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06/01/2023 | FRANCE | N°16/14433

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 12, 06 janvier 2023, 16/14433


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12



ARRÊT DU 06 Janvier 2023



(n° , 9 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14433 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2AR5



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Octobre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16/01142



APPELANT

Monsieur [D] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en

personne, assisté de Me Lucile ROSENSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0641



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/013551 du 07/07/2017 accordée par le bureau d'ai...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 12

ARRÊT DU 06 Janvier 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 16/14433 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2AR5

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Octobre 2016 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de PARIS RG n° 16/01142

APPELANT

Monsieur [D] [N]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Lucile ROSENSTEIN, avocat au barreau de PARIS, toque : G0641

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2017/013551 du 07/07/2017 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE VIEILLESSE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par M. [J] [S] en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Novembre 2022, en audience publique et en double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. Pascal PEDRON, Président de chambre et M. Gilles REVELLES, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

M. Pascal PEDRON, Président de chambre

M. Gilles REVELLES, Conseiller

M. Gilles BUFFET, Conseiller

Greffier : Mme Claire BECCAVIN, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

-signé par M. Gilles REVELLES, Conseiller, pour M. Pascal PEDRON, Président de chambre, légitimement empêché, et par Mme Claire BECCAVIN, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La cour statue sur l'appel interjeté par M. [D] [N] d'un jugement rendu le 11 octobre 2016 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris dans un litige l'opposant à la CNAV (la caisse).

FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

M. [N], né en 1953, a le 04 décembre 2014 complété un formulaire réglementaire de demande de retraite, à effet du 01er octobre 2014.

Par courrier du 23 février 2015 la CNAV l'a informé avoir « accusé réception le 18/02/2015 de votre réponse à notre courrier du taux minoré du 04/02/2015 par lequel vous indiquez accepter le paiement de votre retraite personnelle à la date du 01/10/2014. Or, comme nous vous l'avons déjà stipulé lors de notre courrier du 16/12/2014 nous ne pouvons retenir en date de point de départ le 01/10/2014. »

Puis la caisse a notifié le 28 février 2015 à M. [N] le rejet de sa demande au motif suivant : « En effet nous pouvons retenir uniquement la date du 01/01/2015. Suite à notre entretien téléphonique de ce Jour lors duquel vous maintenez votre point de départ au 01/10/2014, nous vous informons qu'en conséquence nous procédons au rejet de votre demande. »

Après vaine saisine de la commission de recours amiable, M. [N] a porté le litige devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Paris, lequel par jugement du 11 octobre 2016 a rejeté ses demandes et confirmé la décision de la commission de recours amiable.

M. [N] a le 17 novembre 2016 interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 15 novembre 2016.

Par ses conclusions écrites « d'appelant récapitulatives » prises pour l' « Audience du 03 novembre 2022 à 13h30 » déposées par son avocat qui les a oralement développées à l'audience, M. [N] demande à la cour de :

-infirmer le jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes,

-juger qu'il a valablement demandé à bénéficier de ses droits à retraite par l'imprimé réglementaire cerfa en date du 04 décembre 2014,

-confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le point de départ de la retraite doit être fixé au 01er janvier 2015,

-juger que la CNAV aurait dû liquider les droits à retraite à la date du 1 er janvier 2015,

-juger que le rejet total de sa demande de retraite par la CNAV est abusif,

En conséquence

-condamner la CNAV à liquider ses droits à retraite rétroactivement à compter du 1 er janvier 2015,

-condamner la CNAV à lui régler rétroactivement les arriérés de pension du régime de base à compter du 1er janvier 2015 en tenant compte des régimes salarié et non-salarié auxquels il a cotisé,

En conséquence,

-condamner la CNAV à lui régler les arriérés de pension du régime de base à compter du 1er janvier 2015 en tenant compte des régimes salarié et non salarié auxquels il a cotisé estimés à 164 550 € entre le 1er janvier 2015 et le 31 décembre 2022,

En toute hypothèse

-dire que ces sommes porteront intérêt au taux légal à compter du 1 er janvier 2015,

-condamner la CNAV à lui payer la somme de 164 550 euros correspondante aux prestations non perçues à titre de dommages intérêts,

-condamner la CNAV à lui payer la somme de 30 480 €, à parfaire, au titre du préjudice fiscal qu'il a subi,

-condamner la CNAV à lui payer la somme de 4 690 € à parfaire au titre du préjudice cotisations CSG retraite qu'il a subi,

-condamner la CNAV à la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile avec distraction au profit de Maître Rosenstein Lucile en application du 2° de cet article.

M. [N] fait valoir pour l'essentiel que :

-il a formulé une demande de liquidation de ses droits à la retraite de base dès le 22 mars 2011 et était convaincu que celle-ci, qui n'a jamais été rejetée, était actée et serait traitée dès qu'il atteindrait l'age de départ à la retraite.

-quand il a remis à l'agence ses éléments de reconstitution de carrière, l'agent lui a demandé de compléter un imprimé Cerfa, ce qu'il a fait le 04 décembre 2014, indiquant une date de départ à la retraite le 01 octobre 2014, persuadé que sa demande de 2011 n'avait pas été rejetée, s'insurgeant par la suite qu'on lui fasse perdre 03 mois de retraite.

-en tout état de cause sa retraite aurait du être débloquée à minima depuis le 01 janvier 2015, puisqu'il n'a jamais dit annuler sa demande de retraite, étant d'accord avec le nombre de trimestres et le taux réduit ; or la caisse a unilatéralement annulé et rejeté abusivement sa demande alors que rien ne l'y obligeait. Il aurait alors contesté la date de paiement sans être privé de sa retraite de base à laquelle il avait droit, et ce d'autant plus que les caisses complémentaires n'ont pas suivi la décision de rejet de la CNAV et ont liquidé sa retraite complémentaire fin avril 2015 avec une rétroactivité d'office au 1er octobre 2014.

-cette situation l'a placé depuis huit années dans une situation extrêmement difficile en le privant de sa retraite de base.

-la caisse a donc commis une faute dans la liquidation de sa retraite formulée depuis 2011 ;

-la caisse ne lui a jamais indiqué que sa demande de 2011 ne pouvait être acceptée car prématurée.

-le principe de la liquidation était en tout état de cause définitivement acquis suite au dépôt du formulaire cerfa de 2014 régulier et recevable, ne pouvant plus être rejeté, refusé ou annulé quelqu'en soit le quantum et la date d'effet, alors qu'au surplus il manifestait clairement sa volonté de liquider sa retraite à taux réduit.

-du fait de la privation de sa retraite de base, il a subi un préjudice économique, un préjudice moral lié notamment aux tensions existant au sein de sa famille du fait de la privation financière de sa retraite de base, ainsi qu'une dégradation de son état de santé physique et psychique qu'il n'a pas pu préserver par manque de moyens.

-la caisse n'a pas pris en compte dans son relevé de carrière les 25 années tout régime confondu auxquelles il peut prétendre ; elle ne produit pas le calcul de la retraite de base RSI malgré ses demandes ; il a refait les calculs, l'un pour la période salariée, l'autre pour la période RSI en reprenant à l'euro près les valeurs CNAV de chaque salaire annuel depuis le dernier bilan de carrière, en respectant les textes et les valeurs des paramètres des trimestres sur la totalité de la période de base validée donc des trimestres validés en cohérence avec le total des trimestres obligatoires sur une vie de cotisation maximale réglementaire, du revenu et salaire moyen au prorata des 25 meilleures années encourues aboutissant à un calcul salarié de 756,71 € mensuel, et un calcul RSI de 847, 49 € mensuel, les arriérés d'impayés de la pension de base complète depuis Janvier 2015 à décembre 2022 représentant la somme de 164550,12 €,

-concernant son préjudice fiscal, le paiement rétroactif par la CNAV en une seule fois des mensualités qui auraient dues être payées depuis le 1er janvier 2015 va entrainer des conséquences fiscales préjudiciables pour un surcoût fiscal de 30 à 41 % de plus sur l'assiette, les simulations établies aboutissant à un surplus d'impôts de 10 160 € par an.

-concernant le préjudice lié aux taux différenciés de CSG et de leurs augmentations depuis 2015, celui-ci s'élèvent à 4 610 €.

Par ses conclusions écrites «en réplique N°2» déposées par son représentant qui les a oralement développées à l'audience, la caisse demande à la cour de :

Au principal :

-confirmer le jugement déféré ;

-dire que la lettre du 22 mars 2011 n'est pas constitutive d'une demande de retraite personnelle ;

-rejeter la demande de liquidation des droits à retraite à compter du 1 er octobre 2014 ;

-rejeter la demande de liquidation des droits à retraite à compter du 1 er janvier 2015 ;

-lui donner acte qu'elle validera 2 périodes assimilées au titre du chômage pour l'ACCRE pour l'année 2004 ;

-rejeter la demande de condamnation de la Caisse à des dommages et intérêts à hauteur de 25 000 euros;

-rejeter la demande de condamnation de la Caisse à la somme de 8 300 euros au titre du préjudice fiscal;

-rejeter la demande de paiement aux intérêts de retard;

-rejeter la demande de condamnation de la Caisse à la somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

-condamner M. [N] au paiement de la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles

A titre subsidiaire,

-si la Cour faisait droit à la demande de liquidation des droits à compter du 1 er janvier 2015, lui en donner acte mais à la condition que M. [N] transmettre dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir, le choix d'option du 04 février 2015 complété et signé sans aucune mention ajoutée ni rature. A défaut, le rejet deviendra définitif.

La caisse réplique en substance, après avoir rappelé l'historique des multiples courriers échangés avec M. [N], que :

-aucune retraite personnelle ne saurait être attribuée à M. [N] à compter du 01 octobre 2014 en raison du formalisme en matière de demande de retraite et du fait que le courrier du 22 mars 2011 ne correspond pas à une demande de retraite , mais à une demande d'informations par M. [N] sur ses droits à venir et la procédure à suivre pour bénéficier de ses droits, sans précision de date.

-elle n'a fait preuve d'aucun défaut d'information dans la gestion de ce courrier, répondant à celui-ci par l'envois de questionnaire et relevés de carrière qui mentionnent ne pas valoir demande de retraite, 03 ans s'écoulant sans que M. [N] ne se manifeste auprès d'elle.

-son rejet du 28 février 2015 de la demande de retraite est légitime : conformément à la Circulaire n°20/84 du 31 janvier 1984, dans le cas d 'une attribution des droits à un taux réduit, elle doit informer le demandeur : - du montant de ses droits à la date du point de départ donnant lieu à un taux réduit; - et du montant de ses droits à la date d'obtention du taux plein ; à la lecture de ces éléments, il revient à l'assuré de décider s'il maintient sa demande, ce choix devant être sans équivoque. Elle a donc le 04 février 2015 adressé à M. [N] 2 estimations de ses droits: - à compter du 1er janvier 2015, 1er jour du mois suivant le dépôt de l'imprimé réglementaire du 04 décembre 2014 ; - à compter du 1 er octobre 2019 correspondant à la date à laquelle l'appelant aurait atteint l'âge du taux plein (au sens de l'article L 351-8 du code de la sécurité sociale) ; ce courrier expliquait clairement l'utilité de ces 2 évaluations pour lui permettre de prendre sa décision avant le 24/02/2015 ; toutefois, par courrier du 18 février 2015, le requérant sollicitait une régularisation de sa carrière, contestait le taux minoré de 38,125% demandant la règle de calcul et maintenait sa demande d'attribution à compter du 1er octobre 2014, raturant le formulaire de réponse, laquelle ne correspondait pas à la proposition de la Caisse ; à réception du formulaire, elle a communiqué téléphoniquement avec M. [N] afin de lui expliquer pour la 2éme fois les règles juridiques en matière de fixation du point de départ, mais M. [N] a refusé la liquidation au 1er janvier 2015, ce qui a eu pour conséquence le rejet du 28 février 2015.

-elle n'a commis aucune faute dans le traitement du dossier de M. [N] et n'a fait qu'appliquer la règlementation en vigueur, alors que ce dernier a causé son propre préjudice en s'obstinant à ne pas accepter la liquidation à compter du 1er janvier 2015 alors même qu'en première instance, l'alternative lui avait été une nouvelle fois proposée dans le but de préserver ses droits.

-elle s'étonne donc que désormais, au bout de 07 ans, M. [N] accepte de se voir attribuer des droits au 1 er janvier 2015 alors qu'il a formellement refusé la liquidation de ses droits à compter du 1er janvier 2015, préférant ne rien percevoir plutôt que de ne contester que 3 mois de rétroactivité, et ce à sept reprises entre son courrier du 23 décembre 2014 et lors de l'audience du 12 juillet 2016.

-sur la régularisation de la carrière, l'essentiel des éléments contestés porte sur l'activité de M. [N] en tant qu'indépendant à une époque où les organismes de la CNAV et du RSI étaient distincts de sorte qu'aucune erreur sur les relevés de carrière transmis en 2011 ne peut être reprochée à la CNAV ; la Caisse ayant repris les droits de l'ex-RSI depuis le 01/01/2020 se chargera dans les meilleurs délais d'étudier la contestation de son relevé de carrière et attribuera les droits à une retraite personnelle pour les 2 activités. Les calculs de M. [N] tendant à une liquidation de ses droits tous régimes confondus ne peuvent prospérer, les liquidations devant être effectuées séparément par régimes en application de l'article L 173-1-2 du code de la sécurité sociale ; elle a déjà transmis une estimation de droits au régime général le 04 février 2015 pour un montant de 425.25 euros bruts pour un point de départ au 1 er janvier 2015 ; compte tenu de la validation à venir des 2 périodes assimilées au titre du chômage au regard des éléments transmis par M. [N], le montant estimatif s'élèverait à 433.51 euros bruts pour un point de départ au 1 er janvier 2015.

-le préjudice fiscal invoqué n'est qu'hypothétique et elle n'a commis aucune faute.

Pour un exposé complet des moyens des parties, la cour renvoie à leurs conclusions écrites visées par le greffe le 03 novembre 2022 qu'elles ont respectivement oralement développées à l'audience.

SUR CE, LA COUR

Sur la demande de réouverture des débats

Par courrier daté du 20 novembre 2022, reçu au greffe de la cour d'appel le 21 novembre 2022, M. [N] a sollicité de la cour la réouverture des débats au titre du respect du contradictoire au motif d'un changement « d'axe de défense » par la caisse dans ses dernières écritures au regard desquelles il n'a pas pu s'expliquer contradictoirement alors que son avocate avait versé une nouvelle version des écritures qu'il n'avait pas validées nécessairement « dans le stress de l'audience ne comprenant rien de ce qui se tramait encore

Il apparaît cependant que les parties ont par l'intermédiaire de leurs avocat et représentant, dans ce dossier qui avait déjà fait l'objet de deux renvois, sollicité à l'audience du 03 novembre 2022 que l'affaire soit retenue et y ont développé oralement et contradictoirement leurs écritures qui ont été visées par le greffe. Le principe du contradictoire a donc été pleinement respecté dans le cadre d'une procédure orale. La demande de réouverture des débats, présentée après la clôture des débats, est donc rejetée.

Sur le point de départ de la retraite

Il résulte des dispositions de l'article R 351-37 du code de la sécurité sociale que la date d'entrée en jouissance de la pension ne peut être antérieure au dépôt de la demande, celle-ci pouvant au mieux prendre effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la caisse chargée de la liquidation des droits à pension de vieillesse.

La demande de pension sollicitée par M. [N] au moyen du formulaire réglementaire cerfa qu'il a complété le 04 décembre 2014 a été réceptionnée par la caisse le 10 décembre 2014 (pièce n°4 bis de l'appelant). La pension ne pouvait donc, quelles que soient les circonstances, prendre effet avant le 01er janvier 2015.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [N] en fixation du point de départ de sa retraite au 01er octobre 2014.

Sur le rejet du 28 février 2015

Selon l'article L 351-1 du code de la sécurité sociale « L'assurance vieillesse garantit une pension de retraite à l'assuré qui en demande la liquidation à partir de l'âge mentionné à l'article L. 161-17-2. »

Il résulte de l'article R 173-4-1 du code de la sécurité sociale applicable que « (...) la demande de liquidation des droits à pension, directs ou dérivés, est adressée, au moyen d'un imprimé unique conforme à un modèle fixé par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale, du budget et de l'agriculture, à l'un des régimes précités, dit régime d'accueil, au choix de l'intéressé. »

L'article R 351-34 du code de la sécurité sociale applicable précise que «Les demandes de liquidation de pension sont adressées à la caisse chargée de la liquidation des droits à prestations de vieillesse(...) dans les formes et avec les justifications déterminées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale (') ».

En l'espèce, la caisse a reçu le 10 décembre 2014 la demande de pension sollicitée par M. [N] au moyen du formulaire réglementaire cerfa qu'il a complété le 04 décembre 2014, y indiquant une date de « point de départ souhaité » au 01er octobre 2014 (pièce n°7 de la caisse).

Suite à échanges, la caisse a transmis à M. [N] le 04 février 2015 un courrier d' « option» consistant en un « imprimé à me retourner avant le 24/02/2015 » indiquant (pièce n°14 de la caisse) :

« Vous avez deux possibilités;

- soit vous demandez votre retraite avec un taux réduit,

- soit vous annulez votre demande.

Toutefois, avant de prendre votre décision, je vous recommande de vous renseigner auprès des autres régimes auxquels vous avez cotisé y compris les regimes complémentaires. En effet, chaque régime a ses propres règles de droit.

Pour m'indiquer votre choix,

mettez une croix dans le cadre correspondant à votre décision

renvoyez-moi ce document daté et signé.

-Je demande le paiement de ma retraite au 01/01/2015 aux taux de 38,125%, et selon les éléments indiqués sur l'évaluation jointe

Je cesse mon activité et je joins le justificatif

A Le Signature:

-J'annule ma demande de retraite

A Le Signature

Lorsque vous souhaiterez l'examen de vos droits, vous devrez déposer une nouvelle demande 4 mois avant le point de départ choisi

Important

Sans réponse le 24/02/2015, je considérerai que vous annulez votre demande de retraite.»

M. [N] a complété manuscritement ce formulaire en rayant le paragraphe « J'annule ma demande de retraite » , en cochant la case correspondant au paragraphe « Je demande le paiement de ma retraite » y barrant la mention au « 01/01/2015 » pour y substituer « au 01/10/2014 » avant d'indiquer « A [Localité 3] sur place » « Le 18 février 2015 avec Demande de RDV joint » et de signer le formulaire « reçu le 18 février 2015 » par la caisse.

Ainsi M. [N], suite à sa demande du 04 décembre 2014, à travers sa réponse au formulaire faite avant le 24 février 2015, a exprimé et confirmé clairement sa volonté de demander le paiement de sa retraite. La caisse ne pouvait dès lors rejeter la demande de liquidation de la retraite au motif qu'elle ne pouvait pas retenir une date de point de départ au « 01/10/2014» et que la réponse de l'assuré ne correspondait pas à sa proposition, étant précisé qu'aucun texte législatif ou réglementaire n'impose et ne régit le courrier d'option en cause.

La caisse devait dès lors procéder à la liquidation de la retraite de M. [N] sur les bases et montant qu'elle estimait applicables, ouvrant ainsi la possibilité pour M. [N] , tout en percevant sa pension de base, de contester dans le délai de recours les éléments de celle-ci, dont sa date d'effet, ou d'en demander l'annulation, étant précisé que M. [N] n'a aucunement sollicité l'annulation de sa demande de retraite à travers le contenu de son courrier de demande de RDV joint (pièce n°13 de la caisse), ni lors de son entretien téléphonique avec la caisse du 23 février 2015 (pièce n°16 de la caisse). La caisse ne pouvait donc de ce seul chef rejeter cette demande.

Il convient dès lors de faire droit à la demande de M. [N] de liquidation de ses droits à retraite de base rétroactivement à compter du 1er janvier 2015, laquelle sera effectuée sur les bases estimées par la caisse le 04 février 2015,devant être réactualisée pour tenir cependant compte de la validation à venir des 2 périodes assimilées au titre du chômage, la demande chiffrée de M. [N] tendant à une liquidation de ses droits tous régimes confondus ne pouvant prospérer dès lors que la possibilité de liquidation unique prévue à l'article L 173-1-2 du code de la sécurité sociale ne concerne que les retraites personnelles attribuées à compter du 01er juillet 2017. La caisse précise d'ailleurs qu' ayant repris les droits de l'ex-RSI depuis le 01/01/2020, elle se chargera dans les meilleurs délais d'étudier la contestation de son relevé de carrière et attribuera les droits de M. [N] à une retraite personnelle au titre de son activité ex-RSI.

Sur les demandes de dommages-intérêts

Dès lors qu'il est fait droit à la demande de M. [N] de liquidation de ses droits à retraite de base rétroactivement à compter du 1er janvier 2015, sa demande tendant à voir la CNAV être condamnée à lui payer à titre de dommages intérêts une somme «correspondante aux prestations non perçues » ne saurait prospérer.

M. [N] demande la condamnation de la CNAV à lui payer la somme de 30 480 €, à parfaire, au titre du préjudice fiscal subi du fait que le versement global sur une année de son arriéré de pension due depuis 2015 qui l'en a fautivement privée entrainera une imposition supplémentaire en raison de la progressivité de l'impôt sur le revenu.

La caisse réplique qu'elle n'a commis aucune faute et que l'appelant est responsable de son préjudice en s'évertuant depuis 7 ans à refuser la liquidation de ses droits, choix de M. [N] dont elle n'a pas à supporter les conséquences.

La caisse devait, suite à la réponse de M. [N] du 18 février 2015, procéder à la liquidation de la retraite de M. [N] sur les bases et montant qu'elle estimait applicables, et lui donner ainsi la possibilité d'en percevoir le montant tout en pouvant en contester les éléments. Le rejet de la caisse procède donc d'un manquement fautif de celle-ci.

Il apparaît cependant que M. [N] a contribué en partie au préjudice fiscal qu'il invoque, son indemnisation devant être réduite en conséquence. Il résulte en effet du contenu du jugement déféré que M. [N], devant la juridiction de première instance et notamment à l'occasion de l'audience du 12 juillet 2016, a « refusé le paiement de sa retraite au 1er janvier 2015 », ne sollicitant effectivement plus devant les premiers juges, même accessoirement ou en tout état de cause, la liquidation immédiate de sa pension de base.

Dans ces conditions, le préjudice fiscal de M. [N], en tenant compte de l'étalement d'un rappel sur 04 années et des montants résultant des bases estimées par la caisse le 04 février 2015 réactualisées de 2 périodes validées, sera intégralement réparé, suite à partage de responsabilité, par l'octroi de 2 000 € de dommages-intérêts.

M. [N] n'établit pas par ses écritures et productions le préjudice « cotisations CSG retraite » qu'il invoque ; il sera donc débouté de sa demande à ce titre.

Par ailleurs, M. [N] ne sollicite aucune indemnisation en conséquence de ses développements relatifs à son courrier du 22 mars 2011 (sa pièce n°1), étant précisé qu'il résulte du contenu de celui-ci qu'il ne s 'analyse pas en une demande de retraite, mais en une demande d'informations sur ses droits à venir et de la procédure à suivre pour bénéficier de ses droits, auquel la caisse a totalement répondu en août et septembre 2011 par ses pièces n°2 à 4.

Sur les autres demandes

Il n'y a pas lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au profit de l'une ou l'autre des parties.

Chacune des parties conservera par ailleurs à sa charge les éventuels dépens d'appel qu'elle a exposés.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

REJETTE la demande de réouverture des débats présentée par M. [N] par courrier daté du 20 novembre 2022.

DECLARE l'appel recevable ;

INFIRME le jugement déféré en ce qu'il a confirmé la décision de la commission de recours amiable du 13 janvier 2016 et en ce qu'il a rejeté la demande de dommages-intérêts de M. [N] pour préjudice fiscal ;

LE CONFIRME pour le surplus ;

Y ADDITANT ;

JUGE que M. [N] a valablement demandé à la CNAV à bénéficier de ses droits à retraite par l'imprimé réglementaire cerfa en date du 04 décembre 2014,

JUGE que le point de départ de la retraite de base de M. [N] doit être fixé au 01er janvier 2015,

JUGE que la CNAV doit liquider les droits à retraite de base de M. [N] à effet du 01er janvier 2015 et régler rétroactivement à M. [N] les arriérés de pension du régime de base à compter de cette date sur les bases estimées par la caisse le 04 février 2015, devant être réactualisées pour tenir cependant compte de la validation à venir des 2 périodes assimilées au titre du chômage pour l'ACCRE pour l'année 2004,

DÉBOUTE M. [N] de sa demande de condamnation de la CNAV à lui payer la somme de 164 550 euros correspondante aux prestations non perçues à titre de dommages intérêts,

DÉBOUTE M. [N] de sa demande de condamnation de la CNAV à lui payer la somme de 4 690 € au titre du préjudice cotisations CSG retraite,

CONDAMNE la CNAV à payer à M. [N] la somme de 2 000 € au titre du préjudice fiscal,

DÉBOUTE M. [N] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la CNAV de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chacune des parties la charge des dépens d'appel qu'elle a exposés.

La greffière Pour le président empêché


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 12
Numéro d'arrêt : 16/14433
Date de la décision : 06/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-06;16.14433 ?
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