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05/01/2023 | FRANCE | N°22/10046

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 05 janvier 2023, 22/10046


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 05 JANVIER 2023



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10046 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3Z6



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Mars 2022 -Juge des contentieux de la protection de [Localité 4] - RG n° 12-21-3268





APPELANTE



Mme [V] [M] [J]



[Adresse 2

]

[Localité 4]



Représentée par Me Olivier TOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0125



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/011946 du 13/05/2022 accordée...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 05 JANVIER 2023

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/10046 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CF3Z6

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 22 Mars 2022 -Juge des contentieux de la protection de [Localité 4] - RG n° 12-21-3268

APPELANTE

Mme [V] [M] [J]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Olivier TOMAS, avocat au barreau de PARIS, toque : G0125

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/011946 du 13/05/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

INTIMEE

E.P.I.C. [Localité 6] HABITAT OPH

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me Sylvie KONG THONG de l'AARPI Dominique OLIVIER - Sylvie KONG THONG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0069

Assisté à l'audience par Me Aude LACROIX, avocat au barreau de PARIS, toque : E1971

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Novembre 2022, en audience publique, rapport ayant été fait par Mme Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre conformément aux articles 804, 805 et 905 du CPC, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller

Michèle CHOPIN, Conseillère

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

EXPOSE DU LITIGE

L'établissement [Localité 4] Habitat OPH est propriétaire de divers locaux à usage d'habitation dans un immeuble situé [Adresse 2].

Le 13 novembre 2021, Mme [G], représentant [Localité 4] Habitat OPH, a déposé plainte au commissariat du [Localité 4] arrondissement de [Localité 4] pour violation de domicile, expliquant que l'appartement situé bâtiment [Adresse 3] dont les locataires avaient été expulsés le 23 septembre 2021 était de nouveau occupé par Mme [J] et ses trois enfants, sans qu'un bail lui ait été consenti par le propriétaire.

Par acte du 3 décembre 2021, l'établissement [Localité 4] Habitat OPH a fait assigner en référé Mme [J] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de [Localité 4], aux fins de voir :

' constater que Mme [J] est occupante sans droit ni titre des lieux ;

' ordonner, si elle ne les quitte pas volontairement, son expulsion immédiate ainsi que celle de tous occupants de son chef, si nécessaire avec l'aide de la force publique ;

' supprimer le délai de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

' supprimer le bénéfice du sursis prévu à 'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution ;

' ordonner la séquestration des meubles aux frais de Mme [J] ;

' condamner Mme [J] au paiement d'une indemnité provisionnelle mensuelle d'occupation de l 200 euros à compter de novembre 2021 et jusqu'à la libération effective des lieux ;

' condamner Mme [J] au paiement d'une somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par ordonnance contradictoire du 22 mars 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de [Localité 4], statuant en référé, a :

- renvoyé les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent, vu l'absence de contestation sérieuse ;

- constaté que Mme [J] est occupante sans droit ni titre du logement situé [Adresse 3] (bâtiment 01, escalier 0 l , étage 01 porte18) ;

- ordonné à Mme [J] de quitter les lieux dans les deux mois de la signification du commandement de quitter les lieux ;

- dit qu'à défaut pour Mme [J] d'avoir volontairement libéré les lieux, l'établissement [Localité 4] Habitat OPH pourra faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, conformément à l'article L.411-l du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;

- rejeté les demandes relatives à la suppression du délai de deux mois de l'article L412-6 du code des procédures civiles d`exécution et du bénéfice de la trêve hivernale ;

- rejeté la demande de délais supplémentaires pour quitter les lieux formée par Mme [J] ;

- rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

- condamné à titre provisionnel, Mme [J] à verser à l'établissement [Localité 4] Habitat OPH une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 900 euros à compter du 12 novembre 2021 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion) ;

- débouté les parties du surplus de leurs demandes et notamment de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [J] aux dépens.

Par déclaration du 20 mai 2022, Mme [J] a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 22 juin 2022, elle demande à la cour de :

- la déclarer recevable et bien fondée en son appel ;

- infirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions et statuant à nouveau ;

- débouter l'établissement [Localité 4] Habitat OPH de l'intégralité de ses demandes fins et conclusions à son encontre ;

- constater qu'elle est occupante de bonne foi, avec des difficultés financières nécessitant les plus larges délais de relogement ;

- lui octroyer les plus larges délais afin qu'elle puisse se reloger ;

- fixer le montant maximum de l'indemnité mensuelle d'occupation à 778,74 euros ;

- débouter l'établissement [Localité 4] Habitat OPH de ses demandes de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile , ainsi qu'aux dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 20 juillet 2022, l'établissement [Localité 4] Habitat OPH demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

' constaté que Mme [J] est occupante sans droit ni titre du logement situé [Adresse 3]) ;

' ordonné à Mme [J] de quitter les lieux dans le délai de deux mois à compter de la signification du commandement de quitter les lieux, prévu à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;

' dit qu'à défaut pour Mme [J] d'avoir volontairement libéré les lieux, l'établissement [Localité 4] Habitat OPH pourra faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;

' rejeté la demande de délais supplémentaires pour quitter les lieux, formée par Mme [J] ;

' condamné à titre provisionnel, Mme [J] à verser l'établissement [Localité 4] Habitat OPH une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 900 euros à compter du 12 novembre 2021 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion) ;

' condamné Mme [J] aux dépens ;

- infirmer l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a :

' rejeté les demandes relatives à la suppression du délai de deux mois de l'article L412-6 du code des procédures civiles d'exécution et du bénéfice de la trêve hivernale ;

' débouté les parties du surplus de leurs demandes et notamment de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et statuant de nouveau,

- supprimer le bénéfice du sursis prévu à l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution, à toute mesure d'expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu'au 31 mars de l'année suivante, pour Mme [J] ;

- condamner Mme [J] à lui payer la somme de 2.800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens de première instance et d'appel en ce compris le coût du Procès-verbal de constat.

Pour l'exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

SUR CE, MOTIFS

L'occupation sans droit ni titre par Mme [J] des locaux en cause n'est pas discutée par l'appelante et n'est pas contestable au vu des éléments du dossier, notamment le titre de propriété de [Localité 4] Habitat OPH, le procès-verbal d'expulsion délivré le 23 septembre 2021 par [Localité 4] Habitat OPH aux précédents occupants du logement, la plainte pénale déposée par [Localité 4] Habitat OPH suite au constat de l'occupation du logement par Mme [J] le 13 novembre 2021, le contrat de location conclu le 12 novembre 2021 par Mme [J] avec un dénommé [B] [E], non propriétaire des lieux, et la plainte que Mme [J] a déposée le 18 novembre 2021 pour escroquerie contre M. [E].

Cette occupation sans droit ni titre, attentatoire au droit de propriété de l'établissement [Localité 4] Habitat OPH, est à l'évidence constitutive pour celui-ci d'un trouble manifestement illicite qu'il est fondé à voir cesser en application de l'article 835 du code de procédure civile, par l'expulsion de Mme [J] et de tout occupant de son chef.

Cette dernière conclut néanmoins au débouté sur la demande d'expulsion, arguant du caractère disproportionné de cette mesure au regard du droit des occupants à avoir un domicile ainsi qu'une vie privée et familiale.

L'intimé oppose toutefois, à raison, que le droit de propriété constitue un droit fondamental à valeur constitutionnelle qui prime sur les droits au logement et à la vie privée et familiale, lesquels ne peuvent justifier une occupation sans droit ni titre et faire obstacle à une mesure d'expulsion selon la Cour de cassation.

En effet, si la Cour européenne des droits de l'homme impose aux juridictions nationales de veiller à la proportionnalité de la mesure d'expulsion au regard du droit au respect de la vie privée et familiale et du domicile des occupants, en sorte que le juge des référés ne peut, pour faire cesser un trouble manifestement illicite, ordonner l'expulsion sans rechercher si la mesure respecte le principe de proportionnalité, l'expulsion étant la seule mesure de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien occupé illicitement, l'ingérence qui en résulte dans le droit au respect du domicile de l'occupant, protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l'atteinte portée au droit de propriété qui est un droit absolu protégé par la Constitution.

L'ordonnance entreprise sera donc confirmée en ce qu'elle a ordonné l'expulsion de Mme [J].

L'intimé sollicite l'infirmation de la décision de première instance en ce qu'elle a rejeté sa demande, fondée sur l'article L.412-6 du code des procédures civiles d'exécution, de suppression du bénéfice de la trêve hivernale, imputant à Mme [J] une voie de fait, laquelle est contestée par cette dernière qui se prévaut de sa bonne foi dans la conclusion du contrat de location avec M. [E] et conteste être entrée dans les lieux par effraction.

Il convient de rappeler :

- que selon le texte précité, le sursis à la mesure d'expulsion pendant la période hivernale ne s'applique pas en cas d'introduction sans droit ni titre dans le domicile d'autrui par voies de fait ;

- que selon la Cour de cassation, la voie de fait ne peut résulter de la seule occupation sans droit ni titre et suppose des actes matériels positifs tels que des actes de violence ou d'effraction.

Or en l'espèce, outre qu'il n'est pas certain que Mme [J] ait conclu le contrat de location avec M. [E] en sachant pertinemment qu'il n'était pas propriétaire du logement, l'établissement d'un contrat de location à partir d'un imprimé officiel, d'un état des lieux d'entrée et la délivrance de quittances ayant pu l'induire en erreur nonobstant l'apposition de plaques et de documents d'information à l'enseigne de [Localité 4] Habitat OPH à l'entrée et au rez-de-chaussée de l'immeuble, il n'est pas établi que la porte anti-intrusion, que [Localité 4] Habitat OPH indique (lors de sa plainte du 16 novembre 2021) avoir posée sur la porte du logement après l'expulsion des précédents occupants, ait été déposée par Mme [J] plutôt que par M. [E] avant que celui-ci ne signe le faux bail avec Mme [J], aucune mesure de constatation ne permettant de dater la dépose de cette porte anti-intrusion.

L'ordonnance entreprise sera dès lors confirmée en ce qu'elle a considéré que la voie de fait n'est pas caractérisée et débouté [Localité 4] Habitat OPH de sa demande de suppression du bénéfice de la trêve hivernale.

Sur la demande de délai pour quitter les lieux formée par Mme [J] sur le fondement de l'article L 412-3 du code des procédures civiles d'exécution, c'est à raison que le premier juge l'a rejetée au motif que Mme [J] a déjà bénéficié de délais de fait depuis le mois de novembre 2021, date à laquelle elle a eu connaissance de son occupation sans droit ni titre, la cour y ajoutant, d'une part que ce délai de fait s'est trouvé rallongé par la procédure d'appel engagée par Mme [J], d'autre part que par jugement du 11 août 2022, Mme [J] a obtenu du juge de l'exécution un délai de six mois sur le fondement du texte susvisé, soit jusqu'au 11 février 2023 inclus pour quitter le logement. En outre, Mme [J] bénéficie aussi du délai de la trêve hivernale. Elle a ainsi bénéficié d'un délai suffisant pour organiser son relogement. L'ordonnance sera confirmée de ce chef.

L'ordonnance sera également confirmée en ce qu'elle a, par des motifs exacts et pertinents, que la cour approuve, fixé à 900 euros le montant de l'indemnité mensuelle d'occupation due par Mme [J] jusqu'à la libération effective des lieux.

En définitive, l'ordonnance sera confirmée en toutes ses dispositions, y compris celles relatives aux dépens et frais irrépétibles dont il a été fait une juste appréciation.

Perdant en appel, Mme [J] sera condamnée aux dépens de la présente instance, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle, l'équité et la situation économique des parties justifiant, comme en première instance, de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme en toutes ses dispositions l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

Condamne Mme [J] aux dépens de l'instance d'appel, qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle,

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 22/10046
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;22.10046 ?
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