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05/01/2023 | FRANCE | N°22/16135

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 05 janvier 2023, 22/16135


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 05 JANVIER 2023



(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16135 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGM2K



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Septembre 2022 -Président du TJ de [Localité 3] - RG n°22/54634





APPELANTE



LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame l

a Maire de [Localité 3], Mme [T] [D], domiciliée en cette qualité audit siège



[Adresse 5]

[Localité 2]



Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DES...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 05 JANVIER 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/16135 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGM2K

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 07 Septembre 2022 -Président du TJ de [Localité 3] - RG n°22/54634

APPELANTE

LA VILLE DE [Localité 3], prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 3], Mme [T] [D], domiciliée en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 2]

Représentée par Me Stéphane DESFORGES de la SELARL LE SOURD DESFORGES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0131

Assistée à l'audience par Me Grégoire DUCONSEIL, avocat au barreau de PARIS, toque : K131

INTIMES

M. [K] [Z]

[Adresse 1]

[Localité 4]

S.A.R.L. LES PHOTOS SOUVENIRS, RCS de PARIS n° 428 681 787, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentés et assistés à l'audience par Me Charles-edouard FORGAR de la SELARL LARGO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0112

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

******

EXPOSE DU LITIGE

Aux termes d'une convention d'occupation signée le 1er août 2012, la ville de [Localité 3] a autorisé la société Les photos souvenirs, représentée par M. [Z], à occuper un emplacement situé sur le musoir entre le quai de New-York et l'avenue des Nations Unies, à [Localité 3] 16ème, pour y exercer une activité de kiosque de vente d'objets de souvenir.

Par courrier recommandé du 30 juillet 2021, la ville de [Localité 3] a notifié à M. [Z] et à la société Les photos souvenirs la résiliation de la convention d'occupation au 28 février 2022 pour motifs tirés de l'intérêt général, compte tenu du projet d'aménagement du quartier en prévision de l'accueil des jeux olympiques à l'été 2024.

Se plaignant du maintien dans les lieux de M. [Z] malgré la résiliation de la convention, la ville de Paris a, par acte d'huissier du 25 mai 2022, assigné en référé ce dernier devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins notamment de voir ordonner son expulsion. Cette assignation a été enrôlée sous le numéro de RG 22/54634.

Par exploit délivré le 2 juin 2022, la ville de [Localité 3] a fait assigner en intervention forcée la société Les photos souvenirs. Cette assignation a été enrôlée sous le numéro de RG 22/54137.

Les deux affaires ont été jointes.

Dans le dernier état de ses prétentions, la ville de [Localité 3] a demandé au tribunal, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile, de :

- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de M. [Z] et de tout occupant de son chef de l'emplacement situé sur le musoir entre le [Adresse 7], et ce avec le concours de la force publique et d'un serrurier et en tant que de besoin la société les photos souvenirs, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- ordonner la séquestration du mobilier et du matériel garnissant ces lieux dans un garde-meubles aux frais, risques et périls du défendeur ;

- dire que les délais prévus aux articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ne peuvent trouver à s'appliquer en l'espèce ;

- rejeter les demandes de délais de grâce et en paiement d'une provision ;

- condamner le défendeur au paiement d'une astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- condamner le défendeur et en tant que de besoin la société à lui verser la somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Par ordonnance réputée contradictoire du 7 septembre 2022, le tribunal judiciaire de Paris a dit n'y avoir lieu à référé, condamné la ville de [Localité 3] à verser à M. [Z] la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Par déclaration du 14 septembre 2022, la ville de [Localité 3] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 18 novembre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles L. 116-1 du code de la voirie routière, 834 et 835 du code de procédure civile, 544 du code civil, de :

- infirmer l'ordonnance entreprise et statuant à nouveau,

- déclarer irrecevables les conclusions des intimés ;

- déclarer recevable son appel et rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les intimés ;

- ordonner l'expulsion immédiate et sans délai, si besoin est avec l'assistance d'un serrurier et le concours de la force publique, de M. [Z] et de la société Les Photos Souvenirs et de tous occupants de son chef, occupants sans droit ni titre installés sur emplacement situé sur le musoir entre le [Adresse 6] ;

- condamner les intimés à libérer les lieux sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- dire que les délais prévus aux articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ne peuvent trouver à s'appliquer en l'espèce ;

- rejeter toute demande de délais ;

- rappeler que le sort du mobilier garnissant les lieux est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamner in solidum les intimés aux dépens de première instance ;

- condamner in solidum les intimés à lui verser à la Ville de [Localité 3] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de première instance ;

- condamner in solidum les intimés aux dépens d'appel ;

- condamner in solidum les intimés à verser à la Ville de [Localité 3] la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles d'appel.

Dans leurs dernières conclusions remises et notifiées le 21 novembre 2022, M. [Z] et la société Les photos souvenirs demandent à la cour, au visa des articles 31, 122, 834 et 835 du code de procédure civile, L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, de :

In limine litis,

- déclarer irrecevable l'appel interjeté par la ville de [Localité 3] à l'encontre de l'ordonnance du 7 septembre 2022 ;

A titre principal,

- confirmer l'ordonnance du 7 septembre 2022 ;

- débouter la ville de [Localité 3] de toutes ses demandes ;

A titre subsidiaire,

- leur accorder les délais de grâce les plus longs pour libérer les lieux ;

En tout état de cause,

- condamner la Ville de [Localité 3] aux entiers dépens ainsi qu'à leur payer la somme de 5.000 euros chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, MOTIFS

Sur la recevabilité des conclusions de l'intimé

Le greffe a adressé à l'appelant l'avis de fixation de l'affaire à bref délai le 4 octobre 2022. L'appelante a signifié ses conclusions d'appel aux intimés les 5 et 6 octobre 2022. Les intimés ont constitué avocat le 13 octobre 2022. Le 13 octobre 2022 l'appelante a notifié ses conclusions d'appel au conseil des intimés. Les intimés ont remis et notifié leurs conclusions de 14 octobre 2022.

L'appelante soulève l'irrecevabilité des conclusions des intimés au motif qu'elles ont été notifiées au-delà du délai d'un mois prévu à l'article 905-2 du code de procédure civile, ce délai courant à compter de l'acte de signification des conclusions d'appel.

Les intimés soutiennent pour leur part que le délai pour notifier leurs conclusions a couru à compter du 13 octobre 2022, date à laquelle l'appelante a notifié ses conclusions au conseil des intimés après leur constitution, faisant valoir qu'en application de l'article 911 du code de procédure civile, la ville de [Localité 3] ne pouvait procéder à la signification de ses conclusions les 5 et 6 octobre 2022 mais devait attendre l'expiration du délai d'un mois supplémentaire imparti par ce texte.

Toutefois, ce délai supplémentaire d'un mois n'est imparti qu'à l'appelant pour signifier ses conclusions d'appel lorsque l'intimé n'a pas constitué avocat dans le délai initial d'un mois dont l'appelant dispose pour conclure à compter de l'avis de fixation ; ce délai ne bénéficie pas à l'intimé, lequel, conformément aux dispositions combinées des articles 905-2 et 911, doit remettre et notifier ses conclusions dans le mois de la notification des conclusions d'appel.

L'appelant n'est pas tenu par les textes d'attendre la constitution de l'intimé avant de notifier ses conclusions d'appel ; il n'est pas tenu de notifier ses conclusions après les avoir signifiées à l'intimé avant sa constitution d'avocat. La notification de ses conclusions d'appel, qu'elle intervienne dans le délai initial d'un mois ou dans le délai supplémentaire d'un mois, constitue le point de départ du délai dont dispose l'intimé pour conclure.

C'est donc à raison que la ville de [Localité 3] soutient que le délai des intimés pour conclure était expiré le 7 novembre, un mois après la signification des conclusions d'appel les 5 et 6 octobre 2022.

Cependant, les intimés se prévalent à bon droit de l'irrégularité des actes de signification des conclusions d'appel les 5 et 6 octobre 2022, ces actes n'ayant pas été remis à la personne de M. [Z] ni au représentant légal de la société Les photos souvenirs (M. [Z], son gérant), alors qu'en application de l'article 654 du code de procédure civile, les actes doivent être signifiés à personne et qu'en l'espèce, cette signification à personne était possible au lieu du kiosque où M. [Z] et la société Les photos souvenirs exercent leur activité. Les actes ont été délivrés à un employé de la société Regus, société de domiciliation de la société Les photos souvenirs et de son gérant, qui n'a pas déclaré être habilité à recevoir ces actes et les a refusés. Or, selon l'article 654 du code de procédure civile, la signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier, ou à toute autre personne habilitée à cet effet. Il s'ensuit qu'est nulle la signification à une société faite à un employé de celle-ci, si celui-ci ne déclare pas avoir été habilité à cet effet.

Ce défaut de remise des actes à personne a causé un grief aux intimés en retardant leur défense, les actes faisant courir le délai pour constituer avocat et conclure.

Les actes de signification des conclusions d'appel étant entachés de nullité, ils n'ont pas fait courir le délai des intimés pour conclure. Ce délai n'a donc couru qu'à compter de la notification par l'appelant de ses conclusions d'appel le 13 octobre 2022. Les conclusions des intimés le 14 novembre (le 13 novembre étant un dimanche) ont été remises et notifiées dans le délai d'un mois prévu à l'article 905-2 du code de procédure civile.

Les conclusions des intimés sont par conséquent recevables.

Sur la recevabilité de l'appel

Les intimés soulèvent l'irrecevabilité de l'appel de la ville de [Localité 3] pour défaut d'intérêt à agir. Ils font valoir que selon l'article 31 du code de procédure civile, l'intérêt à agir doit être né et actuel et s'apprécie au jour de la déclaration d'appel ; qu'en l'espèce l'intérêt de la ville de [Localité 3] à obtenir l'expulsion de M. [Z] n'était pas né à la date de la déclaration d'appel le 14 septembre 2022 ; qu'en effet, en application de l'article 20 de la convention d'occupation, la ville de [Localité 3] devait respecter un préavis de douze mois et en application de l'article 21, l'occupant dont la convention est résiliée dispose d'un délai de trois mois pour évacuer les lieux, en sorte que le délai de M [Z] pout quitter les lieux expirait le 30 octobre 2022 après le courrier de résiliation du 30 juillet 2021 ; que la Ville ne justifiait donc d'aucun intérêt à agir à la date de sa déclaration d'appel le 14 septembre 2022, M. [Z] n'étant pas à cette date occupant sans droit ni titre.

L'intérêt à agir ne peut toutefois s'apprécier au regard du bien fondé de la demande.

En vertu de l'article 546 du code de procédure civile, 'le droit d'appel appartient à toute personne qui y a intérêt, si elle n'y a pas renoncé'. Une partie a intérêt à faire appel dès lors que ses prétentions n'ont pas été accueillies. La ville de [Localité 3], qui a vu sa demande d'expulsion rejetée par le juge des référés, a bien intérêt à relever appel de la décision de première instance, son intérêt à obtenir l'expulsion étant par ailleurs caractérisé par la localisation du kiosque de M. [Z] sur une zone devant faire l'objet d'un aménagement pour les besoins des prochains jeux olympiques de 2024.

L'appel est recevable.

Sur le fond du référé

En application de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence le juge des référés peut ordonner toute les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En application de l'article 835 du code de procédure civile, il peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

En l'espèce, la ville de [Localité 3] se prévaut tant de l'urgence que d'un trouble manifestement illicite résultant de l'occupation sans droit ni titre du kiosque objet du litige, faisant valoir :

- que M. [Z] se maintient toujours dans les lieux en dépit du courrier de résiliation de la convention d'occupation temporaire du domaine public qu'il a reçu le 5 août 2021 ;

- qu'il y a urgence à le voir expulsé dès lors que l'emplacement du kiosque qu'il occupe est situé au sein de la zone de chantier n° 4 intitulée '[Adresse 9] (côté [Adresse 8])' dont l'installation de la base-vie de chantier devait avoir lieu entre les mois de mars et juillet 2022 et dont les travaux effectifs devaient normalement débuter dès le mois d'octobre 2022 ;

- qu'en rejetant la demande d'expulsion au motif que la résiliation de la convention d'occupation temporaire aurait dû s'accompagner d'un préavis de douze mois et non de six mois selon les termes de la convention, et qu'à la date des débats le 24 juin 2022 le délai de préavis de douze mois n'était pas écoulé, le premier juge a commis une erreur de droit ;

- qu'en effet, l'existence du trouble manifestement illicite s'apprécie à la date du jugement et non à la date de la saisine de juge des référés ;

- que quelle que soit l'interprétation de la convention d'occupation quant au délai de préavis, la société Les photos souvenirs et M.[Z] sont occupants sans droit ni titre à la date du jugement rendu le 7 septembre 2022 ;

- qu'au demeurant, il ne peut être soutenu que la convention d'occupation temporaire aurait pris fin le 30 juillet 2022, à l'expiration d'un délai de préavis prétendument de douze mois ;

- qu'en effet, par lettre du 30 juillet 2021 reçue le 5 août 2021, la ville de [Localité 3] a informé M. [Z] de la résiliation pour motif d'intérêt général de la convention d'occupation et de la prise d'effet de la résiliation au 28 février 2022 ; qu'il s'agit d'une décision administrative qui a résilié la convention d'occupation et fixé la date de prise d'effet de la résiliation au 28 février 2022, susceptible de recours devant le tribunal administratif de Paris dans un délai de deux mois suivant sa notification ; que l'intimé n'ayant pas contesté cette décision dans le délai de recours, ne l'ayant fait que le 17 février 2022 alors que le recours était forclos depuis le 7 octobre 2021, cette décision est devenue définitive en ce qu'elle a procédé à la résiliation de la convention et fixé l'effet de la résiliation au 28 février 2022 ;

- que le juge judiciaire ne saurait faire obstacle à une décision administrative devenue définitive ;

- que M. [Z] et sa société sont bel et bien occupants sans dans droit ni titre depuis le 28 février 2022 ; que seule leur expulsion permettra de mettre fin au trouble manifestement illicite subi par la Ville ;

- que les délais sollicités par les intimés sur le fondement des articles L 412-1 et suivants de code des procédures civiles d'exécution sont inapplicables en l'espèce, s'agissant d'une occupation sans droit ni titre du domaine public routier ;

- qu'aucun délai de grâce ne saurait davantage être consenti alors qu'il y a urgence et qu'il n'est justifié d'aucune démarche pour quitter les lieux, le kiosque étant toujours ouvert et achalandé comme il résulte du constat d'huissier de justice du 17 octobre 2022.

Les intimés considèrent pour leur part :

- que comme exposé plus haut au titre de l'intérêt à agir, il résulte de la combinaison des articles 20 et 21 de la Convention que M. [Z] et sa société avaient jusqu'au 30 octobre 2022 pour évacuer les lieux, soit postérieurement à l'ordonnance du 7 septembre 2022 ainsi qu'à l'appel de la ville de [Localité 3] ;

- que la ville de [Localité 3] soutient de mauvaise foi que la résiliation de la Convention résulte d'une décision administrative définitive, alors que comme elle l'affirme elle-même, le contentieux de l'occupation sans droit ni titre du domaine public routier relève de la compétence du juge judiciaire sur le fondement de l'article L. 116-1 de code de la voirie routière et selon une jurisprudence constante ; que la question de savoir si le délai de préavis contractuel pour résilier la convention d'occupation du domaine public a été respecté entre manifestement dans le contentieux de l'occupation sans droit ni titre du domaine public routier, dès lors qu'il convient de répondre à cette question pour déterminer si M. [Z] est occupant sans droit ni titre et peut ou non être expulsé ;

- que la décision de la ville de Paris a par ailleurs été contestée devant le tribunal administratif sans que la Ville ne soutienne dans son mémoire en défense que cette décision est définitive, ce qu'elle fait pour la première fois dans le cadre de la présente instance ;

- qu'aucune urgence ne saurait justifier l'expulsion d'un occupant qui est en droit de se maintenir dans les lieux en stricte application de la convention d'occupation du domaine public qu'il a conclue ;

- qu'au surplus, la ville de [Localité 3] ne justifie d'aucun calendrier contraignant aux travaux préalables à la tenue des jeux olympiques de [Localité 3] 2024, lesquels lui ont pourtant été attribués le 13 septembre 2017 ; que la seule pièce qu'elle verse à ce titre est une présentation du chantier par la société publique locale parisienne, dont la ville de [Localité 3] détient la totalité du capital social, en sorte que ce document est une preuve à soi-même dépourvu de toute valeur probante, alors en outre que ce document se contente de mentionner un calendrier global et indicatif ;

- qu'à titre subsidiaire, des délais de grâce devront leur être accordés sur le fondement des articles L 412-3 et L 412-4 du code des procédures civiles d'exécution, lesquels sont accordables à l'occupant d'un local commercial selon la Cour de cassation, et applicables dans une instance d'expulsion d'occupants sans droit ni titre du domaine public comme l'ont déjà jugé la cour d'appel de Paris et la cour d'appel de Rennes ;

- que les délais sollicités sont justifiés compte tenu de l'occupation de l'emplacement depuis vingt sans aucune difficulté et sans défaut de paiement, de l'absence d'urgence caractérisée et de ce qu'aucun emplacement de même niveau de prestige est disponible pour accueillir M. [Z] et sa société, la ville de [Localité 3] ayant attribué ces emplacements aux termes d'une procédure initiée dès le lendemain du non-renouvellement de la Convention, sans en informer M. [Z] et sa société qui n'ont pas pu candidater.

La convention d'occupation privative du domaine public municipal a été consentie le 10 août 2012 par le Maire de [Localité 3], concédant, au profit de la société Les photos souvenirs, concessionnaire, pour une durée de dix ans. Elle stipule en son article 20 ('Expiration anticipée de la convention') : 'Pour des motifs tirés de l'intérêt général, la ville de [Localité 3] pourra résilier la convention moyennant un préavis de douze mois. Ce préavis ne s'applique pas en cas d'urgence avérée notamment d'atteinte à la sécurité des personnes. En cas de force majeure la résiliation ne donnera pas lieu à indemnité.'

Par lettre du 30 juillet 2021, la ville de [Localité 3] a informé M. [Z] et la société Les photos souvenirs que 'par délibération 2021 DAE 136 votée au Conseil de Paris des 6, 7, 8 et 9 juillet 2021, la Mairie de [Localité 3] est autorisée à résilier, au 28 février 2022, pour un motif d'intérêt général, les conventions d'occupation du domaine public des exploitants commerciaux situés dans une dépendance du domaine public comprise dans le périmètre du projet.', ajoutant : 'Dès lors, conformément à la délibération précitée et à l'article 17 de votre convention qui dispose notamment que 'pour des motifs tirés de l'intérêt général, la Ville de [Localité 3] pourra résilier la convention moyennant un préavis de six mois, la convention d'occupation du domaine public dont vous bénéficiez actuellement pour une activité de vente d'objets de souvenirs située sur le musoir entre le quai de New-York et l'avenue des nations unies à Paris 16ème arrondissement sera résiliée le 28 février 2022. A cette date vous devrez en conséquence avoir libéré votre emplacement.'

Par cette lettre de résiliation, la Ville de [Localité 3] vient justifier à son cocontractant le motif d'intérêt général pour lequel elle entend faire usage de sa faculté contractuelle de résiliation unilatérale de la convention signée avec M. [Z] et sa société, et elle lui notifie sa décision de résiliation unilatérale conformément aux dispositions de cette convention, étant observé qu'elle ne se prévaut pas d'une situation d'urgence avérée exclusive de tout préavis selon la convention, se référant expressément au délai de préavis contractuel. Il ne saurait donc être soutenu par la Ville que cette décision administrative de résiliation s'impose indépendamment de la convention signée par les parties.

Toutefois, comme l'a justement relevé le premier juge, cette lette de résiliation contient une erreur en ce qu'elle se réfère à une convention qui n'est pas celle signée avec M. [Z], laquelle prévoit la faculté de résiliation unilatérale de la Ville à son article 20 et non à son article 17, le préavis prévu à cet article 20 étant de douze mois et non de six mois.

Aussi, le premier juge a exactement considéré que suite à cette lettre de résiliation du 30 juillet 2021, la convention signée par les parties ne pouvait être résiliée par la Ville qu'à compter du 30 juillet 2022, à l'issue du délai de préavis contractuel de douze mois.

Toutefois, en considérant qu'à la date des débats tenus le 24 juin 2022, la société Les photos souvenirs n'était pas dépourvue d'un droit d'occupation et qu'aucun trouble manifestement illicite n'était caractérisé à cette date, le premier juge a commis une erreur de droit comme le soutient l'appelante, le trouble manifestement illicite devant s'apprécier à la date du jugement et non à la date de la saisine du juge des référés.

Le premier juge ayant rendu sa décision le 7 septembre 2022, à cette date la résiliation unilatérale de la convention était bien acquise et, par suite, le trouble manifestement illicite subi par la Ville caractérisé par le maintien dans les lieux de M. [Z] et sa société, cette occupation constituant un fait constant corroboré en appel par un procès-verbal de constat d'huissier du 17 octobre 2022.

Si aux termes de la Convention l'occupant est tenu d'évacuer les lieux dans les trois mois du prononcé de la résiliation, délai passé lequel la ville de [Localité 3] engagera une procédure d'expulsion, c'est à la date de résiliation du contrat, soit le 30 juillet 2022, que l'atteinte au droit de propriété du concédant se trouve caractérisé et, par suite, le trouble manifestement illicite, l'occupant étant sans droit ni titre à compter du 30 juillet 2022.

C'est donc à tort que le premier juge a dit n'y avoir lieu à référé, le trouble manifestement illicite étant caractérisé au jour où il statuait et la mesure d'expulsion étant le seul moyen de le faire cesser.

La demande d'expulsion de la ville de [Localité 3] est en outre justifiée en application de l'article 834 du code de procédure civile, dont elle s'est prévalu en première instance et dont elle se prévaut encore en appel, alors qu'il n'est pas sérieusement contestable que la convention est résiliée depuis le 30 juillet 2022 (et même arrivée à terme depuis le 10 août 2022), et que les lieux auraient dû être libérés le 30 octobre 2022 au plus tard, qu'à la date du dernier constat en date du 17 octobre 2022 ils étaient encore occupés alors que les jeux olympiques auront lieu à Paris à l'été 2024 et qu'au vu du document de présentation des travaux établi par la Ville de [Localité 3], maître d'ouvrage, dont le caractère ne peut qu'être unilatéral sans pour étant être privé de valeur probante, les travaux devaient débuter en octobre 2022 sur la zone concernée, étant rappelé que tant en première instance qu'en appel, le juge des référés doit se placer pour ordonner ou refuser des mesures urgentes à la date à laquelle il rend sa décision.

Il sera donc fait droit à la demande d'expulsion de M. [Z] et de la société Les photos souvenirs et cela sans délai, sans qu'il ne soit nécessaire de trancher le débat de l'applicabilité des articles L.412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, la situation d'urgence commandant d'exclure tout délai supplémentaire, les occupants ayant en outre déjà bénéficié du délai conventionnel de trois mois pour évacuer les lieux, lequel s'est trouvé allongé de fait par le temps de la procédure d'appel.

Le prononcé d'une astreinte apparaît nécessaire, compte tenu de l'urgence et de la résistance opposée par les intimés.

Parties perdantes, M. [Z] et la société Les photos souvenirs seront condamnés aux entiers dépens de première instance et d'appel, l'équité et la situation économique des parties commandant toutefois d'exclure l'application de l'article 700 du code de procédure civile, tant en première instance qu'en appel.

L'ordonnance entreprise sera infirmée en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS

Déclare recevable l'appel de la ville de [Localité 3],

Déclare recevables les conclusions des intimés,

Infirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne l'expulsion, sans délai, si besoin est avec l'assistance d'un serrurier et le concours de la force publique, de M. [Z] et de la société Les photos souvenirs et de tous occupants de leur chef de l'emplacement situé sur le musoir entre le [Adresse 6] ;

Dit qu'à défaut de libération effective des lieux huit jours après la signification du présent arrêt, il courra contre M. [Z] et la société Les photos souvenirs une astreinte provisoire de 1.000 euros par jour de retard pendant un délai de trois mois ;

Rappelle que le sort du mobilier garnissant les lieux est régi par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamne in solidum M. [Z] et la société Les photos souvenirs aux entiers dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/16135
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;22.16135 ?
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