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05/01/2023 | FRANCE | N°22/11901

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 05 janvier 2023, 22/11901


Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRÊT DU 05 JANVIER 2023



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11901 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGA4S



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Mai 2022 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/52746





APPELANTS



Mme [I] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

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M. [D] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]



Représentés et assistés par Me Garance DE MIRBECK, avocat au barreau de PARIS, toque : D1672







INTIMEE



S.A. TOKIO MARINE EUROPE, société luxembourgeois...

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRÊT DU 05 JANVIER 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/11901 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGA4S

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 20 Mai 2022 -Président du TJ de Paris - RG n° 22/52746

APPELANTS

Mme [I] [U]

[Adresse 1]

[Localité 4]

M. [D] [E]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentés et assistés par Me Garance DE MIRBECK, avocat au barreau de PARIS, toque : D1672

INTIMEE

S.A. TOKIO MARINE EUROPE, société luxembourgeoise enregistrée au registre du commerce et des sociétés du Luxembourg sous le numéro B221975

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Robert BYRD de la SELAS BYRD SELAS, avocat au barreau de PARIS, toque : E1819

Assistée à l'audience par Me MOCTEZUMA Paola, avocat au barreau de PARIS, toque : E1819, substituant Me Eloïse MARINOS, du même cabinet

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 24 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Thomas RONDEAU, Conseiller, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 5 avril 2016, M. [D] [E] et Mme [I] [U] ont confié à la société Les Maisons d'Aujourd'hui la construction d'une maison individuelle sur une parcelle situé [Adresse 5]. Le prix forfaitaire de la construction a été fixé à 199.789 euros TTC et le délai d'exécution des travaux à 14 mois.

Suivant acte sous seing privé signé le 21 juillet 2017, la société Hcc International Insurance Company s'est portée caution solidaire de la société Les Maisons d'Aujourd'hui afin de garantir l'exécution par le constructeur de son obligation de livrer les ouvrages dans les conditions convenues au contrat de construction. Pour cette opération, une assurance dommages-ouvrage a également été souscrite auprès de la société Aviva Assurances.

L'ouverture du chantier a été déclarée à la date du 18 septembre 2017.

Par courrier daté du 10 décembre 2018, M. [D] [E] et Mme [I] [U] ont informé la société Hcc International Insurance Company de la défaillance du constructeur et sollicité la mise en oeuvre de la garantie de livraison.

Suivant acte d'huissier délivré le 26 avril 2019, M. [D] [E] et Mme [I] [U] ont assigné la société Hcc International Insurance Company et la société Les Maisons d'Aujourd'hui devant le juge des référés du tribunal de grand instance de Bobigny aux fins de voir la première condamnée à faire achever la construction conformément aux dispositions de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation.

Par une première ordonnance du 16 juillet 2019, le juge des référés de cette juridiction a :

- condamné la société Tokio Marine Europe, venant aux droits de la société Hcc International Insurance Company, à faire achever la construction des demandeurs sous astreinte de 500 euros par jour de retard pendant 4 mois à compter de quinze jours suivant la notification de la décision ;

- condamné la société Les Maisons d'Aujourd'hui à leur verser une provision de 2.042,10 euros au titre du retard de livraison entre le 6 janvier et le 6 février 2019 ;

- condamné in solidum les défendeurs à leur payer une provision de 18.174,70 euros au titre du retard de livraison entre le 6 février et le 30 octobre 2019, date prévisionnelle de livraison ;

- condamné in solidum les mêmes à leur payer 1.150 euros outre intérêts au taux légal au titre du coût de réalisation du diagnostic solidité et du constat d'huissier effectués par les maîtres d'ouvrage ;

- condamné in solidum les mêmes au paiement des dépens et d'une somme de 2.000 euros au titre des frais irrépétibles.

La société Les Maisons d'Aujourd'hui et la société Tokio Marine Europe ont interjeté appel de cette décision.

Par arrêt du 5 mars 2020, la cour d'appel de Paris a :

- confirmé l'ordonnance entreprise concernant les sommes allouées à M. [E] et Mme [I] [U] au titre du retard de livraison et des dépens ;

- infirmé la décision pour le surplus ;

- porté à 3.000 euros les sommes allouées à M. [D] [E] et Mme [I] [U] au titre des frais irrépétibles et condamné in solidum les parties appelantes à leur payer cette somme ;

- ordonné une expertise judiciaire ;

- dit n'y avoir lieu à référé au titre des autres demandes présentées par M. [D] [E] et Mme [I] [U].

Par jugement du 6 juillet 2021, le tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire de la société Les Maisons d'Aujourd'hui.

L'expert judiciaire a clos son rapport le 30 septembre 2021, concluant à des malfaçons affectant les longrines et poutres de refend de nature à entraîner la ruine de la maison.

Suivant acte d'huissier de justice délivré le 29 mars 2022, M. [D] [E] et Mme [I] [U] ont assigné en référé la société Tokio Marine Europe devant le président du tribunal judiciaire de Paris, sollicitant à l'audience, au visa des articles 331 alinéa 2 et 145 du code de procédure civile, de voir :

- condamner la société Tokio Marine Europe à faire achever la construction de leur maison sous astreinte de 800 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

- condamner à titre provisionnel la société Tokio Marine Europe à verser aux demandeurs la somme de :

51.758,31 euros au titre des frais avancés pour le compte de qui il appartiendra,

37.800 euros représentant les frais de location d'un appartement de janvier 2019 à août 2022,

20.000 euros au titre de leur préjudice moral,

14.771,19 euros au titre des pénalités de retard du 1er février 2022 au 31 août 2022 ;

- condamner la société Tokio Marine Europe à verser aux demandeurs une somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- réserver en l'état les dépens.

En réplique, la société Tokio Marine Europe a sollicité à titre principal le rejet des demandes, à titre subsidiaire la réduction du montant de l'astreinte à de plus justes proportions et la fixation du point de départ de l'astreinte à un mois à compter de la décision, en tout état de cause 1.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par ordonnance contradictoire du 20 mai 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris a :

- condamné la société Tokio Marine Europe à désigner la personne chargée de terminer les travaux dans un délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision ;

- passé ce délai, assorti cette obligation d'une astreinte provisoire de 500 euros par jour de retard pendant une durée de 180 jours ;

- condamné la société Tokio Marine Europe à payer à M. [D] [E] et Mme [I] [U] une provision d'un montant de 4.927,67 euros au titre des pénalités de retard échues du 1er février 2022 au 15 avril 2022 ;

- dit n'y avoir lieu à référé au titre de surplus des demandes formées par M. [D] [E] et Mme [I] [U] ;

- condamné la société Tokio Marine Europe au paiement des dépens afférents de la présente instance ;

- condamné la société Tokio Marine Europe à payer à une somme de 5.000 euros à M. [D] [E] et Mme [I] [U] au titre des frais irrépétibles ;

- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.

Par deux déclarations des 9 juin et 24 juin 2022, Mme [U] et M. [E] ont relevé appel de la décision, les procédures ayant été jointes.

Dans leurs conclusions remises le 4 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de leurs prétentions et moyens, Mme [U] et M. [E] demandent à la cour, au visa des articles 564 à 566, et 834 et 835 du code de procédure civile, des articles 1217 et suivants du code civil, de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme et de l'article L. 242-1 du code des assurances, de :

- les déclarer recevables et bien fondés en toutes leurs demandes ;

- débouter la société Tokio Marine Europe de toutes des demandes, irrecevabilités, fins et prétentions ;

sur la désignation d'un repreneur,

à titre principal,

- infirmer l'ordonnance rendue le 20 mai 2022 par le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a condamné la société Tokio Marine Europe à désigner un repreneur sous astreinte ;

y ajoutant,

- condamner la société Tokio Marine Europe sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir à exécuter ou faire exécuter les travaux de construction de la maison des appelants ;

à titre subsidiaire, si la cour confirme l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné la société Tokio Marine Europe à désigner un repreneur sous astreinte,

- juger que la société Tokio Marine Europe n'a pas exécuté cette condamnation ;

- liquider l'astreinte prononcée par l'ordonnance à hauteur de 500 euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours après sa signification le 10 juin 2022 c'est-à-dire à compter du 25 juin 2022, et ce jusqu'à la date de prononcé de l'arrêt à intervenir, et en ordonner le versement entre les mains des consorts [U] et [E] ;

- condamner la société Tokio Marine Europe à désigner un repreneur sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;

en toute hypothèse,

- condamner la société Tokio Marine Europe, sous astreinte de 300 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir (cette astreinte étant applicable pour chacune des condamnation citées ci-après), à :

communiquer aux appelants la copie complète du contrat signé par le repreneur TC habitat en ce compris ses annexes,

communiquer aux appelants un calendrier détaillé et contraignant pour le constructeur des étapes de construction,

communiquer aux appelants un avenant au CCMI reprenant les modifications convenues par échange de mails du 6 octobre 2022 sans plus-value,

communiquer aux appelants la copie d'un nouveau permis de construire valide,

communiquer aux appelants l'ensemble des attestations d'assurances obligatoires du nouveau constructeur et de l'assurance dommage applicable à la reprise du chantier ;

sur les demandes provisionnelles,

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné à titre provisionnel le garant à verser aux appelants des pénalités de retard ;

- l'infirmer en ce qu'elle a limité cette condamnation dans le temps au 15 avril 2022 ;

ce faisant,

- condamner la société Tokio Marine Europe à titre provisionnel à verser aux appelants les pénalités de retard échues à hauteur de 68,07 euros par jour depuis le 16 avril 2022 jusqu'à la date de l'arrêt à intervenir et les condamner également, par la suite, à continuer à leur verser périodiquement jusqu'à la livraison, au plus tard le cinq de chaque mois, les pénalités de retard échues pour le mois civil précèdent, tout retard de paiement entrainant l'application d'une pénalité supplémentaire de 300 euros par jour ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a débouté les appelants de leurs autres demandes ;

ce faisant,

- condamner à titre provisionnel la société Tokio Marine Europe à verser aux appelants les sommes de :

51.758,31 euros au titre des frais avancés lors de l'expertise judiciaire pour le compte de qui il appartiendra,

43.200 euros au titre de la location d'un appartement de janvier 2019 à décembre 2022,

20.000 euros en réparation de leur préjudice moral,

2.500 euros en réparation du temps qu'ils ont personnellement consacré à l'expertise judiciaire ;

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société Tokio Marine Europe à leur verser une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens ;

y ajoutant,

- condamner la société Tokio Marine Europe à verser aux appelants une somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens d'appel.

Mme [U] et M. [E] font valoir en substance :

- que les demandes complémentaires de condamnation de faire sous astreinte ne sont pas nouvelles car elles tendent aux mêmes fins que leurs demandes initiales ou en sont subsidiairement l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ;

- que l'intimée n'a jamais apporté la preuve d'avoir effectivement désigné un repreneur, mais a seulement envoyé un courrier aux appelants affirmant que la société TC Habitat serait chargée de la reprise du chantier, un nouveau permis de construire devant être déposé ;

- que la société Tokio Marine Europe n'a payé les indemnités de retard que jusqu'au 15 avril 2022 ;

- que la société Tokio Marine Europe doit en outre indemniser les appelants du préjudice qu'elle a personnellement causé aux appelants, et ce sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

Dans ses conclusions remises le 7 novembre 2022, auxquelles il convient de se reporter pour plus ample exposé de ses prétentions et moyens, la société Tokio Marine Europe demande à la cour, au visa des articles 835 du code de procédure civile, de l'article 564 du code de procédure civile, des articles L. 231-2, L. 231-6 et R. 231-4 du code de la construction et de l'habitation, de :

à titre liminaire,

- déclarer irrecevables les nouvelles prétentions de M. [E] et Mme [U] en cause d'appel ;

à titre principal,

- déclarer sans objet l'appel de l'ordonnance en ce que M. [E] et Mme [U] souhaitent voir la cour :

infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société Tokio Marine Europe à désigner un repreneur sous astreinte,

confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné à titre provisionnel le garant à verser aux appelants des pénalités de retard ;

- confirmer l'ordonnance en ce qu'elle a débouté les maîtres d'ouvrages de leur demande de provision, autre que les pénalités de retard échues, au motif qu'il existe des contestations sérieuses ;

en tout état de cause,

- infirmer l'ordonnance en ce qu'elle a condamné la société Tokio Marine Europe au paiement de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [E] et Mme [U] au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouter Mme [U] et M. [E] de leur demande tendant à la condamnation solidaire de la société Tokio Marine Europe avec la société Lma au paiement de la somme de 10.000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens.

La société Tokio Marine Europe soutient en substance :

- que les demandes de condamnation à des obligations de faire sont des prétentions nouvelles et ne pourront qu'être rejetées en cause d'appel ;

- que les maîtres de l'ouvrage ont été informés que le repreneur est la société TC Habitat, que la maison a été démolie et que les travaux sont en cours ;

- que les pénalités de retard ordonnées ont été réglées par elle sans contestation ;

- que toute condamnation supplémentaire pour les intérêts de retard à venir est contestable puisqu'incertaine d'autant plus que le calcul de ces pénalités est contesté ;

- que le garant de livraison n'a pas vocation à prendre en charge des frais divers tels que ceux liés par exemple à la réalisation d'un diagnostic solidité ou liés à la réalisation d'un constat d'huissier, pas plus que des frais de location ou un quelconque préjudice moral ou de « temps », alors qu'elle a rempli ses obligations en désignant un repreneur et en prenant en charge la reprise des travaux.

SUR CE LA COUR

Sur la recevabilité des demandes nouvelles formées en cause d'appel

En application de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

De plus, selon l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, l'article 566 du code de procédure civile dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, la société intimée fait valoir que les demandes suivantes, nouvelles en appel, seraient irrecevables : communication de la copie complète du contrat signé par TC Habitat, communication d'un calendrier détaillé des étapes de construction, communication d'un devis correspondant à la plus-value ou à la moins-value liée à la modification du système de chauffage, communication du permis de construire déposé par le repreneur, communication de l'ensemble des attestations d'assurance.

Il y a lieu de rappeler que, devant le premier juge, aux termes de la décision entreprise, Mme [U] et M. [E] avaient demandé uniquement, outre les demandes de condamnation provisionnelle et celles relatives aux frais et dépens, la condamnation de la société Tokio Marine Europe à faire achever la construction de leur maison, sous astreinte.

Force est d'abord de constater que, compte tenu de la teneur des nouvelles demandes en appel, il ne peut être considéré qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, s'agissant de demandes de communication de divers documents ayant à l'évidence un objet distinct des demandes d'achèvement des travaux et de condamnations pécuniaires.

Si la communication de la copie du contrat signé par TC Habitat et d'un calendrier détaillé des étapes de construction peut s'analyser en des demandes complémentaires par rapport à la demande d'achèvement des travaux sous astreinte, visant à préciser les modalités de reprise des travaux, il en va autrement des autres demandes de communication de pièces, relatives au système de chauffage, au permis de construire et aux attestations d'assurance, qui ne sont ni l'accessoire, ni la conséquence, ni le complément nécessaire d'une demande d'achèvement des travaux.

En effet, la seule circonstance que plusieurs documents seraient nécessaires pour la poursuite des travaux, à supposer cette circonstance établie, ne permet pas d'en déduire qu'il s'agit d'un accessoire, d'une conséquence ou d'un complément nécessaire de la demande d'achèvement des travaux, une demande de communication de pièces relatives à des documents administratifs étant sans rapport avec l'achèvement desdits travaux.

De même, la demande relative au système de chauffage n'est pas l'accessoire de la demande d'achèvement des travaux, ces deux demandes ayant là encore un objet tout à fait distinct, la nouvelle demande ayant trait à des demandes de modification.

Aussi, les demandes rappelées ci-avant seront déclarées irrecevables.

Sur le fond du référé

L'article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Selon l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer. Le trouble manifestement illicite découle de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.

L'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours accorder en référé une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n'a d'autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

En l'espèce, il sera relevé :

- qu'ainsi qu'en justifie la société Tokio Marine Europe (pièce 36 courrier de la société intimée aux appelants en date du 10 juin 2022 ; pièce 44 appelants, échange de courriels entre le 2 septembre et le 6 octobre 2022 à la suite d'une réunion de mise au point technique dans les locaux de TC Habitat), d'une part, les appelants ont été informés que le chantier des travaux a été confié à la société TC Habitat et, d'autre part, le chantier a repris puisqu'il est à tout le moins constant que l'ancienne habitation a été démolie ;

- que la société intimée a rempli son obligation de désignation de la personne en charge de terminer les travaux, contrairement à ce qu'indiquent les appelants, puisqu'il est désormais constant que c'est la société TC Habitat qui en a la charge, ce que reconnaissent les appelants eux-mêmes lorsqu'ils formulent une demande de communication du contrat avec TC Habitat ;

- qu'il y a lieu de confirmer dès lors la condamnation sous astreinte à voir désigner la personne chargée de terminer les travaux, tout en constatant aussi que cette demande est devenue sans objet, sans donc qu'il n'y ait lieu de liquider une quelconque astreinte, dont il n'apparaît pas au demeurant que le juge des référés s'en soit réservé la liquidation ;

- qu'au surplus, la demande distincte d'achèvement desdits travaux sous astreinte n'est pas fondée sur une obligation non sérieusement contestable de la société Tokio Marine Europe, ni ne caractérise un trouble manifestement illicite, étant observé que, nonobstant le différend entre les parties, le chantier a été relancé et que la société intimée a, conformément à son obligation résultant de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, entrepris les travaux (à tout le moins de démolition) et désigné pour ce faire la société TC Habitat ;

- que, s'agissant des pénalités de retard, le premier juge a condamné l'intimée à verser aux appelants à titre provisionnel la somme de 4.927,67 euros au titre des pénalités échues du 1er février 2022 au 15 avril 2022, considérant que Tokio Marine Europe avait réglé les pénalités jusqu'au 31 janvier 2022 et ne contestait pas devoir les sommes continuant à échoir, étant rappelé qu'aux termes du contrat de construction, les pénalités de retard s'élèvent à 1/3000ème du prix convenu, par jour ;

- qu'il n'est pas contesté qu'en application de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, le garant de livraison doit prendre à sa charge les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard, étant aussi rappelé, comme l'indiquait déjà la cour dans son arrêt du 5 mars 2020, que la société intimée est tenue à obligation de paiement à compter du 6 février 2019 ;

- qu'à hauteur d'appel, M. [E] et Mme [U] forment une demande complémentaire de provision au titre des pénalités de retard, ce depuis le 16 avril 2022 jusqu'à la date de l'arrêt, ainsi que pour l'avenir le 5 de chaque mois pour les pénalités échues du mois précédent ;

- que, cependant, le juge des référés, juge de l'évidence, ne saurait allouer des pénalités de retard pour un montant indéterminé, les appelants ne justifiant ni du caractère incontestable des sommes dues après le 16 avril 2022 jusqu'à la date du présent arrêt, soit le 5 janvier 2023, et encore moins de la possibilité de faire droit à leur demande pour l'avenir, la cour ne pouvant statuer en référé sur des pénalités futures indéterminables puisque fonction du déroulement du chantier ;

- que, dès lors, des contestations sérieuses s'opposent aux demandes complémentaires des appelants sur ce point ;

- qu'il y a donc lieu de confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a condamné provisionnellement l'intimée jusqu'au 15 avril 2022, et de dire n'y avoir lieu à référé pour le surplus ;

- que, s'agissant des autres chefs de préjudice, les appelants sollicitent 51.758,31 euros au titre des frais avancés lors de l'expertise judiciaire pour le compte de qui il appartiendra, 43.200 euros au titre de la location d'un appartement de janvier 2019 à décembre 2022, 20.000 euros en réparation de leur préjudice moral, 2.500 euros en réparation du temps qu'ils ont personnellement consacré à l'expertise judiciaire ;

- que, pour être mises à la charge de la société intimée en référé, les sommes réclamées doivent reposer sur une obligation de paiement incontestable de la société Tokio Marine Europe, avec la nécessité de déterminer les fautes distinctes de cette dernière, ouvrant droit à réparation ;

- que, comme le mentionnait déjà la cour dans son arrêt du 5 mars 2020, il n'est pas établi avec l'évidence requise en référé que la faute du garant de livraison soit à l'origine des préjudices dont il est demandé réparation, ce alors que cette prise en charge n'est pas prévue par l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation, qui pour rappel limite la garantie de livraison au coût du dépassement de prix, aux conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix et aux pénalités de retard ;

- qu'en particulier, la circonstance que le garant de livraison ait choisi dans un premier temps de désigner la société Les Maisons d'Aujourd'hui pour reprendre le chantier n'établit pas une faute évidente de sa part, n'étant pas établi que la liquidation judiciaire de cette entreprise était inéluctable ;

- que, de même, Tokio Marine Europe a pu de manière non fautive faire appel de l'ordonnance de référé rendue le 16 juillet 2019, contrairement à ce que semble suggérer les appelants ;

- que la cour, comme déjà mentionné dans l'arrêt du 5 mars 2020, entend aussi rappeler que, dans le cas d'une défaillance du constructeur, la mise en oeuvre de la garantie de la livraison suppose que celle-ci soit établie de manière incontestable, de sorte que la cour a précécemment ordonné une expertise judiciaire pour déterminer la nature et la gravité exacte des désordres, nonobstant le rapport de la Socotec du 28 décembre 2018, soit autant d'éléments venant justifier que les fautes alléguées du garant ne sont établies avec l'évidence requise en référé ;

- que les fautes de la société Les Maison d'Aujourd'hui ne peuvent non plus être imputées avec évidence à la société Tokio Marine Europe, alors que le préjudice allégué est en réalité en lien avec les carences de la première société de construction ;

- qu'ainsi, le garant n'est pas à l'évidence tenu au règlement des frais relevés aux termes de l'expertise, aux frais de relogement, au préjudice moral et à la réparation du temps passé pour l'expertise, de telles demandes relevant des juges du fond au regard des contestations sérieuses ainsi élevées, de sorte que la décision ne pourra qu'être également confirmée sur ces points ;

- que, s'agissant des autres demandes formées en appel, à savoir la communication de la copie du contrat signé par TC Habitat et d'un calendrier détaillé des étapes de construction, les appelants ne justifient pas du fondement qui pourrait justifier de faire droit à leur demande en référé, alors que, comme rappelé ci-avant, le garant de livraison apparaît désormais avoir respecté son obligation de désigner une société reprenant les travaux, à savoir TC Habitat, n'étant pas non plus démontré par les appelants que le garant serait tenu à une telle obligation de communication sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile ou encore que cette communication sous astreinte serait fondée sur un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile, nonobstant les litiges existants.

Ainsi, la décision entreprise sera confirmée en tous ses éléments, en ce compris le sort des frais et dépens de première instance exactement réglé par le premier juge, la cour, ajoutant à la décision, disant n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes des parties.

Sur les autres demandes

A hauteur d'appel, les circonstances et l'équité commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, les appelants étant condamnés aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Déclare irrecevables les demandes suivantes formulées par M. [D] [E] et Mme [I] [U] : communiquer aux appelants un avenant au CCMI reprenant les modifications convenues par échange de mails du 6 octobre 2022 sans plus-value ; communiquer aux appelants la copie d'un nouveau permis de construire valide ; communiquer aux appelants l'ensemble des attestations d'assurances obligatoires du nouveau constructeur et de l'assurance dommage applicable à la reprise du chantier ;

Confirme l'ordonnance entreprise, sauf à préciser que la demande de condamnation de la société Tokio Marine Europe à désigner la personne chargée de terminer les travaux est devenue sans objet ;

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes des parties ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel ;

Condamne in solidum M. [D] [E] et Mme [I] [U] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/11901
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;22.11901 ?
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