O], personne habilitée à prendre et à signer une telle décision administrative comme bénéficiant d'une délégation de pouvoir pour y procéder.
La lettre de « confirmation d'observations suite à contrôle » du 15 décembre 2015 est donc régulière, peu important en la matière que :
-cette lettre ne précise pas que la signature est portée « pour ordre » et ne distingue pas entre « le directeur ou son délégataire » dès lors qu'elle a bien été signée par le délégataire habilité pour ce faire,
-le prénom de Mme [O] n'est pas lisible sur cette lettre et que sa fonction de « manager de secteur » n'y est pas précisée, dès lors qu'aucun doute ne résulte sur l'identité du signataire de cette lettre en conséquence des documents soumis à l'examen de la cour,
-les éléments de justification permettant de vérifier que Mme [O], signataire de la lettre, était bien bénéficiaire d'une délégation de pouvoir pour ce faire n'étaient pas détaillés dans le corps de la décision, dès lors qu'il y était indiqué que Mme [O] signait celle-ci comme « directeur ou son délégataire », précision suffisante pouvant être justifiée par la suite en tout état de la procédure judiciaire, notamment à hauteur d'appel, en cas de contestation du cotisant comme en l'espèce.
Sur l'observation pour l'avenir relative à la « Retraite supplémentaire : non respect du caractère collectif - travailleurs étrangers-observation»
Les inspecteurs du recouvrement ont constaté en la matière à la lettre d'observations (pièce n°1 de la société et n°2 de l'Urssaf) :
« L'examen de la comptabilité permet de constater des versements effectués auprès d'un régime international de retraite supplémentaire.
A notre demande, l'entreprise a fourni le contrat correspondant dénommé "Trust Deed and Rules -relating to - The International [5] Plan for Risk and Retirement Benefits", et conclu le 30 juin 2000 entre le [4], [Adresse 9] et la société [8] (société de droit néerlandais, entité du groupe [5]).
Qualité des organismes prestataires et respect des conditions énoncées par l'article L 911-1 du code de la Sécurité sociale:
En l'espèce, l'organisme qui verse les prestations n'est pas un organisme habilité au sens de l'article L.242- 1 du code de la Sécurité sociale et l'entreprise n'a pas été en mesure lors du contrôle de présenter l'acte fondateur dudit régime.
Toutefois, ce contrat n'a pas été analysé lors des contrôles antérieurs. Or, les conditions posées à l'article L 242-1 du code de la Sécurité sociale n'ayant pas été affectées par le décret du 9 janvier 2012, la portée et effet du contrôle précédent est opposable sur l'ensemble de la période contrôlée.
Caractère collectif et obligatoire:
Ce contrat de retraite est conclu au seul profit de la catégorie des "Travailleurs Etrangers" (T.E.).
Il s'ensuit que celui ci ne respecte ni le caractère collectif, ni le caractère obligatoire issu du décret du 9 janvier 2012, instaurant une période transitoire qui a pris fin le 30 juin 2014.
En effet, le décret posant un nouveau cadre règlementaire, celui-ci ne peut être mis en échec par l'application d'une règle applicable à droit constant.
Par suite, les contributions patronales finançant les prestations de retraite doivent être assujetties à cotisations de sécurité sociale pour celles versées à compter du 1er juillet 2014 pour non respect de la condition tenant au caractère collectif et obligatoire au regard des dispositions de l'article R 242-1-1 du Code de la Sécurité sociale.
Par mesure de bienveillance, la situation est laissée en l'état sur l'ensemble de la période contrôlée.
Il appartiendra à l'entreprise de se mettre en conformité avec les textes applicables sur le territoire français. Une décision administrative sera adressée à l'entreprise sur ce point à l'issue de la période contradictoire. »
L'Urssaf fait valoir que :
-Il est prévu notamment:
- Une exclusion totale de l'assiette des cotisations de sécurité sociale et par alignement de celles de la CSG et de la CRDS, des contributions patronales destinées au financement des régimes de retraite complémentaires légalement obligatoires (AGIRC, ARRCO, AGFF ... ),
- Une exclusion, sous conditions et limites, des contributions patronales destinées au financement des régimes supplémentaires de retraite et de prévoyance présentant un caractère collectif et obligatoire.
-de ce fait, le régime de retraite doit revêtir un caractère collectif, c'est-à-dire bénéficier de façon générale et impersonnelle à l'ensemble du personnel salarié, ou à une ou des catégories objectives de salariés, étant précisé:
1°) Concernant le fait qu'il doit bénéficier à l'ensemble du personnel salarié:
Que le caractère collectif est remis en cause lorsque les critères retenus pour déterminer les bénéficiaires ont été définis dans l'objectif d'accorder un avantage personnel,
Que le régime doit avoir vocation à s'appliquer de manière générale même si, en pratique, il ne bénéficie qu'à un nombre restreint de personnes,
2°) Concernant le fait qu'il doit bénéficier à une ou des catégories objectives de salariés que
cette notion doit être définie par référence à différents critères.
-compte tenu des difficultés soulevées par la définition des deux notions précitées, la loi de financement de la Sécurité Sociale 2011 est venue modifier l'article L.242-1 alinéa 6 du code de la sécurité sociale, de manière à préciser le caractère collectif des garanties de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire, l'article R 142-1-1 définissant cinq critères.
-en l'espèce, les inspecteurs du recouvrement qui ont analysé le contrat en cause en ont déduit à juste titre que ce régime ne respecte pas les conditions d'exonération susvisées car d'une part, l'organisme qui verse les prestations n'est pas un organisme habilité au sens de l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale, d'autre part, les « travailleurs étrangers» ne constituent pas une catégorie objective de salariés au sens du droit du travail.
La société réplique que :
-le contrat concerne le financement d'un régime de retraite supplémentaire à cotisations définies ;
-ce contrat a été souscrit auprès du [4] qui est un organisme régi par le droit suisse, comparable à une entreprise pouvant en droit français permettre la souscription d'un tel régime de retraite supplémentaire; cet organisme est en effet habilité en droit suisse à gérer un tel plan de retraite conformément aux dispositions de l'article 2-1 e) relatives aux activités réglementées résultant de la loi de 2000 intitulée «Regulation of Fiduciaries, Administration Businesses and Company Directors, etc (Bailiwick of Guernsey) Law, 2000» d'après le site de la Commission des services financiers de Guernesey (Guernsey Financial Services Commission) ;
-les bénéficiaires sont précisément définis comme étant les salariés en mobilité géographique, et ce à titre obligatoire, sans faire référence aux critères interdits que sont la durée du travail, la nature du contrat de travail, l'âge et, sous certaines réserves, l'ancienneté.
-le régime de retraite supplémentaire en question est donc un régime international souscrit par une entité étrangère, soumis à un droit étranger, qui n'est donc pas soumis aussi strictement aux conditions de validité du droit français s'agissant des modalités de souscription de ce régime. Il ne peut en effet être exigé ni de la société étrangère contractante, ni de la société française non contractante et dont les salariés bénéficient de ce contrat international, qu'elles justifient avoir suivi toutes les règles posées en droit français pour l'établissement d'un contrat de retraite supplémentaire avec un organisme soumis au droit français. Dès lors que la législation française est ainsi inapplicable aux modalités de souscription du régime, l'observation notifiée par les Inspecteurs est injustifiée au regard tant de la nature juridique de l'organisme qui verse les prestations, puisque la validité de l'intervention de cet organisme soumis à un droit étranger ne peut pas être appréciée au regard du droit français, que de la formalisation de ce régime puisqu'il n'est pas soumis aux formalités du droit français ; en effet, c'est la holding néerlandaise [8] qui a conclu le contrat pour le compte de l'ensemble des filiales et sous-filiales du Groupe, y inclus la société [6].
-les textes législatifs du code de la sécurité sociale sur l'exonération du financement patronal du régime de retraite supplémentaire à cotisations définies n'imposent pas le respect des dispositions de l'article L. 911-1 comme condition d'exonération; en effet, l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ne se réfère à l'article L. 911-1 que pour la définition du type de garanties concernées et non pour la mise en forme de l'acte juridique.
-il n'est pas nécessaire de justifier de l'établissement d'un accord collectif ou référendaire ou d'une décision unilatérale pour bénéficier des exonérations.
-quant à la définition des bénéficiaires du régime, elle prend en compte la vocation internationale du dispositif ; à cet égard, les inspecteurs ont par erreur considéré qu'il s'agissait de travailleurs étrangers ; en effet,le contrat s'applique aux « Transferred Employees» et ainsi aux salariés qui font l'objet d'une mobilité géographique dans un autre pays et non aux « Travailleurs Etrangers ».
-ainsi, la qualité de bénéficiaire du plan prend en compte non pas la nationalité des intéressés mais leur parcours international au sein du Groupe [5] et le fait qu'ils sont soumis à des régimes d'assurance vieillesse distincts au cours de leur carrière, ce qui conduit à les placer objectivement dans une situation différente de celle des autres salariés qui ne changent pas de territoire d'affectation ; ainsi, le caractère collectif du régime est respecté.
-les bénéficiaires sont tous dans la même situation : il s'agit de salariés travaillant au sein de la société [6] mais provenant d'une autre société du Groupe [5] située à l'étranger et qui sont intégrés dans un dispositif de mobilité internationale pour raisons professionnelles au niveau du groupe, qui les conduit à faire l'objet d'affectations temporaires sur différents Etats; la nationalité des intéressés est indifférente, c'est la situation de mobilité internationale qui constitue le critère d'éligibilité.
-cette situation différente des salariés en mobilité géographique est attestée par le fait que la Convention collective nationale (CCN) de la promotion immobilière, dont elle dépend règle classiquement les rapports entre employeurs et salariés sur l'ensemble du territoire national et qu'elle n'est pas adaptée à des situations de mobilité internationale.
-le critère géographique est reconnu comme étant un critère objectif à maints égards.
-au cas particulier, la situation de mobilité internationale des bénéficiaires est une caractéristique géographique de l'évolution de leur carrière et cette situation particulière, qui les fait relever de législations et de conventions collectives différentes tout au long de leur carrière, justifie objectivement de définir un avantage qui leur soit spécifique s'agissant de la couverture de leur retraite. L'avantage est ainsi en lien avec la situation particulière professionnelle du bénéficiaire et il n'est pas question de cumuler des garanties similaires, ce qui confirme qu'il ne s'agit pas d'un avantage à caractère rémunératoire mais d'un avantage ayant pour objet de compenser une disparité de traitement liée à cette situation.
-de ce fait, les conditions posées aux articles R. 242-1-1 et R. 242-1-2 du code de la sécurité sociale sont satisfaites.
-dans le même sens, l'administration a d'ores et déjà admis qu'une situation de « mobilité» justifie l'application de mesures spécifiques, en particulier en termes d'exonération de charges sociales des remboursements par l'employeur des frais engagés par le salarié dans le cadre de cette mobilité et dans certains cas du versement d'une allocation forfaitaire, ce qui confirme qu'une situation de mobilité est en tant que telle « objective ».
Pour apprécier la validité de l'observation pour l'avenir, il y a lieu de tenir compte de la législation applicable en fin de période contrôlée.
Selon l'alinéa 6 de l'article L 242-1 du code de la sécurité sociale en vigueur du 01 janvier 2013 au 23 décembre 2015 : « Sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions des employeurs destinées au financement des prestations complémentaires de retraite et de prévoyance versées au bénéfice de leurs salariés, anciens salariés et de leurs ayants droit par les organismes régis par les titres III et IV du livre IX du présent code ou le livre II du code de la mutualité, par des entreprises régies par le code des assurances ainsi que par les institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances et proposant des contrats mentionnés à l'article L. 143-1 dudit code, à la section 9 du chapitre II du titre III du livre IX du code de la sécurité sociale ou au chapitre II bis du titre II du livre II du code de la mutualité lorsque ces garanties entrent dans le champ des articles L. 911-1 et L. 911-2 du présent code, revêtent un caractère obligatoire et bénéficient à titre collectif à l'ensemble des salariés ou à une partie d'entre eux sous réserve qu'ils appartiennent à une catégorie établie à partir de critères objectifs déterminés par décret en Conseil d'Etat » :
L'article R 242-1-1 du code de la sécurité sociale en vigueur du 11 juillet 2014 au 30 septembre 2018 dispose :
« Pour le bénéfice de l'exclusion de l'assiette des cotisations prévue au sixième alinéa de l'article L. 242-1, les garanties mentionnées au même alinéa, qu'elles soient prévues par un ou par plusieurs dispositifs mis en place conformément aux procédures mentionnées à l'article L. 911-1, doivent couvrir l'ensemble des salariés.
Ces garanties peuvent également ne couvrir qu'une ou plusieurs catégories de salariés sous réserve que ces catégories permettent, dans les conditions prévues à l'article R. 242-1-2, de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées. Une catégorie est définie à partir des critères objectifs suivants :
1° L'appartenance aux catégories de cadres et de non-cadres résultant de l'utilisation des définitions issues des dispositions des articles 4 et 4 bis de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres du 14 mars 1947 et de l'article 36 de l'annexe I de cette convention ;
2° Un seuil de rémunération déterminé à partir de l'une des limites inférieures des tranchesfixées pour le calcul des cotisations aux régimes complémentaires de retraite issus de la convention nationale mentionnée au 1° ou de l'accord national interprofessionnel de retraite complémentaire du 8 décembre 1961, sans que puisse être constituée une catégorie regroupant les seuls salariés dont la rémunération annuelle excède la limite supérieure de la dernière tranche définie par l'article 6 de la convention nationale précitée ;
3° La place dans les classifications professionnelles définies par les conventions de branche ou les accords professionnels ou interprofessionnels mentionnés au livre deuxième de la deuxième partie du code du travail ;
4° Le niveau de responsabilité, le type de fonctions ou le degré d'autonomie ou l'ancienneté dans le travail des salariés correspondant aux sous-catégories fixées par les conventions ou les accords mentionnés au 3° ;
5° L'appartenance au champ d'application d'un régime légalement ou réglementairement obligatoire assurant la couverture du risque concerné, ou bien l'appartenance à certaines catégories spécifiques de salariés définies par les stipulations d'une convention collective, d'un accord de branche ou d'un accord national interprofessionnel caractérisant des conditions d'emploi ou des activités particulières, ainsi que, l'appartenance aux catégories définies clairement et de manière non restrictive à partir des usages constants, généraux et fixes en vigueur dans la profession ;
Ces catégories ne peuvent en aucun cas être définies en fonction du temps de travail, de la nature du contrat, de l'âge ou, sous réserve du 4° et du dernier alinéa de l'article R. 242-1-2, de l'ancienneté des salariés. »
Il résulte de l'article R 242-1-2 du code de la sécurité sociale en vigueur du 11 juillet 2014 au 01 janvier 2022 que :
« Sont considérées comme couvrant l'ensemble des salariés placés dans une situation identique au regard des garanties mises en place :
1° Les prestations de retraite supplémentaire bénéficiant à des catégories établies à partir des critères mentionnés aux 1° à 3° de l'article R. 242-1-1 ;
2° Les prestations destinées à couvrir le risque de décès prévues par les dispositions de l'article 7 de la convention nationale de retraite et de prévoyance des cadres mentionnée au 1° de l'article R. 242-1-1 ;
3° Les prestations destinées à couvrir les risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès, lorsque ce dernier est associé à au moins un des trois risques précédents, ou la perte de revenus en cas de maternité, bénéficiant à des catégories établies à partir des critères mentionnés aux 1° et 2° du même article ainsi que, sous réserve que l'ensemble des salariés de l'entreprise soient couverts, au 3° du même article ;
4° Les prestations destinées à couvrir des frais de santé, qui bénéficient à des catégories établies à partir des critères mentionnés aux 1° et 2° du même article, sous réserve que l'ensemble des salariés de l'entreprise soient couverts.
Dans tous les autres cas où les garanties ne couvrent pas l'ensemble des salariés de l'entreprise, l'employeur devra être en mesure de justifier que la ou les catégories établies à partir des critères objectifs mentionnés à l'article R. 242-1-1 permettent de couvrir tous les salariés que leur activité professionnelle place dans une situation identique au regard des garanties concernées.
Le fait de prévoir que l'accès aux garanties est réservé aux salariés de plus de douze mois d'ancienneté pour les prestations de retraite supplémentaire et les prestations destinées à couvrir des risques d'incapacité de travail, d'invalidité, d'inaptitude ou de décès, et aux salariés de plus de six mois d'ancienneté pour les autres prestations, ne remet pas en cause le caractère collectif de ces garanties. »
L'article L 911-1 du code de la sécurité sociale en vigueur depuis le 24 juin 2006 prévoit que :
« A moins qu'elles ne soient instituées par des dispositions législatives ou réglementaires, les garanties collectives dont bénéficient les salariés, anciens salariés et ayants droit en complément de celles qui résultent de l'organisation de la sécurité sociale sont déterminées soit par voie de conventions ou d'accords collectifs, soit à la suite de la ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par le chef d'entreprise, soit par une décision unilatérale du chef d'entreprise constatée dans un écrit remis par celui-ci à chaque intéressé. »
Selon l'article L 911-2 du code de la sécurité sociale en vigueur depuis le 24 juin 2006
« Les garanties collectives mentionnées à l'article L. 911-1 ont notamment pour objet de prévoir, au profit des salariés, des anciens salariés et de leurs ayants droit, la couverture du risque décès, des risques portant atteinte à l'intégrité physique de la personne ou liés à la maternité, des risques d'incapacité de travail ou d'invalidité, des risques d'inaptitude et du risque chômage, ainsi que la constitution d'avantages sous forme de pensions de retraite, d'indemnités ou de primes de départ en retraite ou de fin de carrière. »
Pour fonder leur observation pour l'avenir, les inspecteurs du recouvrement ont retenu à la lettre d'observations (pièce n°1 de la société et n°2 de l'Urssaf) que :
-l'organisme qui verse, dans le cadre d'un régime international de retraite supplémentaire, les prestations n'est pas un organisme habilité au sens de l'article L.242- 1 ;
-l'entreprise n'a pas été en mesure lors du contrôle de présenter l'acte fondateur dudit régime ;
-le contrat de retraite ne respecte ni le caractère collectif, ni le caractère obligatoire comme étant conclu au seul profit de la catégorie des "Travailleurs Etrangers" (T.E.)
Sur ce dernier point, il apparaît que la référence par les inspecteurs à la notion de "Travailleurs Etrangers" pour la mention « T.E. » est erronée, celle-ci correspondant en fait aux « Transferred Employees» visés au contrat et donc simplement aux salariés qui font l'objet d'une mobilité géographique dans un autre pays. En effet l'article 3.1 de l'annexe qui constitue le règlement du plan de retraite (pièces n°12 et 13 de la société) dispose au titre de l'éligibilité au bénéfice du contrat « 3.1 Eligibilité :Tout Salarié est éligible au Plan pour autant qu'il : (a) soit affecté, à la demande de l'Employeur, en dehors du pays où il a sa résidence habituelle; (...) », ce qui n'implique nullement que le contrat ne bénéficie qu'aux « travailleurs étrangers ».
Ce critère, fondé sur une constatation erronée, ne saurait donc fonder l'observation pour l'avenir.
Cependant, il résulte des dispositions législatives et réglementaires susvisées que, contrairement à ce qu'avance la société, le bénéfice des exonérations, en matière de retraite supplémentaire, est conditionné par le respect de conditions relatives, notamment, aux modalités de mise en place de ces régimes et à la nature juridique de l'organisme versant les prestations.
Ainsi, les prestations de retraite supplémentaire et de prévoyance complémentaire doivent, pour ouvrir droit à l'exclusion d'assiette, avoir été mises en place selon l'une des procédures mentionnées à l'article L. 911-1 qui prévoit trois modalités : convention ou accord collectif, ratification à la majorité des intéressés d'un projet d'accord proposé par l'employeur, décision unilatérale de l'employeur constatée dans un écrit remis à chaque intéressé.
En l'espèce, force est de constater que la société n'a pas été en mesure lors du contrôle de présenter à ce titre l'acte fondateur dudit régime.
Les prestations doivent de plus être versées par des organismes habilités, à savoir uniquement les sociétés d'assurance régies par le code des assurances , les institutions de prévoyance régies par le titre III du livre IX du code de la sécurité sociale, et celles régies par l'article L. 727-2 du code rural et de la pêche maritime , les mutuelles relevant du livre II du code de la mutualité et les institutions mentionnées à l'article L. 370-1 du code des assurances.
Les conditions d'exonération, d'interprétation stricte, ne sauraient ainsi être étendues, d'une part à des prestations servies dans le cadre d'un régime international de retraite supplémentaire, par une société de droit suisse qui n'est pas un organisme habilité au sens de l'article L.242-1 d'autre part à des prestations qui n'ont pas été mises en place selon l'une des procédures mentionnées à l'article L. 911-1, chacun de ces deux manquements suffisant à justifier l'observation pour l'avenir.
Le jugement sera donc infirmé.
La société sera condamnée à verser à l'Urssaf une somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
DECLARE l'appel recevable ;
INFIRME le jugement déféré ;
Et statuant à nouveau ;
JUGE régulière la décision administrative du 15 décembre 2015 de « confirmation d'observations suite à contrôle » ;
JUGE bien fondée et confirme l'observation pour l'avenir formulée sous le point n°13 de la lettre d'observations, intitulée « Retraite supplémentaire : non respect du caractère collectif - travailleurs étrangers-observation» ;
DÉBOUTE la société [6], devenue [7], de ses demandes ;
CONDAMNE la société [6], devenue [7], à payer à l'Urssaf Ile de France la somme de 1 000 € au titre des frais irrépétibles ;
CONDAMNE la société [6], devenue [7], aux dépens d'appel.
La greffière Pour le président empêché