La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/01/2023 | FRANCE | N°19/07832

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 3, 04 janvier 2023, 19/07832


Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3



ARRET DU 04 JANVIER 2023



(n° /2023, 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07832 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKLK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AUXERRE - RG n° F 18/00082





APPELANTE



SAS KIETY HOME SENS

[Adresse 1]

[Localit

é 3]

Représentée par Me Georgy ARAYO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0378



INTIMEE



Madame [F] [W] épouse [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique...

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 3

ARRET DU 04 JANVIER 2023

(n° /2023, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07832 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAKLK

Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Juin 2019 -Conseil de Prud'hommes - Formation de départage d'AUXERRE - RG n° F 18/00082

APPELANTE

SAS KIETY HOME SENS

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Georgy ARAYO, avocat au barreau de PARIS, toque : G0378

INTIMEE

Madame [F] [W] épouse [M]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédérique ROUSSEL STHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D1414 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2019/044526 du 11/10/2019 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'étant pas opposés à la composition non collégiale de la formation, devant Madame Anne MENARD, Présidente, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Anne MENARD, présidente

Madame Fabienne ROUGE, présidente

Madame Véronique MARMORAT, présidente

Lors des débats : Madame Sarah SEBBAK, Greffière stagiaire en préaffectation sur poste

ARRÊT :

- contradictoire

- mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Madame Anne MENARD, présidente et par Madame Sarah SEBBAK, greffière stagiaire en préaffectation sur poste à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Exposé du litige

Madame [M] a été engagée par la société Kiety Home le 1er juillet 2010 en qualité d'employée de maison, afin d'effectuer différentes tâches ménagère chez les clients de la société.

Elle a été en arrêt de travail entre le 27 juin 2017 et le 15 novembre 2017.

Elle a été licenciée le 7 novembre 2017 aux motifs suivants :

« Vous êtes entrée au service de la société KIETY HOME suivant contrat à durée indéterminée en date du 1er juillet 2010, et ce, en qualité d'employée de maison.

Comme vous le savez, dans le cadre de votre activité, vous intervenez chez une catégorie de personnes sensibles, âgées, voire malades, et qui requièrent d'abord et avant tout une stabilité en ce qui concerne leurs intervenants.

Or, vous êtes absente de notre établissement depuis le 27 juin 2017.

De plus, vos arrêts de travail sont renouvelés au dernier moment, ce qui complique la gestion de vos absences.

Cependant, dans la mesure où nous n'avons aucune visibilité sur votre retour effectif et compte tenu des exigences de plus en plus accrues de notre clientèle et des griefs qui nous sont formulés sur l'absence de stabilité de nos collaborateurs, nous avons dû réagir afin d'éviter de désorganiser davantage nos services.

De ce fait et constatant de plus en plus certaines ruptures de relations contractuelles de la part de nos clients, nous avons été contraints d'embaucher définitivement une salariée en qualité d'assistante ménagère pour vous remplacer définitivement.

En effet, ce que nous avons pu préserver pendant quelques mois n'était manifestement plus possible pour la bonne organisation de l'entreprise.

C'est la raison pour laquelle nous nous voyons contraints de vous notifier par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse. La cause réelle et sérieuse repose dans le cas présent sur la désorganisation manifeste de notre service due aux conséquences de vos absences et à la nécessité de pourvoir à votre remplacement définitif, ce qui est intervenu le 17 octobre 2017'»

Madame [M] a saisi le conseil de prud'hommes d'Auxerre le 2 mai 2018, lequel, par jugement rendu en formation de départage le 18 juin 2019, a :

- dit que le licenciement est sans cause réelle et sérieuse

- condamné la société Kiety Home à payer à madame [M] les sommes suivantes:

5.802 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

1.653,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis

967 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier

La société Kiety Home a interjeté appel de cette décision le 9 juillet 2019.

Par conclusions récapitulatives du 9 octobre 2019, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, elle demande à la cour d'infirmer le jugement, et de condamner madame [M] au paiement d'une somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions récapitulatives du 7 janvier 2020, auxquelles il convient de se reporter en ce qui concerne ses moyens, madame [M] demande à la cour de :

- constater la nullité du licenciement prononcé pour un motif discriminatoire en raison de la maladie du salarié

- subsidiairement, confirmer le jugement en ce qu'il a considéré le licenciement comme dépourvu de cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné la société Kiety Home à lui payer une indemnité de préavis à hauteur de 1.653,26 euros.

- Infirmer le surplus des demandes, et condamner la société Kiety Home à lui payer les sommes suivantes :

165,32 euros au titre des congés payés sur préavis

14.505 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

2.000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier

2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

La Cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

MOTIFS

- Sur la demande de nullité du licenciement

Si l'article L. 1132-1 du code du travail ne s'oppose pas au licenciement motivé, non par l'état de santé du salarié, mais par la situation objective de l'entreprise dont le fonctionnement est perturbé par l' absence prolongée ou les absences répétées du salarié, celui-ci ne peut toutefois être licencié que si ces perturbations entraînent la nécessité pour l'employeur de procéder à son remplacement définitif par l'engagement d'un autre salarié.

En l'espèce, madame [M] a été absente de la fin du mois de juin au mois de novembre 2017.

Il est constant qu'elle occupait auprès des clients de son employeur des fonctions d'employée de maison, notamment ménage, repassage et travaux de jardinage. Il s'agit de tâche qui ne nécessitent pas une formation ou une adaptation au poste importantes, et pour lesquelles il peut être recouru sans difficultés excessives au travail temporaire ou aux contrats de travail à durée déterminée. Par ailleurs, la société comptant environ 50 salariés dont beaucoup avaient des qualifications similaires, il était possible d'organiser les planning pour permettre au moins en partie le remplacement en interne de madame [M], ce qui a d'ailleurs été fait.

Pour justifier du mécontentement des clients en raison de la réorganisation mise en place, l'employeur se contente de produire l'attestation d'une chargée de clientèle, qui relate que les clients manifestait leur souhait de ne pas avoir à subir un turn over important. Pour autant, il n'est produit aucune plainte de client, et il n'apparaît pas qu'aucun d'entre eux ait renoncé à faire appel aux services de la société Kiety Home.

En outre, l'employeur confirme que lors de l'entretien préalable, madame [M] lui a indiqué qu'elle serait en mesure de reprendre le travail dès le 15 novembre 2017.

Au regard de ces éléments, il n'apparaît pas que les perturbations causées à l'entreprise par l'absence durant quatre mois de madame [M] aient été suffisamment sérieuses pour justifier le licenciement de la salariée.

Par application de l'article L.1132-1 du code du travail, aucun salarié ne peut être licencié en raison de son état de santé ou de son handicap.

Dans la mesure où d'une part il apparaît que l'employeur pouvait s'organiser pour palier l'absence de madame [M], qui ne durait que depuis quelques mois, et où d'autre part la société Kiety Home a maintenu sa décision de prononcer le licenciement, alors même que lors de l'entretien préalable la salariée avait indiqué qu'il n'était pas prévu que son arrêt de travail soit prolongé, il apparaît qu'en réalité, c'est en raison de son état de santé que madame [M] a été licenciée.

Cette discrimination entraine la nullité du licenciement. Par application des dispositions de l'article L1235-3-1 du code du travail, madame [M] est donc fondée à obtenir une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.

Compte tenu de son âge, de son ancienneté, de son état de santé rendant son reclassement plus difficile, il lui sera alloué une indemnité de 10.000 euros pour licenciement nul.

- Sur la demande au titre du préavis

Le préavis de madame [M] ne lui a pas été payé, au motif qu'à la date du licenciement, elle était toujours en arrêt de travail, et que l'employeur a considéré qu'elle n'était donc pas en mesure de l'effectuer.

Toutefois, l'arrêt de travail de madame [M] a pris fin le 15 novembre 2017, ce dont elle avait avisé la société Kiety Home.

Madame [M] a fait savoir à son employeur par courrier recommandé qu'elle souhaitait effectuer son préavis à compter du 16 novembre 2017, et la société Kiety Home s'est contentée de lui répondre qu'il n'a jamais été question qu'elle puisse effectuer son préavis dans la mesure où elle a été remplacée définitivement à son poste, et qu'il ne lui serait pas réglé car à la date de son licenciement elle était encore en arrêt de travail.

Madame [M], qui était en mesure de reprendre son poste le 16 novembre 2017 peut prétendre à une indemnisation pour la partie du préavis qu'elle était en mesure d'effectuer, le jugement sera donc confirmé de ce chef.

Il sera ajouté à la condamnation relative à l'indemnité de préavis les congés payés afférents, qui avaient été omis.

La remise d'un certificat de travail rectifié sera ordonnée, sans que le prononcé d'une astreinte apparaisse nécessaire.

- Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral et financier

Il n'est pas justifié d'un préjudice distinct de celui indemnisé au titre de la nullité du licenciement, de sorte que le jugement sera infirmé en ce qu'il a fait droit à ce chef de demande.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues par l'article 450 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement, sauf en ce qu'il a alloué à madame [M] une somme de 1.653,26 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis.

Statuant à nouveau pour le surplus,

PRONONCE la nullité du licenciement.

CONDAMNE la société Kiety Home à payer à madame [M] les sommes suivantes :

10.000 euros à titre d'indemnité pour licenciement nul

165,32 euros à titre de congés payés sur préavis

ORDONNE la remise d'un certificat de travail rectifié en fonction du présent arrêt.

VU l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société Kiety Home à payer à madame [M] en cause d'appel la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes.

CONDAMNE la société Kiety Home aux dépens de première instance et d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 19/07832
Date de la décision : 04/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-04;19.07832 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award