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05/01/2023 | FRANCE | N°21/00041

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 4 - chambre 9 - b, 05 janvier 2023, 21/00041


République française

Au nom du Peuple français



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B



ARRET DU 05 Janvier 2023

(n° 6 , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/00041 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIHT



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2021 par le tribunal judiciaire de Fontainebleau RG n° 11-19-000803



APPELANT



Monsieur [R] [U] (débiteur)

[Adresse 2]

[Localité 13]

représenté par Me Marine DE BR

EM de la SELAS AGN AVOCATS PARIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1015 substituée par Me Emeline SELLIER de la SELAS AGN AVOCATS REIMS, avocat au barreau de REIMS



INTIME...

République française

Au nom du Peuple français

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - B

ARRET DU 05 Janvier 2023

(n° 6 , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 21/00041 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDIHT

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Février 2021 par le tribunal judiciaire de Fontainebleau RG n° 11-19-000803

APPELANT

Monsieur [R] [U] (débiteur)

[Adresse 2]

[Localité 13]

représenté par Me Marine DE BREM de la SELAS AGN AVOCATS PARIS, avocat au barreau de PARIS, toque : C1015 substituée par Me Emeline SELLIER de la SELAS AGN AVOCATS REIMS, avocat au barreau de REIMS

INTIMEES

[23]

[Adresse 1]

[Localité 6]

non comparante

[21]

[Adresse 9]

[Localité 10]

non comparante

[16]

[Adresse 4]

[Localité 15]

non comparante

[20]

[Adresse 8]

[Localité 3] / France

non comparante

[25]

[Adresse 28]

[Adresse 18]

[Localité 11]

représentée par Me Cécile ALFONSI de la SELARL SAULNIER NARDEUX MALAGUTTI ALFONSI, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU substituée par Me Hassna ZAHRI, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS

SIP [Localité 12] CENTRE

[Adresse 5]

[Adresse 19]

[Localité 12]

non comparante

SIP [Localité 14]

[Adresse 7]

[Localité 14]

non comparante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Madame Fabienne TROUILLER conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, présidente

Mme Fabienne TROUILLER, conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, conseillère

Greffière : Mme Alexandra AUBERT, lors des débats

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Muriel DURAND, présidente et par Madame Alexandra AUBERT, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

M. [R] [U] a bénéficié en mars 2016 d'un premier plan d'apurement de ses dettes sur une durée de 96 mois, exécuté sans difficulté pendant 35 mois.

M. [U] a été licencié de son emploi le 31 décembre 2018.

Il a, le 14 février 2019 saisi, pour la deuxième fois, la commission de surendettement des particuliers de Seine-et-Marne qui a, le 8 mars 2019, déclaré sa demande recevable.

Le 27 juin 2019, la commission a imposé le rééchelonnement des créances sur une durée de 49 mois, avec des mensualités de 433,62 euros, le premier palier étant constitué de la mensualité de remboursement par l'utilisation de l'épargne disponible de 6 000 euros.

M. [U] a contesté ces mesures en précisant que le solde de tout compte de 6 000 euros versé par son employeur avait été partiellement utilisé pour ses besoins courant durant le délai de carence de son indemnisation par pôle emploi et que le solde de son épargne s'élevait désormais à 2 228,97 euros. Il a réclamé la révision du premier palier du plan.

La société [24] a soulevé la mauvaise foi du débiteur en raison de l'utilisation de ces fonds.

Par jugement réputé contradictoire en date du 10 février 2021, le tribunal judiciaire de Fontainebleau a :

- déclaré recevable le recours,

- prononcé à l'encontre de M. [U] la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers,

- ordonné le renvoi de l'entier dossier à la commission pour archivage.

La juridiction a relevé que M. [U] avait utilisé de manière injustifiée la somme de 3 270 euros à partir du mois de mars 2019, après la décision de recevabilité et pendant l'instruction de son dossier de surendettement. La juridiction a considéré que cette utilisation constituait un détournement de fonds justifiant la déchéance du débiteur du bénéfice de la procédure de surendettement des particuliers.

Le jugement a été notifié à M. [U] le 18 février 2021.

Par déclaration adressée le 2 mars 2021 au greffe de la cour d'appel de Paris, M. [U] a interjeté appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 8 novembre 2022.

À cette audience, M. [U] a comparu en personne, assisté de son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé l'infirmation du jugement et le renvoi du dossier devant la commission de surendettement.

Il a fait valoir que le tribunal avait fait une erreur d'appréciation des pièces qui lui ont été remises, notamment sur le montant du départ et l'utilisation de son épargne.

Il précise que M. [U] a perdu son emploi en décembre 2018 et qu'il a perçu environ 7 000 euros pour solde de tout compte, qu'il a perçu son indemnisation de pôle emploi à compter de mars 2019, qu'au moment du dépôt du dossier, il n'avait plus 6 000 euros d'épargne. Il explique que durant la période de carence, il a dû puiser dans ses réserves pour régler ses charges courantes.

Il ajoute que depuis le début de la procédure, il a diminué son passif et remboursé des créanciers (la société [23], la [20] et les deux [27]) et que le prêt de 1 000 euros accordé à un ami a été très rapidement remboursé en novembre 2020. Il estime être de bonne foi, soutient n'avoir détourné aucun fonds et avoir accepté des plans amiables de remboursement avec les sociétés [22] et [17]. Selon lui, la seule dette qui lui reste est celle de la société [24].

Il précise qu'il a 63 ans, qu'il est pacsé et qu'il perçoit 1 700 euros de pôle emploi qu'il verse 400 euros tous les mois pour rembourser les créanciers qui restent.

Il souligne enfin qu'il a intenté un recours aux prud'hommes, qu'il a perdu et qu'il a dû rembourser son employeur. Il ne conteste pas les sommes dues.

La société [24] est représentée par son conseil qui a développé oralement ses conclusions et réclamé la confirmation du jugement.

Il fait valoir qu'il est l'ancien employeur de M. [U] et actualise ses créances aux sommes de 19 097,95 euros et 26 249,89 euros, car les montants déclarés étaient erronés.

Il maintient que M. [U] a utilisé son épargne après le dépôt de son dossier, qu'il a même prêté de l'argent à un ami, qu'il a ainsi aggravé son insolvabilité et qu'une somme de 3 270 euros a été utilisée à son détriment.

Il souligne que M. [U] percevait une indemnisation de pôle emploi d'avril à septembre 2019 et qu'il a fait preuve de mauvaise foi au détriment de ses créanciers.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il convient d'indiquer à titre liminaire que l'appel en matière de procédure de surendettement des particuliers, est formé, instruit et jugé selon les règles de la procédure sans représentation obligatoire figurant aux articles 931 à 949 du code de procédure civile. La procédure applicable devant la cour d'appel est donc la procédure orale de droit commun dans laquelle la prise en considération des écrits d'une partie par la cour est subordonnée à l'indication orale à l'audience par cette partie ou son représentant qu'elle se réfère à ses écritures. Dès lors, la cour ne peut prendre en compte les demandes ou observations présentées par écrit par les parties non comparantes.

En l'absence de tout élément de nature à contredire le jugement sur ce point, la décision entreprise sera confirmée en ce qu'elle a déclaré recevable le recours exercé par M. [U].

Il résulte de l'article L.711-1 du code de la consommation que la recevabilité de la demande de traitement de la situation de surendettement est subordonnée à la bonne foi du débiteur, conçue comme une absence de mauvaise foi. Il convient de rappeler que la bonne foi est présumée et qu'il appartient au créancier d'apporter la preuve de la mauvaise foi du débiteur. La simple imprudence ou imprévoyance n'est pas constitutive de mauvaise foi. De même, la négligence du débiteur ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi en l'absence de conscience de créer ou d'aggraver l'endettement en fraude des droits des créanciers. Les faits constitutifs de mauvaise foi doivent de surcroît être en rapport direct avec la situation de surendettement.

En application de l'article L.761-1 du code de la consommation, la mauvaise foi procédurale est également sanctionnée en ce qu'est déchue du bénéfice des mesures de traitement des situations de surendettement toute personne :

1° ayant sciemment fait de fausses déclarations ou remis des documents inexacts,

2° ayant détourné ou dissimulé, ou tenté de détourner ou de dissimuler, tout ou partie de ses biens,

3° ayant, sans l'accord de ses créanciers, de la commission ou du juge, aggravé son endettement en souscrivant de nouveaux emprunts ou ayant procédé à des actes de disposition de son patrimoine pendant le déroulement de la procédure de traitement de la situation de surendettement ou de rétablissement personnel, ou pendant l'exécution du plan ou des mesures de traitement.

Le débiteur doit donc être de bonne foi pendant la phase d'endettement mais aussi au moment où il saisit la commission de surendettement, ce qui implique sa sincérité, et tout au long du déroulement de la procédure.

Le juge doit se déterminer au jour où il statue.

Pour retenir l'absence de bonne foi et prononcer la déchéance du bénéfice de la procédure de surendettement, le premier juge a relevé qu'aucun motif valable ne justifiait l'utilisation, à partir du mois de mars 2019 pendant l'instruction de son dossier de surendettement, par M. [U] de la somme de 3 270 euros détenue sur son compte épargne et que cette utilisation constituait un détournement de fonds.

À l'appui de son appel, M. [U] soutient qu'il n'a détourné aucun fonds et qu'il a fait preuve d'une parfaite bonne foi.

Il ressort des pièces produites que M. [U] a perçu son premier versement de pôle emploi d'un montant de 849,45 euros le 4 mars 2019 et le second versement d'un montant de 1 755,53 euros le 1er avril 2019 et qu'il a donc effectivement subi une période de carence entre le 1er janvier 2019 et le 31 mars 2019.

Il doit donc être considéré que les utilisations effectuées jusqu'au 31 mars 2019, d'un montant total de 2 300 euros, ont été rendues nécessaires par l'absence de versement de l'indemnisation de pôle emploi afin de régler les charges courantes, d'un montant minimum de 1 839,23 euros correspondant au loyer, aux assurances et aux factures d'eau et d'électricité, outre les mensualités du premier plan du 26 mars 2016 d'un montant de 768,03 euros.

Durant cette période, M. [U] justifie également avoir versé la somme de 719,81 euros à la société [24] en décembre 2018, janvier 2019, février 2019 et en mars 2019. Aucun détournement n'est donc établi durant cette période.

À compter du 1er avril 2019, les relevés du Livret A montrent des prélèvements à hauteur de 500 euros en avril, 250 euros en mai, 1 300 euros en juin et 120 euros en juillet 2019, soit une somme totale de 2 170 euros. Néanmoins, par la suite, entre août et décembre 2019, les relevés du Livret A montrent que le compte a été recrédité d'une somme totale de 1 780,81 euros, portant le solde à 1 850,37 euros au 10 janvier 2020.

Le 26 juin 2019, il justifie s'être rendu à Abidjan pour assister aux obsèques d'un proche.

M. [U] ne conteste pas avoir, en mars 2019, prêté une somme de 1 000 euros pour régler les frais médicaux d'un ami qui lui a remboursé la somme par virement du 22 novembre 2019.

Enfin, les relevés de compte produits établissent que lors du dépôt du dossier le 15 février 2019, le solde du Livret A n'était pas de 6 000 euros, comme déclaré par erreur mais de 4 528,97 euros. Cette erreur, dont rien n'établit qu'elle aurait été faite sciemment, ne saurait cependant être assimilée à un détournement de fonds.

La production de l'ensemble de ses relevés de compte de janvier 2019 à mars 2021, ne caractérise aucun détournement, aucune dissimulation ni aucune aggravation de son endettement, en dépit de ses faibles revenus versés par pôle emploi.

Au final, M. [U], âgé de 63 ans, démontre qu'entre le dépôt de son dossier de surendettement, mentionnant un passif de 78 245,30 euros et l'audience devant la cour d'appel, le montant de ses dettes a diminué et s'établit désormais à la somme de 61 809,17 euros, en ayant soldé les dettes envers les [27] et de [Localité 14], la société [20] et la société [23]. Il justifie par ailleurs avoir mis en place des échéanciers avec les sociétés [26] mandatée par la société [17] et par la société [22].

Ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, M. [U] n'a commis aucun détournement de fonds et a fait preuve de sa bonne foi en réglant ses charges courantes et en poursuivant, malgré ses faibles revenus et la longueur de la procédure judiciaire, les remboursements envers ses créanciers.

Partant, le jugement est infirmé en toutes ses dispositions et il convient de renvoyer le dossier devant la commission afin qu'elle fixe la capacité de remboursement du débiteur et qu'elle établisse un plan d'apurement des dettes au regard des versements d'ores et déjà effectués.

LA COUR,

Statuant publiquement , par arrêt réputé contradictoire en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du 10 février 2021 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a déclaré le recours de M. [R] [U] recevable ;

Statuant de nouveau,

Dit que M. [R] [U] est de bonne foi et recevable à bénéficier de la procédure de surendettement ;

Renvoie le dossier à la commission de surendettement de Seine-et-Marne ;

Dit que le présent arrêt sera notifié par lettre simple à la commission de surendettement et par lettre recommandée avec avis de réception aux parties.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 4 - chambre 9 - b
Numéro d'arrêt : 21/00041
Date de la décision : 05/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-05;21.00041 ?
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